Par Zazou
Après six mois à descendre vers le Sud, le voyage désormais s'inverse et nous faisons route vers le Nord.
4 JOURS SUR L’EDEN, LE FERRY DE LA PATAGONIE
Puerto Natales.4 heures du matin, mardi 13 mars 2018, dans le silence de la nuit, un bateau largue les amarres. Le vent souffle toujours, mais un peu moins fort que la veille. Heureusement car sinon la manœuvre d’accostage n’aurait jamais eu lieu. La Patagonie impose ses caprices climatiques régulièrement à ses habitants, mais cette fois le navire quitte le port bien à l’heure. Il glisse doucement sur les eaux sombres et froides, à travers les fjords du grand Sud. A l’arrière on distingue, écrit en grosses lettres blanches : « Eden » . A bord, une soixantaine de voyageurs de toutes nationalités dorment à poing fermés tandis que l’équipage s’active sur le pont, affairés aux machines, aux cuisines, ou à prendre soin du bétail qui voyage lui aussi sur le bateau.
L’Eden est un bateau de la société Navimag, il effectue la navette entre Puerto Natales et Puerto Montt (environ 1000 kilomètres plus au nord) tout au long de l’année. Et pour cause! C’est l’unique moyen de transport 100% chilien car cette partie du Chili est reliée par une route passant par l’Argentine. Le trajet dure quatre jours, au cours desquels le bateau fait une halte pour ravitailler un petit port, Puerto Eden, dont le seul raccord au monde est le passage régulier du navire. La grande majorité du trajet se fait dans les « canaux ». La côte pacifique est morcelée en une multitude d’îles montagneuses séparées par les canaux. Nous naviguons dans ce dédale entourés de glaciers et d’îles vides de présence humaine.
Quand nous ouvrons les yeux, trois heures plus tard ce matin là, nous découvrons avec éblouissement l’immensité patagonienne version maritime. Nous sommes sur l’eau, mais entourés de montagnes et glaciers. Nous filons sur le pont, et à ce moment là nous nous rendons compte que notre bateau fonce droit sur des rochers. Nous aimerions alerter le capitaine aux commandes de la perte certaine de notre navire s’il continue cette route. Mais en l’apercevant à travers les hublots qui séparent le pont du poste de pilotage, nous le voyons bien tranquille, une tasse de café à la main, observant l’horizon et semblant maitriser la situation. En fait, nous passons par un minuscule passage, large de 70 mètres (la longueur du bateau). Tout le monde retient sa respiration en voyant le navire frôler les rives des fjords qui nous entourent. Ils sont beaux, certes, mais un naufrage par une eau d’à peine 2 degrés et remplies d’orques affamés, on ne préfère pas imaginer. Enfin, le bateau passe. Oui, mais de justesse. Vigilance aux commandes, bien que l’équipage soit rodé et que la route soit connue.
On fonce sur les cailloux !Pendant quatre jours nous circulons dans ce paysage féerique. Sur le pont du bateau tantôt le soleil vient caresser délicieusement le bout de notre nez, tantôt la pluie et vent glacial se déchaînent avec tant de violence que nous sommes forcés de nous réfugier à l’intérieur. Rapidement nous sympathisons avec d’autres passagers et nous trouvons des partenaires pour jouer aux jeux de société que nous avons apportés. Nous faisons la connaissance de Percy, une sorte de GO du bateau, naturaliste de métier. Ce chilien travaille sur l’Eden depuis plus de dix ans, et organise des conférences passionnantes chaque jours sur un thème précis. Grâce à lui nous apprenons comment se forment les glaciers, quelle faune/flore on rencontre en Patagonie, quelle route de navigation allons nous suivre et pourquoi… En fin de matinée, nous prenons l’habitude d’aller faire un tour au poste de pilotage pour discuter avec l’officier de quart qui nous explique la navigation et nous montre les cartes. Après ça j’enchaîne sur le cours de Yoga, eh oui car sur l’Eden il y a un prof de Yoga, la claaasse quoi! Alors quand tu fais la position du scorpion, en équilibre sur la jambe droite tout en inspirant par les narines pour ouvrir tes chacras dans un ferry qui lui-même est en mouvement sur les flots au milieu de la Patagonie…tu te dis : BINGO quel voyage de fou !
Poste de pilotage , salle de yoga , notre petite cabine, le réfectoire DÉGUSTER UN CURANTO SUR L’ÎLE CHILOÉ
Bref, on ne s’est pas ennuyé sur l’Eden, on s’est même bien fait brassés sur la fin dans le golfe des Penas, une zone assez mal réputée, où nous avons rencontré pas loin de 40 nœuds de vents et des creux de 4 mètres. Quand nous arrivons à Puerto Montt nous ne sommes pas mécontents de renouer contact avec la terre ferme pour aller découvrir l’île de Chiloé. Etant toujours 4 avec Alexandre et Bérengère, louer une voiture est assez rentable et facilitera nos déplacements. Chiloé est connue pour ses adorables églises en bois, et des maisons sur pilotis. Mais avant tout, cette île est une vaste campagne bien verte et tranquille où il fait bon vivre et se promener. Alors nous nous perdons, de village en village, d’église en église, goûtant au calme serein de ce paysage aux accents normands.
Les églises chilotes, des petites merveilles architecturales Les maisons sur pilotis Chiloé est avant tout une île de pêcheurs Cueuillette des mûres . Qué ricas !Nous avons dans la tête, cependant, un objectif bien précis : déguster le fameux Curanto, spécialité locale, dont Percy nous a tant parlé. Le principe : on mélange des fruits de mer, de la viande, du poulet et on fait tout cuire ensemble. Le Curanto traditionnel s’apelle « Curanto al hoyo », c'est-à-dire que la cuisson des aliments se fait au feu de bois, dans la terre, recouverts de feuilles de rhubarbe. Pendant ces quatre jours sur Chiloé nous étions en quête de ce fameux plat traditionnel, mais malheureusement il n’est servi qu’à des heures et jours bien précis. La veille de partir, n’ayant toujours pas gouté le « Curanto al hoyo » nous jetons notre dévolu dans un restaurant à la propreté douteuse, tenu par un papy chilien, proposant le « Curanto al Olla » c'est-à-dire le même mais cuit dans une casserole. On s’est chacun vu attribuer une assiette gargantuesque sur laquelle était disposé un filet rempli de moules géantes plus ou moins en forme, palourdes, palette de porc et poulet. Lui-même accompagné, tenez vous bien, de galettes faites à base de pommes de terre, farine de blé et « manteca de cerdo », c'est-à-dire graisse de porc. Oui oui ; graisse de porc, bien dorée et luisante. Maintenant on inspire un bon coup, et on déguste ! Résultat… un peu mitigé… Voir, carrément dégoûte pour certaines...En rentrant, le pas lourd vers notre auberge de jeunesse ce soir là, on a tous prié pour que nos estomacs acceptent de relever le défi de la digestion ! Personnellement, je ne suis pas sûre de vouloir retenter l’expérience. Note pour ceux qui voudraient un jour aller sur Chiloé, n’hésitez pas à gouter un Curanto pour vous faire votre propre avis, mais choisissez bien l’endroit. HA HA !
Le fameux curanto de Chiloé!
RETOUR EN ARGENTINE : RANDO DE L’EXTRÊME AU PARC NAHUEL HUAPI
Les montagnes nous manqueraient elles déjà ? Après un passage de frontière Chili-Argentine (bien plus facile que le passage Argentine-Chili, Alexis vous en parlera dans le prochain article), nous arrivons à San Carlos de Bariloche. Nous resterons une bonne semaine dans ce petit paradis tant il y a de choses à y faire. Il aurait été dommage de se priver de la découverte de cette merveilleuse région montagneuse connue pour sa prétendue ressemblance avec la Suisse. En réalité, quand j’ai vu le lac Nahuel Huapi depuis le cerro Campaniero, je me suis dit que c’était encore plus magique. La vue qu’offre ce lac d’un bleu pur et contrasté avec le vert de la rive est splendide. Tout cet ensemble est d’une harmonie sans pareil. J’aurai pu rester des heures assise là, à contempler ce duo de couleurs. Alors finalement, je dirai que c’est plutôt la Suisse qui ressemble un peu à Bariloche.
L’immense lac Nahuel Huapi Vous souvenez vous de notre ami Franco, cet argentin qui nous a pris en stop quand nous sommes allés au Périto Moreno ? Il habite Bariloche. Alors à peine prévenu de notre arrivée, il passe nous prendre dans sa voiture et nous emmène tous les endroits qu’il préfère : Le Cerro Campaniero, petite montagne avec un son point de vue imprenable, la brasserie Patagonia pour boire une délicieuse bière maltée au bord du lac. Trop sympa Franco ! Il a grandit à Santa Fé, bien plus au Nord puis il est venu vivre à Bariloche, il y a cinq ans de cela. Et comme on le comprend! Ski l’hiver, rando, escalade et VTT l’été, bonnes bières toute l’année, le tout dans un cadre de rêve…les argentins ont de quoi aimer cette région. L’après-midi se prolonge et se termine autour d’une bonne Parilla (prononcer Paricha), grillades de viandes succulentes. Notre chouchou : le bife de lomo, une pièce si tendre qu’elle se découpe comme du beurre, grillée à point. Un régal !
En haut du Cerro Campaniero Une bonne petite soirée ! La sonnerie du réveil, le lendemain matin est un peu douloureuse. Nous laissons Bérengère et Alexandre dormir, bouclons nos sacs et partons, à deux, pour un circuit de 4 jours de randonnée dans le parc Nahuel Huapi malgré une météo incertaine. Premier jour de marche dans un décor magnifique, jusqu’au refuge Frey, à coté duquel nous plantons notre tente. Les nuits au refuge ne rentrent pas dans notre budget serré. Nous avons beaucoup de voisins, pas loin d’une cinquantaine de militaires argentins passent la semaine ici pour s’entraîner à l’escalade. Le refuge, en effet, est encerclé d’aiguilles vertigineuses en haut desquelles les soldats se hissent. La vue doit être terrible là-haut ! La soirée qui suit un peu glauque, deux argentins qui étaient partis ce matin pour escalader une aiguille assez technique ne sont pas rentrés et il fait déjà nuit depuis trois heures. Leurs femmes sont mortes d’inquiétude, d’autant plus que le mauvais temps commence à s’installer sérieusement. Le vent souffle fort, il fait froid, il pleut, et là haut il doit neiger. Alors les militaires partent à leur recherche, cordes dans le sac et lampe sur le casque. Bon courage les gars ! On part se coucher, déconfits, dans notre tente glaciale malmenée par le vent qui forcit. Ça bouge tellement dedans, on dirait la cabane hurlante ! Le lendemain, on apprendra que les gars ont été retrouvés sains et saufs vers 2h du matin, mais complètement gelés. Ouf ! L’histoire se termine bien. Un peu moins pour notre tente par contre, dont l’arceau est cassé en deux. Pauvre tente… pourtant bien solide. Quel sale temps ! Journée refuge, aujourd’hui. Nous resterons, collés au poêle, à bouquiner et à jouer aux cartes en regardant la pluie tomber par la fenêtre.
Le refuge Frey est un refuge comme on les aime, petit, convivial, où tout le monde discute, une tasse de thé à la main. Le gardien est un jeune sympa, qui attrape la moindre parcelle de temps libre pour aller escalader une de ces voies imprenables sur un bout de roche des environs. A midi, nous voyons débarquer… Béreng’ et Alexandre, qui sont partis de Bariloche un jour après nous pour la même rando!
Le refuge Frey entouré de ses aiguilles Le beau temps n’a pas duré Troisième jour : nous partons, à quatre vers le refuge suivant, le temps s’est un peu amélioré. Nous progressons sous un petit crachin dans un décor lunaire, de pierriers en pierriers, on se sent au bout du monde. Le paysage est vraiment incroyable ! Après une descente bien escarpée, nous arrivons au refuge Jakob. Enfin, si on peut appeler ça un refuge. Etant en travaux, deux grandes tentes le remplacent. La notre est réparée, avec les moyens du bord. Et s’il n’y a pas de tempête elle devrait tenir. La température chute brusquement. A 20h, ne pouvant plus tenir, nous nous réfugions dans nos duvets. J’en ai deux, quelle chance ! Fort de notre expérience des nuits glaciales patagoniennes, on a loué un sac de couchage supplémentaire à Bariloche avant de partir. Habillés comme des cosmonautes et avec nos bouillotes sur les pieds (eau bouillante versée dans nos gourdes en métal) c’est le top ! Pour Alex un peu moins. Un seul duvet ce n’est pas assez . La nuit est un peu longue. Au petit jour, quelle n’est pas notre surprise en voyant la fine couche de neige tout autour de nous!
Dormir sur des racines enneigées , la vraie vie quoi ! Mais on se caille!!!À gauche: petit esquimau dans son igloo. À droite: rien de tel qu’un bon plat de pâtes pour se réchauffer en rando Une belle rando bien escarpée POUR FINIR: UNE BALLADE A CHEVAL DANS LA PAMPA
25 mars : Dernier jour à Bariloche, mais aussi dernier jour de voyage avec Bé et Alex qui prennent leur bus ce soir pour Buenos Aires. On voulait marquer le coup, alors on se fait un petit plaisir hors budget : le rêve d’Alexis depuis que l’idée du voyage en Amérique du Sud a germé dans notre tête. Une journée à cheval dans la pampa ! Nous passons cette journée avec Arianne, une hollandaise née en Argentine qui tient un ranch dans les environs de Bariloche. Grande première pour moi, qui ne suis jamais montée à cheval (Alex lui se souvient de «son stage de Poney de quand il avait 10 ans» HA HA !). 😀 Mais ses chevaux sont sages comme des images et Ariane sait nous mettre en confiance. Bérengère, elle, retrouve vite ses sensations de cavalière qualifiée ! Le reste n’est que du bonheur, et la journée défile comme du papier à musique. On retiendra surtout le galop dans la pampa, et le déjeuner super sympa chez une famille de gauchos (équivalent de cows boys-fermiers et non pas ceux qui votent à gauche n’est ce pas Alexandre ^^).
Le déjeuner chez Ilda et son mari Et voilà, fin des aventures Patagoniennes. Ce soir nos routes se séparent. Ce mois de voyage au bout du monde était tout simplement magique ! Bien triste de quitter ma cousine chérie et son amoureux. Merci à eux d’avoir partagé un bout du chemin avec nous et bon retour en France! « Qué vaya bien ! » comme on dit par ici .