Carnet de voyage

Pérou 2 Roues

27 étapes
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Une itinérance à vélo en Cordillère Blanche et Huayhuash au Pérou
Du 23 avril au 22 mai 2024
30 jours
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Je n'avais pas du tout prévu de repartir à vélo sur un autre continent ce printemps, après la traversée d'une partie de l'Afrique au début de l'hiver, mais voilà qu'une opportunité temporelle s'offre à moi pour réaliser un vieux projet, si ce n'est un vieux fantasme : pédaler parmi les montagnes du Pérou, tant me fascinent les tracés sur cartes de ces routes et pistes qui serpentent indéfiniment à flancs de montagnes pour souvent passer à plus de 4000 m d'altitude, avant de plonger vers de nouvelles aventures. Je m'étais gorgé de ces délices du vélo en montagne en Colombie en 2022. J'espère retrouver ces sensations, sachant par contre qu'il devrait faire nettement plus froid.

Blessé à un doigt alors que je prenais plaisir à regrimper assidument au retour d'Afrique, je ne dois plus agripper de prises pour le moment, ni du coup travailler en escalade, afin d'être rétabli pour la saison d'été qui commencera pour moi à Chamonix à l'école des guides fin mai. Je ne suis jamais libre habituellement à cette période qui est, en principe, le début de la saison sèche au Pérou (à moins que la Niña ne fasse des siennes comme El Niño en Afrique cet hiver). C'est ainsi que j'ai décidé il y a 3 jours de prendre un billet d'avion pour Lima. J'ai déjà été au Pérou en 2001 avec Arnaud Guillaume, pour faire de l'alpinisme, quelques mois avant que naisse mon fils Martin. Ce voyage est donc aussi une sorte de clin d'œil au passé.

Mon projet en arrivant à Lima est de prendre un bus pour Trujillo au nord du pays, d'où je rejoindrai les montagnes pour suivre les cordillères en direction du sud, jusqu'à là où mes jambes, désirs et rencontres me porteront. Commençant à me connaître sur un vélo, le plus dur sera peut-être encore cette fois de rester raisonnable dans les doses journalières de pédalage.

Comme à chaque fois que je prépare la bagagerie pour ces voyages, le diable s'est caché dans les détails. Les choix cornéliens entre confort et rusticité m'ont encore bien occupés. Je pars avec 6 kg, en mode backpacking, afin de profiter des longues montées tout en gardant une chance d'avancer plus vite qu'une tortue. J'ai pris une bonne doudoune, des sous-vêtements chauds, de quoi me protéger à peu près de la pluie, juste un petit duvet et une couverture de survie en cas de bivouac et donc fait l'impasse sur tente, réchaud et matelas, espérant rejoindre un hébergement chaque soir.

Cette traversée n'étant pas bien longue (25 jours de vélo sur place), j'aurai probablement peu de temps pour l'écriture et partagerai donc ici surtout des photos et vidéos.

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Arrivée à Lima sans encombre après 11 h de vol depuis Madrid et un vélo qui n’est pas tombé en plein milieu de l’Atlantique (c’est toujours « El Caminante »).

Pendant ce temps Martin mon fils se cassait le poignet et se luxait l’épaule en VTT. J’ai songé à rentrer de suite mais finalement les nouvelles sont rassurantes et j’aurais pas pu faire grand chose de plus. Bon courage et patience Martin, je vais pédaler pour deux alors.

Aujourd’hui c’est en bus que j’ai rejoint Trujillo, près de 600 km au nord de Lima, en pas moins de 11 h de voyage également, le long du Pacifique et sur la Panaméricaine.

À partir de demain jeudi, on refait alliance pour 3 semaines avec El Caminante et je sais pas ce qu’il en pense, mais moi ça me tarde. Pour commencer, direction les premiers soubresauts de la Cordillère Blanche avec déjà 2700 m de grimpette jusqu’à la première bourgade.

Mon grand plaisir pour le moment est d’avoir retrouvé les mêmes soupes qu’en Colombie pour petit-déjeuner, j’adorais m’arrêter en prendre une après avoir roulé une heure ou deux.

J 1. 23/14/24 : Toulouse - Lima (Iberia). Taux de change pas intéressant à l’aéroport en arrivant, changer un minimum. Carte SIM achetée à l’aéroport (là où il y a les agences de location voiture). 38 € pour 30 G0 / 1 mois. Taxi réservé à l’avance sur Booking pour rejoindre l’hôtel (15 €), situé juste à côté du terminal de bus Plaza Norte. Numéro direct du taxi : +51 922 473 779. Bureau de change avec taux intéressant (€ ou $) dans la gare de bus. Gros centre commercial type européen collé à la gare de bus. Nuit : Hospedaje Escorpio 14 €. Des hospedaje tous les 10 m dans ce quartier, qui servent aussi clairement d’hôtels de passe

J 2. 24/04/24 : Lima - Trujillo. En bus. 11 h de trajet. 12 € pour le passager, 17 € pour le vélo, 4 € pour l’emballer dans du film plastique après avoir démonté pédales, roue avant et cintre. Mieux vaut réserver une place la veille pour les bus du matin. Le bus s’arrête une fois à un resto pour manger. Taxi en arrivant pour rejoindre l’hostal : 3 €. Prises électriques Pérou : Type A ou C selon les lieux. Nuit : Yaqta Hostel 7 €

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Les saveurs et la simplicité du voyage en Amérique du Sud me sont encore revenues aujourd’hui, pour mon plus grand plaisir. Parti tôt, arrivé tôt, je crois que ce ça être le tempo des jours futurs, la météo se dégradant semble t’il souvent à la mi-journée. Un départ fastoche mais un peu vif quand même car je me suis mis dans la roue d’un cycliste local qui appuyait bien sur ses pédales. Ensuite, une bonne montée d’une quarantaine de kilomètres pour passer du niveau de la mer à 2700 m le long du Rìo Moche, c’est son nom. Des champs d’ananas et d’avocatiers le long de la route et aussi des parois où il doit bien y avoir quelques voies d’escalade. Enfin, une belle averse aussi forte que soudaine et éphémère à 2 km du but, de quoi se retrouver trempé jusqu’au slip en une minute à peine. Demain, la route passera déjà à 4000 m, ça va piquer

J 3. 25/ 04/24 : Trujillo - Otuzco. 78 km / 5h05 / D+ 2720 km. Route avec une bande d’un mètre sur le côté pour être protégé de la circulation sur les 35 premiers kilomètres, jusqu’au début de la montée. Pas mal de cyclistes sportifs du coin sur cette portion. Puis bonne route de montagne qui grimpe assez tranquillement jusqu’à Casmiche, où ça se raidit. Pas trop de circulation, surtout des camions et des pick-up, qui passent assez au large. Restos et petites épiceries fréquentes jusqu’à Casmiche. Nuit : Hôtel La Fe 9 €

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Parti hier matin du niveau de la mer, j’étais un peu intimidé de passer déjà à 4000 m mais il faut croire que l’acclimatation au rythme d’une montée à bicyclette fonctionne bien. Je n’ai pas trop souffert ni eu mal à la tête. J’ai aussi été rassuré par les températures là-haut, à peine frisquettes aujourd’hui sous les nuages et que mon équipement vestimentaire devrait braver en cas de dégradation météo imprévue.

J’ai sympathisé un bon moment avec le tenancier d’une échoppe de bord de route où je me suis arrêté boire un café. Il m’a demandé ma nationalité et puis directement ce que je pensais de mon gouvernement. Vue la teneur de ma réponse, on a pas mis longtemps à se comprendre et lui de m’exprimer tout son ressentiment envers les pays du nord qui « volent tout ». Une colère froide notamment envers les États-Unis, qui « font et défont les gouvernements d’Amérique Centrale et du Sud », « pillent les ressources » et dont « chaque guerre serait juste alors que ce sont les plus grands criminels et faiseurs de chaos de l’histoire ». Toujours la même question, elle était aussi criante en Afrique : « comment se fait-il qu’il y est tant de pauvreté dans des pays où la terre donne tout ? » Au Pérou, d’après ce que j’ai lu, un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Il a résumé notre conversation par cette formule lapidaire : « il n’y a ni gauche ni droite, il n’y a que corruption ».

Quelques kilomètres plus loin, je passais à côté de la mine d’or, d’argent, de cuivre, de zinc et de plomb de Shorey - Quiruvilca Située à presque 4000 m à la source du Río Moche dont je suivais le cours hier et aujourd’hui, elle l’a complètement pollué, au mercure notamment. Le dernier exploitant, si j’ai bien compris ce que j’ai trouvé sur internet a fait faillite en 2018 et n’a pas réalisé les travaux de décontamination qui lui revenaient. Depuis, la mine est exploitée par deux à trois milles travailleurs informels et illégaux. Des études affirment qu’aujourd’hui un tiers de la population péruvienne (plus de 10 millions de personnes) serait contaminée aux métaux lourds, tant les mines sont partout.

Sur une note plus légère, Santiago de Chuco est la ville natale de Cesar Vallejo, considéré comme le plus grand poète péruvien et même d’Amérique du Sud, mort et enterré à Paris en 1938. Il a sa statue sur la place centrale et on m’a parlé de lui dans la rue ce soir. Rue où j’ai bu une sorte de jus d’aloe vera, boisson prisée par les locaux tant il y avait de monde qui passait prendre son petit verre du soir à la carriole ambulante.

J 4. 26/04/24 : Otuzco - Santiago de Chuco. 99 km / 6h05 / D+ 2350 m. Bonne route identique à la veille jusqu’à Shorey puis piste (numéro 3N passant par le col de Coypin) en bon état et assez roulante avec quelques passages en tôle ondulée. Alternance de goudron et de piste dans la descente sur Santiago. Quelques habitations entre le premier col à 4150 m et le col de Coypin. Vu un hostal non mentionné sur Google Map à Agallpampa. Nuit : Hospedaje El Hotelito 12 €

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Et paf le chien, et crac la sacoche.

Ça partait bien aujourd’hui avec un ciel matinal tout limpide et l’extase d’être là. C’était sans compter sur quatre chiens sortis d’un jardin sans s’annoncer et qui en une fraction de seconde étaient sur moi. Mon mollet a semblé être au goût de l’un d’entre eux. J’ai pu commencer à désinfecter de suite avec mon unique mini-dose de bétadine puis me suis rendu au Centro de Salud du village suivant qui était à proximité. La morsure n’a pas trop pénètré dans les chairs et une infirmière a désinfecté tout ça sans lésiner sur les moyens, a appliqué une pommade antiseptique, protègé le tout et m’a prescrit un traitement antibiotique. Tout cela sans qu’on me demande de payer quoi que ce soit pour les soins et avec une gentillesse absolue. J’ai noté que les cachets sont vendus à l’unité en pharmacie, pour la durée exacte du traitement, contrairement à chez nous où nous héritons encore de boîtes judicieusement calculées pour que les moitié ne soit pas consommée, mais bel et bien vendue.

Je savais avant de partir que le principal problème pour les cyclistes en Équateur et au Pérou, c’était les chiens… je confirme. Je vais augmenter ma vigilance et ma quantité de cailloux dans les poches. C’est vrai que depuis hier que j’ai commencé à en voir, j’étais un peu trop en mode « ça va bien se passer » quand j’en avais un ou plusieurs à mes trousses.

En repartant, la fermeture éclair de ma sacoche de cadre pourtant toute neuve a rendu l’âme. Je me suis dit que c’était pas mon jour. Puis de fil en aiguille, j’ai repris mon petit rythme et profité de ces belles montagnes russes et villages situés autour de 3000 m d’altitude, assez déserts pour certains et aux ambiances de bout du monde.

Merci à tous ceux qui suivent ce blog. Je prends plaisir à partager. J’arrive souvent tôt alors j’ai le temps le faire sans que ce soit une contrainte, tout en ayant aussi le temps de profiter de l’endroit où je me trouve. On peut voir chaque jour mon avancée sur la carte qui est en page d’accueil du blog.


J 5. 27/04/24 : Santiago de Chuco - Mollebamba. 73 km / 5h25 / D+ 1800 m. Tout en piste, plutôt bonne, parfois gravillonneuse et lacets parfois raides. Attention aux chiens de la maison 30 m avant la dernière épingle à droite sous le village de Cachicadan. Nuit : Hospedaje Santa Rosa 5 €

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Le sentiment aujourd’hui d’enjamber les montagnes, moyennant quelques appuis parfois vifs sur les pédales. Un plongeon au fond d’une vallée appelle une remontée en face et ainsi de suite…. Ça ce sont des bonnes vacances.

Beaucoup de chiens mais ils étaient tous pacifiques ou trouillards. Très peu de véhicules, parfois une moto. L’allégresse d’être là.

Un bon moment partagé sur la place de Huandoval avec Osvaldo, agriculteur, dont la nièce est mariée à Nantes. Il m’a fait entrer chez lui pour que j’y remplisse ma gourde et tenait aussi à m’offrir un rouleau de PQ, insistant sur le fait que ÇA, ça pouvait servir en toutes circonstances.

Demain, aujourd’hui pour les lecteurs, il me restera pile trois semaines à pédaler dans la sierra (ici les gens parlent de sierra et non de cordillère, me semble-t-il), avant de reprendre un bus pour Lima. Chaque seconde à savourer.

J 6. 28/04/24 : Mollebamba - Cabana. 81 km / 6h / D+ 2320 m. Route (avec épingles non bitumées) entre Mollepata et Pallasca. Le reste en piste plutôt bien roulante. Très peu de véhicules. L’arrivée sur Pallasca est raide. Nuit : Hospedaje Imperial 12 €

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Dès le départ ce matin, l’ambiance était aux gros travaux sur la piste, destinée à devenir une route. El Caminante et moi avons donc eu les pieds et les roues dans la boue assez fréquemment. À ce sujet, contrairement à d’autres voyages, j’ai lâché l’affaire dès le deuxième soir concernant le nettoyage de mon vélo car j’ai bien compris que le lendemain il serait dans le même état que la veille au bout de 5 minutes. Je soigne ainsi ma maniaquerie obsessionnelle. En 5 jours j’ai déjà fait des progrès considérables.

J’avais le choix aujourd’hui entre une petite journée ou une assez grosse journée pour atteindre l’un ou l’autre de deux villages. Arrivé au terme de la petite journée en fin de matinée, je me suis posé sur la place de Llapo, en attendant que quelque chose décide pour moi car je n’avais pas envie de réfléchir.

Quelques personnes sont venues spontanément me saluer et échanger trois mots. De bonnes vibrations… Ici d’ailleurs les gens vous serrent tout de suite la main pour engager l’échange. Puis une jeune femme péruvienne est apparue pour me dire de la suivre au collège paroissial où j’étais invité à déjeuner. Sara la jeune volontaire italienne qui s’occupe du lieu depuis 2021 m’a aussi spontanément proposé une chambre, alors je suis resté. Cette paroisse gérée par une association catholiques italienne accueille des jeunes adolescentes venues de différentes régions du Pérou, souvent issues de familles pauvres. Internes pendant 9 mois, elles apprennent, dans un atelier impressionnant, la mosaïque, les vitraux, le dessin et la sculpture, en plus des matières générales. Les horaires de chaque activité sont respectés à la lettre et le travail se fait dans un silence absolu, entrecoupé de phases de jeux. J’ai pu partager un peu de mon expérience du voyage car les jeunes filles posaient beaucoup de questions lors des repas, essentiellement pratiques d’ailleurs. Merci pour cet accueil !



J 7. 29/04/24 : Cabana - Llapo. 40 km / 3h10 / D+ 1120 m. Piste en travaux pour devenir une route entre Cabana et Tauca. Pas mal de boue du coup. Entre Tauca et Llapo, piste étroite et majoritairement en pierres sailllantes enchâssées assez tape-fesses. Nuit : invité au collège paroissial, gîte et couvert

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Aujourd’hui ce n’était pas Cent Ans de Solitude comme le livre de Gabriel García Márquez mais Cent Kilomètres de Solitude et même un peu plus. Chaque virage un nouvel émerveillement, une variété de paysages dingue, aucune voiture pendant très longtemps, parfois une âme qui vive en traversant les rares villages.

Quelques descentes vertigineuses qui me donnaient presque la nausée tant on ne peut s’empêcher d’imaginer l’interminable plongeon qu’engendrerait une sortie de route. Tranquille et concentré… C’était tellement bon d’avancer aujourd’hui que je n’ai pas pu m’empêcher de rouler jusqu’à la tombée de la nuit, pour arriver à Yánac, situé sur les premières pentes nord de la Cordillère Blanche.

Pas d’hébergement officiel ici mais en demandant dans la rue on se rend compte qu’il y a des gens qui ont des chambres. Idem pour manger, ce sont des particuliers qui peuvent cuisiner chez eux, sans que rien ne laisse deviner qu’il s’agisse d’un restaurant. C’est ainsi que j’ai partagé mon repas avec deux jeunes agriculteurs qui m’ont indiqué un endroit pour manger et que j’ai invité. Je me suis rendu compte qu’ils vivaient tous les deux fort loin des nouvelles du monde. Grand bien leur fasse.

Ce matin en partant du collège paroissial :

J 8. 30/04/24 : Llapo - Yánac. 125 km / 7h50 / D+ 3000 m. Étape fantastique, presque pas de véhicules, solitude assurée. Pistes étroites en bon état pour la première partie puis on retrouve le bitume après Bambas, petite route étroite, vertigineuse par endroits. Suis monté à Yánac par la 12A en passant à La Pampa mais on peut bien raccourcir en prenant depuis les Bains d’Aquilina la piste qui a l’air bonne et qui monte direct (je ne l’ai pas fait car j’avais plus à manger, il fallait que je ravitaille à La Pampa). Nuit : à l’entrée du village à droite 6 €. Demander aux gens dans la rue si quelqu’un loue une chambre. Idem pour manger.

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Nouveau passage au-dessus de 4000 m aujourd’hui, accompagné par un vent de face, assez rafraîchissant de surcroît. Je n’aurais pas aimer prendre la pluie. Puis les températures redeviennent clémentes autour de 3000 m, oscillant entre un brin frais à l’ombre ou sous les nuages et bien chaud au soleil.

Je me suis de nouveau arrêté dans un petit village, en demandant si quelqu’un avait des chambres et c’est toujours le cas un peu partout semble-t-il. Des chambres assez rustiques, je suis content d’avoir pris un petit duvet pour dormir sur les lits et non dans les lits.

Aujourd’hui jour férié ici aussi, il y avait un tournoi de foot, qui s’est même fini aux tirs au but quasiment de nuit. J’aime qu’à chacune de mes pauses quelqu’un vienne discuter avec moi pour comprendre ce que je fais là, les passages de gringos dans ces coins étant à priori assez sporadiques.



J 9. 01/05/24 : Yánac - Chinchobamba. 88 km / 6h15 / D+ 2150 m. Petite route bitumée jusqu’à Pasacancha mais souvent défoncée. Passage de l’Abra Cahuacona à 4207 m. À partir de Pasacancha, piste en pierres saillantes enchâssées, assez tape-fesses. Nuit : chez l’habitant en bas vers le terrain de foot, demander à quelqu’un en arrivant 5 €

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Un col à 3700 m pour démarrer la journée et un chouette moment passé là-haut avec deux gars à moto qui allaient courir las chicas à Pomabamba. Bourgade où j’ai pu me refaire une santé à midi avec un bon resto, des pâtisseries, un grand café et des jus de fruits. Parfois dans les petits villages où je m‘arrête comme hier soir, il n’y a personne qui fait à manger. Des légumes achetés à l’épicerie, quelques bananes et un peu de pain font l’affaire mais ça ne vaut pas une grosse assiette de riz et une soupe pour repartir en grande forme le matin.

Apparemment aujourd’hui c’était la journée nationale contre le harcèlement. Écoles et collèges défilaient avec des pancartes faites en classe. J’ai été impressionné du nombre d’enfants pour une si petite bourgade et je suis toujours surpris de voir tant de commerces et de commodités dans une lieu comme celui-ci que l’on atteint que par des dizaines, voire des centaines de kilomètres de pistes improbables.

Ce soir je suis arrivé à Llumpa, petit village à flanc de montagne situé à 2850 m seulement, où il fait une douceur presque tropicale et où la vie semble paisible. On m’a offert des fruits et les gens y sont particulièrement accueillants. J’aime aussi dans ces villages comment les gens se saluent très poliment lorsqu’ils se croisent dans la rue.

Il y a eu quelques difficultés quand même aujourd’hui. Toujours les chiens, des attaques régulières, parfois flippantes lorsqu’ils s’y mettent à 3 ou 4. J’ai un caillou à la main dès que j’approche une maison isolée ou que je traverse un village. Souvent les maîtres ne les rappellent pas et comme chez nous, vous disent qu’ils ne sont pas méchants et ne mordent pas. « Tel maître, tel chien » dit-on je crois. En tout cas mon enfer du moment, c’est les chiens, qui ne lâchent pas l’affaire la nuit non plus, en mettant un sacré raffut dans les ruelles. La piste aussi est bien éprouvante depuis une grosse centaine de kilomètres tant elle est cabossée. Je me fais secouer sévèrement et je redoute les descentes qui n’ont rien d’agréable depuis hier. Ça s’est arrangé sur la fin, pourvu que ça dure !


J 10. 02/05/24 : Chinchobamba - Llumpa. 106 km / 7h30 / D+ 1950 m. Piste bien cabossée et fatiguante jusqu’à Piscobamba. C’est mieux ensuite. Banque à Pomabamba. Beaucoup de chiens par endroits. Nuit : Hostal « Suzanna » marqué dans IOverlander, super 5 €

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Petite transition de 30 km seulement aujourd’hui, après que la pluie de début de journée ait cessé et que ne commence la prochaine prévue ce soir. Le village suivant avec un col à 4300 m pour l’atteindre était trop loin en partant tard. Selon la météo, il demeurera peut-être encore trop lointain demain.

Piste trempée oblige, j’ai passé pas mal de temps dans la boue. Enfin, mon vélo surtout. C’est moins sympa comme ça les sierras et ça manque de lavages-auto dans les villages pour mettre un petit coup de jet à El Caminante avant que nous nous présentions à un hébergement. Je vise donc ceux qui ont une cour intérieure et un lavoir pour pouvoir faire un peu de décrottage.

À ce sujet, j’entretiens ma chaîne avec de la cire (Squirt) mais je ne suis pas sûr que ce soit une très bonne solution dans ces conditions difficiles car chaque jour, après une heure ou deux de poussière ou de boue, ma transmission se met à grincer comme si elle n’avait pas été entretenue depuis que les espagnols ont quitté le Pérou. Peut-être devrais-je revenir à la bonne vieille huile traditionnelle, je ne sais pas.


J 11. 03/05/24 : Llumpa - San Luis. 33 km / 2h45 / D+ 960 km. Beaucoup de boue après la pluie et piste cabossée. Pour info la route 107 San Luis - Carhuaz est désormais bitumée. Nuit : Hostal San Lucho 5 €, vraiment rustique mais pratique pour lavage vélo et lessive

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Réveil blafard ce matin à la pointe du jour. La pluie frappe la précaire tôle ondulée de la chambre. Aucune envie de passer un col à 4300 m dans ces conditions, par une piste détrempée. Ni vraiment de patienter un ou deux jours à San Luis, village pas plus attrayant que ça.

Encore à moitié endormi et sommairement habillé, je sors dans la rue pour savoir si par hasard il y a des bus ou colectivos (petits combis de 9 places qui partent quand ils ont assez de monde) pour Huari, la bourgade de l’autre côté du col. J’ai de la chance car il n’y en a qu’un par jour et il est à deux minutes de partir. Le chauffeur sympa accepte d’attendre une quinzaine de minutes que je revienne à la chambre emballer mes affaires vite fait et nous voilà partis, avec un véhicule loin d’être complet et des discussions super tout le long du trajet. Il a 4 filles. Chacune apprend une langue : français, anglais, chinois et russe…

Arrivé à Huari, il fait meilleur et je peux ainsi continuer à bicyclette, par du bitume, ça faisait longtemps, jusqu’à Chavin de Huantar, au pied de la suite qui devrait me faire passer à bien plus de 4000 m demain si la météo le veut bien. Les gens trouvent que le ciel est détraqué cette année et mettent ça sur le dos de la Niña, comme il y a quelques mois en Afrique, où on me disait qu’il pleuvait inhabituellement à cause d’El Niño.

J’ai des chaussures de VTT toutes rafistolées à la colle qui ont à présent au moins 25000 km de voyage + pas mal de sorties en France et je me dis à chaque fois que c’est leur dernier baroud, mais je les reprends toujours, bien que j’ai une autre paire qui n’a jamais servie. Aujourd’hui en arrivant, la semelle de l’une d’elle s’est complètement décollée à l’arrière. Qu’à cela ne tienne, il y avait un cordonnier à 100 m de mon hébergement, qui en 4 minutes chrono et avec de grands sourires m’a recousu ça impeccablement à la main.

Ici j’ai retrouvé pour l’après-midi un peu de luxe, un hôtel propre et une vraie douche chaude, des magazins d’un peu de tout, des terrasses pour boire un jus ou un café, manger une pâtisserie. Les gens, enfin, les hommes, jouent aux cartes partout dans la rue ou à l’arrière d’une voiture. Je voyais souvent ça aussi dans les villages de montagne. Les jeunes filles quant à elles, parfois les jeunes hommes d'ailleurs, prennent des cours de dance sur la Plaza de Armas, la place centrale qu’on retrouve partout.

J 12. 04/05/24 : San Luis - Chavin de Huantar. 41 km (+ 61 km en bus San Luis - Huari) / 2h20 / D+ 660 m. Le colectivo si besoin part à 6h de la Plaza de Armas (12 € avec le vélo). Piste détrempée ce jour mais qui semblait plus en cailloux que boueuse. On retrouve le goudron à Huari, avec peu de circulation. Nuit : Hôtel Minas Cocha, 15 €, top

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Aujourd’hui je suis passé par la montagne et ses lagunas, moyennant une piste bien raide qui m’a fait grimper 1500 m d’un coup, accompagné de nuages menaçant, de fin de perturbation à priori.

Sur ces plateaux d’altitude (l’itinéraire passe deux fois à 4600 m) il y a un peu de vie, des bergers et quelques baraquements très sommaires où des gens semblent vivre à l’année. Partout des pistes secondaires montent vers des mines. Partout des chiens aussi, ça, ça ne change pas et ceux qui sont à moitié sauvages laissés là-haut avec les troupeaux font assez peur.


J 13. 05/05/24 : Chavin de Huantar - La Unión. 95 km / 6h30 / D+ 2100 m. La piste passant par Challhuayaco pour rejoindre la route venant de San Marcos et de la mine de d’Atamina est fort raide dans l’ensemble mais état correct. Je n’y ai vu aucun véhicule. Elle se conclue par un passage à 4600 m où il est marqué “terrain privé” pour la dernière petite portion qui permet de rejoindre la route mais ça ne semble pas poser de problème de passer. Il y a des cabanes de bergers sur le haut pour se mettre à l’abris éventuellement. En garder sous le pédale pour la suite, ça monte et ça descend encore avant de vraiment basculer sur Huallanca. Piste en travaux entre Huallanca et La Unión, qui devrait bientôt être finie pour devenir une route. Nuit : Hostal Zevallos 7 €

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Jour d’allégresse. Parti pour faire une petite journée car hier j’ai eu l’impression d’arriver passablement entamé après cette étape en altitude, je me suis laissé porter par les évènements et j’ai finalement été bien plus loin que je ne l’aurais pensé tellement c’était bien, tout en prenant mon temps et en faisant plein de rencontres.

Dans ce coin, j’ai l’impression qu’il n’y a que des gens souriant et particulièrement accueillant. On m’a offert une énorme brioche de jour de fêtes, j’ai dansé avec une jeune dame et son bébé au son de la fanfare, déjeuné dans un autre village avec trois gars bien rustiques qui s’en tenaient une bonne à 11 h du matin mais avec qui j’ai bien rigolé. Une jolie fille de Lima en vacances à Baños del Inca m’a proposé de manger ensemble et pour finir, après un col à 4300 m, je suis arrivé dans un village à 4000 m où j’ai halluciné d’être si bienvenu, ainsi que de la vie sociale qu’il y règne.

Les enfants m’ont semblé particulièrement éveillés. Du haut de leurs 8 ou 10 ans, ils me posaient des questions d’adultes et il ne s’agissait pas d’avoir des réponses peu précises. Llashira a décidé qu’elle voyagerait en vélo plus tard. D’ailleurs dans ce coin, si j’ai bien compris, le ministère de l’éducation a un programme de distribution de vélos dans les écoles. Demain je continue en altitude face à la Cordillère Huayhuash, au travers d’une multitude de lagunes. Je veux que ça dure encore et encore.


J 14. 06/05/24 : La Unión - Antacolpa. 84 km / 6h35 / D+ 1920 m. Route asphaltée jusqu’à Gellaychanca au-dessus de La Unión puis piste en gros galets enchâssés jusqu’au bout, assez éprouvante. Paysages fantastiques, villages paisibles, gens particulièrement accueillant. Nuit : demander à la petite épicerie à droite de l’église. L’hostal est la maison au-dessus. Tenue par Mario. Il y a même le wifi. 5€

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Aujourd’hui, sous un ciel souvent lourd, j’ai traversé la chaîne de Raura, au bout de la Cordillère Huayhuash, passant un col à 4750 m, où se trouve une énorme mine de cuivre, plomb, zinc et argent. D’après ce que j’ai trouvé sur internet, l’exploitation entraîne la pollution de la rivière Lauricocha et de toutes les lagunes qu’elle alimente, celles que je suivais en matinée.

Ici on voit qu’il n’y a aucune limite dans les possibilités d’extractions minières. On parvient à faire monter et descendre des semi-remorques sur des pistes aussi étroites que la montée au plateau de Castet en vallée d’Ossau, en élargissant un peu les épingles. Là-haut il y a du cuivre, c’est en partie grâce à lui qu’on peut rouler à l’électrique dans les pays du nord, en toute bonne conscience. Délocaliser notre pollution en Afrique ou en Amérique Latine, c’est assez pratique.

Il y a quand même des panneaux partout le long de la piste comme quoi ici on protège l’environnement et la compagnie exploitante œuvre pour une nature préservée sur sa page web. Ouf, ça va alors.

Dans la descente j’ai rencontré Agathe et Thomas de la Drôme qui montaient dans l’autre sens, partis d’Ushuaïa en direction de la Colombie. On a cassé la croûte ensemble et on se reverra sûrement car la vraie clôture de leur projet fin juillet passera par le col du Pourtalet avec une ligne d’arrivée à… Bosdarros !

Je compte sur du beau temps annoncé pour les prochains jours car mon parcours devrait se poursuivre en altitude mais le réalité semble un peu différente des prévisions. On verra bien.


J 15. 07/05/24 : Antacolpa - Oyón. 80 km / 5h20 / D+ 1400 m. Passage à 4750 m au niveau de la mine de Raura. Belles lagunes avant. Quelques camions et combis au début entre 7h et 9h puis tranquille. Des semi-remorques qui descendent ou montent à la mine côté Oyón mais peu. Piste parfois éprouvante (gros galets enchâssés et nids de poule) mais dans l’ensemble ça va. On retrouve du bitume quelques kilomètres avant Oyón jusqu’à l’intersection avec la route principale. Nuit : Hotel El Olimpico 10 €

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Du mal à se lever ce matin, j’avais l’impression d’avoir « le froid dessus » depuis la descente du col de la veille, mais un beau soleil à la fenêtre m’a finalement sorti du lit et du courage fait prendre la direction d’un col à 4961 m plutôt qu’une option plus confortable par une vallée.

Pas un seul véhicule pendant les 25 kilomètres de montée et pour cause, au col il y avait un mur en pierres d’un mètre de haut empêchant tout passage motorisé. Comme il y a de l’autre côté une énorme mine de zinc et de plomb, je me suis dit que ce n’était peut-être plus autorisé de passer. J’ai pu franchir le mur et 300 mètres plus loin il y avait 4 bergères et bergers qui cassaient la croûte dans un bungalow. Ils m’ont invité à m’arrêter, puis à manger et ça a été un moment d’exception. Ce sont eux qui ont fait ces murs (il y en avait un autre plus loin), en opposition à l’exploitation minière. On a parlé absurdité de notre système économique. Ils ignoraient que les pays du nord passent, ou comptent passer aux voitures électriques. Bien-sûr pour fabriquer des voitures électriques, il faut beaucoup de pétrole, afin d’extraire et de transporter tous ces minerais. C’est jackpot à tous les étages. Quand on s’est quitté, ils m’ont dit qu’on était « pinkies », terme pour désigner de vrais amis d’après ce que j’ai compris.

Ce qu’on peut se demander, c’est ce que nous ferons quand nos vies seront gérées par des technologies exceptionnelles, mais qu’il n’y aura plus un cours d’eau potable.

À part ça, ils m’ont dit qu’un gars venait de passer en vélo une heure avant et qu’un autre, français, était passé il y a 2 ou 3 jours. Celui-ci, on m’en a déjà parlé, je sais même qu’il s’appelle Daniel. En fait, quand j’ai tracé globalement mon itinéraire au chaud dans mon salon il y a quelques semaines, je ne savais pas que depuis hier, il est identique à un parcours un peu mythique chez les cyclistes backpackers, la « Peru Great Divide ». Il y a donc des chances que je rencontre quelques énergumènes occidentaux sur la suite. J’ai pu rattraper ce Brendan passé au col juste avant moi, sujet britannique descendant de la Colombie jusqu’au Chili et on a passé un chouette moment à discuter sur la place d’un village. On se reverra sûrement demain car il continuaient un peu alors que je m’arrêtais à des thermes d’eau chaude dans lesquelles j’ai barboté seul tout l’après-midi.


J 16. 08/05/24 : Oyón - Huancahuasi (thermes de Picoy). 54 km / 4h30 / D+ 1500 m. Du centre-ville je suis redescendu à la route principale. La première partie de la piste est souvent raide avec des sections en pierres croulantes. Ça va mieux après. Mur d’un mètre de haut en travers de la route au col, construit par des bergers opposant à la mine. Franchissable à pied en faisant passer le vélo de l’autre côté et cyclistes bienvenus. Un autre mur au bout du lac de déchets miniers, franchissable aussi. La piste principale parmi toutes celles adjacentes qui vont à des mines est bien marquée et l’itinéraire donné par Komoot est le bon. Panneau indiquant Rapaz dans la descente. Nuit : thermes d’eau chaude de Picoy juste avant Huancahuasi. Hospedaje-Restaurante Valeria 7€ bains compris

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Encore un peu difficile de se lever ce matin, hésitation à faire une journée de repos. Finalement, chaque jour c’est l’envie de voir plus loin à quoi ça ressemble et de délirer encore parmi ces paysages qui l’emporte. Le temps d’un dernier bain de source et d’assouvir le besoin soudain et irrépressible d’inverser mes pneus pour en répartir l’usure comme je fais toujours en milieu de voyage, et c’est parti.

1900 m de montée directe par une piste fort raide et caillouteuse en grande partie, ça use ça use. J’ai croisé Antoine le belge au bon moment pour casser la croûte ensemble et se refaire une petite santé aux deux-tiers de la grimpette. Il est parti de Mar del Plata en Argentine et va jusqu’à Quito en Équateur.

Quelle récompense de franchir ce col à 4858 m, un paysage dingue derrière, tout semble si vaste, vert et minéral. Une descente merveilleuse, des troupeaux de lamas et d’alpagas à perte de vue. En arrivant au morne village de Vichaycocha et son unique mais agréable hôtel, il y avait ce fameux Daniel dont on me parle depuis plusieurs jours, italien finalement. Il a commencé son voyage de Turin jusqu’au sud du Maroc puis pris un avion pour Lima et il descend vers le sud sans grande intention de rentrer de si tôt, il fera des pauses pour travailler. Un peu puis jeune que moi, on a la même chose en tête : la vie, c’est maintenant.


J 17. 09/05/24 : Huancahuasi - Vichaycocha. 51 km / 5h10 / D+ 1890 m. Piste souvent raide et caillouteuse à la montée de l’Abra Chucopampa, j’ai poussé le vélo quelques fois. Paysages fantastiques à la descente, beaucoup de lamas et d’alpagas. Nuit : hotel sans nom en face de l’école sur la route principale, demander au resto 6 €

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J’ai choisi pour ce voyage court de ne prendre ni tente, ni réchaud, ni de quoi vraiment me protéger de la pluie, à part un kway. Ça présente l’avantage de grimper les montagnes léger, sur un rythme agréable. L’expérience des voyages vélo que je commence à avoir a dû aider, car je remarque que j’ai exactement ce qu’il faut, ni plus ni moins (un peu moins de 6 kg).

Ça présente en revanche l’inconvénient de toujours devoir atteindre un village alors que, d’une part les invitations aux bivouacs bucoliques sont partout dans ces montagnes et d’autre part, ça met toujours une petite pression, surtout quand le ciel n’est pas franc du collier, d’être un peu à poil en cas de soucis ou de durcissement des conditions météo en altitude. C’est impressionnant comme il fait bon même à 5000 m lorsque le soleil est là et comme tout change, devient froid et austère dès que les nuages le cachent et que le vent se lève. J’ai quand même une doudoune, une couverture de survie et un duvet très light, qui me sert surtout à dormir dans mon propre jus plutôt que directement dans des couvertures pas nettes de certains hébergements vraiment basiques. Je suis cependant rassuré de voir dans cette montagne pâturée des abris de bergers à intervalles réguliers, qui me permettraient d’échapper un peu aux éléments.

Au début du voyage, il y avait des villages un peu partout, l’altitude était moindre, il n’y avait donc pas vraiment besoin de prévoir plus que ça. Depuis quelques jours, mon itinéraire passe et parfois reste en altitude. Il faut donc que je calcule bien l’ampleur de chaque étape pour être sûr d’atteindre un village. J’avais vu qu’aujourd’hui serait un morceau de choix et effectivement… 95 kilomètres de piste (à part une brève section bitumée), dont 80 au-dessus de 4000 m et le passage de trois ou quatre cols à plus ou moins 4800 m, pour atteindre le village de Marcapomacocha, situé à 4400 m.

J’ai failli ne pas partir ce matin car le ciel ne me plaisait pas trop mais finalement ça a tenu, avec quand même un petit coup de grêle sur la fin, histoire que ça trempe assez la piste pour me retrouver crépis de boue avant d’arriver. J’ai encore passé une journée bien solitaire comme j’aime, parmi des étendues qui me semblent infinies, les lamas et alpagas comme compagnons de route peu farouches.

En partant j’ai revu Brendan le british, qui levait le camp après un bivouac dans un champ au-dessus du village où j’ai dormi et nous nous sommes dit au revoir car là il y a toutes les chances que je file devant définitivement. Demain devrait être une journée bien plus paisible, avant une suite comportant quelques plats de résistance de choix. Il me reste au maximum 9 jours d’itinérance avant de descendre sur la côte pour prendre un bus pour Lima. Ça va passer vite…

J 18. 10/05/24 : Vichaycocha - Marcapomacocha. 95 km / 7h30 / D+ 2150 m. J’ai suivi l’itinéraire de la Great Divine. Bonnes pistes dans l’ensemble. 10 km de route au niveau de l’Abra Alpamarca. Journée en altitude. Nuit : hotel sur la place marqué dans iOverlander 8 €

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Les nuits sont fraîches à 4400 m, même dans les hébergements. Un signe : les lits sont pourvus de quatres couvertures bien épaisses. Cependant un beau soleil est apparu après dissipation des brumes matinales, accompagnant cette étape tranquille pour laquelle il n’y avait qu’un col à franchir. Je me serais bien passer de rejoindre le gros axe descendant sur Lima depuis le col de Ticlio (4820 m), où j’ai pu mesurer l’engagement et le mépris pour autrui de la conduite péruvienne. Ça n’a duré qu’une vingtaine de kilomètres, mais je ne compte pas le nombre d’autos qui m’ont déboîté dans la figure. Bien content que ce voyage se déroule à 95 % sur des pistes…

Je suis descendu plus bas que là où passe la suite de mon parcours, afin de trouver une petite ville où il fait bon (à 3100 m) et un hôtel correct pour me reposer demain avant quelques morceaux de choix les jours suivant. J’espère trouver un petit lift pour me remonter quelques kilomètres là où j’ai quitté mon parcours car cette route à camions et fous du volant me branche moyennement.

Aujourd’hui à San Mateo de Huanchor, c’est la fête des croix. Chaque village alentour décore et porte sa croix, une fête aussi liée si j’ai bien compris à la reconnaissance pour les bonnes récoltes que les paysans offrent à leurs divinités.

Petit conseil technique : des gens qui me suivent (merci à vous tous), me demandent parfois où je suis au Pérou. Quand on est abonné, je crois qu’on reçoit la nouvelle du jour sans jamais voir la page d’accueil du blog, sur laquelle figure une carte avec ma trace actualisée chaque jour :

https://www.myatlas.com/remithivel/perou-2-roues

On peut donc passer par cette page d’accueil pour voir la carte puis en scrollant vers le bas, un petit menu apparaît avec un lien vers chaque étape.

J 19. 11/05/24 : Marcapomacocha - San Mateo de Huanchor. 66 km / 3h20 / D+ 820 m. Piste très bonne dans l’ensemble jusqu’à la jonction avec la grande route (22). Sur cette dernière ça va parce qu’en descente mais les conducteurs font n’importe quoi (beaucoup vous déboîtent dessus, j’ai fait une vraie sortie dans le fossé, ce qu’attendait la personne qui doublait en face). Nuit : Hostal Sanchez 12 €

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Se reposer c’est pas mal aussi et ce petit village de San Mateo de Huanchor, bien que couloir à camions, a été parfait pour cela. Des gens gentils comme d’habitude, un bon petit resto de base où j’ai vite pris mes repères et sympathisé avec la famille qui le tient, des jus de fruit et des légumes en pagaille pour changer du poulet, une lessive enfin, un gars qui me remplace la fermeture éclair de ma sacoche de cadre pour 2 €, un bon check-up du vélo, un bain de soleil, de la lecture (Un lieu nommé Oreille-de-Chien d’Iván Thays, ça se passe ici et c’est bien) et des gros dodos. Il y avait une belle effervescence avec la fin de la fiesta de las Cruces.

Ce matin je me suis fait remonter en taxi sur les quelques kilomètres depuis lesquels j’avais quitté l’itinéraire afin d’éviter les camions du Ticlio, col routier principal du pays qui passe à 4800 m. J’ai tout de suite retrouvé mes pistes tranquilles, qui longeaient aujourd’hui de beaux sommets glaciaires culminant à 5700 m environ. Au village de Tanta (4300 m) c’est le fête de l’école. On m’y a offert à manger. Trois arbres avaient été emmenés, leurs troncs replantés dans le sol. Au fur et à mesure de la danse autour, chacun y allait de son coup de hache jusqu’à ce que l’arbre tombe et que tout le monde se rue sur les ballons de baudruche le décorant. Ici j’ai retrouvé la grosse fraîcheur et les 4 couvertures en laine réglementaires.



J 21. 13/05/24 : San Mateo de Huanchor - Tanta. 78 km / 6h35 / D+ 2140 m. Je me suis fait remonter en taxi (8 €) à Rio Blanco, d’où je venais, pour éviter la route étroite à camions. Bonne pistes dans l’ensemble ensuite. Quelques passages sporadiques de voitures. Paysages sublimes. Nuit : Hospedaje Dulce Amanecer 6 €

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Départ à la fraîche puis une journée au fil de l’eau, le long du superbe Río Cañete, hallucinante rivière dont chaque seuil ressemble à une chevelure, dont chaque méandre est une merveille. La vallée qu’il a creusé mène directement à l’océan, qui serait tout près si je la suivais.

Depuis hier il me semblait voir des traces de vélo sur la piste et même reconnaître le dessin des pneus Schwalbe Marathon, la marque des voyageurs. J’ai fini par rattraper Thibault de Paris, en voyage depuis quelques jours avec Philippe le Québequois et Mathis de Briançon, qui avaient pris un peu d’avance. Nous nous sommes tous retrouvés au village de Laraos que l’on atteint, chose incroyable, par une petite route bitumée, où je me suis pris pour Pogačar. Les gens y sont accueillants et ravis de voir des touristes. Ils s’étonnent comme partout que ce soit la première fois que nous venions, disent qu’il faut rester et surtout demandent quand est-ce que nous allons revenir.

À présent les jours sont comptés pour moi, reste à savoir par où je continue, avec une météo pas très franche. De l’altitude et de l’engagement encore avec des hébergements fort éloignés ou du beaucoup plus cool en continuant à suivre le Río Cañete jusqu’à la côte pacifique, avec quelques variantes pour ne pas y arriver trop vite, ou encore rester ici pour les fêtes du village. L’embarras du choix, choisir c’est renoncer.


J 22. 14/05/24 : Tanta - Laraos. 82 km / 5h05 / D+ 1300 m. Superbe le long du Río Cañete, bonne piste. Bitume pour monter à Laraos. Nuit : Community Hostal Koriguasi 7 €

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Ma parole cette journée. J’étais fermement décidé au réveil à prendre une option facile pour finir le voyage. Limpide comme de l’eau de roche, pour une fois. Malgré tout, je n’ai pas résisté au dernier moment en voyant ce ciel dégagé du matin à repartir une dernière fois vers les cols à 4850 m.

Philippe le quebéquois plus sérieux que moi était parti à la première heure et j’ai été content de le retrouver pour manger un bout ensemble juste avant que nos itinéraires bifurquent puisque j’ai quitté à présent la Peru Great Divide, qui oblique vers l’est alors que mon avion est plutôt du côté ouest, si je n’ai pas perdu le nord, bien qu’en hémisphère sud.

Je regardais du coin de l’œil toute la matinée ces nuages qui gonflaient puis commençaient à s’amonceler mais en me disant que comme souvent, ça menacerait fort vers 13h pour finalement ne rien donner. Cette fois par contre, ça n’a pas plaisanté, il a grêlé puis finalement plu abondamment et même neigé. Ce n’était pas le meilleur endroit pour que ça arrive, car contrairement aux cols précédents dont le côté opposé plongeait rapidement à des altitudes moindres et plus douces, aujourd’hui l’itinéraire restait sur une soixantaine de kilomètres au-dessus de 4700 m.

J’avais vu sur la carte au cas où ce mini-village de Betania au pied d’une mine d’argent, alors que je comptais rejoindre un village 30 km plus loin. J’y suis arrivé complètement frigorifié, sans avoir vu âme qui vive ou presque de la journée, sous une pluie devenue intense après quelques averses sporadiques. Ce coin s’appelle Helados Negros. Ça ne s’invente pas.

J’ai pointé le nez à la seule porte ouverte, fait quelques pas dans l’arrière cours, trouvé des espèces de chambres désaffectés, rongées d’humidité, habitées de champignons, puis finalement un gars, Celso, enfoui sous une tonne de couverture dont j’ai interrompu la sieste sans le vouloir et qui s’est immédiatement occupé de moi. C’est un berger de Huancayo, venu voir ses bètes dans la montagne pour 2 ou 3 jours. Dans une pièce à côté, dormait aussi Alejandro sous un amoncèlement difforme de couvertures. Ils se sont occupés de me trouver un vieux matelas et une autre montagne de couvertures, afin que je m’installe et il m’a fallu quelques heures pour enfin m’y réchauffer.

Un tour dehors avant que la nuit tombe m’a fait rencontrer les trois enfants du village qui m’ont dit que chez eux on servait du café et des cachangas (sortes de beignets, une institution nationale). Une aubaine pour finir de se réchauffer de l’intérieur et manger quelque chose avant d’aller dormir.

Il y avait là leur instituteur, José Luis, qui vit à Betania à l’année pour éduquer ces 3 enfants. Il m’a dit que le dernière fois qu’il a vu un occidental dans le coin, c’était il y a 3 ans, un danois à vélo. Alejandro lui, mon compagnon de chambrée est le « monitor », qui supervise les écoles reculées du coin en passant un jour par semaine dans chacune d’elle. Il m’appelle amigo Rémi et le pauvre souffre d’un sacré mal des montagnes mais demain sa moto le conduira dans un village moins haut.

La mine quant à elle existe depuis 60 ans, c’est elle qui a donné naissance à ce hameau. Elle fait travailler une cinquantaine de personnes qui logent dans des baraquements à côté. Dans ces villages à 4700 m, les gens vivent sans chauffage, avec deux heures d’électricité par jour alimentée par un groupe électrogène. Quelles vies…


J 23. 15/05/24 : Laraos - Betania. 74 km / 6h30 / D+ 2280 m. Bonne pistes dans l’ensemble, un peu caillouteuse dans le premier col puis plutôt bien roulante. Pluie et grêle à partir du passage du second col à 4850 m. Quelques abris de bergers mais il sont cadenassés. Nuit : chez l’habitant, sorte d’ancien logement collectif pour les mineurs. Trouvé de quoi boire des cafés et manger de cachangas chez une famille

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Après de longs kilomètres en altitude encore aujourd’hui dans une ambiance toujours fraîche et un ciel lourd, j’ai fini par obliquer à l’ouest parce qu’il le faut bien, en suivant le cours du Río Madean jusqu’au village du même nom.

Peu à peu l’air s’est réchauffé et je ne suis plus qu’à 3300 m ce soir, où il fait bon. Toujours de belles rencontres et des gens incroyablement gentils. Aujourd’hui ça a été un casse-croûte à Topicocha avec un groupe d’enseignants puis un bout de chemin à discuter avec un couple qui acompagnaient leur troupeau le long de la piste. Ils m’ont dit qu’ils cherchaient un vacher si je voulais rester ici.

Je vais rouler encore deux jours en direction de la côte, par une piste dont le tracé sinueux me plaît bien, surtout qu’elle repasse un petit coup à 4000 m avant de plonger sur la ville de Chincha Alta, mon point d’arrivée désormais, situé 200 km à vol d’oiseau au sud de Lima.

J 24. 16/05/24 : Betania - Madean. 76 km / 4h50 / D+ 830 m. Bonnes pistes sauf entre, quelques km après Tipicocha et le col où débute le descente du río Madean. Resto et hospedaje à Tipicocha. Nuit : Hospedaje informelle, demander dans le village 4 €

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Je ne comptais pas arriver sur la côte (ou presque) ce soir et j’ai pris le temps, après un départ tardif, de flâner et de discuter longtemps avec les gens au bord de la route. On m’a même offert une jolie tasse. En arrivant au village où je devais dormir seule option dans le coin, l’ambiance était bizarre, les gens pas très sympas, c’est la première fois que ça m’arrive ici. Il n’y avait soi-disant aucun moyen d’hébergement. Tant pis pour la dernière nuit là-haut dont j’avais envie, il a fallu que je continue ma dégringolade de plus de 4000 m avec juste assez de temps pour arriver avant la nuit dans cette ville animée de Chincha. L’avantage c’est que j’ai retrouvé avec un jour d’avance les cafétérias bourrées de bons gâteaux, j’avais très envie de ça.

J 25. 17/05/24 : Madean - Chincha Alta. 129 km / 7h30 / D+ 1490 m / D- 4670 m ! Piste étroite mais correcte jusqu’au col au-dessus d’Azángaro. Bonne jusqu’à Chavin. Très bonne à partir de Chavin, sauf tolle ondulée à partir du moment on arrive dans le lit du río sec. Nuit : Hospedaje Italia 5 €

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Hier soir je pensais que mon itinérance en vélo était finie en atteignant Chincha Alta, proche de la côte, où je comptais rester tranquille une journée pour prendre un bus demain vers Lima. Cependant, j’avais comme l’impression que ça se terminait en queue de poisson et un peu brutalement.

J’ai été réveillé par un petit tremblement de terre, dont les effets panique ressentis par le corps me surprennent toujours. Après une matinée à manger des bonnes choses qui m’ont manqué en montagne (comme un « aeropuerto », si si ça existe et surtout des flans, une envie dingue de flans, je sais pas pourquoi, peut-être que je suis enceinte), je me suis rendu compte en allant voir les compagnies de bus pour Lima qu’il y en avait toutes les 10 minutes et surtout qu’ils s’arrêtaient et repartaient aussi de villes plus au nord de Chincha.

Alors d’un coup l’idée m’a prise d’avancer à vélo. J’ai ainsi retrouvé la Panaméricaine, cette route que j’ai déjà emprunté sur d’autres voyages en Amérique du Sud et qui a un côté fascinant lorsqu’on imagine ce ruban infini qui traverse tout un continent. Une super bande d’arrêt d’urgence pour rouler en paix, la musique à fond (un concert de Johnny Hallyday, ça doit être à cause des effets du niveau 0 m après tout ce temps en altitude, au même titre que les envies de flans, que je n’apprécie pas plus que ça chez nous) et un changement total de repères après les pistes caillouteuses.

J’ai trouvé ce petit village de Cerro Azul au dernier moment, parfait pour plonger (vite fait car l’eau est froide) dans le Pacifique et manger un bon ceviche avec en prime une super petite chambre pas chère chez Carmen et Carmen. Il faut le faire pour qu’après une traversée d’une partie des Andes, le seul bled avec « Cerro » dans le nom soit au bord de la plage.


J 26. 18/05/24 : Chincha Alta - Cerro Azul. 64 km / 2h45 / D+ 300 m. Bonne bande d’arrêt d’urgence sur la Panaméricaine, pas dangereux. Au péage les policiers avaient l’air d’être habitués à voir des cyclistes, ils m’ont rien dit. Nuit : Hospedaje Los Delphines 12 €

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Souvent en Amérique du Sud, quand j’explique que je voyage à vélo de là à là, on me demande si je fais tout ça « pura bicicleta » (et accessoirement si on me paye pour ça). Quand je réponds que oui, mais que ce sont mes vacances, je sens bien qu’on me prend pour un drôle de type, qui a pas l’air si méchant mais un peu bizarre quand même. Ça me fait rigoler. S’il s’agit d’une femme, je lis dans ses pensées : « oui, non, alors celui-ci, payes ton chantier, qu’il reste avec son vélo ».

Tout ça pour dire que finalement, ce retour sur Lima s’est fait « todo pura bicicleta ». Hier soir en regardant cette affaire de plus près alors que le plan était de finir en bus, je me suis rendu compte que l’agglomération de Lima, comme pas mal de villes du continent, avait développé depuis quelques années un réseau de pistes cyclables pour tenter de réduire le capharnaüm d’engins motorisés empilés les uns sur les autres et se klaxonnant dessus à longueur de journées.

Une fois effectués, en appuyant assez fermement sur les pédales le long d’une bande d’arrêt d’urgence nickel et pas interdite, les 120 km de Panaméricaine me séparant de l’entrée de la ville, il ne restait plus qu’à flâner sur les derniers 30 km, de quartiers en quartiers, sur ce réseau de pistes cyclables absolument parfait.

Je ne pouvais rêver d’une meilleure fin de voyage et je me demande ce qu’il va m’arriver, pour que tout ce soit déroulé ainsi, dans un enchantement perpétuel, jusqu’au dernier tour de roue.

Demain repos dans ce quartier d’Independencia qui me convient tout à fait, avec ses énormes halles où on peut manger sur le pouce des poissons grands comme ça et boire des jus de fruits épais comme ça. Mardi matin il faudra bien prendre l’avion, remonté comme une pendule pour une saison à l’Ensa qui s’annonce intense et qui démarre presque tout de suite en rentrant. Je ne devrais pas éprouver de soucis d’acclimatation si mes stagiaires avaient l’idée saugrenue de vouloir grimper sur le Mont Blanc.


J 27. 19/05/24 : Cerro Azul - Lima. 150 km / 6h55 / D+ 940 m. Bande d’arrêt d’urgence top tout du long et autorisée. À l’entrée de Lima, quitter la Panaméricaine à la sortie Avenida Huaylas pour prendre la première piste cyclable (nommée Defensores del Morro, le long de Avenida Caminos del Inca) puis les connexions avec les autres qui passent par Chorillos, Barranco, Miraflores, Lima centre, Independencia. Nuit : Hospedaje Escorpio 14 €

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Merci tous ceux qui ont suivi ce voyage, j’ai pris plaisir à le partager et aussi, tant mieux si ce blog peut servir à d’autres voyageurs qui cherchent des informations sur une partie des Andes du Pérou à vélo.

Ce que j’ai vraiment aimé dans ce voyage, c’est l’accueil merveilleux et les relations que j’ai eues avec les gens. Encore quelques minutes avant de rejoindre l’aéroport à Lima, en prenant un café chez une vendeuse ambulante dans la rue, j’ai discuté de la marche du monde, de la nature et du climat avec un gars qui est comptable. Je devais partir car le taxi arrivait mais on serait resté toute la matinée à parler avec ce gars aux yeux lumineux. Ça a toujours été très facile d’engager une conversation et partout les gens s’intéressaient à ce que je faisais là avec mon vélo. C’est sûrement plus facile quand on est dans des endroits nullement touristiques comme lors de tout ce périple.

J’ai aussi adoré ces silences absolus dans les montagnes, avec pour seule compagnie les chants d’oiseaux ou le hennissement d’une troupe de lamas ou d’alpagas apeurée par mon arrivée. Parfois ne pas voir une seule voiture de la journée quand on fait du vélo... un luxe !

J’ai appris à être patient et optimiste lors des nombreuses journées qui commençaient par une mauvaise piste raide, le compteur affichant péniblement 5 ou 6 km/h pendant plusieurs heures.

Je me suis régalé de ces efforts sportifs conséquents et journaliers, mon corps et mon esprit en symbiose, dans le présent. Je n’étais pas fâché d’avoir arrêté de fumer au mois de novembre en partant en Afrique et ne n’avoir plus bu une goutte d’alcool depuis mon retour d’Afrique début février. C’est agréable ce sentiment d’avoir mis toutes les chances de son côté. Les jeunes cyclo-voyageurs que j’ai croisés me disaient que ça leur donnait de l’espoir de voir un mec de 55 ans se taper de telles étapes. Je leur ai pas dit que pour ça, il fallait être un peu névrosé et surtout avoir très peur du vide !

J’ai essayé avec plus ou moins de succès de parler doucement aux chiens, en leur disant que je ne leur voulais pas de mal, plutôt qu’abuser du langage de la pierre et du bâton. Ça fonctionnait parfois. Les chiens partout, c’est la seule chose que j’ai trouvé désagréable. Aussi peut-être de rester avec des vêtements sales assez longtemps, car la plupart du temps rien n’aurait sécher avant le lendemain matin, à cause des ciels couverts de fin de journée, des températures fraîches de la nuit et du taux d’humidité conséquent dans les montagnes. Je suis un peu chochotte.

J’ai été marqué par les différences de températures et d’ambiance entre la présence du soleil et le moment où celui disparaît ou que des nuages le cache, qu’une petite brise se lève, que le ciel menace.

J’ai remarqué que les papas s’occupaient beaucoup des enfants en bas âge, tout au moins ils les avaient souvent dans les bras, allaient au parc avec eux, les promenaient dans la rue. J’ai aimé le fait que quelque soit la taille du village, il y avait toujours une place centrale où les gens discutaient, les jeunes jouaient. Toujours un espace couvert pour faire du sport aussi et, quand le relief le permettait, un terrain de foot. J’ai aimé regardé ces matchs féminins de volley en fin de journée et entendre les rires qui en émanaient.

J’ai apprécié que la présence policière soit vraiment discrète, à vrai dire quasiment nulle dans les montagnes, jamais ostentatoire ailleurs, au service des gens, qui ne semblent pas présumés délinquants ou suspects par défaut.

Je n'ai pas suivi une seule bribe d'actualité pendant un mois et j'avoue que ça m'a vraiment reposé, moi qui suis habituellement dopé aux mauvaises nouvelles dispensées par Médiapart.

Je remercie El Caminante mon vélo de ne pas m’avoir fait un plan au milieu de nulle part. Faut dire que j’ai appris à ne rien laisser au hasard de ce côté là (autant que possible) et qu’il part maintenant avec pas mal de composants susceptibles d’usures changés juste avant le voyage. Je n’ai même pas eu une seule crevaison, ça c'est juste la chance. Pour une fois, et heureusement vues les descentes vertigineuses, j’avais un frein arrière qui marchait vraiment, en faisant passer le câble et sa gaine à l’extérieur du cadre et non pas à l’intérieur comme prévu par le constructeur, où ça lui faisait faire trop d’angles pour qu’il puisse réagir avec vigueur. Merci à Yannick et sa Cabane du Cycle à Arudy d’avoir trouvé cette solution. J’ai été surpris de n’user qu’un jeu de plaquettes (aux deux-tiers), étant données les conditions plutôt rustiques avec le sable, le gravier et la boue. Par contre j’ai presque mené à bout une chaîne neuve en seulement 2000 km (et 40000 m de dénivelé positif).

Ce voyage s’est déroulé à 95 % sur des pistes. Moi qui m’inquiétais lors des autres voyages que mon vélo ne tienne pas le coup quand j’avais 100 km de piste à faire, au moins j’ai démystifié, les vélos de gravel sont vraiment faits pour ça et hormis le manque de confort quand c’est trop chaotique, on peut passer partout.

J’espère bien reprendre un jour ce voyage andin là où je l’ai arrêté à Chincha Alta, en continuant par la Bolivie, puis le Chili ou plutôt peut-être le Paraguay, le Brésil et l’Uruguay. En attendant, je vais travailler !

Quelques infos pratiques :

Formalités frontière : pas de visa nécessaire. En arrivant ils ne mettent pas de tampon sur le passeport, la date d’arrivée est enregistrée dans l’ordinateur. Aucun contrôle de police par la suite. Passeport demandé dans certains hébergements.

Argent : il faut à minima une ville de taille moyenne pour trouver un ATM. On peut changer à la Banco de la Nación quand il y en a (ville de taille moyenne aussi) mais ils ne prennent que des dollars. Mieux vaut prévoir de changer assez à Lima (bureaux de change dans quartiers touristiques et au terminal de bus Plaza Norte ou Mercado Central Fevacel juste à côté, € ou $). Changer le moins possible à l’aéroport, taux prohibitifs. J’ai dépensé un peu plus de 20 € par jour, hôtel le plus cher à 15 €, souvent plutôt à 7 € ou moins. On trouve un repas pour 4 à 5 €.

Carte SIM : agence Claro à l’aéroport ou en ville. Procédure très rapide (enregistrement du passeport pour associer une identité au téléphone). 38 € pour 30 G0 / 1 mois. Sinon il y a souvent du wifi public près des mairies et parfois dans les hôtels.

Prises électriques : type A ou C selon endroits.

Hébergements : quand il n’y a pas d’hostal, d’hospedaje ou d’hôtel officiel dans les villages, demander aux gens, il y a toujours quelqu’un qui loue une chambre et idem pour manger si pas de resto.

Eau : j’ai fait tout le voyage au Micropur sur une base de 3 litres par jour. Difficile de savoir quand l'eau est potable ou pas, même en montagne, à cause des mines

Vêtements : la plupart du temps en short + maillot cycliste avec manchettes + veste softshell le matin. K-way + gants de soie + jambières + bonnet pour les descentes en altitude. Pour le soir, doudoune souvent appréciée ou indispensable.

Pneus utilisés : Schwalbe Marathon Plus Tour 700 x 38 c. Cette largeur est un minimum pour ces pistes à mon avis mais ça convenait très bien. Ne pas compter sur des ateliers de réparation vélo sur tout le parcours que j’ai fait.

Il peut y avoir des moustiques en dessous de 3000 m