10 Septembre 2019
C’est particulièrement fatigués que nous rentrons à Cusco, après une nuit inoubliable passée à camper à la Montagne aux 7 couleurs - à 5,000 mètres. L’altitude et le froid, s’ils ne nous ont pas gênés outre mesure, furent tout de même éprouvants. Nous n’avons pas beaucoup dormis, la faute aux hurlements incessants de chiens errants autour de notre campement, ainsi qu’au gateau d’anniversaire d’Arnaud qui n’a pas supporté le transport et fut particulièrement mal digéré…
Nous profitons de notre soirée pour se faire un bon resto avant d’attaquer, le lendemain, les préparatifs pour le trek. Nous avons pu, la veille, tester le matériel de camping que nous louerons pour le trek (tente, sacs de couchage resistants aux températures négatives, tapis de sol et popote - RAS nous avons survécu sans encombre à -20 degrés là haut). Le départ est prévu le 12 Septembre dans la nuit pour une arrivée au pied du Machu Pichu la veille de l’ascension, le 14 Septembre. Nous avons réussi à obtenir de justesse les précieux sésames pour le premier créneau de 6h du matin, le 15 Septembre. Nous n’aurons dés lors pas le droit à l’erreur pendant le trek, tout retard nous serait fatal et nous priverait alors de l’accès au site !
11 Septembre 2019
J-1 avant le départ pour le mythique Salkantay Trek, chemin ancestral emprunté par les incas en leur temps. La randonnée de 3 jours, entre montagnes (sommet à 4700m) et forêt tropical, doit nous conduire au pied du célèbre Machu Picchu pour son ascension le 4ème jour. Nous avons décidé de nous passer d’un guide et de porteurs au vue du coup exorbitant de la prestation (merveille du monde oblige…) et du défi personnel qui nous est opposé. Il nous faudra bien calibrer la nourriture que nous transporterons et sélectionner minutieusement nos habits. Nous le savons, chaque gramme compte, car le matériel loué est très lourd (le rapport taille / poids de l’équipement est en effet bien plus lourd que ce qu’on peut trouver en France à qualité équivalente) et le poids de nos sacs sera notre principal adversaire. Nous sommes bien équipés, entrainés et parfaitement acclimatés à l’altitude. C’est déjà ça…
Le réveil est douloureux, nous nous sentons mal tous les deux, on ne peut rien avaler. Nous sortirons péniblement du lit aux alentours de 15h pour faire nos courses et récupérer le matériel de camping. Le soir, nous nous préparons un plat de pattes à l’auberge pour pouvoir se coucher tôt. Au programme de la première journée: réveil à 4h, arrivée à 8h à Soraypampa, le village de départ, visite d’une superbe lagune à 2h de marche et première nuit en tente pour un départ le lendemain matin. Mais stupeur, nous nous rendons compte au cours du diner que nous nous sommes trompés sur les dates et qu’il nous faut commencer la première journée de trek dès le lendemain pour être le 14 Septembre au pied du Machu Picchu. Tans pis pour la lagune…
12 Septembre 2019
Ca y est, c’est le grand jour, levés 4h, on fignole la préparation de nos sacs lourdement chargés - premiers échanges de regards inquiets. 5h, le bus est là. Nous avons loués les services d’une agence qui effectue la visite de la lagune à la journée - nous payons que pour le transport aller afin de nous rendre à Soraypampa. Le bon plan a priori. Mais très vite, ça dérape, une roue de notre vanne éclate. Après d’interminables minutes, nous repartons. On se dit qu’on l’a échappée belle. Mais au bout de quelques minutes, nous sentons que quelque chose ne va pas: nous roulons à très faible allure, ce qui au Pérou n’est pas courant (euphémisme). On tente alors d’obtenir des explications mais le guide persiste: tout va bien, il n’y a aucun problème, la roue a été changée. Malgré nos protestations (Sandra est excédée: « Mentiroso, mentiroso! »), on ne saura jamais ce qu’il s’est passé mais, résultat des courses, nous arrivons au village à 11h30 au lieu de 8h. Nous avons 9h de marche à faire dans la journée pour ne pas prendre de retard. Mission quasi impossible… Nous n’aurons jamais le temps de nous rendre à Chollay en une journée. L’inquiétude est à son comble.
12h, c’est parti. On attaque la journée de marche. Nos sacs pèsent une tonne (environ 12kg pour Sandra et 15kg pour Arnaud). Sandra me fait comprendre au bout de 20 min qu’elle n’y arrivera jamais. La panique se fait sentir. On est coincés. Pas le choix, faut avancer. On verra ça plus tard. Nous entamons la montée qui doit nous conduire en 4h au col de Soyroccocha, à 4700m d’altitude, avec une superbe vue sur le mont Salkantay enneigé et ses 6271m. Au bout d’un quart d’heure, le moral dans les chaussettes, la cerise sur le gâteau: on s’est trompés de chemin, l’ascension que nous avons entamé est celle de la lagune, pas du col, et pour ne rien arranger, il se met à pleuvoir. On est mal, très mal, il est midi, on n’a pas commencé, Sandra a déjà mal au dos et il pleut. Notre trek prend des allures de cauchemar.
Allez, cette fois, c’est vraiment parti. On monte, lentement, la pluie fait place à de la grêle, on commence à avoir froid. Que c’est long. Sandra fait reposer tout son poids sur son pauvre bâton. Au bout de 4h d’une montée difficile, nous arrivons - dans la douleur - au col. Pour les paysages et la vue sur le Salkantay, on repassera, nous sommes dans un épais brouillard, on ne voit pas à 10 mètres. Nous n’aurons pas pris ne serai-ce qu’une vidéo ou photo. Tans pis, on aura le temps pour ça plus tard. On n’a pas de temps à perdre, il est déjà 16h, et nous devons descendre de l’autre côté et avancer au maximum avant la nuit, sinon le retard de la première journée sera irrattrapable. Si la montée fut un calvaire, la descente se passe bien. Nous sommes soulagés d’avoir franchie une des grosses difficultés du trek et avançons malgré la pluie d’un bon rythme, nous courrons parfois, trottinons souvent. A 18h, il fait presque nuit, nous devons nous arrêter. Nous sommes à 1h et demi de Chollay, notre cible initiale. C’est inespéré ! On est épuisés mais heureux, nous installons notre campement sur le petit terrain d’Antonio, un Qechua d’un âge très avancé qui vit seul dans sa chaumière avec une superbe vue sur les glaciers. Magique ! Après une soupe et des nouilles, au lit, le plus dur nous attend.
13 Septembre 2019
Départ tardif, le temps de tout emballer (sous la pluie pour changer…) et de petit déjeuner, il est 8h30. La descente jusqu’à Chollay se fait en courant, nous y sommes en une petite heure. Il faut se rendre maintenant jusqu’au village de la Playa, à 7h de là, puis si le temps nous le permet, jusqu’au Llactapata, un sommet où nous pourrons camper et admirer le Machu Picchu de derrière - ça sentirait bon ! On n’est pas rendus mais en forme. Le trek est superbe, on traverse de nombreux ponts naturels, la végétation est luxuriante et diversifiée, mais nous sommes fortement ralentis par des trombes d’eaux et la boue qui nous sert de chemin à flanc de falaises, c’est un peu dangereux mais nous sommes vigilants. A 11h, nous devons faire une pause forcée. Une dame et sa fille nous accueille, nous sommes au sec et partageons jus de fruits et avocats frais (et un sandwich au thon minutieusement préparé par Sandra…). Une heure plus tard, la pluie s’est calmée, nous repartons. Nous sommes trempés jusqu’au eaux, mais les brèves apparitions du soleil nous permettent de sécher légèrement. Nous arrivons plus tôt que prévu à la Playa, le temps est clément, nous décidons de poursuivre. Il nous reste 5h de marche jusqu’au Llactapata et 850m de dénivelé positif. Mission impossible mais toute avancée est bonne à prendre. A 14h, nous sommes au pied de la montée, Sandra est mal en point, le poids du sac lui inflige une vive douleur à l’épaule gauche. Je la convainc d’entamer la montée. Au bout d’une heure, la douleur est trop vive. Nous sommes tout de même parvenus à atteindre une petite « Finca », ferme qui produit - entre autre - du café péruvien avec une vue sublime sur les montagnes. Les propriétaires sont adorables, on s’arrête là. Nous dégustons un délicieux café en leur compagnie, on prépare le campement, on dine et au lit, la journée de demain sera la dernière !
14 Septembre 2019
Départ à 8h30, il y a 3h de montée jusqu’au Llactapata, puis 2h de descente de l’autre côté jusqu’à Hydroelectrica, d’où il nous faudra ensuite longer, pendant 8km les rails du train qui se rend depuis Cusco au pied du Machu Pichu, à Agua Calientes. Bon…
La douleur à l’épaule de Sandra est toujours vive, il nous faut alourdir le sac d’Arnaud pour ne pas hypothéquer nos chances de finir dans les temps. Mais contrairement à la veille, les jambes suivent difficilement pour Arnaud. La montée est un véritable cauchemar. Par dessus tout, nous nous sommes rendus compte la veille que l’appareil photo a pris l’eau et qu’il ne fonctionne plus. Le moral est au plus bas. La montée est interminable et Sandra prend le relais pour continuer à avancer. Finalement à 11h, nous y sommes. La vue sur le Machu Picchu se dévoile au loin, le soleil nous accompagne, on sent qu’on commence à en voir le bout ! Et cerise sur le gateau, l’appareil se remet à fonctionner comme par magie ! La fatigue et l’émotion font leur effet, Arnaud craque un peu, mais on s’en rapproche ! Après une heure de pause et 2 barres de céréales dans le ventre, on se remets en route. La descente est pénible, les genoux souffrent mais nous voilà à Hydroelectrica. Nous finirons au mental, tant cette portion est interminable et le corps douloureux, les 8km le long des rails jusqu’à l’entrée d’Agua Calientes. Nous trouvons un petit camping à 300m du point de contrôle de l’ascension du Machu Picchu, ça y est on touche au but ! Problème: on n’a pas imprimé nos tickets pour le lendemain… et des randonneurs nous conseillent dans le doute de le faire. Arnaud se remettra en chemin pour 4km aller retour afin de les faire imprimer par un hotel ( 5 étoiles, ça donnait envie). Après une douche littéralement glacée (l’ »agua » n’est pas « caliente » pour tout le monde dans cette ville…) et un petit diner (combo soupe Knorr et nouilles, toujours et encore…) au lit !
15 Septembre 2019:
4h, le réveil sonne, la fatigue se mêle à l’excitation ! On y est, la récompense de tous ces efforts ! On prend un petit déjeuner rapide: café / thé, sandwichs au Nutella, nos lampes frontales et c’est parti. Les portes ouvrent à 5h en bas et 6h en haut. Et oui, pour y accéder, il nous faudra gravir les marches sur 800m de dénivelée positif en moins d’une heure pour être dans les premiers à entrer sur le site ! On est motivés, les jambes sont lourdes mais affutées. Nous sommes dans les 120 premiers à faire la queue à 4h45. A 5h, les portes s’ouvrent et à 5h15 c’est à notre tour d’entamer la montée. Arnaud part devant bien décidé à doubler tout le monde. Problème, dans la précipitation et peu aidé par la nuit, il se trompe de chemin à mi parcours… il devra finir par le chemin en lacets - beaucoup plus long - destinés aux autobus, le calvaire… Mais c’était sans compté sur Sandra qui mis tout le monde d’accord en faisant la montée en 29 min (!), se positionnant même parmi les 30 premiers dans la queue à 5h45 pour l’ouverture à 6h. Arnaud, au forceps, arrivera dégoulinant (de transpiration et de colère) à 6h00; pile à l’heure pour l’ouverture ! Le spectacle peut commencer, aux premières loges… le fruit de nos efforts récompensé par un soleil resplendissant se levant sur le site à mesure que nous y pénétrons. Cela en valait la peine !
Tout se passait à merveilles, une vue lumineuse sur le Machu Picchu depuis la Porte du Soleil, c’était trop beau pour être vrai. L’appareil photo nous lâche… nous ne pourrons prendre aucune photo avec et il se remettra à marcher sur le chemin du retour…
57km plus tard, des souvenirs pleins la tête, il est temps de lever le camp, effectuer les 8km de rails dans l’autre sens afin de revenir à Hydroelectrica prendre un « collectivo » (mini-van) de 6h pour rentrer à Cusco. Vive l’aventure !