Vendredi 21 – Diamche 23 février
Cette fin de semaine, je décide de visiter Jardín, un village dont je n’ai entendu que des éloges à 80 km de Medellin à vol d’oiseaux... Soit 4h30 de bus. Sorti du bus, je marche ensuite jusqu’au Creo Eco Lodge, une auberge-ferme bio-écolo tout en bois, sur 3 étages à flanc de colline, avec des balcons et espaces ouverts, tenu par Thibault et Eva, un couple Français et Colombienne. L’endroit est très calme, à vingt minutes de marches du village, bercé par le chant des oiseaux et le ruisellement de la rivière en contrebas.
Le soir, je retrouve Andrew, un Américain du Michigan que j’ai rencontré lors de ma première semaine à Medellin. Voilà quatres semaines déjà qu’il travaille sur une ferme de perma-culture à Jardín. Nous mangeons à la Revolución Bananera, son restaurant préféré, avec deux amies qui travaillent avec lui sur la Finca. Au retour, je rentre à pieds dans la nuit, un orage menace, mais contourne la vallée. La brume illuminée par les éclairs au loin et les lucioles qui sintillent dans les arbres donne un aspect surnaturel à ma marche nocturne.
Je passe ensuite la nuit sur un balcon de l’Eco Lodge. Il n’y pas trop de moustiques et je suis protégé par d’épaisses couvertures. J’ouvre les yeux plusieurs fois pendant la nuit et je me trouve face à des paysages différents. La montagne change de forme, sculptée par la brume qui la chapeaute. Au matin, le chants de oiseaux exotiques, la vue sur la colline avec des Eucalyptus longs et fins et la fraicheur du matin sont revigorants.
Je fait quelques étirement sur une platforme en face de la colline, puis toute l’auberge déjeune ensemble un succulent repas fait maison: confitures et café fait avec les récoltes du terrain, ainsi que pain fait maison et jus fraichement pressé. Je ne suis pas un buveur de café, mais je prends une goutte, ce n’est pas tout les jours que nous avons droit à du café fait maison.
Randonnée avec Andrew
Dans la journée, je retrouve Andrew pour une marche dans la montagne. Il vient avec Fiesta, un chien de sa ferme. Nous suivons Fiesta dans la montagne qui à l’air de connaitre le chemin mieux que nous. Nous marchons trois bonnes heures à monter la montagne, traverser des ruisseaux et des enclos à vaches. Fiesta prend un malin plaisir à traumatiser les veaux en leur aboyant dessus.
Nous descendons ensuite le flanc de montagne à pic, en nous aidant des cordes à disposition ainsi que des lianes et des racines. Nous arrivons finalement à notre objectif, la Cueva de Guachoros, une cascade qui se jette dans un cayon ombragé, sculptant une arène dans la roche. Nous nous baignons sous la cascade glaciale, écrasé par son jet.
Au retour, il se met à pleuvoir un déluge, la vallée est grisée par la pluie et le chemin se transforme en ruisseau. Fiesta n’a plus l’air d’apprécier sa ballade. Je suis trempé sous mon imperméable et mes bottes sont pleines d’eau. Ça ne me derange pas tant, la pluie n’est pas aussi froide que ne l’était la rivière. Après une heure, la pluie s’adoucit et le soleil illumine la colline. Nous marchons en diection de l’auberge puis je partage un chocolat chaud avec Andrew.
La cérémonie de Sweat Lodge
Le lendemain matin, je vais à une cérémonie de Sweat-Lodge, sorte de sauna autochtone, animé par une colombienne qui a passé 15 ans au sein de la tribue Lakota. Elle parait jeune et détendue pour une grand-mère. Certains disent qu’elle s’applique sa propre urine sur sa peau et dans ses cheuveux et qu’elle en boit tout les jours... Nous commençons la cérémonie en saluant les sept directions: l’ouest, le nord, l’est, le sud, le ciel, la terre, et le coeur. Nous faisons ensuite une guirlande en empactant du tabac dans des petits carrés de tissus de couleurs représentant les sept directions. Nous nous faisons ensuite purifier par une fumée qui ressemble à de l’encens avant de prendre place en cercle dans la tente.
Le Sweat Lodge est une tente circulaire recouverte d’épaisses couvertures pour garder la chaleur. Lorsque la porte est fermée, il y fait complètement nuit. Le centre est composé d’un trou au sol tapissé de petits cailloux pour y déposer les pierres chaudes. Une fois tous en cercle, les pierres chaudes, rougoyantes sorties du feu sont déposés au centre, une bonne quarantaine en tout, au son des chants et du tambour. Les pierres sont déposés dans le trou à l’aide de cornes de cerf, utilisés comme pinces. Chauque nouvelle pierre est ensuite recouverte d’herbes séchés odorantes. Je suis tout devant, en face des pierres rougeoyantes, il fait très chaud et je sue déjà.
On verse ensuite une casserole d’eau sur les pierres, à l’aide d’une grande cuillère sculptée en bois, pour y produire de la vapeur. Après chauque casserole, la porte est ouverte, pour en amener une autre. Chauque casserole versée apporte une nouvelle vague de chaleur accompagné d’un chant différent, du tambour et des gens qui utilisent leurs mains et leur poitrine comme percussion. En tout, sept casseroles y sont versées, pour les sept directions, plus deux en silence. À la cinquième vague de chaleur, je n’en peux plus, mes oreilles et mes mains me brûlent. J’adopte donc la position tête en bas, avec le front sur le sol qui est un peu plus frais. Je me sens faible, je ne bouge plus, la position me donne des fourmis dans les jambes et les épaules mais j’ai à peine la force de bouger.
Nous sortons finalement, la cérémonie est censé représenter les neuf mois dans le ventres de notre mère et la sortie est comme une renaissance. Je sors à quatre pattes, mon corps est lourd, douloureux et brûlant. Je m’assoie dans l’herbe et j’essaie de méditer un moment sans succès. Puis on m’offre un jus de mûres.
Drôle d’expérience, je ne sais pas trop quoi en penser. C’était intense et je ne sais pas vraiment ce que j’y ai gagné à part tester ma limite d’épuisement.