A Tsetserleg, nous profitons d'abord de nos 2 nuits dans une confortable auberge de jeunesse pour retrouver une ambiance apaisée et visiter cette ville où les bâtiments et les rues semblent en meilleur état qu'ailleurs ! Un joli temple transformé en musée échappa à la vague de destruction communiste des années 30. Il offre du coup à la fois un bâtiment remarquablement peint, quelques pièces religieuses, et également des éléments historiques et culturels sur la vie des mongols de cette région : costumes et mobilier, tableaux représentant le Naadam (la grande fête mongole mi-juillet avec compétition de lutte) ou la purge communiste, portraits de personnages historiques, sculptures de racine. Anecdote sympathique, nous étions absolument les seuls dans ce temple/musée et l'électricité ayant été coupée pour cause de travaux sur la ligne, nous étions parfois à la lumière de nos téléphones portables pour voir les œuvres !
Autre plaisir de se retrouver seuls à déambuler dans les rues de cette ville : fréquemment des jeunes nous saluent d'un "hello" accompagné d'un grand sourire, quand des anciens nous lancent des "Saïne baïne oo" (bonjour), visiblement contents de croiser une tête étrangère. Mais celle qui nous aura sûrement le plus scotchés et touchés, c'est cette petite fille de 10 ans, qui nous a dit hello à côté d'une statue de bouddha de 7m qui surplombe la ville, qui a su répondre à nos questions en anglais sur son nom et son âge, et qui 20min plus tard nous attendait avec sa grand-mère pour nous offrir quelques bonbons et nous inviter à boire l'eau d'une petite source en contrebas. Quelle belle preuve d’ouverture et de partage !
Le lendemain, sur proposition d'une association franco-mongole, nous partons pour une nouvelle expérience : trois jours en compagnie d'une famille mongole élevant notamment des yacks à 14km de là, pour partager leur quotidien. En échange de l'équivalent de 12 euros leur apportant un complément de revenu, nous sommes nourris / logés et nous les aidons dans leurs tâches quotidiennes.
Boguy (la mère) et Kala (le père) ont toujours le sourire aux lèvres. Ils ont 3 enfants, qui sont tous à la maison, les grandes vacances allant du 1er juin au 31 août. L'aînée Tséguy a 10 ans, est calme, souriante, sérieuse et appliquée. C'est toujours elle qui est sollicitée en premier par ses parents. Komba a 6 ans, une tête d'ange et un air malicieux, et une petite tendance au caprice. Tsama, la plus jeune, va avoir 3 ans dans 5 jours. Sa belle petite bouille est malheureusement souvent cachée sous des larmes de douleur due à une énorme carie dans ses dents pourtant naissantes. Pour une petite fille de 3 ans, elle semble parfois un peu triste et manquer d'attention (de ce qu’on a vu, les enfants sont souvent autonomes très tôt, au sens où les parents font leurs affaires et laissent les enfants jouer de leur côté, sans trop s’inquiéter même quand ils pleurent).
À la fin d'une première journée partagée entre découverte de la cuisine mongole et jeux avec les enfants, Boguy nous propose de prolonger notre séjour jusqu'à la fête des 3 ans de la petite où la tradition veut qu'on lui coupe les cheveux. Occasion unique d'approfondir notre immersion, nous acceptons avec plaisir!
Boguy et Kala accueillent également des groupes de touristes faisant un tour organisé, pour leur montrer les différents produits que l'on peut faire à partir du lait de yack. Ils dorment alors dans les 2 yourtes entourant la yourte familiale. Pendant 2 nuits, nous nous sommes donc retrouvés à 7 dans les 3 lits (1 place) de la yourte familiale !
Le lait de yack, proche du lait de vache au niveau du goût, permet à la famille de faire du beurre, du yaourt/lait fermenté, de l'alcool (en distillant le lait fermenté !), du fromage, et un espèce de biscuit à l'aspect sablé, sucré ou non. Pas d'atelier à part ici : le lait est stocké dans des marmites sous les lits et les "biscuits" pendus au plafond ! En plus de ces produits, nous mangerons assez varié : l’éternelle viande de mouton, mais aussi des noodles, des patates, des carottes, des oignons, des "ouchours" (petits chaussons frits fourrés à la viande et au fromage), des sortes de pancakes et un matin où nous étions un peu malades, du riz blanc avec des fruits confis. L’éternel thé au lait légèrement salé est souvent accompagné de petites pâtisseries, qui ressemblent à nos bugnes.
En dehors de cette découverte de la cuisine et des préparatifs du repas de fête (dont 2 moutons tués), les parents ne nous ont pas beaucoup demandé d'aide malgré leurs occupations permanentes : la mère dans la yourte et le père à bricoler son camion ou sur son cheval à surveiller son troupeau. Du coup notre activité favorite est de jouer avec les enfants qui ont apparemment une grande passion pour le coloriage de dessins que nous leur faisons.
La vie en yourte modifie certainement les rapports familiaux par rapport à chez nous : elle supprime d'abord l'intimité. Tout le monde est là au même endroit, quelle que soit son activité et l'isolement n'existe pas. En ressort des liens familiaux étroits et forts, à la base de la vie mongole.
L'hygiène a été un grand sujet de ces dernières semaines et ces quelques jours en famille nous le confirme : les mongoles semblent ne pas se laver, en dehors du visage, des mains et des dents de temps en temps. L'eau de la rivière la plus proche est utilisée pour la cuisine et le reste, sans filtration, malgré l'omniprésence des têtes de bétail dans les vallées. La vaisselle est lavée à l'eau chaude et les chiffons au bicarbonate. L'eau usagée est versée à quelques dizaines de mètres de la yourte. Et les toilettes, bien que matérialisées par un trou entouré de quelques planches ne sont pas obligatoires, surtout pour les enfants qui se contentent de pousser la porte de la yourte :).
L'éducation mongole est aussi parfois très déconcertante ! Bien qu'il y ait à peu près 3 repas par jour, parents et enfants mangent un peu tout et n'importe quoi à toute heure de la journée. La pièce unique fait que tout est accessible à tout moment et il ne leur sera jamais reproché de grignoter les biscuits pourtant préparés pour la fête, ou de laisser trainer les papiers par terre…
Un jour nous leur avons fait des crêpes et les avons déposés dans la yourte en attendant leur retour de la ville. Quand nous avons entendu qu'ils étaient revenus, nous les avons rejoint dans la yourte et découvrons avec étonnement qu'ils sont déjà plusieurs à avoir entamé le plat, sans peut être même savoir ce que c'était et qui les avait faites ! Les enfants aiment aussi lécher pour goûter puis jeter la crêpe ouverte et décomposée si ça ne leur plait pas... mais globalement ils ont aimé et l’on a apprécié ce partage !
Caro profitera aussi de ces quelques jours pour refaire un petit tour à cheval pour et ramener le troupeau du voisin ! 😀
Le moment le plus original de ce séjour est sans conteste cette fameuse soirée d'anniversaire. Commencée à midi par un repas avec la famille proche au début duquel chacun a découpé une mèche de cheveux sur la tête de la petite Tsama, qui se laissait faire malgré sa mine clairement déconfite. Puis sont venus s'ajouter d'autres membres de la famille et des amis tout au long de l'après-midi, obligeant la mère de famille à reprendre à chaque fois son service, dans l'ordre : un biscuit ou morceau de fromage, une sucrerie, une gorgée d'"airag" le lait de jument fermenté, une salade de fruit assaisonnée, une salade de patate, une soupe à la viande, en plus des multiples barbecues mongoles qui ont été fait au cours de l'après-midi. Bien sûr, dès que votre bol est fini, on vous demande "encore?" ou on vous sert autre chose.
Côté boisson, les enfants ont du coca, qu'ils boivent par un trou percé dans le bouchon, les hommes ont des canettes de bière classiques et les femmes de la bière sucrée et aromatisée aux fruits rouges. Et rapidement on sort la vodka, distribuée dans un petit shot que chacun choisit de finir ou non. Il doit être 16h, il y a peut-être 30 personnes dans la yourte et c'est alors à la grand-mère de lever son bol d'airag afin de porter un toast et de lancer la première chanson, suivie par une bonne partie des invités. Ce sera la première d'une longue série, dans un tourbillon constant du service de la mère et de ses "assistantes", des enfants qui rentrent grignoter et ressortent jouer, des adultes qui vont se soulager ou prendre l'air, jusqu'au milieu de la nuit... une seule fois nous entamerons la chansonnette pour leur partager la musique française, sur les Champs Élysées de Joe Dassin. Le reste du temps, nous sommes spectateurs de tout cela, parfois au cœur des conversations, parfois chaleureusement remerciés d'être ici, et parfois dehors avec les enfants qui ne ratent pas une occasion pour monter sur des épaules ou demander à faire l'avion.
Quels souvenirs !