Ce matin , quel bonheur! Après avoir eu des maux de tête et des nausées terribles toute la journée (et la nuit aussi, ), je me réveille fatiguée mais je n'ai plus rien! Je vais pouvoir prendre un bon petit déjeuner!
Ce matin est organisée la visite de la mine de Potosi avant de prendre le bus de 14 h pour aller sur Uyuni.
La mine de Potosi est déclarée épuisée depuis bien longtemps.
Plus de 30 000 tonnes d’argent furent extraites ici pour être envoyées directement en Europe, tout ceci sur le dos de millions de morts… De nos jours, c’est plus de l’étain et du zinc que les mineurs vendent.
La mine a été reprise par l’état en 1952. Elle n'était plus assez rentable. Elle fut cédée aux mineurs quand le cours des minéraux s'est effondré. Les mineurs ont accepté, moyennant le paiement d'un impôt. Bien leur en a pris car certains se sont enrichis quand le cours des minéraux est reparti à la hausse.
Nous nous équipons, ma guide et moi, avant de pénétrer dans la mine: bottes, pantalon, kway , casque et frontale. A l'extérieur, on peut voir le bois d'eucalyptus qui sert à l'étayage et un récipient en pneu qui sert à apporter les roches vers les wagonnets. On peut voir aussi la montagne de déchets de roche, tout ce qui est inutilisable sauf à combler des trous et une montagne de plomb. Les mineurs ne vivent plus sur place à l’exception d'un gardien , responsable de vols éventuels les WE quand les mineurs sont en repos.
Les mineurs sont organisés en coopérative. De ce fait, ils sont assez libres au niveau des contraintes de travail. Ce qui est extrait est de la matière brute, un mélange de divers minerais.
Chaque mineur y ayant adhéré explorera seul le filon qu'il a découvert. Il se fait aider de "journaliers" qu'il embauche . Les débris de roches sont remontés en surface par des wagonnets, par simple gravitation. Quand 20 T sont extraits, un camion les conduit hors de la ville pour le broyage et la séparation des minéraux présents.
Les mineurs sont très superstitieux. Ils croient en plusieurs Dieux et au diable, el Tio comme ils l’appellent. Avant de recommencer le travail, chaque lundi, ils offrent des feuilles de coca et de l'alcool à la Pachamama à l'entrée de la mine.
Un cadeau classique à offrir, c’est un sac de feuilles de coca. Les mineurs en consomment beaucoup pour tenir de longues heures sous terre sans manger. Ainsi que de l'alcool de canne à....96°! Un vrai tord boyaux;
On a: des feuilles de coca, du tabac, et un adjuvant qui va amplifier l'effet du coca . Il se présente ici sous 3 formes de 3 saveurs différentes. C'est de la cendre d'eucalyptus. Ils en prennent un petit peu à chaque fois. La boule de coca reste 4h en bouche.
Chaque mineur vend ensuite sa récolte à des entreprises privées. Celles-ci analysent la qualité de l’échantillon et payent ensuite les mineurs selon les cours internationaux en dollars. Ce qui entraîne une perte d’argent pour les mineurs lors du change en monnaie locale.
Les mineurs créent les tunnels avec de l'explosif. Ce sont des bâtons de nitroglycérine comme sur la photo. Ils les introduisent dans les trous que l'on voit sur ces photos.
Par souci d'économie, ils divisent le bâton en 5 morceaux. Armé de sa mèche, ils l'introduisent dans un trou percé dans la roche et comblent l'espace manquant avec...un autre explosif qu'ils achètent par sacs de 50 kgs. En fait ils refont un bâton de dynamite avec ces billes roses et du papier journal.
Les mineurs creusent horizontalement la roche qu'ils ont dynamitée à la recherche d'une veine. Quand ils l'ont trouvée, ils dynamitent une autre voie, en diagonale et en extraient les minéraux. Soit au marteau piqueur ( très dangereux) soit au burin.
Puis nous pénétrons dans la mine en longeant des couloirs sombres, humides, parfois froids et parfois chauds. Il faut savoir qu'ici, à Potosi, la température hivernale peut descendre à -10°. On marche entre les traverses des rails en pataugeant dans une eau jaune acide. Et la guide me fait découvrir les veines des matériaux.
Les accidents dans la mine sont encore nombreux. La manipulation de la dynamite cause régulièrement des morts.
Beaucoup souffrent de maladies respiratoires tant la poussière est présente dans la mine de Potosi.
Cette poussière est faite de silice: beaucoup de mineurs, même jeunes, souffrent déjà de la maladie de la silicose. À cela, il faut ajouter des gaz nocifs comme l’arsenic et le manque d’oxygène… Les mineurs qui commencent le travail parfois dès 14 ans poussent à mains nues des wagons de 2 tonnes dans des galeries étroites sur des rails approximatifs, quand il y en a. Ils portent sur le dos des sacs de 40 kilos sur des kilomètres de galeries.
Les mineurs qui travaillent au marteau piqueur sont dramatiquement exposés à la poussière de la roche, roche qui contient toutes sortes de minéraux, argent, fer, zinc, plomb et amiante. Leur espérance de vie est de 40 ans à peine.
Les autres iront jusque 60 ans, pas plus
Comme chez Zola, les enfants vont apprendre le métier dés 14 ans.
Il y a encore pour 100 ans de découverte possible. Cependant la montagne fut tellement exploitée que, de l'intérieur, elle ressemble à un gruyère. Elle reste debout pour 2 raisons: 1- le dernier filon exploité est situé à 4200m. Interdiction de creuser au-dessus. 2- tous les étais en bois (qui ont servi à l'exploitation de la mine ) créent un véritable squelette de bois. La montagne fait 4700 m de haut.
Ainsi donc, les mineurs commencent maintenant à explorer et creuser le sous sol de la montagne. Ils descendent dans les entrailles de la montagne par tranche de 30 m en utilisant ces échelles de bois. Actuellement ils sont à 100 m de profondeur.
En 1985, les mineurs ont explosé la roche comme d'habitude pour creuser une voie secondaire dont le filon semblait prometteur. Le travail a commencé : dynamitage, extraction, dynamique....Et boum! Un autre dynamitage a fait apparaître une tête. Superstitieux comme pas deux , les mineurs y ont vu la tête d'un dieu. Ils ont tout arrêté et abandonné le filon , soucieux de le laisser au Dieu et ont érigé cet hôtel.
Dans cet hôtel, on voit bien la tête de pierre qui a été expulsée ainsi qu'une statue qui a une histoire.
Lors de la conquête, les Espagnols obligeaient les indigènes à travailler dans la mine. Ceux ci ne voulaient pas l'explorer car pour eux tout est sacré, de l'arbre aux pierres.
Les conquistadors ont eu l'idée de créer cette statue/diable afin de convaincre les indigènes qu'ils leur arriveraient malheur s'ils ne travaillaient pas.
Détaillons la statue: cornes de Diable, pieds et jambes de bouc, 2 mains différemment posées ( l'une reçoit, l'autre protège), des joues gonflées par la coca et sexe très proéminent pour ensemencer la Pachamama.
Comment cette statue s'est retrouvée au fond de la mine, je ne sais pas.
En tout cas, l'autel est honoré par des offrandes de coca, alcool, cigarettes, bière....et même si il y avait là un diamant de 50 carats personne n'irait creuser!!
Visiter cette mine aux conditions de travail digne de notre Moyen Age est un voyage hors du temps qui relativise nos maux et nos revendications, qui force le respect.
Après cette visite fort intéressante, direction le terminal de bus pour aller sur Uyuni. Le trajet durera 4h.
Le bus était plein au départ mais cela ne l'a pas empêché de prendre des "campesinos" sur le trajet: certains montent, d'autres descendront mais tous resteront debout dans l'allée centrale. Des effluves de gens pas lavés, des odeurs de "campagne ", mélange de terre, fumiers, senteurs de divers animaux de la ferme, voilà ma douce aventure de l'après-midi!
Pendant 3 jours, je pars en expédition en 4x4 dans le Salar d'Uyuni. Une sacrée expédition mais pas d'internet. Donc il y aura une pause dans mon récit