Nous nous réveillons très tôt dans un décor paradisiaque où nous nous sommes établis la veille. Cette plage de sable blanc et ces cocotiers, c’est vraiment très beau, tout à fait inattendu et nouveau pour nous. Une nouvelle merveille naturelle sur laquelle le soleil s’est progressivement levé, la couvrant de sa lumière changeante jusqu’à devenir plus crue, et ne redevenir intéressante qu’au crépuscule, dans la douceur de la fin d'après-midi.
La nuit fut agitée, des pluies diluviennes s’abattant jusqu’à sérieusement mouiller nos lits dans le van laissé toutes portes ouvertes... j’ai bataillé de longues minutes pour les fermer toute seule dans le noir, le vent, le sable détrempé et les trombes d’eau, avant que nous ne soyions définitivement immergés, pendant que mes trois cocos dormaient du sommeil du juste.
Au petit matin, après un joli moment à ramasser des noix de coco...
... à prendre un petit-déjeuner dehors comme nous les aimons et à photographier les environs, nous reprenons la route direction Cape Tribulation, à 150 kilomètres au nord. Il n’y a plus de route asphaltée après cet endroit du bout du monde qui porte le nom que lui a donné le Capitaine Cook, jadis sérieusement aux prises avec les courants et récifs environnants.
La route sillonnera jusqu’au bout entre océan et montagne recouverte de forêt tropicale. On pensera beaucoup au Vietnam dont la végétation luxuriante à l’aspect bourgeonnant et les tons de couleurs sont similaires: différents verts se profilent indéfiniment sous un ciel bleu platine, et de gros cumulus très blancs défilent au-dessus de l’océan aux bleus mouvants.
Mais le temps change vite, le ciel se grise, s’assombrit, et il pleut sur les champs de thé et de canne à sucre.
Après une petite halte à Port Douglas, station balnéaire sans grand intérêt mis à part sa situation, une petite église et Four miles beach...
... nous « pérégrinons » jusqu’à la Mossman Gorge, l’un des endroits les plus visités de la rainforest, terre de la communauté aborigène Kuku Yalan. Nous y pénétrons et découvrons une magnifique forêt dense où coulent les eaux cristallines de la Mossman River, dans laquelle Jacky et les filles feront une fraîche « trempette » matinale.
Nous empruntons ensuite un sentier de plusieurs kilomètres qui passe notamment par un pont suspendu, au beau milieu d’arbres gigantesques dont les lianes géantes arc-boutées forment des voûtes, dansent et s’entremêlent, tandis que leurs racines, qui ne cessent de se démultiplier, s’emberlificotent et grimpent jusqu’aux branches, pour renaître plus loin et former un nouveau tronc. Tout au long de la promenade nous parvient le son de la rivière qui coule entre les blocs de granit où s’est creusée cette gorge. C’est bien agréable et nous profitons sans nous presser de ce bain forestier jusqu'à ce que notre estomac crie famine.
Nous déjeunerons sur la plage de Wonga, tout à côté d’une cabane digne du roman d’aventures de Daniel Defoe. Je suis sûre d’ailleurs que c’est Robinson lui-même qui l’a érigée là, sous les cocotiers. Toute de palmes faite, il y a laissé fioles de verre, petits bocaux et noix de coco. Les filles se prennent au jeu, il ne manque plus que Vendredi qui pourrait partager le sommaire repas que Jacky et moi préparons avec les moyens du bord, tout en prenant connaissance des panneaux nous avertissant de la présence de méduses et crocodiles. C’est un peu déstabilisant, mais ça fait partie du package, pimente les choses et on a l’impression d’être de vrais baroudeurs!
La route continue dans la Daintree forest - une forêt pluvieuse de 125 millions d’années qui recouvre une superficie de 1200 km carrés - de plus en plus humide, de plus en plus profonde. Les zones habitées disparaissent peu à peu et nous parvenons à la Daintree river qui divise en deux sections nord et sud le Parc National du même nom. Là, nous prenons le traversier, ou plutôt une grande barge tirée par des câbles, et traversons le large cours d’eau marron où veillent des crocodiles; bordée de mangroves, elle menace de déborder.
De l’autre côté, sur la rive nord, nous sommes sur le territoire des casoars que nous avons rêvé de voir en liberté, fantasmé autant que le koala, à tel point que les filles ont inventé une cocasse chanson d’incantation à son intention : « Mais où est le casoar, avec sa p’tite histoire, et son pouvoir de se mouvoir avec sa p’tite passoire? Ouh ouh ouh... CASOAR! ». Malgré ce chef-d’œuvre et son irrésistible mélodie, fier comme il peut être, l’animal n’a pas daigné nous faire l’honneur de sa présence. Mais qu’à cela ne tienne! Nous nous sommes consolés en dégustant une glace faite maison dans une exploitation de fruits tropicaux: un « bon délice », comme disait Juju plus petite.
Et hop! Après cet arrêt gourmand, on grimpe dans le van et traversons la forêt de plus en plus sombre sur une route de plus en plus étroite et difficile à emprunter...
Quelques kilomètres plus loin, un panorama émeraude, le Mount Alexandra lookout, s’offre à nous et dévoile un magnifique point de vue sur l’estuaire de la Daintree.
Il pleut averse 5 minutes tous les quarts d’heure et la montagne dans laquelle nous circulons propose des falaises à droite et des éboulements à gauche. La route qui se transforme en piste nous fait faire demi-tour: il semblerait que nous ayons manqué notre destination. En effet, Cape Tribulation, ce ne sont que quelques maisons éparpillées entre des magasins d’alimentation disséminés ça et là dans la forêt, et terrains de campings comme celui que nous cherchons mais dont l’entrée n’est pas évidente à identifier non plus. Nous finissons par y parvenir, il pleut des trombes 10 minutes tous les quarts d’heure maintenant, l’endroit est presque désert, la nuit tombe et la délicieuse pizza au feu de bois vantée par Guide Vert sera pour une autre fois: le restaurant est fermé 🥺. Il ne s’arrête plus de pleuvoir quand devant le bureau d’accueil où nous désespérons peu a peu, une jeune femme sortie de nulle part surgit pour nous demander si l’on a besoin d’aide. Elle a un accent à couper au couteau, de grosses bottes de cowboy, est bâtie comme un kangourou et porte un chapeau à larges rebords: nous acceptons avec soulagement sa proposition et nous nous installons sans payer jusqu’au lendemain 9h, quand elle reviendra faire un tour. Comme toujours en Australie, la confiance règne.
Nous attendons dans le van la fin du déluge...
... et profitons d’une accalmie pour faire un tour sur la plage avant de manger. Nous passons enfin une nuit de mousson si invraisemblable que l'intérieur du véhicule mettra 2 jours à sécher. Lorsque l’on pense que c'était alors la fin de la saison humide, on se demande comment les locaux survivent ici en pleine période des pluies... c’est un peu comme les mouches du désert, une calamité naturelle à expérimenter!