Notes pour moi-même.
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu envie de voyager.
Je ne sais pas trop d'où cela me vient. De voir ma soeur partir vivre aux Etats-Unis quand j'avais 8 ans ? De voir d'autres membres de ma famille faire des voyages extraordinaires ? De regarder un peu trop les documentaires animaliers et de voyage d'Arte ?
À chaque fois qu'un nouveau sujet me passionnait, c'était l'occasion de découvrir une nouvelle destination. Petite, je rêvais de m'occuper d'animaux sauvages (notamment ceux de la savane), et j'ai développé une passion pour l'Afrique. Vers 10 ans, mon père voyageait vers les Antilles et je voulais partir avec lui. Vers 12-13 ans, je suis devenue fan du Seigneur des Anneaux, et j'ai commencé à rêver de Nouvelle-Zélande. À 15 ans, j'ai découvert les mangas, les anime et la culture japonaise. À 17 ans, mon premier voyage vers les États-Unis pour y voir ma soeur. Cela ne s'est depuis jamais arrêté.
Chaque film, série, dessin animé, reportage, lecture, musique, me donnait envie d'aller voir les lieux en vrai, comme pour absorber un bout de fiction et le raccrocher à la réalité.
On se rend compte que le monde est à portée de mains, et qu'à chaque fois que l'on part quelque part, on en revient plus riche.
On apprend. On a dénoué un sujet, et fini par comprendre un problème qui était d'une complexité sans nom avant de l'avoir vécu. On apprend une nouvelle sonorité, un nouveau vocabulaire, un nouveau parfum.
On a l'impression de mieux comprendre les Hommes qu'avant. Et lorsque l'on comprend, on accepte mieux. À chaque nouvelle culture découverte, une barrière se brise.
On se crée des souvenirs avec des inconnus, plutôt que de fuir ceux qui passent devant soi chaque jour dans la rue. On apprend aussi, à rencontrer ses voisins.
On découvre sa maison, qui ne s'arrête pas à sa rue, à sa ville ou à son pays. La Terre est une sphère et nous en partageons tous l'habitat. Elle est toute petite et fragile, finalement.
Je suis consciente que faire un tour du monde n'est pas ce qu'il y a de meilleur d'un point de vue écologique. Je ne vais pas me chercher d'excuse ni minimiser cet impact. C'est une quête totalement égoïste que celle-ci. Alors pour me donner meilleure conscience, je fais attention de suivre une trajectoire logique et d'optimiser mes déplacements en avion et je prends le train dès que je le peux car il est 35 fois moins polluant ; je pars en quête d'humains qui essaient de trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard...
Deux ans.
Il m'aura fallu deux ans pour me préparer, même si je ne crois pas l'avoir vraiment "préparé" au sens où on l'entend (je n'avais ni réservé de billets d'avion ni d'hôtel à 1 mois du départ). Il m'a en revanche fallu deux ans pour mûrir mes envies. J'ai réfléchi en parallèle de ma vie, savoir combien de temps je voulais partir, où je voulais partir, comment je voulais partir, et où je pouvais partir aussi.
Il m'a fallu deux ans pour savoir que j'allai réduire le temps du voyage à 6-7 mois, de peur qu'un an soit trop long. Mon amoureux, ma famille, mes amis, mon chat vont trop me manquer.
J'ai aussi choisi de continuer à travailler pendant ce voyage. Parce que déjà, je dois continuer à payer mes traites en France, qu'ensuite je ne veux pas perdre mes clients et qu'enfin je ne veux pas déconnecter de la réalité.
Je suis déjà rentrée d'un long voyage où j'avais totalement déconnecté, et le retour a été si difficile et si violent que j'ai mis deux ans à m'en remettre. Alors j'ai décidé de garder ce lien avec la réalité que je vais retrouver en rentrant.
Se laisser des possibilités.
Je me laisse également des possibilités durant ce voyage. Je n'ai réservé, à 3 semaines du départ, que le billet d'avion pour le Japon et les 4 premières nuits. Je connais la date à laquelle je vais quitter le Japon pour le Vietnam, mais la suite reste encore plus ou moins un mystère.
J'ai choisi de ne pas prendre mes billets à l'avance. J'aurais pu, ça aurait peut-être été la solution la plus sécurisante. Mais je veux pouvoir à tout moment changer mes plans.
Je veux me laisser la possibilité de rentrer si j'en ai envie / besoin. En ne prenant pas mes billets à l'avance, je n'ai pas besoin de "m'obliger" à continuer.
Mon corps n'en sera peut-être pas capable. Mon compte en banque n'en sera peut-être pas capable. Mon cerveau n'en sera peut-être pas capable.
Bref.
Je pars à l'aventure parce que j'en ai toujours rêvé, mais sans pression. Si je ne peux plus, je rentre, c'est aussi simple que ça. Car sans pression, sans compte à rendre à personne et en ayant toutes les clefs en mains, ça ne pourra pas être un échec.
J'ai décidé de foncer tête baissée, je n'ai qu'un objectif en tête : celui de marcher sur la terre. Ce que je vais dire est certainement niais, mais je m'en fiche, j'aime trop la vie pour ne pas savoir comment les autres la conçoivent.
Un jour, je devais avoir 8 ans, je faisais de la balançoire. J'ai été soudain prise d'une vague d'angoisse au fond du ventre. J'ai couru en pleurant dans les bras de mon père en lui disant que je voulais mourir. Il m'a demandé pourquoi ? Je lui ai répondu que je n'aurai jamais la réponse à "qu'est-ce qu'il y a derrière l'univers".* Depuis, je ne suis toujours pas devenue scientifique, mais j'ai toujours des questions dans la tête. Alors je pars, je vais voir si les autres ont d'autres réponses que celles qu'on nous a données ici. Les autres, c'est les humains, c'est les animaux, c'est la Nature. Voilà.
*Ps : Mon père ne m'a pas raconté d'histoires pour que j'aille mieux, pas d'invention pour trouver des explications, il m'a juste fait un tour de magie en faisant sortir un collier de son nombril, et après j'étais à nouveau contente de vivre 😉