Jour 1 du grand départ, ce matin, ça tombe grave. Le départ est repoussé d'une de heure... Généralement les rues sont déjà blindées de monde mais là, il y a quasi de personne à part 2-3 rickshaws avec des bâches. Direction le débarcadère où tu montes sur une barque pour rejoindre le bateau. Malgré le parapluie, t'es déjà trempé.
C'est clairement une croisière familiale vu les 4-5 pitchounes qui piaillent sur le pont. On est bien 40 dont deux étrangers, l'autre est singapourien. Le bateau a 3 ponts dont le dernier sert pour les repas.
Va falloir que le temps se calme si on veut pouvoir manger au sec. T'as même dû sortir du fond de ton sac une polaire.
Bye-Bye Khuna et son quartier de maisons sur pilotis.
On descend la rivière Poshur en direction du golfe du Bengale. Des photos des rives ? Franchement ? Vu le temps de merde, c'est une perte de peloches !
Ah, ça y est, tu vas peut-être être pleurer... Un local t'a alpagué avec le singapourien et depuis il nous lâche plus avec des questions sans fin. Il a voulu qu'on déjeune avec lui et t'en est arrivé à lui demander s'il bossait pour la police. Du coup, tu fais un break dans ta cabine (mais tu résistes, pas encore une larme)
Côté bouffe, le riz est bien sûr la base indispensable. Côté bengalais, ce n'est pas deux petites cuillères de riz, c'est l'assiette qui déborde. Puis c'est poulet, poisson et légumes sous forme de buffet. A peine l'heure du repas annoncé que les bengalais se dépêchent de faire la queue. Le plus impressionnant, il se colle les uns aux autres dans la file.
La navigation ? On a dû naviguer 1h sur les 6h prévues le matin. On a attendu 4h une amélioration de la météo avant de de repartir. Deux stops avec petites balades (dont une de nuit) étaient prévues, on les oublie. Mal barré pour voir de la bestiole.
Alors, va savoir comment le capitaine pilote son bateau. C'est le noir complet et il n'allume aucun projecteur. Méfiance, la dernière fois que t'as joué à ce jeu, c'était sur le fleuve Niger et t'as crashé une autre pinasse qui arrivait en face...
Le dîner? Merci de vous reporter au menu du déjeuner.
Le patron du bateau vient te demander d'ouvrir ta cabine. Ton voisin a les pieds dans l'eau. T'as pareil, ça vient pas de chez toi. Va savoir ce qu'ont merdé les autres voisins mais leur salle de bain a 5 centimètres de flotte, ça a débordé et la flotte est passée de cabine en cabine. Voyons le côté positif, ça aura peut-être noyé les cafards...
Donc, première journée passionnante.
Jour 2
Lever à 5h, en espérant que la journée soit plus intéressante que la veille.
Changement complet de météo, ciel dégagé. Les lumières d'une dizaine de bateaux éclairent légèrement la nuit encore bien noir.
Le soleil commence à pointer, on va pouvoir embarquer sur la barque direction un petit canal ou on pourra ensuite aborder sur la terre ferme. Important de préciser 'ferme' car c'est de la mangrove partout.
On est à marée basse et si tu poses le pied au mauvais endroit, tu t'enfonces dans la boue jusqu'à la cheville.
C'est le timing pour tous les bateaux d'envoyer leurs passagers pour la balade. Coup de pot, ton groupe est le premier à débarquer, ça nous permettra de prendre un peu d'avance sur les autres. Étonnement, il y a 2-3 bateaux qu'avec des touristes étrangers.
Le ranger, armé, ouvre le chemin. T'es rassuré au cas où le moindre félin montre son museau. Faut imaginer 40 pingouins qui traversent la jungle sur un chemin impossible à rater. Le ranger marche rapidement, ce qui permet de larguer les plus lents surtout qu'ils causent fort. La moindre bestiole nous entend a des kilomètres. Vu la distance qu'il y a entre le ranger à l'avant et les derniers, si un chat se pointe derrière, il a largement le temps de faire un festin avant de se prendre un coup de fusil.
Ils ont construit une tour d'observation. T'imaginais pas un truc en béton aussi énorme ici. Il y a un mois, le ranger a trouvé à côté de la tour un daim qui venait d'être tué par le gros chat.
Il y a même une tour avec des antennes et en fonction de ton opérateur téléphonique, t'as Internet même ici. On sort de la jungle pour une petite clairière. Deux sangliers traversent rapidement pour se perdre dans la mangrove. Plus loin des daims tachetés de blanc.
Même s'ils ne sont pas chassés, ils se barrent rapidement. Surtout que quand les bangladais les voient, ils foncent sur eux avec leur smartphone sans zoom et ça rassurent pas les bestioles de voir un troupeau bizarre foncé sur eux. L'objectif de la balade est de rejoindre la plage de Jamtola. Alors, marée basse, on voit pas la mer et de toute façon c'est de la boue. L'endroit était paisible jusqu'à que tous les groupes arrivent.
Même dans la mangrove, tu trouves du plastique et du polystyrène, certainement amenés par la marée haute. Un gus se met à chanter, d'autres mettent de la musique. Faut vraiment que le chaton soit sourd pour venir traîner dans ce coin. Bon, ben voilà, il est temps de faire demi tour pour reprendre la barque et aller sur l'autre rive à Katka. Des petits singes nous attendent. Va savoir s'ils sont payés pour poser.
Il y a quelques constructions en dur. On peut certainement y passer quelques nuits. Si ça intéresse quelqu'un...
Un jeune sanglier traine sans crainte dans le coin. Oui, pas de trop risques pour lui dans un pays musulman. Beaucoup plus de daims mais toujours assez loin.
Incroyable, au retour, tu tombes sûr le félin tant recherché. Il est plutôt petit, blanc (albinos ?), et fait miaou. Merde c'est juste un vulgaire chat. C'est pas ça que tu espères voir...
Y a plus qu'à rentrer penaud sur le bateau et petit déjeuner de...riz. Constipé ? Ouais, un peu.
Petit tour en bateau pour aller sur un autre spot. Tu scrutes la rive au cas où... Le patron du bateau en a vu un traverser le canal une fois. Aujourd'hui? Que dal !
Cette fois direction la plage de Dimer char ('char' veut dire banc de sable) pour se baigner. Ils ont sorti les gilets sauvetage. T'as un peu l'impression d'être sur un boat people qui veut rejoindre l'Angleterre.
Alors une plage, faut pas s'emballer. C'est un peu de sable et malheureusement beaucoup de plastiques.
On est les premiers à être sur le spot. Le ranger te dit qu'en haute saison (décembre, janvier), t'as jusqu'à 500 personnes sur la plage. Mais, euh, tu comprends pas trop, sur le descriptif il y a écrit 'beautiful and untouched place'. Ici, 500 personnes c'est considéré comme 'untouched'. L'eau est d'une jolie couleur marron.
Pour un pays qui risque malheureusement d'être bientôt surmergé, aucun des bangladais ne sait nager. C'est plus du pataugeage avec parfois même un gilet de sauvetage. Du coup, on est que les deux étrangers à vraiment nager.
Bon, faut pas déconner, c'est l'heure de retourner au bateau pour une bonne plâtrée de riz, du poulet et quelques crevettes !
Après une journée aussi intensive, la sieste est nécessaire avant de repartir faire une petite balade à Kochikhali. On remonte en barque un canal assez étroit jusqu'à une rive assez boueuse.
Ça va être la dernière balade que l'on va faire aujourd'hui. Le ranger, sur ta suggestion, demande au groupe, même s'il te dit que c'est inutile, de ne pas parler pour ne pas faire peur aux potentielles bestioles. Ils ont pas tenu plus de 20 secondes, un cauchemar. Les mecs sont même au téléphone. En fait, ils ne viennent pas pour espérer voir des bestioles, ils viennent pour manger et faire des selfies.
Le chemin commence sympathiquement dans la boue et de la flotte.
Passage en mode pieds nus car en flip flop c'est un peu compliqué. On crapahute un petit peu pour retrouver le même genre de tour d'observation que ce matin.
On passe par un semblant de village où un vieux monsieur explique qu'il y a quelques mois, un tigre a tué un daim et repu, a fait une sieste devant sa baraque. Il a pas osé sortir pendant plusieurs jours. Retour au bord du fleuve où une vingtaine de daims se nourrissent. Bien sûr, deux gars veulent se rapprocher très près et ils se barrent.
Oula, mais il est bientôt 18h, il faut rentrer au bateau pour le goûter. Du riz ? Et non, des frites et une petite soupe bizarre. Des frites pour le goûter ? Oui, oui, pour le goûter. Le riz c'est pour ce soir. S'il y a pas de riz au repas, le cuistot est éjecté du bateau. Ce soir c'est BBQ et riz.
Au fait, les larmes ? Toujours pas ! Le gars a compris qu'il fallait qu'il insiste trop.
Soirée cinéma sur le bateau. Vu le niveau sonore, même les tigres peuvent écouter le film ...
Jour 3
Lever 7h, la brume commence à se dissiper.
C'est parti pour une petite balade à Andharmanik. Il y a deux ans, ils ont construit une passerelle en béton qui permet de marcher trois mètres au-dessus de la mangrove. Quand tu vois l'état et la couleur du béton, t'as l'impression que la passerelle a 20 ans. Ici, avec l'humidité, tout se détériore rapidement.
Le ranger cherche quelque chose. Finalement, il trouve et te montre des traces de pattes du félin tant recherché. Vu la taille de l'empreinte c'est un jeune tigre.
Bon, comme pressenti, tu l'auras pas vu. Des empreintes c'est mieux que rien, hein?
Puis, retour à l'entrée ou 4 daims vivent dans un enclos.
Il est temps de remonter le fleuve pour rentrer. On commence à retrouver la civilisation avec un petit village de pêcheurs les bateaux qui partent pêcher en pleine mer.
Dernière étape, Karamjal, une ferme d'élevages de crocodiles qui sont ensuite remis en liberté. Toi qui pensait changer de menu avec un bon steak de crocodile et changer de ceinture... Que dal
Il y a juste des saletés singes agressifs qui traînent pour tenter un braquage. On a rien a craindre, le ranger n'a pas mis sa tenue de travail et n'a même pas emporter son fusil. C'est maintenant ou jamais pour le tigre. En tout cas, il aura le choix vu le nombre de touristes. C'est un des deux spots accessibles pour ceux qui viennent juste à la journée. Alors, il y a du monde. Encore un enclos avec des daims.
Puis plusieurs bassins avec des crocodiles différentes tailles. Les deux plus grands s'appellent Roméo et Juliette.
On a le droit comme ce matin à une petite marche sur une passerelle en béton qui passe au dessus de la mangrove. Mais aussi avec des petits stops où tu peux goûter à des trucs qui visuellement ne donnent pas vraiment envie. Faut faire gaffe, les singes surveillent la moindre erreur.
Puis retour à l'entrée où une armée de singes attend tranquillement, à l'affût. C'est l'occasion de prendre une noix de coco. Une fois ouverte, tu manges la chair tranquillement. Tu tournes la tête quelques secondes. T'entends un cri a côté de toi. Le temps de te retourner et un enfoiré de singe a chapardé ta noix de coco. Ok, on a pas le droit de faire des sacs ou ceintures en croco. Mais des tatanes en peau singe version le père Noël est une ordure, c'est possible ?
Voilà, c'est fini, c'est le lent retour en bateau vers les klaxons de Khulna.
Pour info, cette compagnie a un petit bateau de 9 places. Sa location pour le 3 toujours tout compris est d'environ 1500 dollars. Tu divises par 9, ça revient beaucoup moins cher et surtout tu peux t'organiser pour les étapes en dehors des heures d'affluence. Pour info la société, la société s'appelle evergreen tours. (Non, non, je ne prends pas de com)
Faut que je vous parle d'un des touristes bangladais. Assez âgé, une jolie teinture de cheveux bordeaux que toutes mamies rêveraient d'avoir, toujours bien sapé, parfois en mocassins blancs pour marcher. Il s'est présenté au patron du bateau comme un poète. Le gars passe son temps à faire des vidéos où bien sûr il se montre et parle très fort. Il a demandé à un employé de le filmer pendant qu'il simulait la réflexion pour écrire un poème. Si ça vous intéresse, je peux lui demander s'il a un compte Youtube pour vous puissiez le suivre.
Tiger Ricardo