Samedi 5 septembre 2020
Ce matin le réveil est avant le lever du jour. Nous avons un bateau à 7h45 à destination du Palais, à Belle-Île-en-Mer. Ici pas besoin de mettre d'alarme pour sortir du lit : c'est le premier bateau du matin qui fait savoir à toute la ville qu'il est bien arrivé au port à l'aide de sa corne de brume réglée sur "Volume MAXIMAL". Quand on n'est pas habitué, ça surprend. En 5 minutes de marche nous atteignons le port avec un peu d'avance, il y a plus de monde que ce que j'avais imaginé. Pendant que nous faisons la queue derrière un fier supporter du stade rennais et d'autres Quiberonnais tout aussi respectables, un membre de l'équipage circule dans la file pour biper nos tickets d'embarquement. Cela nous laisse le temps de profiter du paysage matinal. Des dizaines de voitures, motos et vélos embarquent également dans un parking situé à l'intérieur du bateau.
Nous montons à bord du Vindilis, navire de plaisance arborant un drapeau breton en guise de figure de proue, la classe. En plus, les places de devant sont disponibles ! On a une belle vue, mais il fait froid. Je suis le seul touriste en T-shirt, et Audrey a le ventre retourné par la houle. Les plus téméraires, dont moi, ont le droit de sortir admirer la mer.
Après environ 45 minutes de cabotage, le Vindilis jette l'ancre au port du Palais, capitale de Belle-Île-en-Mer, du haut de ses 2500 habitants. Les agences de location de vélos sont encore fermées, on patiente alors avec un cappuccino/croissant sur la terrasse du Grand Hôtel de Bretagne, en face du port. Cette matinée est très agréable, les premiers rayons de soleil réchauffent nos petits visages pour nous réveiller en douceur.
L'agence EURL Reversade que j'avais repéré auparavant n'ouvre qu'à 9h30, on change donc pour Drivin' Belle-Île qui elle est ouverte. J'avais lu le blog d'un couple de voyageurs qui avait fait le choix de prendre des vélos classiques pour leur journée à Belle-Île. Ils disaient avoir fortement regretté et avoir terminé la journée lessivés, l'île étant tout en relief. Sous leurs conseils avisés, nous choisissons donc deux vélos à assistance électrique. L'utilisation est simple : on règle la puissance de l'assistance entre 0 et 3 et on garde un œil sur la batterie restante pour ne pas se retrouver bloqués dans la pampa au milieu de la journée.
Notre première destination est Sauzon, la ville la plus au nord de l'île. On pose nos bolides en face d'un café et on se promène à pied le long du port et des restaurants. Plein de douces odeurs s'échappent des cuisines qui commencent déjà à s'animer. Une fois arrivé au petit phare du bout du quai, nous poursuivons sur un petit sentier qui monte et nous offre une vue sur tout le village. De là nous redescendons par l'intérieur du village pour prendre une mouette brune en shooting photo, et repartir d'où nous sommes arrivés.
Nous arrivons ensuite à la Pointe des Poulains, qui constitue cette fois le point le plus au nord de l'île. Un sentier aménagé le long des côtes nous propose de passer à côté des points d'intérêts du lieu. Il y a deux choses à voir ici : tout d'abord le Fort Sarah-Bernhardt. Il s'agit d'un ancien repli militaire dans lequel l'actrice aurait vécu quelques temps avec ses officiers de maison. Aujourd'hui le fort a été réhabilité en musée à l'effigie de la comédienne qui est présentée comme une icone de Belle-Île. Pour être très honnête, nous ne connaissons pas cette personnalité et n'avons pas nécessairement envie de la connaître. Nous préférons plutôt poursuivre notre route jusqu'au Phare des Poulains que nous avions repéré de loin. Pour information, cet endroit est attribué aux "Poulains" simplement par mauvaise traduction phonétique du réel nom breton "Beg Er Pollen" qui signifie en réalité "Pointe des rochers isolés". Le phare qui porte un bonnet rouge est isolé sur son socle de terre, la scène est digne du film d'horreur The Ring. J'en profite pour faire un joli plan au drone, puis nous repartons dans le sens inverse pour aller trouver de quoi nous sustenter.
Après une épopée tortueuse et imprévue dans des chemins de forêt pour VTT, nous parvenons sain et sauf à trouver une petite crêperie renfoncée discrètement derrière une cour. Il s'agit de la Crêperie Coton. Nous nous asseyons sur des chaises oranges sous une tonnelle, et un serveur très agréable vient prendre notre commande. Pour moi ce sera une galette complète avec fromage de chèvre de Belle-Île, et une crêpe chocolat piment d'Espelette en dessert. On sent bien le piment mais c'est très largement surmontable.
Après la halte déjeuner, nous terminons notre trajet en passant par l'arrière du Phare de Goulphar pour atterrir au point de vue le plus impressionnant de l'île selon moi : les Aiguilles de Port-Coton. Il s'agit de grosses pointes rocheuses émergées de l'eau. Le site s'appelle Port-Coton car l'écume produite par les vagues qui s'entrechoquent sur les aiguilles ferait penser à de petits amas de coton. C'est ici que je capture le plan de drone le plus risqué de ma carrière d'amateur. J'envoie mon petit agent aérien à 50 mètres en dessous de moi, direction les rochers et l'agitation de la mer. Je ne le quitte pas du regard de peur de ne plus le distinguer de la roche brune. Une fois sa mission terminée, il remonte pour se poser sur la falaise calmement, tout s'est bien passé, il aura ses croquettes.
Le périple à Belle-Île s'achève à la plage de Ramonette, proche du point de départ. Nous passons une petite heure à flâner sur le sable avant de retourner rendre les vélos à 18h. Il nous reste une demi-heure à patienter avant d'aller rejoindre le site d'embarquement. On décide de se reposer de notre longue journée sur un banc en compagnie d'un goéland. Je ne peux évidemment pas m'empêcher de ressortir mon appareil photo pour capturer notre nouvel ami.
Nous sommes de retour à Quiberon aux alentours de 20h. Après une rapide douche, nous nous rendons au restaurant La Cabane à Crabes toujours en face du port. Après avoir partagé d'excellentes rillettes de poisson maison, je suis un peu déçu par mon burger de crabe. Mais ce n'est pas des plats dont je me souviendrai le plus ici, laissez moi vous conter notre étonnante soirée.
À ma gauche, un couple occupe tout comme nous une table pour deux. La femme d'une quarantaine d'années, que nous appellerons Isabelle pour l'anecdote, se trouve immédiatement à ma gauche. Je la soupçonne de ne pas être originaire de la région au vu de la manière hésitante et incertaine qu'elle a de décortiquer son plateau de fruits de mer. Pas plus de 10 minutes après notre arrivée, Isabelle tente pour la première fois de sa vie d'écarteler un crabe. Comme de nombreuses premières fois, son action se solde par un échec. Le pauvre crustacé meurt une seconde fois, explose sur Isabelle et sur moi-même. Je me retrouve tout entaché de crabe et de mayonnaise. Bon, je croise les doigts pour que le résultat de son ânerie parte au lavage.
Quelques instants plus tard, la lumière du restaurant s'éteint d'un coup. S'en suit un "Ooooooh" général de surprise et de déception. Et puis en fait, c'est un anniversaire ! Un des serveurs arrive avec un gâteau et des bougies, et toute la salle se lève et chante pour la jeune fille concernée, comme si c'était une grande famille. Nous réalisons petit à petit que tout le monde a l'air de se connaître ici.
Après le moment de l'anniversaire, la lumière s'éteint de nouveau ! Ils sont tous nés le 5 septembre ce soir ou quoi ? Soudain quelle surprise, la lumière se rallume : le serveur qui me paraissait être le moins stable de tous s'en prend à la jeune fille susmentionnée, muni d'un homard bleu vivant dans la main droite. Il pointe l'animal sur le visage de sa victime en s'écriant "Ha ha ! Alors tu as peur ?". La fille se met à crier, la salle entière s'en amuse, et le clown de service continue son numéro avec le pauvre crustacé qui doit bien se demander ce qui lui arrive.
Enfin pour terminer, entre le plat et le dessert, nous sursautons à cause d'un énorme bruit sec : "PAN !" puis un autre, "PAN !". Qu'est ce qu'il se passe encore dans ce restaurant de fous ? Je me retourne sur la table de derrière, et j'aperçois un bon pater familias breton asséner de grands coups de maillet sur une carcasse de crabe. Pour le coup lui, il n'en est pas à son premier. Je suis mort de rire, c'en est trop. Ce restaurant nous aura offert un vrai spectacle, je recommande fortement.