On a pris la voiture pour rejoindre Isfara, la ville poste- frontière au Tadjikistan, depuis Batkent, son homologue de l’autre côté, au Kirghizistan, d’où l'on venait. Petites difficultés à la frontière car notre demande de visa n’avait pas été validée, mais ça s’est fini sans encombre par un joyeux « welcome in Tadjikistan ! » .
On traverse Isfara, ancienne petite bourgade industrielle investit par les russes mais qui a maintenu le charme de ses rues en terre et de ses murs très bas de maisons en torchis. Les routes entre les villages sont étroites, on est entre des champs et des vergers. Puis, tout de suite après les plaines, des paysages typiques du Tadjikistan se découvrent : on passe entre des collines assez basses et étalées de couleurs ocres, jaunes, rouges ; le tout dans un paysage aride et sec. Il y a quand même des troupeaux de moutons qui enjambent ces routes ultra rapides et des automobilistes respectueux, patients qui s’arrêtent plusieurs minutes, l'air rêveurs et nostalgiques en les regardant passer.
On rejoint facilement Khodjent, grande ville très ancienne ( conquête d’Alexandre Le Grand,) et on aperçoit enfin les premiers visages des tadjks qui nous frappent par leur allure si différente des voisins kirghiz. Si ces derniers avaient des silhouettes de paysans bourrus des montagnes, rougis par le froid, l’œil torve et le sourire dédaigneux, ici on a l’impression d’être arrivés au pays du raffinement . Les hommes sont grands et élancés ,les traits fins, les yeux noirs ou verts et la peau marron clair . On se sent arrivés au seuil de la civilisation arabe et perse. Les femmes aussi sont très belles, aucune n’est voilée et au contraire elles s’habillent a l’européenne.
On reste plusieurs jours ; ébahis aussi de retrouver des cafés, des restaurants a l’occidental, des allées piétonnes, des musées ouverts où de jeunes guides parlent anglais et nous expliquent fièrement la vie d’Alexandre Le Grand. Du coup, c’est aussi une partie de l’Empire grec qu'on côtoie a Khodjent avec la découverte totale de l’Empire achéménide qui vient d’Iran. ( La totale quoi !).
Comme j’avais oublié de réserver un logement, on a eu un peu de mal a en trouver un ( pas encore de carte sim > pas d’Internet etc.) Mais au final on a réussi tant bien que mal et on à loge 4 jours dans l’appartement d’un particulier.
On a ensuite pris la route pour le lac Iskanderkul en faisant étape dans un «hôtel ». Encore une fois les toilettes se résument à un trou entre 2 planches à côté de l’étable et la question de savoir s’il existe une salle de bain ne se pose pas, tant ça met tout le monde mal à l'aise. La famille qui occupe ce lieu est ravie de nous accueillir et nous reçoit avec tout l honneur mis dans l’unique mot anglais qu’ils connaissent « guest ». J’exagère un peu, ils connaissent aussi quelques autres mots.. Yves utilise son Google traduction qui, selon lui, est une révolution pour le voyageur moderne, quand moi, je préfère continuer a mimer.Les jours qui ont suivi cette étape ont été plus difficiles que prévus en raison de la pluie qui n’a cessé de tomber. Une pluie fine et continue qui faisait dévaler les rochers des montagnes jusque sur les routes, et qui a créée par endroit une boue infranchissable, que mêmes les camions s’y laissaient enlisés. Nous sommes ainsi restés bloqués comme d’autres conducteurs, a attendre que quelqu’un parvienne a désengluer une voiture, tout en guettant les parois de la montagne dès fois qu’une pierre se mette a rouler. Puis on a repris la route, avec quand même un peu de tension, réalisant après coup la dangerosité de la situation que nous venions de vivre.
Mais, dans le premier boui boui où l’on s’arrête, comme déjà on l’avait vu, la musique est a fond, des enceintes énormes aux baffles deguelantes résonnent sur la terrasse du resto, et l homme qui gère le lieu, trempé sous la pluie, allume les spots lumineux.
Pour aller jusqu’au lac, on doit prendre un chemin de terre. Les paysages, bien que sous la brume, sont magnifiques : des vallées bordées par une rivière, des sommets en neige…mais on doit s’arrêter car une camionnette est enlisée. Les chauffeurs ont l’air de trouver ça habituel, ils ne s’en inquiètent pas et s’installent pour attendre le tracteur qui passera demain. Puis Yves, qui tâchait de donner un coup de main sous l’œil débonnaires des deux tadjiks, finit par revenir avec deux hollandais qui étaient dans la camionnette, et qu’on conduira dans le même boui boui hôtel que nous.
Là bas, on tombe sur deux jeunes gars anglais qui sont venus de Londres a vélo et qui continuent jusqu’en Inde. On se dit pas grand-chose mais on est content d’être ensemble et ca suffit. La guest bouse est composée d’une multitude d’enfants, de femmes qui débarquent avec encore d’autres enfants, d’une vieille, d’un vieux allongé et d’un homme se voulant un peu médiateur entre nous les touristes et cette grande famille, qui boira de la vodka toute la soirée. Je ne comprends pas bien comment ça fonctionne ici, a tel point de nouveaux visages apparaissent continuellement.
Le lendemain il fait un soleil exorbitant et toute les montagnes sont là, nues et découvertes devant nous ! Elles ont toutes les couleurs et les lignes possibles si bien qu’on se croirait dans un tableau de Kandinsky. Solal joue a se suspendre à une corde avec un petit, entre l’étable et le puit, Yves nettoie la voiture à coup de jets d’eaux infernaux, la hollandaise devenue transparente, reprend un médicament, quand je vois les deux anglais si vivants et si libres sous ce soleil, enfourchés leurs vélos le regard heureux et l’air déjà loin. J'ai l’impression que ça fait des heures qu’on est là et j’ai très envie de n’attendre personne et de commencer le trajet a pied, mais pas facile d’assumer des choix égoïstes quand on doit se répartir les tâches , déjà que Yves lavait la voiture.
On recroisera les deux anglais aux cheveux longs et dorés a Dushambe , à un croisement de routes, comme deux papillons au printemps, avec leur tee shirt tout découpés.Nous, on reprend la route du lac, sublime sublime. Solal, fasciné par les chiens de berger veut s’arrêter les regarder, alors on observe le berger qui dévale la montagne pour ramener une chèvre tandis que ses vieux chiens sont allongés parmi le reste du troupeau, comme feignant de n’avoir pas entendu la chevrette coincée.
Au lac on tombe malheureusement dans un camping aménagé pour touristes, mais le lieu est splendide, des milliers d’animaux sauvages rôdent dans les montagnes autour de nous, il fait très froid, le camping est désert on se sent un peu isolés. Dans le resto où il n’y a presque que nous, la musique de la télé est à fond. Le temps du midi, avec les maçons qui retapent des baraques du camping, on regarde le mtv nord coreens et après le mtv russe, avec Yves on se dit que la vulgarité est la même partout . En tournant la tête il y a le lac et les montagnes géantes juste a coté de nous . On voit le panneau qui indique les ours, les léopards de neiges et toutes les autres bêtes. Je repense au berger et à ses moutons et regrette de ne pas pouvoir ( comble du paradoxe ,faute de temps !) aller sur les traces du Léopard des neiges !
A la sortie du lac, assis sur un rocher en face du panneau des animaux, on a pris en stop Martuzo, qu’on retrouvera a Dushambe où on est depuis 3 jours.