Carnet de voyage

Souffle d'Orient

29 étapes
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 avec 
Y
Yves priem
On embarque le 4/12 du port de la Joliette jusqu'à Alger. Puis le 3 janvier, départ pour l'Inde. Début mars, on s'envolera dans les montagnes d'Asie Centrale. Yves, Solal et Juliette
Du 4 décembre 2018 au 15 juin 2019
193 jours
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On est à une semaine de l'embarquement pour Alger. Derniers préparatifs, des détails, des bougies, des idioties, les choses toujours vues et sous la main que je fourre n'importe où. Mieux vaut peut être les oublier maintenant ; en voyage ça sera un autre espace, un autre agencement. Mais la transition vers ce Grand Nouveau se fera, pour Solal et pour moi, de par ces objets que je tenterai de garder immobilisés dans le quotidien, qui constituent les repères de notre vie matérielle aujourd'hui, malheureusement. Alors, on emporte des objets pratiques pour reconstituer notre chez nous, de l'encens qu'on brûle à la maison et qui sera le même la bas, des petites affaires, des goûts qu'on connait, mon vêtement rouge pyjama de tous les jours, les comptines, ritournelles ordinaires.... histoire de maintenir un semblant d'habitudes qui peu à peu exposeront dans l'Inde terrible qui chamboule tout !



Voici un exemple de mosaïque de photos sur MyAtlas ! (cliquez dessus pour la modifier ou la supprimer)
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Finalement plus aucune chose, plus aucune habitude, les sacs étaient trop lourds ! 2 pantalons, une robe, (qd même 2 paires de chaussures et encore on verra si demain elles rentrent tjs dans le sac...). Solal a lui le luxe de plusieurs livres ; moi 3, Yves je ne sais pas. ) On n'a pas oublié les cartes, les guides découpés, quelques objets utiles et fonctionnels ( pâte à modeler, fils de jute, playmobiles...).

Demain la mer, après demain la terre, ensuite les collines mystérieuses de Kabylie... Après, Bengalore la Dégénérée , les indiens, les dieux et Hampi au milieu de rien. Puis après c'est bien trop loin pour imaginer vraiment .

Départ

Nuit très courte. On prend le bateau a 100 m de chez nous , trajet habituel dans le quartier et pourtant c est la première fois qu'on passe cette porte et qu'on se retrouve de l'autre côté des grilles blanches qui nous cachaient la mer jusqu' alors et se découvre enfin libre devant l horizon. L'attente et le passage de la douane avant d'embarquer se font dans un grand calme silencieux et serein. Personne n est en retard, aucun événement ne survient. Une fois a bord c'est un peu le chahut car chacun cherche sa place mais une fois installé tout le monde se met a l aise le plus naturellement du monde : cigarette , chicha , café ... Quelques uns pique nique marmite ouverte et on discute pendant des heures devant la TV. Il y a bcp d'hommes a bord et qq familles , tout le monde se mélange avec sympathie ; on est bien dans le même bateau. La mer est calme il fait chaud grand soleil. C'est la première fois que je dors sur un bateau et suis surprise d entendre le bruit des vagues . On fume sur le pont, fatigués, mais le spectacle est si doux qu'on reste encore sans parler.

Pendant la nuit notre bateau a sauvé un navire , j'ai d'abord cru que quelqu'un s'était noyé tant J entendais des voix qui hurlaient et des sifflements. C'est le commandant qui nous l annonça le lendemain via les hauts parleurs situés partout criant un accent marseillo-corse qui contrastait avec le calme des passagers. Les autres membres de l'équipage sont aussi corses, ils ont l air tranquilles . Certains sentent le pastis , ils sont aimables, ils blaguent entre eux , on entend un peu trop fort les ragots sur la compagnie et les collègues mais ça me fait plaisir de quitter ces bons vieux gaulois marseillais corses que j'aime tant pour rencontrer nos voisins algériens que je sais eux aussi divers : kabyle , chaoui, berbère , arabes .. la traversée est vraiment douce.

Vue d Alger depuis le bateau
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Alors Alger, c'est d'abord la douceur des gens, les regards, les sourires ,profondément reconnaissants et timides qui contrastent avec le brouhaha de cette capitale pleine de voitures . Quelque chose de farouche et de soumis dans l'attention des personnes avec qui nous parlons. La politesse que les algérois nous témoignent est digne de celle d une jeune bourgeoise parisienne rangee. Tout le monde nous souhaite sincèrement la bienvenue ; les marques d hospitalité sont franches, directes comme s'il ne pouvait ou ne devait en etre autrement. L'islam , les années noires , la guerre d'indépendance ont marqué l'esprit des aînés. Il y a de la crainte , de l appréhension. Pourtant, dans la rue nous sommes comme chez nous : aucune curiosité, aucun regard en coin .... On nous laisse tranquille. Parce qu'après tout c'est le même Joe Dassin qui est écouté dans les commerces, les mêmes blagues, la même actualité . Les gilets jaunes , macron...le suspence est maigre. Les taxis parlent un français de banlieue , les jeunes taggeurs revendiquent 2 PAC, la plupart sont déjà venus plusieurs fois en France ou ont de la famille qui y travaille. On est cousin on est voisin, ils nous connaissent déjà ....mais nous non.

Alger est comme un mauvais décor de theatre, qui crée quelque-chose d étrange par rapport à ces habitants bizarrement familiers. Les immeubles haussmanniens sont ostensiblement prétentieux, l'alignement des balcons, les porches et avenues rappellent une France coloniale arrogante et sévère. Les noms des rues portent svt ceux de généraux français. On sent un passe souillé, comme celui d'une femme incapable d'oublier le visage de son violeur. Pourtant chacun y vit, y agrandit, y travaille...et les gens ont globalement lair heureux.

Toutefois Alger me surprend aussi de par sa ressemblance avec Marseille, une fois quittés les rues principales du centre ville. Puis ,très vite dans l'ambiance générale des boulevards c'est Paris qui apparaît : kiosques a journaux , cafés en zinc, brasserie, plat du jour écrit sur l'ardoise " saute dagneau aux champignons" . Des librairies avec ses intellectuels chemise écharpes bordeaux...

Je découvre une vie littéraire dynamique et beaucoup de lieux associatifs tenus par des jeunes artistes plasticiens. La soif de créer et de communiquer a l'air bien réel. On voit pas mal de jeunes gars habillés a l'occidental style hip hop underground.

Dans la casbah, changement d'ambiance par rapporta à l' Alger jeune citadine émancipée.le quartier est en complet délabrement et ceux qui y vivent sont très pauvres. Un jeune malien porte des piles de sacs il fait plusieurs allers retours , pour quelq'un qui ne le paye qu'à peine. Des femmes entièrement voilées et de vieilles chabanis à peine plus riches paraissent lasses, usées. Une me raconte qu'elle était présente quand l'état français a lancé sa bombe sur la dar qui cachait Ali La pointe et ses amis , elle me raconte... Je ne comprends pas tout , je comprendrai plus tard... Dans un café tenus par de jeunes barbus a côté d'une mosquée le comptoir est magnifique, en zinc, de larges miroirs lui font face encadrés par de la menuiserie travaillée a la française, on fume dans des coins et la TV diffuse le journal national algerien. Je me fais une roulée, un peu en douce, je suis la seule femme et Yves et Solal sont sortis. D'un seul coup me voilà comme dans un film de la nouvelle vague : le cendrier est en plastique orange , les assiettes en bleues ou jaunes...!les chaises et tables datent des années 60 comme sur les trottoirs des brasseries parisiennes. Je m'attends a trouver un jouk box.. tout d'un coup un vieil homme très élégant rentre dans le café , s'avance vers moi et, avec bcp de classe, me demande s'il peut sassoir. Je suis un peu prise de dépourvu devant tant de manières alors que je lèche encore la feuille de ma cigarette...il s'assoit bien droit, me regarde attentivement et commence par me dire son âge. Avant il était maquisard me dit il avec fierté , il fait le geste des mitraillettes. Puis il me parle de la guerre , de la violence, des morts, sans rentrer dans les details. Il a un accent qui trouble ma comprehension totale et son engouement est tel que je n'ose pas l'interrompre pour le questionner sur ses activités révolutionnaires : fln ou guerre de 40? Nous parlons ensuite de ses enfants et de sa femme de 45 ans qui lui convient tout à fait. ( Lui en a 75!) . Enfin, il s'arrête, me regarde a nouveau et, comme content de lui, me dit qu'il me trouve très mignonne, très a son goût, je rougis bêtement car qd même il en impose ce vieux du maquis, puis dit que je mériterai 3 kg de plus. Le coquin mate maintenant ma poitrine, mes jambes . Yves apparaît sur le pas de la porte et, avec toute la politesse possible que ma appris ma mère , je me lève et paye et sors sous les yeux du jeune et beau serveur qui travaille pour le chef barbu... J'ai l'impression d'être a la cours de louis14 avec toutes ces manières, cette retenue , ces codes qu'il faut assimiler, entre politesse française extrême et islam je me sens un peu gauche.

Les regards c'est compliqué. parfois une seconde de noyade dans les yeux de quelq'un car ...quoi ? On dirait qu'on se connait, qu'on se ressemble un peu , qu'on s'intrigue...puis ce qui n'a pas de parole senvole.

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Petite virée en village kabyle chez Gaya, jeune homme passionné de cinéma qui travaille chez Cevital, l usine agro alimentaire de Béjaia. Il s est intéressé aux automatismes, domaine où il voit des rapprochements avec le cinéma dans " l'esprit de finesse" que ces deux secteurs exigent. Maintenant il s occupe du methodisme de l usine. Le village où il vit avec son frère et ses parents abrite une ancienne mine de fer et, comme sur le modèle français , les ouvriers qui y travaillaient étaient loges avec leurs familles. Un cinéma en contrebas diffusaient des films . Après l indépendance , le président dictateur Boumedienne voulut fonder une société basée sur le socialisme et la révolution communiste. Bcp de bâtiments et de maisons en bord de routes témoignent de cet héritage ... Gaya nous fait part de l état actuel de l'industrie cinématographique ( 4 cinémathèques dans toute l algerie) . Il nous parle des choix en matière de politique culturelle et de la montée de l'islamisme. .. on constate que l algerie est composée de pleins de peuples amazigh et que ces derniers surtout dans les campagnes prennent des distances vis à vis de l islam.. de fait en kabylie les femmes ne sont pas voilées . Pourtant l'état algérien semble se rapprocher de courants politiques liés à l'extrémisme religieux et la population reste gouvernée par ses dogmes restrictifs. Gaya m'en dit davantage sur le nom de famille du père de ma mère , il m'indique un village où les consonances sont similaires, situé à 1h de chez lui ; et les gens qui y vivaient ayant effectivement migres vers Oran. L'occasion d'un prochain voyage en kabylie sur les traces de ce grd père oranais.

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On est sur le départ . Les sacs sont faits , ne reste plus qu'à attendre. Continuer d'attendre, c'est ce que je fais depuis plusieurs jours. Attendre Yves , la voiture , la fin de la sieste. Je me demande ce que je fais ici avec en plus ce sentiment continu de quelque chose qui n'a pas commencé. Car des après midi se passent dans cet appartement de la vieille ville. Quand solal est avec moi on joue et on regarde des dessins animés. L appartement est bruyant. Il donne sur la rue principale , devant un café. Si les rideaux sont ouverts on nous voit depuis la rue . Difficile de fumer au balcon. On est à côté de la mosquée soufi et les chants du muezzin de 18h sont d'une beauté merveilleuse. On s'arrête pour écouter.. Celui de 3h n'a pas l'air d'aimer chanter, celui du matin est très froid. Ici les gens sont kabyles. Comme à Alger , aucune défiance , seulement de la douceur . Qulques visites , rencontres , des livres rares trouves par hasar mais voilà ça devient trop long ici , je me sens grossir . Cette apres midi ou demain inchallah on part et c'est ça qui fait du bien , rester jusqu'à saturation et puis prendre la route pour ailleurs .

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Pour moi , le voyage a vraiment commence ici , à Djemila. On est arrivé en voiture à la tombée de la nuit , quand la pleine lune brillait rouge comme une orange entre les montagnes et les plaines kaki.

Après avoir longuement longé la mer et ses restaurants crêpes gaufres " au palmier" , parcouru les minces collines de kabylie et traverses ces bleds de bords de route aux immeubles a moitié construits où errent des chiens , des enfants et de vieux bergers fatigués, on a enfin fini par arrêter le moteur à Djemila, au pied d'un banal hôtel en béton .

Dans la rue on ne croise que des hommes ; jeunes , vieux ou bambins qui évitent mon regard.

Ca sent le mouton grillé sur les trottoirs tandis que résonne l'appel à la prière du soir. Chacun se rend a la mosquee d'un pas d'homme obligé. Nous, nous allons faire un tour. J'attends Yves qui attend Solal prostré devant l entrée de la mejid.

Dans le boui boui où nous mangeons, on se sent enfin des étrangers. Personne ne parle bien français et ne fait attention à nous . Des jeunes s'agitent autour de notre table , essuient , débarrassent, reviennent, repartent et nous restons témoins de cette agitation sans en faire part. Personne ne parle ni ne dit rien.

Le lendemain, la cité antique s'ouvre devant nous comme une vaste plaine fertile. Notre guide ne parle qu arabe et on ne comprend presque rien à ses explications sur le mode de vie romain. Ds jeunes jouent au foot entre les allées romaines, certains font la sieste ou fument en discutant, des familles déploient nappes et pique nique. Djemila à retrouvé les pierres de l ancienne ville antique et chacun y vit sa vie , simplement.

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Constantine a des allures de merveilleux . On pourrait croire une vieille femme, une ancienne voyageuse, portant un collier de perles noires et dorées et errant en souveraine dans ce nid d’aigle. Est elle princesse ou mendiante on ne sait pas…. Toute son ossature ressemble a la cité terrible d’un conte pour enfants, bâtie sur un rocher très haut bordé de grottes et de falaises. A ses chevilles il ya un torrent qu’on croirait affamé tant l’écume est blanche et vigoureuse, avec ses rives rouges orangés. Le courant est fougueux ; insatiable, les ponts qui le surplombent sont les proies dont il se régalera un jour. Ses petites rues , comme ses mains et ses longs doigts,ont l'air perfides . Les quartiers de Constantine sont un enchevêtrement de dédales , d’angles , l’art des rues comme des fils , comme le fer ou le métal sculpté que l'ont aperçoit dans les vitrines des boutiquiers. Constantine est cette vieille femme juive et turc qui traine sa robe de velours dans la casbah et aux terrasses des beaux cafés.

On a logé a l’Hotel du nord , le plus vieil hôtel de Constantine, rudimentaire, de style français. A côté du quartier juif et des souks. Le soir on entendait les voitures et les corbeaux. Du balcon on voit des jeunes chiens errants, des gardiens de voitures et des barbecues qui grillent. On a fêté Noël ici, le père Noël est venu et on devait être les seuls à siffloter insouciants des berceuses jusque très tard dans la nuit.

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Jour du départ . On est triste de quitter l'Algérie , sentiment de trop peu avec nos cousins algériens si chaleureux , le coeur toujours ouvert . Bcp de personnes nous ont témoigné leurs sentiments face à ce pays aux contrastes forts entre le passé français et aujourd'hui le regain dislamisme... Quelques uns regrettent les anciens cinemas , les theatres quil y avaient pdt la présence francaise. Des personnes au regard tristes , regrettant la France , déçu de ce qu'alger est devenue. On nous dit que la jeunesse est en conflit identitaire : modèle occidental ou traditionnel ? Voile ou maquillage , les 2 se conjuguent et crée aujourdhui quelque chose de nouveau . Mais on n'est pas dupe des horreurs des français : 150 personnes fusillés à Alger en guise de représailles à la mort de 2 parachutistes français , massacre de setif, bombardements de la casbah etc etc . Avec Yves on emporte en Inde bcp de livres sur cette Algérie nouvelle afin de mieux comprendre ce qui nous lie à elle.

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Ça y est, nous voilà chez les Indiens ! Trajet en avion assez éprouvant, escale a Dubaï carrément perturbante tant l'aéroport ressemble a un centre commercial méga friqué blindé d'écrans publicitaires . Le brassage international nous plonge dans cet entre monde bizarre qui est propre aux aéroports ( touristes américains visitants Dubaï et ses hôtels de luxe, babas cool, hommes d'affaires, groupe de musulmans partant pour le Hadj, femmes en burqa,femmes berbères transportant des cartons sur la tête en file indienne, équipe de sport, africains en boubous qui se racontent des blagues.....) le point commun c'est qu'on a tous assez d'argent pour prendre lavion.

Avant d'embarquer d Alger , on échange brièvement avec une famille où des enfants nous regardent intrigués. Il y avait 1 homme, 2 femmes , 4 enfants. Ils ne parlent pas français. Yves echange qq mots avec le monsieur et entre les femmes et moi on n arrive pas a arrêter de se regarder. Elles , elles voient tout de moi mais ,a l'inverse je ne vois que leurs yeux et leurs vêtements. J'essaie de deviner leur âge , elles paraissent jeunes. Une a des très beaux yeux gris verts et l'autre noir marrons comme du café. En bas du front je devine un tatouage épais qui descend jusqu'à a la base du nez. Elles ont une longue burqa rose pâle et l'autre noire. Elles transportent en bagage a main tout le matos moderne pour s'occuper d'enfants. Elles ont chacune le leur. Je me dis qu'elles sont sœurs puis Yves , particulièrement perspicace, me glace le cœur en disant que ce sont les 2 femmes du même homme et qu'il a pris la jeune récemment ( elle a un bébé dans les bras enveloppé dans ds couvertures berbères) car l'autre devenait vieille. Il me dit : " mais si c'est obligé elle a mis un coup de pied au petit qui n'avançait plus qui n'était pas son fils mais celui de la plus vieille, car c'était pas son fils " et Yves était allé relever le petit. Je ne cesse de penser a la condition de ces pauvres jeunes femmes d a peine 20 ans condamnées a cette vie... a Alger on nous avait dit que la polygamie était encore très fréquente parmi les hommes qui ont les moyens financiers de se le permettre. J'ai aussi lu des choses terribles sur les possibilités qu'ont les femmes algériennes de divorcer( accord du mari + compensation financière que doit donner la femme ou preuves avec témoins que le mari n'est pas un bon mari + compensation financière !!)

Par la suite on les recroise a la sortie de l'avion . On "rigole "car cette fois c'est Solal qui ne veut plus avancer et qui boude. Je suis seule on ne se dit rien de précis seulement des gestes et des sourires. Puis on se revoit devant les toilettes , elles ont l'air heureuses du hasar de se recroiser encore et je leur esquisse un petit salamaleikoum maladroit car avant de les voir javancai d'un pas super décidé sur le tapis roulant chantant a tue tête "il était un petit navire " avec un jean et ce tee shit moulant trop serré. Mais ça avait l'air de les faire rire. Puis je leur montre la poussette qu'on a enfin fini par trouver, elles ont l'air intéressées, et on les retrouvera ensuite avec les memes *3.

Arrivés enfin a Bangalore, le service d'immigration nous cherche des noises car nous n'avons pas de billet retour. Un gars nous " aide" donc a acheter le billet pour tashkent. Puis empreinte digitale, photo ...on est déjà face a l' administration incroyablement sévère de ce pays et au pouvoir délirant que s'accordent leurs fonctionnaires. On est loin de l'hospitalité algérienne. Après toute cette attente pleine de suspence (Yves découvre qu'il a un visa du Bangladesh et ça leur plaît pas), on est les derniers , on est même les seuls étrangers dans l'aéroport mais les agents fonctionnaires ou autres corps de métiers sont eux très nombreux. Un groupe de femmes de ménage se lisse les cheveux dans les toilettes, des policiers attendent assis nonchalants sur leur tabouret. Ça boit des tchai un peu partout avec cet air de supériorité qu'aiment afficher les Indiens des castes les plus hautes en affichant sans complexe qu'ils ont le droit de ne rien faire .

Yves et Solal sortent avant moi de l'aéroport, Yves cherche une bedies. Puis on prend un taxi on traverse la banlieue les autoroutes surpeuplées et aussi des petites routes entre des villages ruraux avant d'arriver chez nous. Pour 5 jours. Petit studio équipé dans une guest house avec sa touristes internationaux( volontaires chrétiens en mission humanitaire , jeune française yogi, couple business de Dubaï) mais on est très bien , petit jardin etc. Solal arrose les plantes, décore un sapin ,attend encore le père Noël....

Première balade seule dans le quartier , heureuse de retrouver ce pays que j'aime tant où, comme avant ,j'ai l'impression que tout se mélange , que tout est sur un même plan sans séparation entre les choses et les êtres , les poulets , les épiciers, les voitures , la nature et les odeurs qui relient l'ensemble.



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Nuit sauvage dans le train , moins pittoresque que ce que nous avions imaginé. L'ambiance est différente de celle de mes derniers voyages dans ce pays. On est arrivé au petit matin a la gare , tchai et biberon, puis un ricksau nous a déposé à la gest house.

Traversée des villages de campagnes où devant les maisons chacun se lave les dents , les premières vaches avancent sagement vers les prés en longeant la route , des écoliers vont à l'école et les femmes commencent leur ménage quotidien . L'atmosphère est joyeuse dans cette douce lumière déjà remplie de soleil. Nous dépassons les fourgonnettes où des hommes et femmes partent lassement accomplir leur travail. Le sva dharma le devoir que chacun fait sans se plaindre , assumant son karma, sa caste.

Puis la cité antique se dévoile petit à petit ,à mesure que les temples apparaissent discrètement au bord des routes. Discrets comme tous ces indiens qui nous regardent sans quon s en aperçoive, dans nimporte quelle situation quelle soit. Nous sommes des personnages, des figures etrangeres jouant une scene dont ils seraient ls spectateurs. On s'arrête , on se retourne et un petit groupe était en train de détailler nos gestes et nos paroles , passivement, disponibles à tout événement susceptible d'arriver.

On atteint le lieu du dodo, du repos , notre maison pour 1 semaine, epuisés mais heureux et soulagés.

Solal est ravi de toutes ces vaches en liberté , des singes voleurs à nos pieds sur la terrasse, des poules un peu partout , de l'espace et du calme ( relatif) . Tout le monde le sollicite et veut le toucher. Comme il dit non ,les gens ont l'air déçus.

On a passé la journée dans un village à côté dhampi, cette fois ce sont les enfants qui voulaient le voir alors qu'il dormait en poussette. L'école entière nous suivait , attendant son réveil. Bcp de sourires, de curiosité , de tendresse envers nous du fait de Solal je pense. Des vieilles indiennes veillent sur lui pdt qu'il dort et que je fume.

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Bientôt 10 jours que nous vivons ici ,sur la terrasse qui surplombe la main road , entre le temple dédié à Shiva et , quelques centaines de mères plus loin ,un immense nandi, un taureau , animal fétiche du dieu . On est au coeur de l'action ! La vie religieuse ici est très intense , les hindous viennent passer du temps avec leurs divinités et aussi bien le jour que la nuit le grand temple voisin est habité. Aux heures du darshan les hauts parleurs résonnent de bhajans ,de chants religieux, qui arrivent jusque dans notre chambre. Cest tres beau ,surtout quand le soleil se couche et que la lumiere devient rose. Puis, sur la main road défilent les touk touk , les vaches et toute sorte d'animaux guidés par des bergers, ainsi que des petits commerçants ambulants .

Pendant 2 jours c'était la fête en l'honneur de l'anniversaire de Shankaracharia, le grand maître d'un courant majeur de l'hindouisme ,et la ville a redoublé de ferveur. A la rivière tout le monde allait se purifier , le corps , l'esprit mais aussi le linge sale. Chacun allait chier dans son coin , loin de l'eau puis s'en allait faire sa puja en laissant glisser une coupole de fleurs dans la rivière. C'est bien l'inde , mélange de délicatesse et de grande beauté joint à ce qui nous apparaît comme de la saleté .

Le reste de cette petite bourgade est faite pour le shopping des touristes mais il y a encore un mode de vie relativement traditionnel.

Solal est le centre de toutes les attentions , il se fait toucher , palper dans tous les sens et aucun indien qu'on ne croise ne nous demande pas une photo avec lui ! C'est fatigant et j'ai fini par refuser.

Son grand plaisir , et le mien , est d'accompagner l'éléphant à sa baignade quotidienne dans la rivière le matin . Il est sacré et les petits commerçants lui donnent à manger sur le trajet avant de descendre les ghats et de se baigner . Grd bonheur que de le voir se délasser dans l'eau , ensuite son maître le lave longuement , puis il ressort et retourne doucement au temple en remontant délicatement les marches.

Dans le temple des gens dorment , mangent , attendent .... on y va souvent . Solal aime bcp y jouer. Il déploie bcp d'énergie à grimper sur les barrières. Comme on y va souvent on lie plus de contacts avec certaines personnes. On rigole de voir Yves s'entêter chasser une vache qui lui réclame une banane.

Je me plaît bcp dans cette atmosphère , on peut facilement faire de belles balades et les hindous ne cessent de me fasciner . La vie ici est un tel mélange du vivant que c'est difficile de garder le même état d'esprit qu'en occident où sans cesse on définit les choses. Ici l'être , le non être , l'entre deux coexiste. Il vaut mieux arreter de chercher a sy retrouver , au risque de se barricader toujours plus.

Les grandes villes ont toutefois l'avantage de mieux délimiter les espaces , elles offrent plus de repères ; le bouillonnement du trafic permet de se raccrocher a l'agitation similaire aux grdes villes occidentales . Pourtant derrière le vacarme indien des voitures et des chants , il y a une zone passive et muette , une onde très calme qui cree l'ensemble parfaitement serein.

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10 jours qu'on est installé dans ce petit village , dans une chambre avec un grd jardin et tout l'apanage de services que peuvent nous offrir les 2 frères qui gèrent ce lieu récent ou nous sommes les seuls occupants. On s'apprivoise les uns les autres entre la famille qui vient régulièrement, le cuisinier et les frères. Chacun a son tempérament mais les habitudes sont les mêmes : nettoyage puis puja le matin après avoir cueillis des fleurs au jardin . Le soir ils écoutent de la musique. Tout est calme , chacun a sa place , son rôle et accompli sa fonction.

On va au village , on a nos petites habitudes, des commerçant et des gens que l'on connaît à force de se croiser. Avec solal on aime suivre les vaches et leur berger .

Avec le scooter on se fait des expéditions plus longues . Les roches qui nous entourent regorgent de temples mystiques enfouis . Le soir la lumière devient rose et c'est très beau.

Solal se fait très bien à cet univers qui continue de l étonner. Lui aussi fait le ménage le matin puis va choisir ses fleurs.

De mon côté je me remets au sanskrit et Yves part dans des expéditions dans les rochers , des fois qu un temple soit caché .


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On va bientôt partir d'ici, de notre petite vie si paisible ! A nous , à nouveau , les gares railway station , indiens trains , ricksau et main road avec notre poussette chargée de bagages et Solal quelque part dessus .

Ici c'est encore pour 2 jours une vie indienne simple et harmonieuse ; les matins faits de fleurs, de desins a la craie ,d'eaux et de nettoyage , les matins et fins de journées à la rivière pour laver le linge , les après midis remplies d'enfants turbulents et toute la journée , les temples cachés dans les grottes des rochers ou de l'encens fument continuellement. Le soir la fumée du foin que chacun brûle devant sa porte emplit nos poumons , le village , et cette odeur m'est devenue si familière que j'ai peur de ne plus la retrouver. Pourtant, c'est cette même odeur qui parfumait aussi certaines rues de Constantine; ainsi que le jardin que nous avions en Normandie quand maman se mettait a bruler les herbes le soirs des dimanches humides .

On quitte aussi la famille d'ici , les 3 frères qui peu à peu se sont faits submergés de clients et dont la sérénité s'est transformée au fur et à mesure que l'argent afluait ( notre hôte oublie sa puja du matin depuis qu'au réveil tout le monde réclame son black tea, il ne " nourrit plus la terre " comme il le faisait , déposant au centre du jardin du lait et du ghee, car c'est aussi au centre du corps qu'il y a l'estomac ..)

On a réussi à nouer pas mal de contacts avec les habitants , du fait de Solal qui continue d'attirer toutes les attentions , des nombreux biscuits distribués aux enfants , des jeux qu'on a fait avec eux et des lessives partagées avec leurs mamans . On a fait l'expérience de notre intégration dans ce village, grâce aussi au point d'interrogation que suscitait la poussette ( les chiens en avaient peur et même les vaches avaient l'air perplexes ) et au lien génial qu'était Solal, notamment pour échanger avec les femmes sur le dur labeur d'être une maman.

Au fur et à mesure, il à malgré tout pu se faire quelques copains , une fois touché , palpé et qu'on a distribué biscuits ou écouter de la musique , il a suffit de prêter la poussette aux fils de la bergère avec qui je discutais pour qu'ils partent avec Solal faire des cabrioles entre les vaches. Ou mettre de la musique et danser ou jouer à 1, 2,3 soleil .

On a aussi pu échanger avec les tailleurs de pierre , le sadhu dans sa grotte , la vendeuse de tabac , le tailleur , l'instituteur et tout le petit monde des frères qui nous logent. On a rencontré les 3 français égarés du coin , amoureux de l'Inde et en perpétuelle recherche spirituelle . Comme nous , la vie ici les a doucement amenés à ne rien attendre de plus que ce qui était là , chaque jour et ,comme nous ,au fur et à mesure ils ont arrêté les tentatives de vouloir faire quelque chose en cherchant à remplir leur journée, se contentant de " regarder ce qu'il y a de beau , le ciel gris ou bleuté , les filles au bord de l'eau " .

Seuls les soixantenaires continuent une rengaine bien française nourrit de plainte et de " ça ne va pas" .

On s'apprête donc à quitter cette étape d 1 mois pour reprendre le rythme du voyage et s'envoler bientôt en Ouzbékistan, à la rencontre des montagnes et des mangeurs de mouton bouilli.

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On est arrivé il y a quelques jours , par le train de 5h du mat . Encore une fois , nuit difficile , chahutés par les allers venus des autres passagers et les remous du train qui semblait avancer par saccades. On avait mis le réveil, puis au moment de descendre, après un petit cadeau de St Valentin offert dans un demi sommeil euphorique , j'oublie tout un tas de petites affaires.

Sur le quai de la gare , l'agitation est semblable à celle du jour et on decouvre de jeunes indiennes déjà toutes apprêtées de colliers ,d'épingles a cheveux comme si le sommeil ne leur avait pas laissé la moindre trace. Dehors il fait encore nuit, à peine une petite brume lointaine qui s'étire très doucement. Avec Solal et la poussette, notre fidèle porteuse, on attend Yves qui cherche un taxi, en regardant assis au bord d'un trottoir, les quelques hommes qui dorment contre le sol sur des fines couvertures. On attend de longues minutes , puis il revient essoufflé, nerveux d'avoir du s'engouffrer des la première heure dans les négociations sur le coût de la course. Notre demande à créé un gros conflit parmi les taxis. C'est que nous n'avions pas d'adresse réelle de réservation d hôtel; n'ayant rien trouver de convenable , ni dans les prix , ni dans ce qu'on cherchait, j'avais finalement décidé de ne rien réservé du tout, ayant juste l'adresse d'un appartement que nous envisagions vaguement. Du coup , quand le taxi nous a déposé dans le centre , il a fallu sonner aux portes des guest house, tirer les gérants de leur sommeil. .. solal et Yves sont ainsi partis en expédition et je les ai attendus au premier café d'ouvert.

Comme nous avions encore une trace du tîka, le point rouge en haut du nez , après une dernière excursion dans un temple merveilleux près d hampi, la patronne nous a trouvé sympathique . Mais en les attendant, et au fur et à mesure que les premières personnes s'étaient levées , je continuai de me dire "mon dieu ou est ce qu on est arrivé." Autour du café , que des hôtels , résidences fermées , pas l'ombre d'un boui boui ni d'une échoppe, aucun bruit indien reconnaissable . C'était bien le silence des gens qui se couchent trop tôt et dont le réveil se fait sans surprise , sans appréhension , refoulant le moindre trouble par la répétition d'un quotidien sans contour.

Et puis un écossais s'assoit en face de moi et en le questionnant mon inquiétude semplifie, il me dit qu'il n'y a trop rien à faire, qu'ici c'est justement pour ne rien faire , que ce n'est pas vrmt l'inde et que les russes sont ici chez eux. Je pense à Yves et Solal puis à nos hôtes si gentils que nous avions quittés, après la vie avec eux remplie de rituels hindous. ..

Finalement on a trouvé un resort avec piscine pas trop cher. Ôn a cru d'abord tombé dans une maison de retraite pour diabétiques , mais on s'y est fait. Puis on est aujourd'hui dans un appartement sympa dans une famille étonnante avec un père fan de voiture, motos, scooters qui traînent partout dans la cour avec des poules, un bassin de poisson sans eau et surpeuplé , 2 poules acariâtre et un pauvre aigle domestiqué dont les ailes semblent fermées à tout jamais.

Sinon , la ville est partagée entre les indiens qui travaillent pour les touristes , et les touristes , essentiellement russes. On n'a pas choisi le Goa boum boum teuf mais plutôt retraite fin de maladie ou russes en déperditions.

Heureusement on s'est trouvé des coins isolés et destinés aux locaux. Apres les soirees karaoke, on a fini par rencontrer des familles de pecheurs. Notre rue est parcellee de vieilles maisons portugaises où la vie se fait encore traditionnellement. Une famille de cochons traîne de ci de là , Yves s'est fait des bons copains du kerala , funs et vrmt sympas et quant à moi je fréquente occasionnellement les vendeuses de bracelet très cheap le long de la plages " mes copines " comme dit Yves


Les gens sont bien plus riches ici que dans le karnataka, les femmes habillees en vêtements moulants ou en robes comme sur les îles. L'ambiance pogtugaise se ressent jusque dans les menus faits de poissons frits ou en beignets.

Pourtant sur les plages on retrouve les mêmes vendeuses âgées entre 16 et 70 ans qui a toute heure du jour font des kilomètres dans le sable , sous 40 degrés au moins et portant sur leur tête des sceau rempli de miel ou des kilos de fringues. Bien que Goa soit composé de chrétiens et d hindous , l inégalité entre les sexes et le système des caste est d'autant plus presente dans cette atmosphère balnéaire. Les touristes sont les apas, les portes monnaies autour desquels la vie sest organisee, tandis qu ils ne font ostensiblement rien, ni de leurs journées , ni de leurs vies ayant enfin lilusion davoir trouve un confort perpétuel où ,croient ils , rien n'arrivera plus jamais que la répétition de ces jours identiques..

Pour nous aussi d'ailleurs depuis 4 jours mais on se console en se disant que c'est la dernière fois que nous verrons la mer.

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Le précédent article a été supprimé, du coup je re raconte brièvement ci dessous notre arrivée à Tashkent.

3 jours à Bombay .

Le train nous déposa au petit matin sur les quais de la gare , encore humides et plein de nuit. Les voyageurs ensommeillés marchaient lentement, alertes, propres et éveillés.

Puis la Victoria Station , ornée de dentelles, est apparue comme une vieille hôte familière. Dehors les bouis bouis ouverts et débordants saglutinaient à ses pieds . Quelques hommes se recueillaient devant leurs divinités , gestes vers leur propre corps, oreilles , yeux , concentrés et indifférents au brouhaha , tout petits aux pieds de l'immense Victoria St.

Puis en voiture on a traversé tout Bombay encore alanguie , à peine jaunâtre à 6h du matin, avec ses longues artères désertes qui s etiraient longuement.

Vers 10h par contre nous respirions tous les mélanges infernaux que dégagent voitures , camions rick sau, engins ... on reste impassibles très longtemps sous des ponts complètement enfumés.

La plage verdâtre de juhu beach nous a finalement conduit vers un théâtre où cette fois le quartier riche avait l'air de vouloir reprendre son droit à exister. Des acteurs soucieux et inquiets , expressions que nous ne voyions jamais jusqu'alors chez les indiens , apparaissaient sur ces visages aux allures d'européens.

Le lendemain, à cause de l'avion annulé faute de passagers, nous avons retrouvé ces mêmes expressions , au Hilton . Cette abondance de luxe nous a tout de même jeté dans un autre monde où tout nous était gracieusement offert . Nous étions coupés du reste de l'Inde , dans une prison dorée.

Puis le lendemain, nous passons des heures à l'aéroport : Pakistan fermé a causes des bombardements d'une base terroriste par linde , suite aux 40 morts a Srinagar apres lattentat suicide dun terroriste pakistanais . (Pour rappel, après l'indépendance de linde et du Pakistan en 47, des millions de musulmans ont été obligés de rejoindre le Pakistan ( plus grand mvmt migratoire de l'histoire ) mais chacun revendique le cachemire comme faisant parti de son territoire _ il est aujourd'hui rattaché à l'Inde ) .

Arrivée à Tashkent : immenses rues très larges et très longues construites en quadrillage. Silence assourdissant, calme et organisation. Immense contraste avec l'Inde et difficultés d'acclimatation !


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C'est la ville où nous avons atterri il y a 15 jours , au premier abord froide et brumeuse puis au fur et à mesure elle s'est révélée plus accueillante.

Depuis sa naissance au 1er siècle avant JC par des tribus perses, elle n'a cessé de se faire conquérir , dévaster par d'autres peuples turcs, chinois, arabes , mongols, kazaks puis russe. Ce n'est que depuis 1991 que l Ouzbékistan est autonome et depuis 2016 que son dictateur Islam Karimov s'est éteint. Depuis 3 ans le pays s'ouvre doucement mais sûrement vers l'extérieur . Des trains traversent les frontières voisines, les étudiants peuvent étudier à l'étranger, les voitures sont développées et ultra connectées ( équivalent de Uber etc.) . Tout le monde a un Samsung a la main et les panneaux publicitaires vantent la version russe dinstagram.

Tashkent a donc plusieurs visages très différents : quartiers d'affaire et d'ambassade, hôtel de luxe, bazar, vieille ville mosquée et medersa, le tout découpé au couteau, mutilé par les soviétiques qui ont tracé des avenues larges comme des autoroutes bordées de bâtiments immenses et larges, gris et austères. L'ensemble est très propre , bien rangé. Hormis le souk, rien ne ressemble à une ville d'Asie. L'appel à la prière résonne à peine , et les musulmans présentent moins de signes de ferveur qu'au Maghréb.

C'est qu'il y a bien lgt les peuples nomades d'Ouzbékistan louaient essentiellement le culte du Feu (zoroastrisme et Zoroastre - cf nietzsche Ainsi parlait zaratoustra ) . La conversion à l'islam s'est faite au fur et à mesure des invasions arabes mais la présence soviétique a fait reculer limpregnance de la religion dans les moeurs. Les discussions avec les Ouzbeks nous ont toutefois révélées qu'ici les gens ont gardé de vieilles pratiques païenne, que l'islam n'a pu complètement éteindre. On nous dit en rigolant qu'avant la mosquée du vendredi il y a le resto avec les copains puis la vodka chez soi.

La proximité avec l'Inde et le Pakistan a également permis au Bouddhisme de s'exporter jusqu'au Turkménistan ainsi qu'en Chine. La Route de la Soie , n'était pas qu une voie commerciale mais une route permettant la circulation des idées et de la pensée. Ainsi la médecine européenne a été largement influencée par Avicenne. Des astrologues ouzbeks se sont fait connaître via les voyageurs romains qui empruntaient cette route. Les romains ont découvert la soie et partout se vend des étoffes très colorées dont la technique de fabrication s'est fait connaître via des missionnaires chinois.

D'où un grand mélange de visages à Tashkent, l'influence de la Turquie et de la Perse se remarque dans la gastronomie, même si les plats populaires sont clairement hérités des nomades ( viande riz oignons ). La plupart des femmes ne sont pas voilées , et adoptent un style vestimentaire européen ou purement ouzbek ( jupe et foulard colorés ) . Après la seconde guerre mondiale des allemands et des correns ont été rapatriés à Tashkent. Certains comptent en allemand. Et puis bcp de russes sont encore très présents ce qui constitue un mélange bien hétéroclite. Presque personne ne parle anglais , on se débrouille... Les gens manifestent un grand intérêt pour la France ... et son football ! Mais pas seulement, on me dit une fois : " Le rouge et le noir " , ce à quoi j'aurais du répondre Alisher Navoi, le grand poète national Ouzbek.

On passe 2 jours aux marché aux puces de Tashkent, immense bazar organisé de tout ce que peut fabriquer, produire et vendre l'être humain ( pièces de moteurs , matériel de cuisines , vêtements, tuyaux, ustensiles, animaux...) . On voit bcp d'objets de l'ère soviet, affiches de Lenine, vêtements militaires . Papa s'offre une montre soviet et Yves des bougeoirs en cuivre , moi une robe mi soviet mi paysan, solal un canard en plastique.

On déjeune au milieu d'une sorte de parking garni de vieilles Lada où un four en terre sert a la cuisson de galettes de pain. On mange des brochettes au mouton et au cheval avec l'éternel Plov ( riz mouton oignon ), arrosé de thé vert. Des ânes mal en point se font cravacher par de jeunes gens aux visages gitans.

Avec la venue de papa , on s'accorde un resto narguilé suivi d'une soirée boîte de nuit vodka techno très sympa.

Nous sommes arrivés hier à Samarkand après avoir longés par le train des paysages ruraux où ,comme dans tous les pays traversés jusqu'à présent, des bergers laissent paîtrent leur bétail à côté de villages parsemés de baraques carrées aux toits plats, distancés par des champs cultivés. Derrière des minces collines et des plaines interminables.


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Si Samarkand est décrite par de nombreux écrivains et voyageurs comme la plus belle de toutes les villes , nous, elle nous a laissé un peu pantois. Nous n’avions plus l’habitude d’être au milieu des mascarades et de l’effervescence commerciale créées pour le tourisme. Les mosquées, mausolés et madresas ne sont malheureusement plus des lieux de vie fréquentés par les habitants mais des sites incontournables de visites pour les touristes .Pire, ces lieux saints ont été complètement défigurés par des échoppes où se vendent toutes sortes d’artisanat et babioles , installés dans l’enceinte même de ces édifices originairement dédiés à l’étude ou à la prière. C’était donc assez difficile de se plonger dans l ambiance qu il devait y avoir a l’époque de Tamerlan ou de Marco Polo. Mais nous ne sommes pas déçus , il ya les livres pour cela.


L arrivée à Samarkand était pourtant séduisante. Il est midi, l odeur du gras de mouton s'échappe des chaikinas et tout le monde rôde sur les trottoirs, quand nous longeons ses faubourgs bruyants à l’atmosphère arabo -soviétique ; rues immenses et goudronnées derrière lesquelles des petites ruelles et des maisons en bois se devinent. Nos premières nuits sont dans un de ces quartiers un peu oubliés, dans une vieille maison a 2 pas du tombeau de Tamerlan et de sa descendance. Quittés la gare, le paysage aux alentours ressemble à une vaste pleine, presque à un désert lointain qui apporterait dans le vent de minces grains de sables dans cette ville aux murs bas et aux routes larges . Au loin on voit les montagnes enneigées du Tadjikistan et on ne peut que penser aux caravanes d'Iran et de Chine qui les ont empruntées. Mais ce petit romantisme oriental n’a duré que quelques kilomètres en voiture.

Car , dès le premier regard vers le beau mausolée, on se rend compte qu’une esplanade a été aménagée récemment , reliant les principaux sites historiques entre eux afin que les touristes n’aient pas à se perdre dans les ruelles de la vieille ville (qui a donc été rasée pour permettre une meilleure circulation ). D’ailleurs un bus électrique les relie . Les premiers jours nous restons dans le quartier, un vieux parc de jeux- jardin privé a permis a Solal de se faire des copains. Mais comme Yves voulait en inviter un a manger , le gars de la chambre d’hôte a carrément refusé. Bref , on réalise de plus en plus l écart entre ceux qui profitent grassement du tourisme et ceux qui cherchent à faire pareil mais qui en restent exclus. Les petits commerçants nous arnaquent sur les prix etc . Et le petit gamin pauvre n’avait pas sa place dans la riche maison de celui qui gagne 50 /nuit/touristes alors même qu’il était son voisin . Comme en Inde chacun veut sa part du gâteau sauf qu’ici les voyageurs ont une autre allure que les babas cool de Goa . On change donc de crèmerie et on se retrouve en quartier gitan chez Lotfi et sa maman qui, pour le coup ,nous accueillent chaleureusement et sincèrement. Nous fêterons le Navrouz , la fête du printemps, avec leur famille dans une ancienne maison qui ressemble aux vieilles maisons indiennes. Cour carrée centrale autour de laquelle différentes pièces de vie sont agencées : espace pour les femmes , espace pour les hommes , salle a manger et cuisine. On danse et on mange jusqu’à 21h puis s’est fini , les invités rentrent chez eux . On est tous les 3 très contents de ce bain social et de s’amuser et de rire ! Solal joue avec la ribambelle de gamins , devient tout a fait a l’aise en mangeant seul avec les femmes , Yves danse et moi je réponds a la curiosité des jeunes femmes qui me demandent avides : « C’est comment Paris ? « , puis on parle maternité , à 26 ans elle a déjà 3 enfants ( la limite imposée par le gouvernement) . Lotfi, lui ,n’est pas encore marié, ça sera pour cette année car « sa mère devient trop vieille pour les tâches domestiques ». Encore un pays où le mariage arrangé est de mise mais cela ne choque personne. La plupart des femmes n ont pas de emploi ici a Samarkand.

Nous partons dans un village de montagne a 1 h de voiture, vie rurale un peu d’un autre monde , les gens travaillent le champ , les terres ,un âne sert a amener le goudron pour finir la route . Dans un parc voisin, a nouveau des adolescentes s’empressent de me questionner : « en France on parle français ou anglais ? »et tout plein d’autres questions mignonnes. Tout le monde s'exprime aisément en russe et l’anglais est à la marge, on ne peut vraiment échanger qu’avec les plus aisés qui sont partis à l’étranger ou qui ont fait des études supérieures.

Pour revenir a Tachkent et tâcher, dans les 4 derniers jours qui nous reste avant de quitter l’Ouzbékistan d’acheter une voiture , on prend un train tout en bois, très beau et très lent, comme l’homme aux yeux bleus qui partage notre compartiment et qui a l’air d’un Mongol arabe des plaines vertes.

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Après Samarkand on est rentré à Tashkent, histoire de tenter une dernière fois d'acheter une voiture. Yves ne cesse de courrir entre les différents ministères puis ,avec l'aide dHassan, un interprète français-ouzbek rencontré par le biais de l'alliance francaise, ils partent dans le grand bazar de Lada.

Pendant ce temps avec Solal on passe des jours heureux dans le parc de Tashkent, on se mêle à la jeune bourgeoisie russe, notamment à ses mamans particulièrement propres et bien habillées . On réside dans un quartier très wasp, proche de l'opéra, de bouquinistes et de cafés. Le dimanche matin dans ce parc on se croirait vraiment dans une ville d'Europe avec ces joggers , les jeunes papas et mamans passant leur vie entre le parc et les magasins de vêtements.

Yves invite ses copains Dilshod et Donior à dîner. (Il se fait des copains partout où on passe !). Ils nont pas 30ans , le travail de Dilshod cest de faire des thèses et des mémoires pour des etudiants . Une thèse lii revient a 4000 $ et il en a fait 43 ( tous travaux confondus ) en 10 mois ! Donior , lui travaille dans le transport et gagn aussi bien sa vie. Ils nous confirment que depuis 2 ans le pays se libéralise. Mais la plupart des entreprises sont encore publics. Jusqu il y a quelques années même les entreprises produisant le pain appartenaient à l État. Les salaires sont fixés, officiellement bas même si une partie est illégal. Je lui demande ce qu'il pense de ce mode de gouvernance, Dilshod regrette que le gouvernement ne soit pas plus libéral car selon lui cela permettrait de pousser les entreprises à " dépasser leurs objectifs " et aux salariés de se surpasser en valorisant leurs compétences . Il déplore que le transport et bcp d'autres secteurs soient encore gouvernementaux. Alors je lui dis tout l'inverse de la situation dans laquelle est la France avec la privatisation de l'aéroport de Paris , ainsi que des écarts de richesse qui ne cessent de s'accroître en Europe. Mais ces arguments n'ont pas l'air de le toucher , il a plutôt l'air ravi de voir son pays enfin rentrer sur la scène internationale. Un gars de l'ambassade de France m'avait aussi dit que tout avait explosé depuis 2 ans , notamment dans le secteur automobile ...qu'il n'y a jamais eu autant de voiture et surtout de petites voitures accessibles à tous....comme en Inde.

Mais pour nous ,la voiture coûte trop cher en Ouzbékistan, nous prenons donc un train jusqu'à la frontière, jusqu'à Andijan. Andijan c'est la ville où est né Babur, descendant de Tamerlan, qui, ne réussissant pas à récupérer Samarkand aux Ouzbeks, ira conquérir l'Afghanistan, le Pakistan et le nord de l'Inde .Il sera le premier roi Mogol en Inde, le premier à fonder l'empire Mogol qui perdurera jusqu'à l'invasion des anglais. Le "style Mogol " c'est notamment l'influence arabe que l'on retrouve au Rajasthan. Babur était aussi écrivain et poète .

D' Andijan nous passons la frontière après quelques kilomètres en voiture et au final c'est à pied au milieu d'une petite colline caillouteuse que nous arrivons au Kirghizistan. Nous sommes avec des mamies pleines de sacs qu'elles transportent à bout de bras et d'hommes pressés et impatients.

Une fois de l'autre côté, on arrive à Osh dans une guest house chez Gulshada qui nous loue une chambre. Elle parle bien anglais, elle a travaillé dans le social toute sa vie mais depuis 8 ans elle accueille des voyageurs ; si bien que dans le moindre recoin de sa maison il y a un lit. Son mari rénove et retape toute la journée.

D'emblée , Osh paraît plus rustique que les villes que nous connaissons de l'Ouzbékistan. C'est moins propre ,plus bordélique et l'atmosphère y semble chaleureuse. On vit dans un quartier pleins de petites rues en terre, les maisons sont grandes avec un jardin et des animaux. Des enfants en sortent par dizaines , il y en a toujours qui arrivent en courant du coin d'une rue. Solal s'est fait des petits copains .

On va certainement rester encore quelques jours ici à Osh pour stabiliser Solal et nous reposer.

Puis avec la voiture (achetée ou louée ) nous irons dans les montagnes environnantes .

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Et bien ça y est ! Depuis 10 jours on roule en Lada ! Yves a passé des jours à nous la dégotter mais un soir il est rentré avec les clés et la voiture garée devant la maison. Tout ça s'est fait grâce à des copains traducteurs et à la bonne volonté de plusieurs personnes qu'il a rencontrées.

Le lendemain on est parti dans un petit village faire du cheval . La route est belle , des collines sans arbre ni buisson, de l'herbe rugueuse . Les formes douces des montagnes font penser aux lignes des chevaux ... Des chevaux , il y en a partout en liberté sur les collines et dans les villages. Tout le monde est à cheval , pour garder ses troupeaux ou ramener d'autres chevaux quelque part, plusieurs brides a la main, pour marcher d'un endroit à un autre... Ceux que l on montent sont vifs , nerveux , prêts au galop. Ils sont tres attentifs, ecoutent dautres troupeaux quon voit sur la crête d'une montagne. Je me fais un petit galop au grand air , quelle liberté !!

On dort chez une famille. La maison bien que bourgeoise , est bancale, un grand couloir dessert des pièces où chaque clan de la famille vit. La douche c'est une bassine d'eau bouillie et les toilettes un trou entre 4 murs à côté de l'étable.

Chaque maison à ses vaches qu'on voit paîtrent sur la colline toute verte derrière . Au village ils aiment aussi danser et boire de la vodka dans des " bars" qui sont en fait la pièce d'une maison donnant sur la rue ; comme tous les autres commerces . Les rues sont géométriques , terriblement perpendiculaires , et l'unique rond point à l'entrée du village est surmonté d'un énorme cheval en bronze qui porte le terrifiant Manas ,celui qui s'est battu contre l'ennemi (,je ne sais plus lequel ). Le long des routes , des jeunes femmes tirent des poussettes, habillées en bledarde, robe de chambre rose et pantoufle, quand des kirghiz en tenue traditionnelles arpentent fièrement les rues , rennes du cheval bien tendues . Il y a aussi des magasin de jeux vidéos ou , comme a Osh, des ados s hypnotysent de réalité virtuelle.

On a planté la tente dans un champ et demain on passe la frontière tadjik. Hier , petit spectacle de cirque de village....j'ai cru qu'ils allaient faire danser un ours..... la route jusqu'à Batken où nous sommes actuellement, longe la frontière ouzbek. Elle est très industrialisée. Nous sommes dans le ferghana, un coin un peu dangereux en raison des conflits sur l'appartenance de cette région. C'est très aride , hostile , nous longeons des puits de pétrole .

Du Kirghizistan nous n'aurons pas vu grand chose , mais c'est ici le seul poste frontière international. Nous atteindrons Dushambe par le nord et non pas par l'ouest , ce qui est dommage car la route est plus courte et ne traverse pas une vallée.

Toutefois , on va devoir traverser des hautes montagnes . On en a déjà vu quelques unes immenses cachées derrières les nuages ou au détour d'un virage et ,mon dieu, elles sont immenses et ont l'air pleines de puma blancs des neiges !

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On a pris la voiture pour rejoindre Isfara, la ville poste- frontière au Tadjikistan, depuis Batkent, son homologue de l’autre côté, au Kirghizistan, d’où l'on venait. Petites difficultés à la frontière car notre demande de visa n’avait pas été validée, mais ça s’est fini sans encombre par un joyeux « welcome in Tadjikistan ! » .

On traverse Isfara, ancienne petite bourgade industrielle investit par les russes mais qui a maintenu le charme de ses rues en terre et de ses murs très bas de maisons en torchis. Les routes entre les villages sont étroites, on est entre des champs et des vergers. Puis, tout de suite après les plaines, des paysages typiques du Tadjikistan se découvrent : on passe entre des collines assez basses et étalées de couleurs ocres, jaunes, rouges ; le tout dans un paysage aride et sec. Il y a quand même des troupeaux de moutons qui enjambent ces routes ultra rapides et des automobilistes respectueux, patients qui s’arrêtent plusieurs minutes, l'air rêveurs et nostalgiques en les regardant passer.

On rejoint facilement Khodjent, grande ville très ancienne ( conquête d’Alexandre Le Grand,) et on aperçoit enfin les premiers visages des tadjks qui nous frappent par leur allure si différente des voisins kirghiz. Si ces derniers avaient des silhouettes de paysans bourrus des montagnes, rougis par le froid, l’œil torve et le sourire dédaigneux, ici on a l’impression d’être arrivés au pays du raffinement . Les hommes sont grands et élancés ,les traits fins, les yeux noirs ou verts et la peau marron clair . On se sent arrivés au seuil de la civilisation arabe et perse. Les femmes aussi sont très belles, aucune n’est voilée et au contraire elles s’habillent a l’européenne.

On reste plusieurs jours ; ébahis aussi de retrouver des cafés, des restaurants a l’occidental, des allées piétonnes, des musées ouverts où de jeunes guides parlent anglais et nous expliquent fièrement la vie d’Alexandre Le Grand. Du coup, c’est aussi une partie de l’Empire grec qu'on côtoie a Khodjent avec la découverte totale de l’Empire achéménide qui vient d’Iran. ( La totale quoi !).

Comme j’avais oublié de réserver un logement, on a eu un peu de mal a en trouver un ( pas encore de carte sim > pas d’Internet etc.) Mais au final on a réussi tant bien que mal et on à loge 4 jours dans l’appartement d’un particulier.

On a ensuite pris la route pour le lac Iskanderkul en faisant étape dans un «hôtel ». Encore une fois les toilettes se résument à un trou entre 2 planches à côté de l’étable et la question de savoir s’il existe une salle de bain ne se pose pas, tant ça met tout le monde mal à l'aise. La famille qui occupe ce lieu est ravie de nous accueillir et nous reçoit avec tout l honneur mis dans l’unique mot anglais qu’ils connaissent « guest ». J’exagère un peu, ils connaissent aussi quelques autres mots.. Yves utilise son Google traduction qui, selon lui, est une révolution pour le voyageur moderne, quand moi, je préfère continuer a mimer.Les jours qui ont suivi cette étape ont été plus difficiles que prévus en raison de la pluie qui n’a cessé de tomber. Une pluie fine et continue qui faisait dévaler les rochers des montagnes jusque sur les routes, et qui a créée par endroit une boue infranchissable, que mêmes les camions s’y laissaient enlisés. Nous sommes ainsi restés bloqués comme d’autres conducteurs, a attendre que quelqu’un parvienne a désengluer une voiture, tout en guettant les parois de la montagne dès fois qu’une pierre se mette a rouler. Puis on a repris la route, avec quand même un peu de tension, réalisant après coup la dangerosité de la situation que nous venions de vivre.

Mais, dans le premier boui boui où l’on s’arrête, comme déjà on l’avait vu, la musique est a fond, des enceintes énormes aux baffles deguelantes résonnent sur la terrasse du resto, et l homme qui gère le lieu, trempé sous la pluie, allume les spots lumineux.

Pour aller jusqu’au lac, on doit prendre un chemin de terre. Les paysages, bien que sous la brume, sont magnifiques : des vallées bordées par une rivière, des sommets en neige…mais on doit s’arrêter car une camionnette est enlisée. Les chauffeurs ont l’air de trouver ça habituel, ils ne s’en inquiètent pas et s’installent pour attendre le tracteur qui passera demain. Puis Yves, qui tâchait de donner un coup de main sous l’œil débonnaires des deux tadjiks, finit par revenir avec deux hollandais qui étaient dans la camionnette, et qu’on conduira dans le même boui boui hôtel que nous.

Là bas, on tombe sur deux jeunes gars anglais qui sont venus de Londres a vélo et qui continuent jusqu’en Inde. On se dit pas grand-chose mais on est content d’être ensemble et ca suffit. La guest bouse est composée d’une multitude d’enfants, de femmes qui débarquent avec encore d’autres enfants, d’une vieille, d’un vieux allongé et d’un homme se voulant un peu médiateur entre nous les touristes et cette grande famille, qui boira de la vodka toute la soirée. Je ne comprends pas bien comment ça fonctionne ici, a tel point de nouveaux visages apparaissent continuellement.

Le lendemain il fait un soleil exorbitant et toute les montagnes sont là, nues et découvertes devant nous ! Elles ont toutes les couleurs et les lignes possibles si bien qu’on se croirait dans un tableau de Kandinsky. Solal joue a se suspendre à une corde avec un petit, entre l’étable et le puit, Yves nettoie la voiture à coup de jets d’eaux infernaux, la hollandaise devenue transparente, reprend un médicament, quand je vois les deux anglais si vivants et si libres sous ce soleil, enfourchés leurs vélos le regard heureux et l’air déjà loin. J'ai l’impression que ça fait des heures qu’on est là et j’ai très envie de n’attendre personne et de commencer le trajet a pied, mais pas facile d’assumer des choix égoïstes quand on doit se répartir les tâches , déjà que Yves lavait la voiture.

On recroisera les deux anglais aux cheveux longs et dorés a Dushambe , à un croisement de routes, comme deux papillons au printemps, avec leur tee shirt tout découpés.Nous, on reprend la route du lac, sublime sublime. Solal, fasciné par les chiens de berger veut s’arrêter les regarder, alors on observe le berger qui dévale la montagne pour ramener une chèvre tandis que ses vieux chiens sont allongés parmi le reste du troupeau, comme feignant de n’avoir pas entendu la chevrette coincée.

Au lac on tombe malheureusement dans un camping aménagé pour touristes, mais le lieu est splendide, des milliers d’animaux sauvages rôdent dans les montagnes autour de nous, il fait très froid, le camping est désert on se sent un peu isolés. Dans le resto où il n’y a presque que nous, la musique de la télé est à fond. Le temps du midi, avec les maçons qui retapent des baraques du camping, on regarde le mtv nord coreens et après le mtv russe, avec Yves on se dit que la vulgarité est la même partout . En tournant la tête il y a le lac et les montagnes géantes juste a coté de nous . On voit le panneau qui indique les ours, les léopards de neiges et toutes les autres bêtes. Je repense au berger et à ses moutons et regrette de ne pas pouvoir ( comble du paradoxe ,faute de temps !) aller sur les traces du Léopard des neiges !

A la sortie du lac, assis sur un rocher en face du panneau des animaux, on a pris en stop Martuzo, qu’on retrouvera a Dushambe où on est depuis 3 jours.

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Après les villages du nord du Tadjikistan, si rustiques et encore emprunts d'un mode de vie traditionnel, jimaginais Dushambe comme un grand village en terre batue. Mais c'était bien naïf car , en bonne capitale qu'elle est, Dushambe a tout le faste des villes internationales et certains de ses habitants en ont aussi l'allure. Faut dire , on était dans un appartement du centre ville, sur une avenue très commerçante, non loin des entreprises renommées et des choses de luxe.

Hommes et femmes qui s'arrêtent pour manger dans les cafétérias le midi sont habillés à l'occidentale, on les voit aussi faire une pause entre collègues ou repartir le soir les écouteurs aux oreilles , tout comme chez nous en Europe.

Le dimanche après midi dans les immenses jardins publics des adolescents se draguent, des mamans tirent leurs poussettes, des jeunes filles se photographient dans des allées en fleurs.

Contrairement à la mentalité européenne les gens sont très curieux de nous connaître, ils demandent d'où on vient , citent Zidane et toute l'équipe de France, nous questionnent sur notre métier etc etc.

La différence aussi c'est qu'ils sont très fiers de leur pays. En même temps, des affiches du présidents sont partout le long des routes ... Les bâtiments sont un mélange de style soviet colossal et imposant avec des lignes plus arabes et des couleurs pastels qui forment un ensemble harmonieux mais vraiment impressionnant, cherchant sans doute à prouver toute la puissance du pays.

Yves se fait comme toujours des copains quand je passe des journées calmes à l'appartement. Je rencontre quand même un ancien danseur de l'opéra de Dushambe qui dansait en parlant , sans vodka pourtant, et qui m'a raconté ses voyages en Europe, de Jacques chirac devant qui il a danse à Paris. Il tient maintenant une boutique de bijoux devant lOpera !

On est parti, le passage de la frontière a duré des heures , ils ont tout fouillé ! Puis de retour en Ouzbékistan, on a atteri dans la charmante et très gaie petite ville de Denauv. Le soir même on se paye une bière dans la boîte de nuit en face de l'hôtel où Solal dort et l'atmosphère est vraiment chaleureuse. Des hommes dansent entre amis, libres et sans contrainte. Il y a qu'une autre femme et moi. Le lendemain , on se croirait en Inde , du chahut, du bruit, des charettes, des odeurs de foin brûlé et un air de fête qui ne faiblit pas. Le bazar local nous replonge dans ce croisement de cultures propres aux villes du sud...

Le soir, on plante la tente entre 10 montagnes . Un berger vient boire un jus avant de ramener son troupeau, qui nous dévisage drôlement, et des villageois de nulle part nous offrent du yaourt.

On est aujourd'hui à Boyson, dans le sud de l'Ouzbékistan et je regrette de ne pas aller à Termez à la frontière de l'Afghanistan car c'est là bas qu'ont été retrouvés des stupas bouddhiques ,mais ce n'est pas sur la route ...

Ici toutefois on nous dit que la région est réputée pour ses danses et sa musique. Il y a, dit on, de vieilles pratiques de chamanisme , et toujours des cultes en l'honneur de zoroastre. On reste ici quelques jours avant de remonter plein nord vers le Kazakhstan .


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Après la charmante petite bourgade de Boyson, on a dormi quelques nuits en tentes et roulé vers Boukara, nous éloignant de plus en plus des douces collines vertes du Surkan Darya. Même sur les grands axes il fallait éviter les cavaliers, chiens rôdeurs, changement de routes de dernières minutes et autres animaux ou gitans à dos d'ânes arrivant de nulle part. Puis, à mesure qu'on traversait une plaine arride toute jaune cramée, l'agglomération de Boukara est apparue dans un grand nuage de poussiere.

Cest dabord la ville commerciale et urbanisee qui nous a frappée. Puis la découverte qu'ici on parle anglais et que le touriste moyen à beaucoup beaucoup d'argent , ce qui crée une atmosphère toujours soignée dans les lieux communs.

Mais la vieille ville est vraiment emprunte de beaucoup d'histoire, de secrets, de je ne sais quoi qui fait que c'est très ressourçant d'y flâner à toute heure. Chaque mur, façade, petit bout de chemin recèle un charme particulier. Les petits quartiers loin en dehors des zones tracées pour le tourisme ont encore les effluves de toute la majesté spirituelle qu'était cette ville au temps de Gengis Khan, de Tamerlan et des invasions ouzbeks. Après, il y a eu les russes, et de grandes lignes verticales sont encore là par endroit...

Les vieux quartiers sont remplis de petites ruelles enchevêtrées, des enfants courent partout, des mamies boivent le thé , des hommes jouent aux dominos sous les mûriers pendant que d'autres font la cueillette. Par endroit, on laisse le temps filer sur un banc à l'ombre de la mosquée .

Sinon, la vieille ville tourne autour de la vente d'artisanat pour le tourisme à des prix exorbitant. Comme à samarkand tout le monde veut sa part du gâteau à touristes .

On continue de fréquenter les parcs d'attraction démesurés qu'on n'a pas en France où les enfants sont au paradis du toboggan et jeux gonflables, le tout dans une atmosphère très populaire de tchaikana, hot dog et vodka.

Comme il fait très chaud on va devoir gérer différemment les trajets en voiture et aussi nous débarrasser de tout l'attirail d'hiver .

La suite du voyage s'annonce assez rude : traversée du désert ouzbek, laral khan, qui est en fait la désertion de la mer d'Aral due à l'industrialisation russe qui a puisé toute l'eau pour cultiver le coton. Il paraît que des bateaux échoués sont enlisés dans le sable...

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Après Boukhara, on a roulé plein ouest pendant 500 km, sur une voie longue et symétrique. Des deux côtés c'est une plaine aride de sable, de cailloux, de petite végétation épineuse qui ne laisse rien d'autre au regard qu'elle même . Cetait en fin de journée et, en attendant que la voie de chemin de fer se libère des trains de marchandises qui n'en finissaient pas de grincer devant nous, avec les nombreuses femmes en sandales paquets sous le bras venus d'un pays imaginaire on voyait l'énorme soleil orange qui allait disparaître derrière la ligne des trains. C'est désormais cette nuit là que nous allons voir pour rentrer.

Puis, passé les trous béants dans la chaussée et ses secousses de rodéos, on atteint in extremis et après plusieurs tentatives, un hôtel de bord de route restaurant. La patronne m'accueille joyeuse de ses dents en or avec un "Bonjour madame " auquel je répond spontanément, pas même surprise, en lui prenant le bras ! Je suis une fraction de seconde dans un bistrot parisien! Mais cest bien un mirage de desert ! On est si contents d'avoir trouvé un lit que peu importe les cafards et scarabées auxquels solal se prend d'intérêt.

Au petit matin je comprends pourquoi il n'y a pas hôtel dans le coin car l'habitude est de dormir à même les matelats utilisés pour manger. Cest le patron qui se reveille après moi. Il est encore lent et muet de sommeil mais fume paisiblement sa cigarette le regard loin sur les camions qui passent déjà. Derrière, il y a, telle la coutume, un poulailler, des dindons énormes , un veau, des chiens mastodontes et des tracteurs .

Une famille de gitans émergent de derrière une table et on discute de tout ce qui fait famille, histoire , voyage. .. l'une des femmes me dit fièrement,avec son tee shirt "do love me " qu'elle a 6 enfants... du haut de ses 28 ans. Elle est pas si fière, elle est gênée quand elle sait qu'en France on en fait pas autant. Mais jai appris à eviter de parler de ca parceque souvent il ya de la tristesse jai remarqué chez ces jeunes femmes au mari imposé et au corps depossédé.

On leur explique qu'on rentre en voiture mais ça a pas l'air de leur faire peur . Il y a quelques familles comme eux qu'on a rencontré et qui viennent de Moldavie .

Puis la route reprend, il fait vite très chaud sous le moteur de la Lada. On s'arrête chez une famille, 2 femmes et un enfant , à côté d'une station essence fermée. Longtemps on reste à boire du café et solal à jouer avec le petit . Elles mettent de la musique turque, pleines bafles posée sur une grande terrasse, vivent de snickers vendus à la hâte, et prêtent des outils à ceux qui sont en panne et qui ont l'air de s'arrêter chez elles comme chez des soeurs. Elles vivent aussi du potager somptueux tel une oasis en plein desert et du boeuf et des poulets.

Enfin on arrive à Khiva, dont la vieille ville semble construite du terreau que nous venons de traverser . Les maisons sont en terre sèche et en paille, les rues aussi. Seuls les anciens bâtiments religieux font surface parmi ces constructions carrées, horizontales et imbriquées les unes dans les autres; des minarets géants bleus turquoise, des madrasas et des mosquées à la mosaïque verte ou bleue.

Dans le quartier, la plupart des hommes travaillent le bois ou la mosaïque qu'ils vendent ensuite aux touristes devant leur porte.

Le lendemain de notre arrivée, des immenses rafales de vent balaient la poussière qui s'infiltre partout. Avec la pluie la ville se transforme en paysage d'aquarelle gris bleu ocre et rose . La pluie fait vraiment du bien, de même que les fréquents orages en pleine nuit. Les matins sont frais et boueux mais très vite lintraitable soleil revient toujours. Alors comme à Boukhara on dort sous des mûriers.

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Pour aller à Noukous, d'où on a pris le train avec Solal, il a fallu traverser un nouveau désert dont la particularité était la présence de citadelles antiques. Des forteresses, des villes ensablees, dédiant leur culte à zoroastre, au feu et à ses cendres. Ça valait le détour.

Puis ,comme un miracle on s'est retrouvé à planter la tente au bord du grand fleuve Amou darya, dans une réserve naturelle peuplée de biches ! On a fait un feu, on est allé voir les animaux.. avant de partir pour Noukous, ville riche aux rues droites et aux femmes très très élégantes.

On est monté dans le train avec Solal. Dans notre petit compartiment couchette tout en bois on était bien confortable. Les 2 chefs de wagons nous ont pris sous leur ailes, blagueurs, rustres et perpétuellement bavards.Le visage fatigué et rougeaud de nuits sans repos.

A minuit, le train s'est littéralement fait envahir par une cargaison militaire ouzbek. Les deux wagoniers avaient l'air d'enfants pris en faute, ils se pinçaient les lèvres en les regardant de loin, courraient, revenaient lair anxieux avec des jeux de clés infernaux car les gros militaires ont fait tout dévisser et tout fouillé. Ils prenaient ostensiblement un air supérieur et mauvais, lair de ceux qui peuvent tout se permettre.Passant devant moi je les entend dire :"Atkuda"

elle vient d'où ?et les petits wagonniers de dire : françus françus.. En attendant, on devait rester assis bien sage sur les banquettes mais dès quils decendaient du wagon, chacun y allait de son commentaire en chuchottant. En tout, ça a pris 3h.

Puis, les wagoniers dans un grand silence après le depart des militaires, ca y est ils sont loin, nous on rendu bien gentiment nos passeports. Le train s'est tout doucement actionné, lé bruit de sa mécanique de métal et de grincement est devenu régulier, tout le monde est allé fumer dans les toilettes et c'était la queue devant le samovar. Puis, silence du train dans la nuit, on s'est tous rendormi. Sauf qu une heure plus tard, rebelotte avec les kazaks ! Les wagoniers se précipitent, tapent et allument tout ! Tous assis bien droits . Il est 4 h du matin ... ils ne fouillent pas le train, se contentent de nos affaires . Une meute de chien parcourt le couloir. Et, comme je m'emmèle les pinceaux dans les papiers du visa entre les nôtres et ceux de mon voisin, l'obtention du tampon prend 15 mn de plus. Une fois obtenu, les wagoniers agacés m'aide à sortir, Solal et réveillé à la hâte, on me jette tout sur le quai et le train s'en va de sa petite cadence de démarrage. .. jusqu'en Russie.

Heureusement le gars de l'hôtel n est pas parti, le panneau Julietchka Denis me fait bien rire ...

Yves, de son côté, a fait la traversée du désert et de la frontière en voiture. Il lui est arrivé pleins de péripéties (voiture enlisée dans le sable, plus d'essence ) mais il s'en est super bien sorti à chaque fois, même à la douane où les douaniers ont voulu glaner ce qui les intéressaient dans la voiture.

La ville est toute petite , on se croirait en Amérique, aux Texas sur une terre de No mans Land. Que 3 routes verticales . Un hôtel ou clignote en vert fluo" Hôtel ", une pompe à essence .. mais toujours des énormes parcs de jeux pour enfants. Les alentours sont plus pauvres , des terrains vagues, immeubles en construction ou peut être en de construction au contraire.

La vie ici à l'air paisible . Il y a beaucoup d'adolescents rieurs et de jeunes filles guillerette qui se retournent sur notre passage. .

Demain on prend la route pour le port d'Aktau afin de prendre le bateau pour Bakou en Azerbaïdjan.


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On est à Aktaou, au Kazakhstan, à la frontière de la mer caspienne ; et demain, si tout va bien, on prend le bateau.

Ça fait déjà une semaine qu'on est à Aktaou, en bord de mer. On a laissé traîné le temps en profitant de la plage, en se laissant aller à lire et à flâner le long de la balade qui longe la côte balnéaire . On attendait aussi un colis de France et la voiture a eu plusieurs soucis. Yves à passé 4 jours chez un garagiste fumeux que lui avait recommandé un taxi géorgien qui était en fait le beau frère du garagiste .. ça s'est pas très bien fini mais la voiture roule.

Après avoir quittés Beyneou, on a roulé 2 jours dans la steppe, ne croisant que des chameaux et des troupeaux de chevaux sauvages qui, très joliment se regroupaient entre eux sans bouger, les têtes des uns sur les encolures des autres, comme un conciliabule de chevaux. Puis parfois on les voyait courir ou s'arrêter au bord d'une mare ou se réunir dans les longilignes ombres des cimetières.

A Aktaou, des familles et des ados venaient se baigner . Il y avait aussi des hommes nageant en pleine mer ou s isolant sur des rochers pour boire leur vodka tranquille . Certains jours la plage était pleine de serpents entre les rochers et des ados s'amusaient avec eux sans aucune frayeur bien qu'ils étaient énormes .

Ici dans le port on a rencontré tout un lot de voyageurs européens : à vélo depuis la Malaisie, en camion depuis le Kazakhstan, en moto... Ils ont l'air libres, heureux, détachés, simples, nus de ne rien posséder depuis des mois, nus d espace et presque sans pensée. D'ailleurs, on ne s'attarde pas à parler pour parler, on na pas grand chose a se dire en fait , si ce nest les déboires de chacun avec les douanes, alors on sourit, on sait bien que ca ira... on ne se dit que des petites choses mais on attend. Chacun rentre chez soi avec son véhicule mais on devrait être tous ensemble demain pour 2 jours de traversée !


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Le bateau était invisible pendant longtemps, loin derrière des barricades de métal et d'immeubles en plastiques qui nous barraient l'horizon. Avant de le voir, on a stationné des heures à l'ombre d'un camion sur le parking du port, assis le long du trottoir. Avec nous, 4 français en side car, des camionneurs turcs et un iranien avec qui nous avons passé les derniers moments d'attente. N'ayant aucune idée de l'heure d'embarquement(la veille on nous avait dit " peut être demain ou peut être après demain ") on était prêt à poireauter jusqu'au soir.

Parmi les turcs, 2 connaissent quelques mots d anglais et nous montrent avec fierté leur engin caligraphié aux noms de leurs enfants. On s'échange des cigarettes et des fruits secs. Après , ils allument le poste et merveille de la musique turque ! . Le vieil iranien en tee shirt vert et chaine en or se contente de sourire en quémandant des cigarettes, il se fait charier par les turcs et a aussi l oeil en biais vers les 2 francaises..

Chacun ira inspecter les véhicules des autres et ça baragouinera mécanique durant de brèves minutes. Je zone ensuite sur le parking avec la poussette et Solal sy endort sous un ciel lourd.

Puis, il commence à pleuvoir des petites gouttes et tout juste après quelqu' un donne l'alerte: on va y aller. Ca se diffuse comme une rumeur, je l'apprends d'une francaise qu un gars lui a dit quand elle sortait des toilettes . Puis ça crie " go go go !! ", on voit un français courir et tout le monde allume son moteur . On est les derniers avec Yves qui se dépêche et qui suit les allemands en camion Kazakh. Chacun se précipite car on sait que peut être il n'y aura pas de place pour tout le monde. Moi je marche derrière en poussette avec solal qui dort toujours.

Puis attente again, le bateau charge des rails de train. On retrouve, avant de monter, le couple à vélo venant de Malaisie et un autre couple à vélo d'Espagne. C'est la joie de les voir car la vieille jusqu'à minuit on attendait ensemble les formalités douanières et l'incertitude de pouvoir embarquer.

On arrive par la soute, ça sent le mazout, cest noir, raide, étouffant pour arriver au pont . On se perd, on est dans les machines, c'est si étroit que j'ai limpression qu'à chaque pas on a échappé à la catastrophe. Un mécano nous oriente vaguement, on sort enfin des entrailles de cette machine...on est à bord avec l'équipage et tous les autres du parking. Les autres voyageurs et le reste de l'équipage sortent uns à uns . Le capitaine isolé au fond semble veiller sur ses matelots, il acceille les voyageurs ave ses cigarettes, son thé et son chocolat d'Azerbaïdjan à l'orange.

Dans la cabine et dans le bateau tout en bois et en métal,

On s'y sent très bien .

On s'y endort.

On s y traîne vaguement d'un bout à l'autre . On ne fait que regarder les vagues ou se laisser bercer.

Les repas en commun sont très joyeux et bruyants, on sort du reve. Parfois, dans le salon ça joue aux cartes, le gars a velo jongle avec des oranges, Solal dessine ou va chercher des gâteaux au cuisinier . Il revient aussi avec des sucettes et des fruits secs offerts par les turcs . Lirranien débonnaire continue de sourire en regardant les filles... Le soir tout le monde se retrouve sur le pont, autour d'une grande table en bois. Avec l'équipage on parle surtout joueurs de foot. Et on boit du thé .

Le lendemainà l'arrivée, les vélos passent les premiers la douane, sans encombre, libres francs et joyeux quand , nous, les autres à moteur on reste des heures à vider nos véhicules.

Pendant 4 h c'est ensuite des formalités interminables. J'attends avec Solal qui fait des bouquets d'herbe pendant qu'un douanier me tient la jambe . Un des camionneurs turc survient au bureau où j'attends, on est content de se retrouver, bien que la paperasse n'est pas finie. Puis c'est l iranien qui apparaît, plus du tout souriant. Alors que je me réfugies dans la voiture pour échapper au douanier trop collant et que Solal s'endort Yves, arrive et enfin on quitte la douane ! Mais on doit à nouveau redonner des papiers pour quitter le port. C'est infernal . Les copains en side car et les allemands sont toujours coincés.

On arrive dans Baku comme après un sommeil : des immeubles modernes et immenses brillent aux couleurs de l'Azerbaïdjan, surplombent la mer, des voitures jamais vues roulent à toute vitesse. Nous sommes ensuite plongés dans des rues bondés qui brillent de magasins de luxes indécents au milieu d'une foule bruyante . Tout respire l'argent et la modernité.

A l'auberge on est parmi differentes nationalités, ce qui fait du bien : nigeriens , pakistanais, russes , indiens . Tout le monde se retrouve autour de la tv et des match de foot. Les copains à vélos sont sans doute loin de Baku. Demain nous prenons la route de la Géorgie en passant par un temple zoroastrien toujours en feu !

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On s'est extirpé de Baku avec pas mal de labeur, la chaleur est écrasante, on se perd, on zigzague sans fin dans son agglomération. Cette ville moderne nous a englouti dans son tourbillon de faste et de mélange de cultures à la fois arabes et occidentales. Mais avant de la quitter tout à fait nous faisons étape dans un temple zoroastrien qui fut depuis des siècles également vénérés par des hindous. Ganesh et siva sont donc aussi de la partie .. Non loin de là il y a aussi une "montagne qui brûle " à cause du gaz naturel à la surface de la terre.

Nous traversons ensuite d'interminables plaines stériles, vierges de végétations, brûlées par le soleil et sans aucun relief. Tout doucement certaines touffes d'herbes arrivent, puis des arbustes et finalement des arbres immenses. Une forêt s'avance vers nous et nous arrivons dans une vallée, dans une petite ville étape au nord ouest de l'Azerbaïdjan. Comme il n'y a qu un hôtel, un et que c'est du luxe on en profite grassement.

Solal sympathise avec des enfants qui nous serons familiers ainsi que leurs parents, et les quelques artisans du quartier. L'atmosphère d'Asie centrale disparaît , ici les gens parlent à la fois russe et turc.



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Le passage de la frontière avec l'Azerbaïdjan fut aussi simple qu'un passage au tabac du coin. On a ensuite devalé des routes de montagnes larges et aplaties par des arbres immenses. On croyait traverser un immense verger. Le long des routes et devant les maisons, des hommes sirottent des jus de fruits et croquent dans des pommes. La route et longue et il fait très chaud . Des églises orthodoxes bordent les villages et on se sent arriver en Europe.

Puis Tbilissi nous a tout a fait conforté dans l'idée d'être en Europe : tourisme de masse, pub, bières, souvenirs shops et office change à chaque coin de rue.

Je passe une après midi entière a chercher un cyber café pour imprimer nos billets d'avions j'ai pu me perdre dans des rues loin du chahut touristique et religieux. Chaque commerçant a son tout petit commerce rempli de toutes petites choses en désordre mais sur les visages aucune trace de lassitude d'ennui ni de misère.

Au milieu des rues le prêtre orthodoxe défile comme un pape et avec lui l'odeur de l'encens suit son sillage . On le salue et on fait le signe de croix derrière lui.

Le trajet en avion s'est bien passé malgré la tristesse de devoir rentrer.

Yves est arrivé 15 jours plus tard devant chez nous a Marseille après être resté longtemps en Géorgie et après avoir traversé la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Croatie , la Slovénie et l'Italie.

On est donc maintenant chez-nous à Marseille , prêts pour de nouvelles aventures !


Sinon la vieille ville est magnifique , elle ressemble a un théâtre en friche , a la Brecht . Elle ressemble un peu a Marseille a cause des voitures et des immeubles délabrés.