Carnet de voyage

Colombike

85 étapes
264 commentaires
3
Itinérance en Colombie à vélo pendant l’hiver 2022, un voyage de Rémi Thivel
Du 6 décembre 2021 au 5 mars 2022
90 jours
Partager ce carnet de voyage
1

Pendant l'hiver 2019-2020, j'ai voyagé en vélo pendant trois mois et demi entre Los Angeles aux USA et le Panama. On en trouve une trace sur ce blog :


https://ameriquecentraleenvelo.blogspot.com/?m=1

J'avais eu la chance de prévoir mon vol retour le 12 mars, pile au début du premier confinement. L'expérience m'avait beaucoup plu, enivré même, et il me tardait de repartir quelque part avec ma fidèle bicyclette, tout en ayant fait une croix sur les voyages lointains au vu du grand bordel en cours depuis. Voilà que cet automne, Maud une petite cousine m'appelle pour avoir des infos sur ces pays d'Amérique Centrale et me dit qu'elle compte partir pour un bon moment en Colombie et pourquoi pas d'autres pays ensuite et qu'il n'y a rien de compliqué au niveau des formalités pour y entrer. La conversation me galvanise et après 30 secondes de profonde et mûre réflexion, je décide que mon hiver se passera les fesses sur une selle au cœur des montagnes de Colombie, suite logique de mon voyage précédent et pays qui nourrit mon imaginaire depuis toujours.

Bon, là à vrai dire, la situation a l'air de se tendre un peu avec cette affaire de virus qui serait prêt à tous nous décimer d'ici Noël, du coup j'ai un peu l'impression de fuir au plus vite cette dystopie (j'ai même avancé mon départ) tout en sachant qu'elle me rattrapera. Je verrai bien à quelle sauce je serai mangé pour rentrer ou même sur place. Retour début mars en principe. Quoiqu'il arrive ça me fera toujours un petit bonus de "pura vida" à regarder défiler les paysages au rythme qui me portera, dans la simplicité, loin de la campagne électorale odieuse et des "passions tristes" qui nous divisent et nous détruisent.

L'idée est de faire une boucle en privilégiant les petites routes et pistes de montagne, sans pour autant tenir le rythme de Nairo Quintana mais en espérant bien rencontrer foultitude de ses acolytes dans ce pays où le cyclisme est un sport national. Je verrai bien au fur et à mesure où les envies et rencontres me guident mais j'aimerais visiter les trois sierras parallèles qui traversent le pays du nord au sud, avec une incursion à la Mer des Caraïbes dont j'avais apprécié la douceur et la farniente en passant au Costa Rica et au Panama. En faisant une trace pour me faire une idée des reliefs et des distances, ça donne la carte ci-dessous mais je ne ferai pas tout ça, à moins de pédaler 24h/24h. Je partirai de Bogota et dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Concernant mon vélo et l'équipement, je reprends mon Gravel adoré de la marque Trek, acheté pour le voyage de 2019-2020 et de nouveau bichonné avant le départ par mon non-moins adoré marchand de cycles Laurent Tillous avec son employé Gilles à Arette. J'avais fait une note sur l'équipement de ce vélo dans mon blog consacré au premier voyage, que l'on peut trouver en cliquant ici.

Pour ce voyage, j'ai fait les modifications suivantes par rapport à la note en lien ci-dessus :

  • je garde le principe de deux sacoches à l'avant et une sacoche de selle, mais j'ai rajouté une sacoche de guidon Ortleib Handlerbar Pack 9 L dans laquelle rentrent mon duvet et un tapis de sol. Ceci me permettra de gagner un peu de place ailleurs afin d'embarquer plus d'autonomie en nourriture et eau car je compte passer du temps sur les pistes isolées des différentes sierras.
  • je repars avec les indestructibles pneus Schwalbe Marathon, valeurs sûre des voyageurs au long cours, mais cette fois le modèle Plus Tour en 700 X 40C, plus large et mieux cranté, toujours dans l'idée de pouvoir faire autant que possible de la piste ou du sentier confort, tout en gardant un rendement correct sur la route
  • j'ai troqué mon cintre de Gravel évasé en bas (un point dont je ne vois pas trop l'intérêt), pour un cintre classique de route plus étroit, moins encombrant (46 cm au lieu de 50)
  • avec un nouveau téléphone "plein écran", il a fallu trouver une solution pour le fixer au cintre (je m'oriente avec iPhiGéNie et les cartes Open Topo Map), sans avoir des élastiques qui passent sur l'écran car le tactile est nécessaire sur toute la surface pour passer d'une application à l'autre. J'ai opté pour les solutions proposées par Quad Lock avec leurs coques dédiées au système Out Front Mount Pro, très cher mais d'apparence solide et sérieuse...
  • côté vestimentaire, je n'ai pas pris de vêtements particulièrement chauds (une petite doudoune pour les soirées en montagne devrait suffire) mais j'ai rajouté par rapport au voyage précédent, où il ne pleuvait jamais, un K-way, des couvre-chaussures étanches Specialized Comp Rain Deflect et la housse de protection dédiée pour ma selle en cuir Brooks B17 Standard, en cas de bivouacs humides
Ready to ride

Après avoir passé une bonne partie de l'automne à réfléchir à ce voyage, peser le pour et le contre de chaque équipement, puis ces derniers jours à fignoler tout ça (les choix les plus cornéliens consistant à décider de ce qu'on met dans la pharmacie et la trousse de réparation), je crois être prêt et je ne vous épargnerai pas de la photo traditionnelle de l'ensemble étalé dans le salon.


Trousse de réparation 

À présent tout est dans le carton, prêt à voler mardi pour Bogota depuis Madrid. Au total, vélo et tout le reste compris, j’en suis à 27 kg.

Vous trouverez en tête du blog une carte sur laquelle je mettrai ma trace au fur et à mesure des étapes, un moyen aussi pour la famille de garder un oeil sur où je me trouve. Comme lors du voyage précédent, j'écrirai selon l'inspiration un petit article de temps en temps et je mettrai régulièrement des photos car je crois que dans ce domaine, je devrai me régaler en Colombie.

Prochaine nouvelles à Bogota donc, (j'y serai ce mardi 7 décembre au soir), ou un peu plus loin en Colombie, sobre el camino...

2

Je vous le promets, je ne vais pas vous parler de mon vélo tous les jours comme dans la vidéo ci-dessous :

C’est étonnant la relation qui s’installe avec cette merveilleuse invention, surtout en voyage quand tout ou presque dépend de lui. Beaucoup lui donne un nom d’ailleurs. Moi j’ai pas encore trouvé en deux ans, faudrait peut-être que je consulte, il doit y avoir des causes profondes ; la peur de trop m’attacher, qui sait ?! Et puis pour lui trouver un prénom, faudrait déjà le genrer, vu qu’un vélo c’est aussi une bicyclette et qu’entre les deux mon cœur balance. Bref, je suis pas sorti d’affaire.

Avant je me moquais des cyclistes qui faisaient que parler matos pour savoir qui avait la plus grosse. Maintenant je suis le pire psychopathe du moindre détail technique et j’avoue aimer montrer que je ne suis pas en reste en ce qui concerne… Désolé pour ces disgressions.

Par rapport au casque dont je parle dans la vidéo, un copain colombien m’avait dit que c’était obligatoire mais en fait non, j’ai pas vu grand monde ici le porter et un gars dans la rue m’a confirmé que ça ne l’était pas. En vrai je comptais le prendre quand même, comme je vais normalement faire beaucoup de vélo “escarpé”.

Donner les premiers tours de roue d’un voyage, c’est vraiment une sensation particulière. J’avais déjà senti ça à Los Angeles il y a deux ans. Ça me fait drôle d’écrire deux ans seulement car j’ai l’impression que c’était au siècle dernier. Serait-ce cet horrible modèle de société qui se met en place avec la gestion du sanitaire qui me fait trouver le temps long ?

En tout cas ce démarrage vers l’inconnu procure toujours un délicieux sentiment d’affranchissement et de liberté :

À Bogotá contrairement aux autres pays plus au nord que j’avais traversé, il y a plein de gens qui se déplacent en vélo et de nombreuses pistes cyclables. Les dimanches et jours fériés, comme hier, certains boulevards sont fermés aux voitures :

Je cherchais du gaz pour mon réchaud mais comme les petits magazins de montagne étaient fermés cause jour férié, je me suis rabattu sur un Décathlon dans un énorme centre commercial (où je n’en ai pas trouvé d’ailleurs). Juste pour dire par contre que j’ai été impressionné par le parking souterrain pour les vélos : des murs de racks de suspension et à l’entrée principale, on prend un ticket comme pour les voitures dans une file dédiée (mais c’est gratuit à la sortie) puis pour pénétrer dans l’espace vélo, une employée prend le numéro de votre document d’identité puis une photo de votre visage puis votre empreinte ADN (non je déconne pour ce dernier point) et il faut montrer patte blanche pour ressortir.

En fin d’aprem je suis arrivé dans le quartier de la Candelaria où j’ai un petit hostal :

Beaucoup d’animation en soirée dans la rue principale de ce quartier où on peut manger pour quelques pesos auprès d’échoppes ambulantes, des épis de maïs cuits sur la braise dans du beurre, des brochettes, des empanadas, des chips faits au feu de bois sur place et de délicieux jus de mangue coupée en très fines lamelles et arrosée de citron.

 La Plaza de Bolivar où se trouve notamment le Congrès de la République 
À deux pas du Congrès, les murs aussi ont la parole  

À bientôt

3

Je pensais commencer à rouler un peu mais j’ai enduré une crise de flemmardise et de toutes façons je ne voulais pas partir sans avoir trouvé du gaz pour mon réchaud, ce qui finalement m’a pris la journée. Du Mexique au Panama, je trouvais dans les quincailleries des cartouches faites pour des chalumeaux (je crois) mais qui s’adaptaient sur les brûleurs type Markill, Primus, etc. Ici, j’ai beau eu passer la matinée dans le quartier des ferreterías et me régaler par l’occasion du bouillonnememt humain de ces rues, personne n’avait quoi que ce soit qui ressemble.

Finalement, dans l’après-midi, au troisième magasin de montagne, les deux premiers étant fermés, j’ai fini par mettre la main sur deux cartouches qu’il leur restait (marque Pinguin Travel Gas, équivalente des Primus, Coleman, etc, si cette précision peut servir à d’autres). Trouver du gaz en voyage, faut toujours batailler un peu, c’est une constante ! Je sais qu’il y a la solution plus universelle du réchaud à essence, mais je les trouve trop encombrants et on passe quand même pas mal de temps à les nettoyer, souvent au moment où on préférerait avoir les doigts pleins de confiture que de carburant.

L’avantage, c’est que tout ça m’a permis de faire du vélo dans Bogota, flâner, faire des photos et profiter des pistes cyclables que beaucoup de monde utilise.

Je suis repassé devant le Congrès de la République. Des gens avaient posé sur des rangées de chaises blanches les portraits des députés « vago » (fainéants) qui ne siègent jamais une fois élus…

4

J’ai quitté Bogota hier matin par une belle route raide montant directement sur 800 m de dénivelé. On se retrouve ainsi rapidement à 3400 m (ça essouffle comme départ !) dans des paysages de montagne sauvages et peu habités, juste au-dessus d’une mégapole de 7 millions d’habitants. Cette route qui m’a mené dans un premier temps à Choachí était très belle et roulante, avec des indications partout comme quoi la priorité devait y être donnée aux cyclistes. Une sollicitation globalement très bien respectée, sauf par les professionnels de la route que sont les taxis et les minibus, ainsi que par les grosses voitures les plus ostentatoires. Je crois que c’est une constante, c’était déjà le cas dans les pays plus au nord que j’avais traversé il y a deux ans.

A partir de Choachí où une courte pause m’a permis de discuter avec Jimmy, un américain qui s’est installé ici, j’ai commencé à faire connaissance avec les pistes, raides et caillouteuses, sur les 45 km qui m’ont permis de rejoindre juste avant la nuit la bourgade de la Calera. Avec l’altitude et des coups de cul sévères où j’ai parfois poussé le vélo, j’ai pris ma rouste et me suis rendu compte qu’il allait peut-être falloir que je me trouve un mono-plateau avec deux dents de moins pour survivre au relief colombien. J’ai adoré les paysages, très verts, dans ces reliefs tourmentés habités de-ci, de-là par des petits exploitants agricoles. Aujourd’hui je pense me diriger vers Gachetá et le lac del Guavio.

Caractéristiques étape Bogotá - Choachí - La Calera : 83 km / 6h25 / D+ 2320 m

5

Quelques ajustements nécessaires suite à ma première journée de vélo en montagne et … retour à Bogota hier. Un peu l’impression de tout reprendre à zéro ! Explications en vidéo :

J’ai passé l’automne à réfléchir à l’équipement de ce velo mais à aucun moment je n’ai pensé que le développement que j’avais pour des pays plats ou presque toujours plats comme du Mexique au Panama n’allait pas convenir pour un pays montagneux comme la Colombie. Le diable se cache bien dans les détails et j’ai du sur-estimé la taille de mes cuisses.

Changer mon plateau avant pour avoir plus de marge en montagne aurait pris deux minutes chez Laurent Tillous mais ici, bien qu’il y ait foultitude de cyclistes tous équipés de vélos plus rutilants les uns que les autres et des magasins entiers bourrés de matos, j’ai passé l’après-midi à essayer de trouver un mono-plateau Sram, en vain. Bon à savoir, c’est Shimano qui domine largement le marché ici et quand on trouve du Sram (il y en a aussi quand même beaucoup), c’est pour des transmissions double-plateaux. D’ailleurs tous les Gravel que j’ai vu hier sur la route où en magasin étaient équipés en double.

Dans tous les cas ça m’a fait passer un super moment dans la Calle 68, le cœur du réacteur du cyclisme à Bogota, rue entièrement dédiée aux équipements de vélo. On a bien essayé avec deux magazins différents qui y mettaient toute la volonté possible, de changer le pédalier en entier, boîtier compris, il y avait toujours un truc qui allait pas.

Avec Julieta et William qui ont passé une bonne partie de l’aprem à batailler sur mon pédalier. Gracias ! 
Retour de nuit à mon hostal 

Je pourrais attendre une semaine qu’un magasin me fasse venir un plateau, mais je vais continuer comme ça. Par contre, plus le choix, j’ai sérieusement allégé mon vélo et mon équipement, en laissant ici le matériel de camping pour circuler light afin que le cyclisme de montagne en Colombie, ce que je suis venu découvrir, reste du pur plaisir. J’étais resté une journée ici exprès pour trouver du gaz, et bien hier je l’ai ramené au magasin !

Allez cette fois je devrais quitter Bogotá pour de vrai…

Caractéristiques étape La Calera - Salitre - Bogotá : 54 km / 3h / D+ 450 m

6

Un résumé en vidéo de la journée. Je crois vraiment que je vais adorer être en Colombie avec mon p’tit vélo dans les montagnes

Ci-dessus un melting pot, Bogotá et ses cyclistes, une rue tranquille de Bogotá ce matin, mon nouveau chargement avec ce que je laisse dans le sac posé devant et enfin Enrique du premier magasin que j’avais fait hier, à qui je suis passé dire au revoir et qui n’a pas pu s’empêcher de mettre mon vélo un petit coup à l’atelier pour vérifier que tout allait bien.

Caractéristiques étape Bogotá - Guasca - Alto de la Cuchilla - Gachetá : 94 km / 4h45 / D+ 1600 m

7

Une journée de montagnes russes autour de cet énorme lac, du cyclisme pour le moins tranquille avec de longues sections sans circulation, pas mal de pistes ou de routes défoncées et de belles rencontres, notamment Gilberto de Gachalá et sa famille qui m’ont invité à manger à midi… Demain direction le nord-est, vers Chivor, par des coins bien largués je crois.

Caractéristiques étape Campoalegre - Gachetá - Gama - Gachalá - Ubalá : 79 km / 6h10 / D+ 2300 m

8

Une journée exclusivement sur les pistes, tous types de pistes, y compris celles marquées avec le trait le plus fin sur les cartes. Au moins j’ai vu à quoi je pouvais m’en tenir… ça passe, mais il faut un peu marcher parfois (pour moi en tout cas), tant ça peut être raide et chaotique. Des coins magnifiques, surtout avec les lumières d’orages et quelques rencontres rapides, notamment le ferrailleur du coin en tournée et une dame très gentille, qui fait du maïs et un peu de lait de vache sur son petit lopin loin de tout, qui m’a mis à l’abris sous son préau le temps que l’averse passe. Je ne suis pas arrivé rincé à Chivor au sens propre mais au sens figuré… avec les derniers lacets sans concession. La particularité de Chivor c’est qu’il y a une mine d’émeraudes dans le coin, comme ailleurs dans la région. Hier à Gachalá, Gilberto me disait très fièrement que c’est là qu’on avait trouvé la plus grosse du monde (de la taille d’une balle de tennis apparement). Quelques images de la journée…

Et des photos…

Caractéristiques de l’étape Ubalá - Santa Rosa - Chivor : 54 km / 5h30 / D+ 1700 m

9

C’était pas la grande forme ce matin, quelques soucis d’intestins hier soir en arrivant et cette nuit (j’ai été un peu optimiste je crois sur la qualité de l’eau des montagnes, forcément toujours bonne !) mais j’ai quand même démarré tranquille. Une descente raide et pas très fun sur le lac de Chivor, un des principaux barrages de Colombie, produisant une grande partie de l’électricité du pays. Puis finalement la forme et le moral sont revenus en montant tranquillement le début de la magnifique et plus roulante vallée de Tenza, jusqu’à Chinavita, petit village d’apparence un peu glauque mais finalement bien vivant en son centre, avec des gens très accueillants.

Se méfier quand même en filmant, en roulant 

Caractéristiques de l’étape Chivor - Chinavita : 55 km / 4h05 / D+ 1470 m

10

Je ne pensais pas mettre en ligne quelque chose quotidiennement sur ce blog de voyage. La dernière fois entre Los Angeles et Panamá, je faisais un article tous les 10 jours environ au bénéfice des journées de repos. Finalement je me prends au jeu, encouragé par des gens qui trouvent ça chouette et notamment des cyclistes en herbe, salut la famille Coup et vive la Petite Reine.

Alors que dire pour résumer cette journée dans le magnifique département de Boyacá, très cultivé, bourré de fruitiers, notamment de tomates de árboles (qui ressemblent à de tomates, version fruit, c’est délicieux) ? Un départ un peu tardif car j’ai, depuis hier soir, re-bataillé sur ce mono-plateau (quand j’ai décidé de pas lâcher l’affaire…) qu’il me faudrait plus petit pour partir détendu vers les montagnes escarpées de Cocuy et son Alto el Martino à 4000 m.

Une solution se dessine… J’ai réussi à avoir le contact du représentant SRAM en Colombie, qui a été très réactif et m’a dit pouvoir m’en faire envoyer un, qui devrait arriver lundi dans un magazin à Bogotá. Je le sentais bien que j’allais y revenir par là-bas oui ! Donc en attendant cette échéance, plutôt que de continuer vers le nord, je me dirige vers l’ouest pour ne pas trop m’éloigner de Bogotá (j’irai chercher le plateau en bus) et aussi essayer de gravir le mythique col de Bocademonte, un must de Colombie de ce que j’ai compris, qui commence à 450 m dans les bananiers pour finir dans “la niebla” à 2900 m.

Ce soir je suis à Samacá, une bourgade qui m’a semblée assez tendue en arrivant (faut dire qu’en sortant des calmes campagnes profondes, l’agitation surprend vite), mais finalement c’est génial, avec du son dans la rue ce soir, comme le montre le film. Ça fait du bien de voir ce bouillonnement social !

L’anecdote du jour, c’est qu’en arrivant à l’hôtel supposé être le moins cher du coin, la dame m’a clairement et gentiment signifié que l’établissement ne recevait pas pour une nuit entière, mais plutôt en journée pour une heure ou deux… Puis elle m’a envoyé vers un autre hôtel, aussi peu cher et très bien, où il est possible de juste passer une nuit entière avec son vélo à côté du lit.

Caractéristiques de l’étape Chinavita - Jenesano - Tierra Negra - Samacá : 74 km / 4h55 / D+ 1800 m

11

Lala cette journée ! J’ai l’impression d’avoir traversé le pays en quelques heures. Là je ne vais goûter que furtivement aux forêts tropicales et à la vie qui s’y déroule mais il me tarde d’y revenir pour y passer du temps. Ce soir il y a beaucoup d’animations dans ce petit village aussi. Les fêtes de Noël, ça rigole pas en Colombie. C’est étonnant, absolument personne ne porte un masque dans ce village où je suis arrivé ce soir alors que dans l’ensemble les gens l’avaient partout dans les coins où je suis passé jusqu’à maintenant. Il fait aussi très chaud et humide et il n’y a pas de moustiques. Il se passe un truc à San Pablo de Borbur… Le reste, c’est dans le film. À longue journée de vélo, long film, j’essaierai d’être plus bref, promis. Et bon petit déjeuner aux followers.

Caractéristiques étape Samacá - Chiquinquirá - Bocademonte - Pauna - San Pablo de Borbur : 140 km / 6h30 / D+ 1650 m

12

Je n’ai pas passé la meilleure nuit de ma vie à San Pablo de Borbur ; difficile, voire impossible de trouver le sommeil. Peut-être l’excès de pression atmosphérique du fait d’être descendu à 450 m, peut-être la pluie tropicale qui laissait présager d’un départ pas très agréable, peut-être un article de Mediapart que j’aurais pas du lire avant de me coucher.

Bref, cette « remontada » de 2400 m d’un coup, finalement c’était top, la pluie s’est arrêtée en partant, la pente est jamais très raide et une fois qu’on a trouvé le rythme, il suffit de laisser défiler le paysage et raconter des conneries…

Dans la nuit, avec toute l’eau qui s’est déversée, la montagne avait bougé un peu, ce qui n’a rien d’exceptionnel ici je crois et parfois c’est bien plus gros que sur ma vidéo, comme le montre cette photo de la route entre Aguazules et Sogamoso (que je comptais un peu prendre à la base et qui est fermée depuis novembre et au moins pour un an).


Revenu à Chiquinquirá où j’avais laissé des affaires hier, j’ai pris le bus pour Bogotá (c’était hyper compliqué comme prévu, deux minutes au moins d’attente et le bus a démarré).

Bogotá où m’attendait le fameux plateau à deux dents de moins et qui va me simplifier la vie dans les montagnes. Il était en fait arrivé au premier magasin qui, la semaine dernière, avait pris le temps de regarder mon vélo pour de vrai et essayé de trouver une solution. En vain alors, mais ils étaient content de me revoir, m’attendaient de pied ferme et ont été hyper serviables, avec une révision en entier de la bête (j’avais aussi quelques soucis de réglages d’étriers de freins).

Ils ont trouvé un problème au boîtier de pédalier suite au démontage - remontage la semaine dernière dans un autre magasin mais ils pensent que ça marchera comme ça. Décidément, le vélo n’attaque pas ce voyage en grande pompe mais au moins ça me permet d’explorer le cœur de la rue 68, antre du cyclisme colombien.

En montant le Bocademonte

Caractéristiques de l´étape San Pablo de Borbur - Bocademonte - Chiquinquirá : 81 km / 6h / 2400 m

13

Allez, j’ai re-re quitté Bogotá ce matin, avec un peu de vélo pour commencer puisque le terminal de bus se trouve à 10 km d’où j’ai dormi.

À peine sorti de l’hostal, j’ai rencontré un jeune qui rentrait chez lui en vélo après une nuit de fête. On a discuté tout le trajet, des manifestations notamment, lors desquelles la police s’est mise à tirer à balles réelles, au hasard dans la foule. En conséquence, les manifestions ont cessé. À un moment, il y avait un beau graff sur une façade, qu’il n’avait encore jamais vu et il m’a dit que j’avais beaucoup de chance car on découvrait une nouvelle œuvre du meilleur graffeur de Bogotá, peut-être faîte dans la nuit. Dommage, on était à un nœud routier et j’ai pas pris le temps de faire des photos ni de vraiment regarder en détail car il fallait se concentrer un peu.

Au terminal de bus, énorme d’ailleurs, une véritable fourmilière, le gars qui s’occupait de mettre les bagages dans le bus m’a entrepris sur mon vélo, mon voyage, et m’a dit qu’il était de San Pablo de Borbur où j’ai dormi avant-hier au pied du Bocademonte. Il m’a laissé son numéro, veut absolument que je revienne dans sa vallée pour y passer du temps et être reçu par sa famille qui me fera visiter tous les trésors de la nature tropicale. Puis il m’a fait cadeau du ticket pour le vélo dans le bus. Gracias Juan, nos veremos allí en febrero o tal.

Là, j’ai commencé à me dire que les gens n’étaient vraiment pas aimables dans ce pays de sauvages.

À peine assis dans le bus, une dame est venue se mettre à côté de moi (parce qu’il y avait trop de soleil de son côté) et nous avons passé 3 heures à discuter de la marche du monde. Elle est infirmière dans un des hôpitaux de Bogotá. Je suis tombé de mon siège quand elle m’a dit qu’elle n’irait pour rien au monde travailler dans une clinique (elle avait déjà expérimenté) tant les conditions de travail étaient bonnes dans la santé publique en Colombie et son métier reconnu et valorisé. Elle reprochait beaucoup de choses à son gouvernement, notamment la corruption autour des ressources minières du pays, vendues à l’étranger sans que le peuple ne bénéficie de l’argent généré. Par contre, elle disait que pour la santé, l’état dépensait sans compter et soignait tout le monde sans poser de question.

Son petit secret à elle, qui se plaint de passer 2h30 par jour dans les transports pour aller travailler, c’est que, bien que son papa ait passer sa vie à descendre tous les jours de leur village de montagne à 4 heures du matin pour aller travailler au chemin de fer avec « su enorme bicicleta »… et bien elle, n’a jamais appris à faire du vélo et ne sait toujours pas en faire à 45 ans.

C’était Blanca, qui était toute rouge en me disant ça.

Le dernière rencontre de la journée était une non-rencontre. En roulant tranquille, fatigué, sans paysages exaltants aujourd’hui et avec un peu de circulation à surveiller, je voyais dans le rétro un cycliste me rattraper. Tenue impeccable, musculature de rêve, mollets bien rasés, tout bien comme il faut. Il me double, je le salue, content de voir un collègue. Il ne tourne ni la tête, ni ne me répond. Comme il y avait pas mal de vent de face et que la testostérone est loin de m’être encore retombée à mon âge, voire elle augmente, je me suis dis tiens, toi mon coco, je vais me coller à ta roue pour me mettre à l’abris et surtout te taquiner un peu, t’avais qu’à dire bonjour. J’ai pu contempler un petit moment ses fesses nues, bien visibles car il avait un short de cycliste avec des parties assez importantes en résille. Ce faisant, je notais chez lui quelques signes d’agacement et pour qu’il ne prenne ombrage de faire tout le boulot devant, je l’ai doublé pour prendre le relais, et surtout lui montrer que moi aussi, j’en avais une, bla-bla-bla et bla-bla-bla, en faisant mine bien sûr de ne pas être essoufflé pendant les quelques secondes nécessaires pour le dépasser. Une attitude normale, quoi, fairplay ! Là, plutôt que de prendre ma roue et ainsi se protéger du vent à son tour, il a commencé à grommeler tout seul, puis à se retourner régulièrement pour faire comme s’il attendait quelqu’un, qui n’existait pas, puis a lâché l’affaire avec un grand balancement de bras, de dépit ou de colère. C’était bizarre !

Bonne journée à vous, la bise. J’ai pas fait d’images aujourd’hui, sauf d’une nouvelle sombre histoire d’optimisation du rangement, domaine dans lequel j’en connais un rayon.


Un dimanche soir sur terre 

Caractéristiques de l’étape Chiquinquirá - Barbosa - Moniquirá : 71 km / 3h05 / 440 m

14

C’est dingue comme un truc de cette taille peut vous pourrir la vie :

Tout est à peu près raconté dans le film. La mécanique et moi, ça fait deux. Je suis de retour à Bogotá, donc. Same player shoot again, again and again. Pour expliquer la fin (j’espère) de l’histoire : lors d’un premier démontage - remontage du boîtier de pédalier dans un autre atelier, une rondelle qui n’avait rien à faire là avait été laissée, ce qui empêchait le serrage au couple réglementaire du pédalier lui-même. Cette fois, ça devrait être bon… En revenant à mon hostal, où ils me voient rappliquer tous les deux jours alors qu’à chaque fois en partant, je leur lance, sur un ton seigneurial « nos vemos dentro de 3 meses, que te le vaya bien », je suis tombé sur un bal de Radio Policia National 92.4 FM, qui se déroulait au pied des marches de l’entrée d’un musée. C’était un peu à l’image de la journée : anachronique.

Caractéristiques de l’étape Moniquirá - Tunja : 84 km / 5h10 / D+ 1350 m

15

J’ai eu le flemme de reprendre le bus dans l’autre sens ce matin pour repartir d’où j’étais et me suis dit que ce serait bien de tester la réparation du pédalier ici, tant que j’avais mes amis du magasin de cycle Shaddaï à côté. Superbe montée avec le vélo version light au Cerro de Guadalupe au-dessus de la ville, petites affaires courantes, grosse sieste, balade au cœur du réacteur, une journée qui a fait du bien.

16
On m’a trouvé un nom colombien

Je suis arrivé hier, par des petites routes sympas, puis des pistes demandant de l’attention à la descente, accompagné de très beaux ciels variables, dans le coin où j’avais prévu d’aller directement si je n’avais pas fait ces digressions vers l’ouest en attendant mon plateau.

Quelques extraits de la journée en images, avec une magnifique prise de tête au début dans le bus, pour une histoire de billet qui aurait été faux, je crois. Ça s’est fini avec médiation de la police, ça a pris du temps et j’ai pas compris qui avait raison et qui avait tort. Dans tous les cas j’ai noté qu’on s’engueulait ici en se disant « mi amor » tous les deux mots. On se dit beaucoup « mi amor » que ce soit au marché juste en achetant un truc ou pour se marier avec la femme ou l’homme de sa vie. Je me souviens que c’était pareil à partir du Salvador lors de mon précédent voyage. Enfin, moi je le dis pas, de peur que ce soit mal interprété et de me prendre une baffe.

Aujourd’hui je vais passer à Sogamoso, une grande ville avec des bikeshops, pour faire… de la mécanique.


Caractéristiques de l’étape Tunja - Toca - Pesca - Tota : 82 km / 5h50 / D+ 1730 m

17

« El caminante », le marcheur, dans le sens « celui qui passe et qui va ». Voilà comment va s’appeler mon vélo. Il en aura fallu du temps pour lui trouver un petit nom depuis 2019. C’est à l’hospedaje de ce soir à Paz de Río que m’est venue l’idée. Il y a toujours un registre à remplir dans les hébergements avec une colonne « profession ». Comme chaque soir, j’ai eu un petit temps d’hésitation car je trouve toujours bizarre qu’on demande leur profession aux gens. Quel rapport avec notre identité ? Lors d’un contrôle de police en France par exemple, de quel droit demande t’on aux gens ce qu’ils font dans la vie ? C’est déjà leur coller une étiquette, un à priori, les ranger là où là. Je dirais même que c’est le début de l’arbitraire.

Bref, devant ma brève hésitation, la dame m’a dit en rigolant de marquer « caminante ». Je trouve que ça ira très bien à mon vélo en ce jour particulier, car après un passage chez les gens géniaux du magazin Rego Sport à Sogamoso, je le sens fin prêt et aussi motivé que moi pour se lancer vraiment dans l’aventure. Il a retrouvé toute son énergie le type, je le sens, je le sens, son recalage d’origine de la roue lui a rendu toute sa vigueur et sa nervosité.

Surtout, depuis le début, j’avais un problème de freinage à l’arrière. À chaque réglage en atelier, ça se remettait à couiner très fort au bout de deux descentes, malgré le calage de l’étrier, le nettoyage du disque et même le changement au bout de 500 kilomètres des plaquettes, métalliques, qui s’usaient d’une façon étrange. Par rapport à ce qu’on voit dans la vidéo, ça s’est fini par le changement du disque, puis des plaquettes, qui sont devenues en céramiques. À présent, quel plaisir de freiner dans le silence. Ça parait idiot mais ça met en confiance.

Avec El Caminante, nous allons donc passer Noël là où j’en avais envie, sur les reliefs tourmentés et petits villages à l’approche des Nevados del Cocuy. Je souhaite à tout le monde un bon réveillon, embrassez-vous, aimez-vous. Le bonheur et les rires, ça peut pas faire de mal pour l’immunité naturelle. Muy chevere todo eso !


Caractéristiques de l’étape Tota - Aquitania - Sogamoso - Paz de Rio : 106 km / 5h / D+ 1770 m

18

Une bonne petite étape aujourd’hui sur des reliefs coupés au couteau et des pistes parfois fort raides et toujours ces lumières inspirantes de l’après-midi. Je suis arrivé dans un état digne, on va dire, mais il n’en fallait pas beaucoup plus.

J’espère que le réveillon a été bon pour tout le monde. Ici, il est plutôt communautaire et festif, bien arrosé pour beaucoup (depuis que je suis en Colombie, j’ai remarqué que si un jour la bière venait à manquer dans ce pays, cela poserait une véritable problème !). Un groupe vénézuélien envoit du son et je pense qu’il ne manque pas un seul habitant pour assister au concert. On m’a quand même abordé deux ou trois fois ce soir pour me demander ce qu’un occidental pouvait bien faire ici un soir de Noël, tout seul à bailler aux corneilles les mains dans les poches.

Caractéristiques de l’étape Paz de Río - Socha - Socotá - Jericó - Chita : 89 km / 7h50 / D+ 3050 m

19

Aujourd’hui, la piste commençait au milieu des champs verdoyants, encore parcourue de quelques motos se déplaçant entre un habitat de plus en plus clairsemé. Puis le silence s’est fait, le paysage a changé, les parcelles cultivées ont laissé place à de grands pâturages battus par le vent. À partir de 3700 m environ j’ai commencé à apercevoir les premiers « frailejones », plantes caractéristiques du Paramo, ce biotope particulier aux Andes. Une journée de solitude dans l'immensité, accompagné de lourds nuages pour passer un col à plus de 4100 m avant d’entamer une descente très ludique sur le village endormi d’El Cocuy. Je n’en demandais pas tant comme cadeau de Noël.


 Comme par hasard en ce jour férié il n’y a que cet hôtel ouvert …

Caractéristiques de l’étape Chita - El Cocuy 47 km / 4h / D+ 1380 m

20

La matinée s’est déroulée sur une magnifique petite piste bien roulante pour atteindre 3850 m d’altitude et découvrir subitement au détour d’une crête toute la chaîne de la Sierra Nevada del Cocuy et son point culminant, le Ritacuba Blanco à 5410 m. On imagine ce qu’ont du être ces glaciers jadis et à quel point le réchauffement les a impacté. Ils demeurent cependant de belles meringues intimidantes, désormais interdites de toute ascension, suite à des accords avec les indiens et la création d’un parc. Un détour à 4000 m m’a permis d’aller voir d’un peu plus près ces montagnes avant de fermer la boucle en passant par Güican et sa descente très caillouteuse, épuisante car demandant beaucoup d’attention (je suis pas le roi de la descente…). Encore une journée à en prendre plein les mirettes. Ce que je vois de la nature colombienne jusqu’à présent est un spectacle ininterrompu, merci la vie.


Caractéristiques de l’étape El Cocuy - Cabañas Guaicani - Cabañas Kanwara - Güicán - El Cocuy : 65 km / 5h35 / D+ 1970 m

21

L’étape d’aujourd’hui s’est déroulée sans risque :

Un petit déjeuner qui traîne à discuter avec un gars venu de la République Dominicaine, un ciel qui s’assombrit sérieusement pendant ce temps, une petite flemme qui s’installe tranquillement et ce sera repos. Bien m’en a pris car il a rapidement plu, jusqu’au soir. J’en ai profité pour faire un peu de renforcement de sacoche chez le cordonnier et une cure de fruits et légumes, dont je manque un peu en mangeant dans les petits restos locaux où on sert surtout des empanadas, des arepas et des pasteles, délicieuses mais tout à base de féculent, viande et fromage.

Quand je serai grand, je ferai marchand de cadenas à El Cocuy !


22

Un départ matinal avec, pour commmencer, une longue descente de 50 km, par de la piste assez peu roulante où mes chaussettes, bien qu’aussi courtes que possible, ont réussi à descendre. Le sentiment d’avancer comme une tortue. C’est quelque chose que je découvre : je ne maitrise sûrement pas la technique mais avec un vélo de Gravel, donc sans amortisseur, j’ai du mal à trouver de la fluidité sur ces pistes à la surface tourmentée. Une fois revenu sur le goudron, une magnifique et régulière montée de 2000 m m’a donné ce sentiment exquis, qui arrive parfois, de pouvoir pédaler à l’infini, ce que j’ai fait jusqu’à quasiment la tombée nuit.

Caractéristiques de l’étape El Cocuy - Capitanejo - Málaga - San Andrés : 140 km / 8h25 / D+ 2800 m

23

J’ai passé une grande partie de la journée sur une impressionnante piste taillée à flanc de montagne le long de versants très raides où l’on se dit qu’il faut quand même être bien attentif à où est-ce qu’on met les roues, sans quoi on pourrait se voir irrémédiablement englouti par la végétation, sans que personne ne nous retrouve jamais, en dérangeant au pire pendant sa chute deux ou trois serpents flemmardant par là. J’ai aussi un peu revu aujourd’hui ma notion toute européenne de vie enclavée et d’agriculture de montagne… Pour finir la journée, j’ai fait du “ça c’est fait”.

Caractéristiques de l’étape San Andrés - Guaca - Los Curos - Los Santos : 115 km / 7h35 / D+ 2680 m

24

Voilà voilà, je commence à me demander si El Caminante avait vraiment envie de faire ce voyage…

C’est un peu expliqué dans le film mais voilà le soucis : la veille de partir, Laurent, qui a voulu bien faire évidement, a changé mon étrier de frein à disque arrière (mécanique) pour quelque chose de “mieux”, d’occasion, bien que ce que j’avais, du Shimano de base, allait très bien. J’ai été l’essayer de suite autour du magasin et j’ai constaté que le freinage était mauvais, la roue ne se bloquant jamais vraiment. Gilles a été l’essayer et m’a dit que c’était parce les plaquettes étaient neuves et que tout irait bien après rodage. Dès Bogota, j’ai constaté que les plaquettes faisaient du bruit au freinage, on les a changé une première puis une deuxième fois car elles s’usaient de manières très inégales, puis finalement on a changé le disque aussi et ça a fonctionné à peu près correctement depuis, mais toujours avec un mauvais freinage. Hier, je me suis aperçu que je ne pouvais plus tourner le piston qui permet d’ajuster la plaquette au disque au fur et à mesure de son usure. Le pas de vis de celui-ci est endommagé (peut être que ça a trop chauffer dans les descentes raides d’ici) et il est bloqué dans une position définitive... s’il ne finit pas par sauter. Je pensais pouvoir le changer facilement mais ici tous les vélos de route ou de Gravel sont montés avec des freins hydrauliques. Il existe bien des étriers mécaniques mais uniquement pour les VTT, sur lesquels les inserts ne sont pas au même endroit. Je peux donc continuer en n’ajustant que du côté extérieur au fur et à mesure de l’usure, ce qui implique de défaire souvent la vis qui relie l’étrier au câble, l’endommageant à chaque fois, mais au moins ici on trouve facilement ces câbles comme ceux que j’ai, c’est moindre mal. En fait j’ai la désagréable sensation que ce truc va me claquer dans les doigts au milieu de nulle part et que je vais me retrouver sans frein arrière du jour au lendemain. Je désespère pas d’en trouver un en contactant des magasins à Medellín qui pourraient essayer de le commander d’ici mon arrivée là-bas (mais comme il y a en plus rupture de stock chez Shimano, c’est pas gagné).

Ça me fait un peu drôle de commencer à réfléchir aussi à un itinéraire qui sollicite le moins possible les freins, donc en contournant les montagnes. Des fois, ça tient pas à grand chose que ce soit simple ou que ça devienne pénible…

Au moins les gars des ateliers d’ici ont tout essayé, j’ai fait quatre magasins où l’étrier a été démonté à chaque fois (ce qui a fini par me coûter un bras en main d’œuvre !). Un coup j’ai eu de l’espoir avec un d’eux qui était sûr d’en avoir un quelque part dans l’atelier mais qui ne l’a jamais retrouvé malgré moultes efforts et coups de fil. Je commence à me dire que pour le voyage, des bons vieux freins à patin, c’est peut être pas plus mal…

Pour rajouter un peu des soucis même s’il n’y a rien de grave, mon téléphone a été bloqué car il fallait l’enregistrer auprès de mon opérateur local. J’avais bien essayé plusieurs fois de le faire mais il était impossible de rentrer un numéro de passeport étranger et pour trouver quelqu’un localement qui veuille bien “prêter” le numéro de sa carte d’identité pour l’associer à un téléphone c’est pas facile et c’est normal.J’ai été me renseigner chez l’opérateur, ils m’ont dit que même si je changeais d’opérateur, le téléphone était enregistré nationalement comme bloqué puisqu’en essayant de faire la procédure, le numéro de série a été récupéré. Il va falloir que j’arrive à prouver que c’est bien le mien et que je puisse l’associer à mon passeport, c’est pas gagné. En attendant je vais me débrouiller avec le wifi des endroits où je passe.

Demain, aujourd’hui pour vous, je pars… je ne sais pas par où. Je comptais aller vers Cúcuta pour profiter au maximum encore de cette sierra magnifique mais je sens qu’il serait plus raisonnable d’économiser 5 ou 6 jours de montagne à mon étrier défectueux. Voilà un noeud décisionnel, on va dire que la nuit porte conseille.

L’anecdote du jour c’est qu’à midi j’ai laissé par mégarde la partie adaptateur de mon chargeur de téléphone branché à la prise d’un resto de l’autre côté de la ville. J’y suis revenu ce soir en retrouvant l’endroit je sais pas trop comment, et bien l’adaptateur était toujours là où je l’avais laissé. Ce soir je dois dormir dans le quartier le plus glauque de la ville… forcément à 3.90 € la nuit ; c’est assez bruyant sous les fenêtres et ça se hurle pas mal dessus ! Cette ville de Bucaramanga me fait l’effet d’une cocotte-minute.

Caractéristiques de l’étape Los Santos - Bucaramanga: 65 km / 3h / D+ 930 m

25

Ce dernier jour de l’année et la soirée qui a suivi dans ce petit village, où je suis arrivé un peu par hasard en roulant jusqu’à la tombée de la nuit, parce que j’ai vu sur la carte qu’il y avait environ deux rues, donc sûrement de quoi se loger… ont été terribles !


Tant de chaleur humaine et de simplicité dans ce village de montagne m’ont véritablement ému aux larmes.

Je suis donc en direction de Cúcuta, ville frontalière avec le Venezuela où j’arriverai demain ou après-demain. En attendant c’est jus de goyave et repos à Musticua la tranquille.

Et bonne année à tout le monde !

Caractéristiques de l’étape Bucaramanga - Musticua : 105 km / 6h30 / D+ 3200 m

26

Ce village de Mutiscua a vraiment quelque chose de particulier. La sérénité et les bonnes énergies qu’on y ressent sont peut-être dues à une nature abondante et généreuse. Les flancs de montagne sont propice à l’agriculture, essentiellement toutes sortes de choux, de l’oignon, des poireaux, des salades. Une rivière à la fois discrète et abondante en contrebas du village permet l’élevage de truites, dont la qualité est paraît-il célèbre. Le soir on m’a dit qu’il y avait 3000 petites exploitations agricoles installées sur les versants montagneux de la proche région. C’est un tout petit village mais on y trouve une école, un collège et une Maison de la Culture toute neuve. On sent qu’ici le vivre ensemble n’est pas qu’un vague argument de campagne électorale.

J’ai eu très faim hier car absolument tout était fermé, impossible de glaner une empanada par là. Par contre, la fête continuait bien dans beaucoup de maisons, avec la musique à fond, de bonnes réserves de caisses de bières empilées devant les portes et pas mal de gens qui titubaient encore dans la rue en soirée. Ici, j’avais déjà un peu remarqué ça et on me l’a confirmé, quand on picole, c’est un peu jusqu’à ce que mort s’en suive pour pas mal de monde.

Je suis toujours surpris, quand je passe une soirée dans ces petits villages comme ici où apparement la dernière personne occidentale qu’ils ont vu était une belge travaillant sur des projets de micro-entreprises l’an passé, que presque personne ne viennent jamais m’aborder pour me demander ce qu’un gringo peut bien faire dans le coin.

Hier, une famille qui rentrait d’un après-midi bien arrosé dans une ferme plus haut m’a invité à boire un verre chez eux et j’y ai passé une délicieuse soirée, avec des discussions politiques, culturelles et historiques vraiment intéressantes pour que chacun en apprenne sur le pays de l’autre. Hensy est directeur d’un institut de soin du cancer à Bucaramanga. Sa fierté est d’avoir désobéis lors du premier confinement en continuant à faire venir les malades pour qu’ils puissent continuer à suivre leur traitement chimio. Sa femme est infirmière et son frère chirurgien, tous installés à Bucaramanga. Ils m’ont confirmé la qualité exceptionnelle du système de santé ici, dont une autre infirmière rencontrée dans un bus m’avait déjà parlé. C’est le meilleur du monde selon eux, on soigne toutes et tous avec des cotisations santé dérisoires pour le peuple. On a beaucoup parlé de la gestion du Covid, de la dangerosité réelle de ce virus, des privations de liberté que nous supportons, du pouvoir accru des GAFAM qui deviennent plus riches que certains états en aspirant toutes les données privées des peuples, notamment aujourd’hui celles de santé, des règles absurdes qui changent du jour au lendemain, désorientant complètement notre esprit critique. Ça m’a fait du bien d’entendre des gens érudits et de la partie avoir ces opinions, je me suis senti moins idiot.

Ils m’ont posé beaucoup de questions sur ce voyage, se demandant vraiment quelle mouche pouvait piquer quelqu’un pour faire ça. Ils creusaient, ils creusaient, mais je n’avais pas trop d’autre raison à leur invoquer que celle d’être juste heureux sur une bicyclette à voir les paysages défiler et sentir mon corps en vie. Ça m’a fait rire, et nous sommes restés un long moment sur le sujet, car pour tous les trois, le plus incroyable était que je puisse vivre sans sexe pendant tout ce temps. Vraiment ce point les dépassaient complètement !

La soirée s’est conclue avec le passage d’un ami à eux, chef d’orchestre du cœur de l’armée à Bucaramanga, qui a sorti son violon pour me jouer des classiques colombiens magnifiques.


27

Une matinée sur le vélo vite passée vu que ça descend surtout entre Mutiscua où je suis resté hier encore pour me reposer au frais et la ville de Cúcuta où je suis ce soir. Frontalière avec le Vénézuela, cette zone est « formellement déconseillée » par le ministère français des affaires étrangères. Pourtant dès mon entrée dans la ville, agrémentée de deux ou trois arrêts dans des quincailleries pour trouver du scotch américain, j’ai surtout vu des sourires et des gens se décarcasser pour essayer de me dégoter ça. C’est pas toujours le cas, en Colombie comme au Mexique où ça m’avait marqué : on peut parfois sentir qu’un commerçant n’a pas trop envie de comprendre ce que vous cherchez exactement et aura vite fait de vous envoyer à la prochaine « esquina » (coin de rue) en vous disant que là-bas vous trouverez à coup sûr, quite à ce que vous vous retrouviez devant un magazin de frigidaires alors que vous cherchiez des chaussettes.

Ensuite j’ai été dans un magazin de cycle qu’on m’avait conseillé lors de mon passage à Bucaramanga. Ce que je cherchais pour mon freinage n’y était pas mais j’ai changé mes pédales qui commençaient à partir en sucette et la patronne s’est sentie obligée de me les proposer à moitié prix sans que je demande rien. Puis un employé de l’atelier a tenu à regarder mon vélo et m’a changé les plaquettes, qui m’ont été offertes. Enfin, un autre employé m’a invité à manger à midi, et il m’a été impossible de payer le repas. Là je me suis dit : ici ça craint vraiment, ils ont l’air de m’en vouloir.

Ensuite j’ai continué à brasser sur mon histoire de téléphone bloqué. En cherchant la boutique de l’opérateur Tigo qui n’était pas placée au bon endroit sur Google Map, je me suis arrêté pour demander où c’était dans un café-bar qui avait l’air tranquille et sympa. Comme la boutique était finalement plus loin dans un grand centre commercial où je sentais qu’il allait être un peu chaud de laisser le vélo dans la rue le temps de gérer ce bazard, j’ai demandé si je pouvais le laisser au bar pour y aller à pied. La réponse de Lys l’employée a été : ici c’est ta maison.

Finalement pour le téléphone, en gros il a été bloqué car je n’ai jamais pu l’enregistrer avec un numéro de passeport étranger, c’est impossible à faire vu que les champs de remplissage disponibles ne correspondent pas au nombre de chiffres d’une carte d’identité colombienne. Vendredi à Bucaramanga chez Claro lors de mon passage à l’agence, on m’avait dit après une heure à essayer plein de trucs avec l’employé que c’était débloqué de leur côté mais qu’il fallait que je fasse la même chose chez Tigo, comme j’avais précédemment utilisé une carte SIM de chaque opérateur. En arrivant aujourd’hui chez ces derniers, ils m’ont dit que c’était impossible d’enregistrer un téléphone pour un étranger, que je devais trouver de la famille ou un ami ici qui accepte de le faire avec son numéro d’identité colombien.

Me voilà donc revenu bredouille au bar où j’avais laissé le vélo. Au détour d’un café et de la conversation je leur explique le plan et voilà que Jesus le patron me propose d’aller ensemble chez Tigo pour qu’il enregistre mon téléphone à son nom. Imaginez un français prenant le responsabilité de mettre à son nom le téléphone d’un colombien qu’il connaît depuis deux minutes, téléphone avec lequel il est possible d’acheter de la drogue, des armes, des faux, de circuler sur des sites de pédopornographie, etc.

Nous voilà donc partis chez Tigo, qui nous dit après presque une heure d’attente, que le téléphone est maintenant débloqué mais que ce sera effectif que le lendemain et à conditions de faire la même procédure chez Claro, situé à plus d’un kilomètre à pied par 38 degrés. Claro chez qui il y a encore plus de monde et qui nous dit après avoir aussi mis mon téléphone au nom de Jesus que c’est ok mais qu’il faut attendre que Tigo me débloque pour que eux aussi puissent le faire. Bref ça sent un peu l’enfumage et le renvoi d’ascenseur entre les deux compagnies et je me dis que si ça continue comme ça, dans une semaine j’y suis encore à faire la tournée de Claro et de Tigo dans une grande ville, en plus sans la carte d’identité de Jesus. Finalement, j’ai acheté le téléphone le moins cher qui était disponible, (un Kodak, celui-là il va être collector !), que nous avons enregistré au nom de Jesus et je ferais ainsi du partage de connexion avec le mien quand j’aurai besoin d’Internet sur la route pour la carto, trouver un hébergement, appeler en cas de soucis, etc.

Jesus, qui ne me connaissait pas à midi a donc passé l’aprem à faire le tour des opérateurs téléphoniques avec moi pour me dépatouiller l’histoire. Bien-sûr la soirée s’est terminée tard à boire des bières à son bar tous les trois avec Lys. L’occasion d’apprendre que le Paramo de Santurbán, situé plus de 3000 m au-dessus, joyaux de la nature avec plein de lacs et surtout réserve naturelle d’eau pour la ville, est menacé par un projet de mine d’or, que le gouvernement colombien est prêt à vendre à une multinationale des Émirats Arabes. L’opposition locale est ferme mais ils ne se font pas beaucoup d’illusions, accusant une corruption endémique de la classe politique colombienne. Corruption qu’ils traitent avec humour d’ailleurs, comme un français pourrait se moquer de son béret et de sa baguette.

Plus terre à terre, un magazin de vélo de Bucaramanga m’a à priori trouvé un étrier mécanique de frein d’une marque locale. Je risque donc bien de faire un crochet pour repasser à cette ville dans les prochains jours. Finalement c’est la mécanique qui décide en priorité de mon itinéraire depuis le début : pourquoi pas après tout, ça réduit les choix et les questionnements !

Étape Mutiscua - Cúcuta : 112 km / 4h20 / D+ 700 m

28

Gros dodo…

Caractéristiques de l’étape Cúcuta - Ábrego : 174 km / 9h35 / D+ 4020 m

29

J’ai quitté aujourd’hui la Sierra Orientale qui depuis un mois m’a fait vivre ce que j’étais venu chercher : des rencontres et le plaisir de rouler toute la journée parmi des paysages inconnus sur ces impressionnantes pistes et routes aux 1000 lacets. Un air de liberté aussi, même si finalement on se sent très, très, dépendant de son moyen de locomotion quand celui-ci fait des siennes.

Ce que j’ai le plus aimé, c’est l’incroyable diversité des forêts et biotopes selon les altitudes où l’on se trouve, avec la possibilité de passer dans la journée d’une jungle étouffante et humide aux paramos secs et froids souvent menacés par de lourds nuages.

J’ai atteint le point le plus au nord du voyage car j’ai abandonné l’idée de monter sur la côte Caraïbes, une option qui me prendrait du temps au détriment des montagnes plus au sud, celles de la Sierra Centrale. Ce qui me plaît ici c’est d’aller de petits villages en petits villages au cœur des reliefs. Je sais aussi que je m’ennuie assez vite à la plage quand j’y suis seul et que deux jours m’y suffiraient. Expérience du précédent voyage.

Je suis arrivé en milieu d’après-midi à San Alberto où ma route part maintenant vers le sud-ouest en direction de Medellín. Ce soir, j’ai pris un bus pour Bucaramanga où un des multiples magazins chez qui j’étais passé la semaine dernière et avec qui je suis resté en contact m’a normalement trouvé un étrier de frein à disque qui conviendrait… On devrait changer ça demain matin puis je reprendrai la route là où je l’ai laissé en remontant en bus à San Alberto.

Comme le montre la vidéo, j’ai croisé un iguane aujourd’hui !

Petite anecdote pour finir : je suis étonné car il est assez fréquent que des gens me demandent leur chemin. Ils se disent sûrement que pour être là en vélo, le mec doit être du coin. Dans ces cas, je leur fais croire que je suis mexicain, en leur disant que c’est à droite tout en regardant à gauche et en faisant un geste qui embrasse à peu près 180 degrés, conclu au dernier moment par un balancement de poignet dans une direction hasardeuse. Je précise toujours que c’est “muy cerquita”, très proche, même s’il faut encore 4h pour s’y rendre. Je plaisante. Ça me faisait juste plaisir de me remémorer ce détail du Mexique ! Mais pour les gens qui me demandent leur chemin, c’est vrai…

Étape Abrego - Ocaña - San Alberto : 153 km / 6h30 / D+ 1050 m

30

En fin de journée, j’ai continué à descendre la vallée à fond parfaitement plat du Rio Magdalena, qui parcourt le pays du Sud au nord sur plus de 1500 km. Elle sépare la Sierra Orientale, que j’ai remonté depuis Bogotá, de la Sierra Centrale vers laquelle je me dirige. Large de plus de 100 km par endroits c’est une vaste zone humide où je vois beaucoup de bétail, surtout des bovins. J’y vois aussi une monoculture extensive de palmiers à huile. La Colombie est le 4ème producteur mondial d’huile de palme et le premier du continent sud-américain. Je n’ai rien trouvé de particulier sur la région où je me trouve mais en fouillant internet, on lit que dans les régions proches de l’Amazonie (Mapiripán), l’état, avec l’aide de groupes para-militaires n’a pas hésité à massacrer des communautés pour implanter la multinationale italo-espagnole Poligrow, piétinant des lois nationales qui interdisent l’accumulation de terres.

Ce soir je suis à la ville de Sabana de Torres, étonnante bourgade très animée, un peu perdue au milieu de nulle part, que l’on aurait imaginé plus petite et discrète vue sa situation géographique. Je pense que l’économie de l’huile de palme n’est pas étrangère à ce dynamisme.

Sinon, je n’aurais pas fait l’aller-retour à Bucaramanga en bus pour rien, car j’ai désormais un nouvel étrier de frein à disque qui remplace le défectueux. J’ai bien fait de prendre un peu par hasard le chemin de Cúcuta la semaine dernière car, outre les moments humains exceptionnels que j’ai vécu en faisant cette boucle, je ne me suis pas trop éloigné de Bucaramanga contrairement à si j’étais parti vers la côte. Pendant ce temps, un jeune d’un des magazins que j’avais fait, s’est souvenu qu’ils avaient un client qui devait avoir ça chez lui. C’est ce que j’ai racheté et installé, une marque colombiennne, fonctionnant avec des plaquettes qu’on trouve partout. Le freinage fait l’affaire sans être excellent, mais je ne vais pas commencer à être trop difficile. J’ai tout de même gardé, on sait jamais, le défectueux, car il pourrait encore faire un bout de chemin si j’avais un soucis sur le nouveau. Comme le gars vendait les 2 étriers ou rien, j’ai embarqué aussi celui de devant au cas où l’enchaînement d’ennuis mécaniques se poursuivrait ! Allez roulez jeunesse.

Étape San Alberto - Sabane de Torres : 63 km / 2h40 / D+ 100 m

31

Ça c’est fait… dans le sens où les journées comme aujourd’hui sur des routes à gros traffic font assez peur. Disons qu’il faut gérer avec une attention de chaque instant et avoir un peu de chance pour ne pas se faire ramasser par un mec qui conduit en tapotant sur son téléphone. La suite depuis Puerto Berrío où je suis ce soir devrait être bien plus calme.

C’était bien quand même, car il y avait beaucoup de plaisir à être sur El Caminante, avec un agréable sentiment de déplacement “en ligne”. Bien aussi parce que j’ai enjambé le Rio Magdalena, passage symboliquement et géographiquement important dans le voyage. Aussi parce que je suis arrivé à Puerto Berrío, ville un peu perdue au milieu de nulle part, n’y rencontrant depuis que je suis là que des gens sympas et souriants. La vie a l’air assez trépidante ici et j’ai l’impression que pas mal de gens sont originaires des Antilles mais je me trompe peut-être. Demain samedi ce sera pour moi pause prolongée ici avec cure de fruits et légumes.

Aujourd’hui, il y a surtout eu la rencontre avec ces deux gars qu’on voit dans le film. Deux colombiens voyageant du nord au sud du pays, avec des moyens très limités je pense. L’un d’eux s’est fait voler son vélo à côté de la tente une nuit vers Bucaramanga, 120 km en amont d’où je les ai trouvé, l’un marchant, l’autre sur le vélo, alternant ainsi toute la journée. Ils comptent se déplacer ainsi jusqu’à Medellín où ils espèrent trouver un vélo premier prix. Sans qu’ils ne me demandent quoique ce soit, je leur ai donné peut être pas tout à fait de quoi acheter un vélo premier prix mais je devais pas être loin vu comment ils ont eu l’air d’halluciner. Ça m’a tellement ému de voir leur surprise que j’en ai oublié pour la journée que j’avais mal au genoux. Ils ont beaucoup insisté pour que je passe visiter la hacienda de Pablo Escobar, vraiment ça avait l’air d’être pour eux le truc à ne pas manquer en Colombie.

Normalement, si vous montez bien le son de votre téléphone ou ordinateur, la vidéo d’aujourd’hui devrait correctement vous criquer la tête !

Étape Sabana de Torres - Puerto Berrio : 171 km / 7h / D+ 500 m

32

« Ma fièvre, mon avidité étaient si fortes qu’elles portaient ma joie. Il devait en être ainsi pendant tout le parcours. Je ne savais pas encore construire l’équilibre entre le mouvement et l’arrêt. Trop de chaleur, trop de désirs que je ne pouvais même pas nommer me poussaient en avant et les plus beaux présents de l’heure me paraissaient déjà épuisés au moment même où je les touchais”.

Hier Christine Oscaby une amie m’a envoyé cette citation de Joseph Kessel (un peu remaniée par ses soins). J’ai adoré lire Kessel quand j’avais 30 ans. J’ai pas tout lu car il a eu une production incroyable et pas mal de choses n’ont pas été rééditées mais je pense avoir bien parcouru ses œuvres de voyageur - journaliste - écrivain. Un sacré personnage, dont je conseille la biographie par Yves Courrière (Sur la piste du Lion). De Kessel, les incontournables me semblent être Les Cavaliers, Les Mains du Miracle et Fortune Carrée.

Aujourd’hui j’ai trouvé le repos avec plaisir dans la fournaise de Puerto Berrío où il fait quand même bon à l’ombre et où un air frais se lève le soir. Un peu d’entretien du vélo, enfin une lessive complète grâce à la machine de l’hôtel, le tour des marchands de fruits et légumes, de jus frais et de glaces.

Je pensais aux petites habitudes que l’on peut avoir dans la vie. Chez moi, pas une journée ne peut commencer sans un thermos de maté, trois grands bols de thé vert et une séance conséquente d’étirements et de cohérence cardiaque. Il ne m’est pas possible de partir travailler si je n’ai pas suivi ce rituel, je ne me sens pas prêt et ça peut vraiment me perturber. Ici comme pendant le voyage vélo précèdent, je ne m’étire pas, je bois une gourde d’eau plate au réveil et 15 min plus tard je suis parti, ce qui fonctionne très bien aussi ! Tout est affaire de contexte. Ceci dit aujourd’hui au bénéfice du repos et de mon hôtel tout clean, j’ai quand même pris pas mal de temps pour m’étirer et bien masser ce genou à l’Arnica, qui d’ailleurs va mieux.

Un peu dans la même veine, “faire avec ce qu’on a”, voici les photos de ce que j’avais au départ de France et de ce que j’ai maintenant depuis la dernière fois que j’ai quitté Bogotá (avec en plus depuis la photo, deux étriers de freins au cas où !).

Je pensais enfin à comment, quand on commence à avoir des soucis sur le vélo, on se met à paranoïer au moindre petit bruit. L’autre jour en arrivant sur Cúcuta, j’entendais un bruit strident récurrent tout en me demandant s’il ne s’agissait pas d’oiseaux dans les haies d’arbres ombrageant la route. Il a fallu que je m’arrête mettre cette affaire au clair et me tranquilliser car il s’agissait bien seulement d’ébats entre volatiles.

Demain direction Medellín où je devrais arriver d’ici trois jours, avec un passage par Guatapé et normalement à nouveau des petites pistes entre les villages pour retrouver la tranquillité.

33

Me voici dans ce grand département d’Antioquia, celui de Medellín, après être passé successivement par le Cundinamarca, le Boyacá, le Santander, le Norte de Santander et le Cesar. Le relief est réapparu peu à peu : pas de grands cols encore mais d’innombrables montées et descentes raides, ce qui est bien plus fatiguant à mon goût. On appelle ça des « lomas » ici, brusques et exigeantes côtes, la traduction exacte étant « monticules ». Presque on se serait cru au Pays Basque. Ce soir je suis à San Roque, petit village situé à 1500 m où il y a de l’animation dans les rues le dimanche et plus de fraîcheur qu’au niveau du Rio Magdalena. De beaux paysages très verts ont rythmé le parcours, ainsi qu’une chaleur largement supportable et un arrêt pour manger une délicieuse arepa de chocolo (galette de maïs doux garnie de fromage maison) chez une famille sympa qui proposait ça le long du chemin.

Étape Puerto Berrío - San Roque : 102 km / 6h05 / D+ 2450 m

34

Un parcours en rase campagne ce matin pour commencer, avec rapidement de la piste humide et acrobatique. Après une dizaine de kilomètres, je me suis arrêté boire un café à un petit resto-hotel au milieu de nulle part, jusqu’où j’avais failli pousser hier soir, mais comme je n’avais pas réussi à déterminer si c’était un hébergement tout simple ou des “cabañas” de luxe comme il y a parfois ici, je suis resté à San Roque. De cafés en cafés et de discussions en discussions, je n’arrivais plus à quitter cet endroit à l’énergie magique, géré par une famille de gens tellement accueillants. Je n’attendais qu’une chose : qu’il se mette à pleuvoir des cordes afin d’avoir une excuse pour passer la journée là. J’ai finalement réussi à partir au bout de deux heures, bien que le petit garçon me demande plein de fois de rester là d’un air tout triste.

Je suis arrivé au lac de Guatapé qui sera mon étape, un endroit très touristique fréquenté surtout par les gens de Medellín (prononcer Médeyin). Aujourd’hui c’est la fin des vacances de Noël et on sent que tout le monde en profite jusqu’au bout. Situé à 1900 m d’altitude, le lac est artificiel comme les autres que j’ai longé aujourd’hui. Il produit beaucoup d’énergie de ce qu’on m’a expliqué, dont une partie est revendue aux pays limitrophes. Il est géré par l’entreprise EPM qui semble être une grosse pourvoyeuse d’emplois dans la région.


Étape San Roque - San Rafael - Guatapé : 75 km / 5h / D+ 1600 m

35

Un nom qui résonne depuis toujours pour moi, comme certaines villes du monde où on ne pensait jamais aller, comme d’autres pour lesquelles on se dit qu’on ira sûrement jamais…

C’est aussi une balise géographique et temporelle du voyage. D’ici s’ouvre la route du sud par les sierras centrales et occidentales et quand je remonterai sur El Caminante, la moitié du temps où presque sera déjà passée. Il faudra dès lors que je me dépêche d’en profiter !

L’arbre dont je parle est le Yarumo Blanco 


Étape Guatapé - Rio Negro - El Tablazo - Medellín : 78 km / 4h30 / D+ 1560 m

36

Une journée à visiter ce qui se visite sûrement le plus ici : la Comuna 13, un des multiples quartiers construits à flanc de colline, où tout est imbriqué dans un équilibre qui semble bien précaire. L’histoire raconte qu’entre 1990 et 2010, c’était un quartier inaccessible, rongé par le traffic de drogue et la criminalité. En 2001 ce charmant Álvaro Uribe, alors président, aujourd’hui assigné à résidence par la cour suprême pour entrave à la justice (ce qui coupe le pays en deux ici entre ses fervents défenseurs, les “uribistas”, partisans d’une droite dure qui se passerait bien des institutions, et ses opposants qui ne voient en cet homme que ses liens étroits avec le traffic de drogue, le grand banditisme, ses amitiés avérées avec Pablo Escobar et les pires exactions commises par ses forces paramilitaires, appuyées notamment par son meilleur allié, les USA de Bush Junior) y ordonna l’opération Orion, un massacre de civils n’ayant rien à voir avec le traffic, les groupes paramilitaires et l’armée se livrant ensemble à des exécutions sommaires à l’aveugle. Les familles n’ont eu d’autre choix que d’enterrer leurs morts dans une fosse commune, plus tard recouverte par une décharge, car un service funéraire leur a été refusé. Les disparitions ont aussi été très nombreuses.

Dans les années qui ont suivi, la violence n’a fait qu’empirer mais depuis 10 ans, la Comuna 13 est peu à peu devenue un fief du street-art puis une destination touristique, les habitants voulant tourner la page (il y avait dans ces années là 7000 meurtres par an à Medellín). La municipalité a parallèlement souhaité le désenclavement de ces quartiers en facilitant le déplacement des gens vers le centre-ville, grâce au métro combiné avec des télécabines particulièrement performantes et modernes. En 2013 Medellín a été élue ville la plus innovante du monde.

Tout ce que je raconte ci-dessus vient de ce que j’ai pu lire sur le net en cherchant des infos, mais ça demanderait à être vérifié par un historien local.

On trouve même aujourd’hui des escalators dans la zone la plus touristique de la Comuna 13. Je n’ai pas vu tant d’œuvres que ça sur les murs ou peut-être sont-elles cachées par les nombreuses échoppes à souvenirs qui ont fleuri. En tout cas il y régnait une ambiance agréable et bon enfant. J’ai rapidement pris les chemins de traverse ou plutôt les escaliers de traverse, pour déambuler un peu plus loin, en me demandant si les gens qui vivent ici voyaient d’un bon œil que des touristes passent dans leurs ruelles, tout étant tellement étroit qu’on pourrait penser violer leur intimité, mais je me suis senti bienvenu partout, où tout au moins je n’avais pas l’impression de déranger. J’ai même trouvé un coiffeur désœuvré qui s’est occupé de moi en discutant une bonne heure et demi.

Un petit film et quelques photos pour illustrer cet endroit :


Quelques mises en garde dans le salon de coiffure :

Pour revenir sur la confusion qui peut encore régner ici entre les forces militaires d’états et les groupes paramilitaires, ces milices qui travaillent dans l’ombre pour faire le sale boulot sans que le pouvoir ne se mouille, voici ce que j’ai pu entendre dans la télécabine où je me trouvais à un moment… Une famille de Cali visitait la ville comme moi et un étudiant qui vivait là leur expliquait quelques trucs sur le coin, regrettant à un moment que des groupes paramilitaires soient encore installés dans ces quartiers. La dame a alors dit que c’était très bien pour maintenir l’ordre. L’étudiant était un peu interloqué, je l’ai moi aussi regardé avec insistance et il a fallu que sa famille lui fasse préciser sa pensée pour qu’elle se rende compte que dans sa tête c’était un peu pareil mais que finalement, non, on pouvait pas considérer que c’était pareil. Il y a eu comme un gros flottement pendant quelques minutes…

J’ai ensuite rejoint le quartier de la Plaza Botero, où des sculptures en bronze de l’artiste colombien sont exposées, puis déambulé dans le quartier de la calle 49 où si vous avez besoin de vêtements, de lunettes de soleil, de chaussures, etc, les échoppes de rue ne manquent pas, dans un impressionnant fourmillement humain et brouhaha sans fin.

37

Aux petits soins pour El Caminante ce matin, afin qu’il reparte sur les chapeaux de roues… Il me semble en excellente santé, impatient de mordre à nouveau le macadam et les pistes andines. Il doit avoir quelques accointances avec le pays car il s’accommode très bien des pièces colombiennnes dont il s’est vu équipé.

Pour son propriétaire, le thème a plutôt été ensuite de se laisser porter, au propre comme au figuré puisque j’ai un peu passé mon temps dans les télécabines à admirer la ville s’étendre à perte de vue ainsi qu’à me gorger de jus de fruit de toutes sortes, en traînant dans les quartiers populaires, ceux où je me sens toujours le mieux en voyage.

J’ai aussi été faire un tour du côté de la Carrerra 70 et je me suis dis que si je revenais en Colombie avec des projets plus festifs, c’est là que j’établierai le camp de base à Medellín pour la vie nocturne qui semble bien établie et sans fard, contrairement au quartier d’El Poblado où j’ai mon hostal, sympa en journée dans les petites rues périphériques mais plutôt pensé pour une jeunesse dorée en voyage avec pas mal de bars et boites branchées à l’occidentale, un peu trop « fake » à mon goût.

Un de mes soucis ici, c’est qu’à chaque fois que je parle de mon parcours avec quelqu’un, on me dit qu’il faut absolument aller là et là et aussi là, avec une mention spéciale j’ai l’impression pour la région du Chocó côté Pacifique, accessible seulement en avion et où la nature semble reine. Tant pis, il faudra que je revienne, c’est ballot. Ou que je reste.

Ce que je peux aussi noter au travers de différents détails, c’est ce désir profond des colombiens de ne jamais retrouver la violence qui a détruit le pays pendant des décennies. On sent par exemple que chacun fait attention à ne jamais avoir un mot plus haut l’autre et on s’innonde de « mi amor » dans les conversations, même pour payer un café, ainsi que de « sí señor ou de sí señora”, accentuant ainsi le respect des uns envers les autres.

C’est peut-être un peu étrange de dire ça mais je le ressens aussi dans la mendicité qui se fait toujours d’une façon douce et « enveloppante ». Si tu n’as pas envie de donner, parce qu’il arrive que ça fasse plusieurs fois d’affilé que tu réponds favorablement aux sollicitations, et que tu dis “peut-être demain plutôt si on se recroise”, on te remercie quand même et un check est systématique, voire un “abrazo” (se prendre brièvement dans les bras), avec de grands “gracias brother, hermano, suerte”.

Souvent la mendicité se fait au moment où tu achètes à manger dans la rue. On vient te demander si tu peux offrir un petit quelque chose et tu achètes un peu plus que prévu. C’est souvent l’occasion de partager une discussion tranquille.

Je dis tout ça avec mon regard de touriste qui est peut-être complément tronqué, en tout cas je ne vois jamais de gens sur les nerfs… sauf sur la route quand ils sont derrière un camion depuis 40 km et qu’ils se battent tous d’un coup pour doubler, sans aucune règle, dès qu’il y a un semblant de créneau… Mais devenir un gros con au volant, c’est universel, je sais de quoi je parle !


Ci-dessus affiche dans le métro : “Je connais mon histoire si je sais la vérité. Les enlèvements et les exécutions extra-judiciaires rendent compte de la crualité et de l’horreur du conflit. Dans la guerre, personne ne gagne”

38

Une journée et des routes idéales pour rouler et commencer à découvrir la zona cafetera… Je sens que ça va être bien ce coin !

Étape Medellín - Camilocé - Fredonia - Puente Iglesias - Cauca Viejo - Jericó : 113 km / 7h / D+ 3080 m

39

Jericó où j’étais hier soir et Jardín où je suis ce soir sont les premiers villages touristiques que je visite depuis que je suis là (hormis Guatapé), en tout cas les premiers où je rencontre des compatriotes, en dormant dans des hostals, hébergements souvent très chouettes et économiques avec des lits en chambres communes. Ce sont également, et surtout, des villages beaucoup visités par les gens de Medellín comme aujourd’hui en plein week-end.

Jardín est aussi le village de naissance de Sergio que je salue et remercie. Guide à Chamonix avec un infaillible et permanent sourire aux lèvres, il a fini, en discutant lors d’une fête à Vallorcine en septembre dernier, de me convaincre de faire ce voyage dans son pays.

Aujourd’hui une grande partie du parcours s’est déroulée sur une petite piste en rase campagne parmi les champs de café et de bananes. J’ai été impressionné comme toujours ici par la raideur des pentes cultivées. On peut dire que l’expression « agriculture de montagne » ne risque pas d’être galvaudée en Colombie. Le pays est le aujourd’hui le troisième producteur mondial de café, derrière le Brésil et le Vietnam.

Il a fallu le petit village de Buenos Aires, installé à flanc de montagne et accessible d’un côté comme de l’autre par une piste assez acrobatique pour que je croise Frank, irlandais et premier cycliste au long cours que je vois ici. Il est parti en 2019 des États Unis, s’est retrouvé confiné trois mois dans un petit village au Mexique où il a été très heureux, puis a continué jusqu’à maintenant. Il venait de descendre jusqu’à la frontière de l’Équateur pour continuer jusqu’en Argentine mais en novembre la frontière était fermée pour cause de troubles sociaux (apparemment) et Covid, alors il remontait tranquillement pour profiter encore de la Colombie et il envisage de rentrer bientôt en Europe.

Ce Franck est mon héros car son vélo était vraiment chargé et quand on connaît le relief ici, ça fait toute la différence. De plus durant l’heure qu’on a passé ensemble à boire des cafés, au milieu de la montée pour lui, il a bien du s’envoyer cinq clopes. Quelle santé ! Feliz viaje Franck.

Maintenant je vais peu à peu obliquer vers le sud-est pour d’ici quelques jours aller « tricoter » la chaîne centrale, avec en principe d’une part un nouveau passage à plus de 4000 m et d’autre part l’ascension du Paramo de Letras, col mythique ici, de ceux qui commencent dans la jungle et finissent en haute montagne. Enfin, c’est l’idée, on verra bien.

Étape Jericó - Buenos Aires - Andes - Jardín : 53 km / 3h55 / D+ 1060 m

40

C’est le risque et le plaisir des hostales de voyageurs. On prend un café puis deux puis trois puis toute la matinée en discutant et il se fait tard et on a plus envie de partir. Ce matin était aussi prévu un café sur la place avec Zoraida, la femme de Sergio dont je parlais hier, qui est aussi colombienne et ici à Jardín en ce moment. On a beaucoup parlé, en particulier, concernant le Covid, des différentes manières de gérer ceci entre l’Europe et ici, ainsi que du rapport à la mort qui n’est pas le même entre nos deux cultures. Merci Zoraida pour ces précieuses discussions éclairées.

J’ai toujours des scrupules quand je suis dans des endroits touristiques à ne pas faire le truc qui doit se faire, pas tant par peur de rater quelque chose mais plutôt en me disant qu’il n’y a pas que le vélo dans la vie. Je suis donc parti marcher pour aller voir une cascade qui se visite, en prenant un long sentier où j’étais seul, à l’opposé du chemin classique par lequel on arrive près de la cascade en jeep. J’ai vite senti que mes chaussures de VTT avec lesquelles je n’avais jamais vraiment marché allaient me faire des ampoules aux talons mais en gros bourrin que je suis, j’ai continué, car un objectif est un objectif, pas d’ça chez les Thivel. J’ai beau eu marcher pieds nus la moitié du chemin, au demeurant dans de beaux pâturages humides où il était agréable de patauger en mode primitif, je suis rentré bien fatigué de cet après-midi à randonner non-stop d’un bon pas et comme prévu avec deux belles ampoules, tel le débutant moyen.

Quand on est con on est con, surtout qu’au final je n’ai pas vu la fameuse cascade car en y arrivant, j’ai constaté qu’il fallait payer 5€ tout de même, avec un temps de visite limité, par vagues de 15 personnes, pour une cascade qui d’après Caroline qui en venait, fait trois mètres de haut. C’était donc une journée de repos sans repos mais le retour par le même chemin avec Caroline de Saint Jean de Luz était très sympa ainsi que les paysages. J’ai quand même décidé que dorénavant, ce que je vois toute la journée en vélo allait largement suffire à mon plaisir !

41

C’est un nouveau département, celui du Caldas, qui m’accueille ce soir dans le petit village de montagne de Filadelfia. Une journée bien remplie avec une piste sommaire et humide ce matin qui m’a fait passer à 3000 m, puis une magnifique descente par une belle route sur le Río Cauca que j’ai de nouveau croisé et enfin une bonne montée sur une chaussée sans circulation jusqu’au village. De l’entretien de vélo en arrivant, ce qui est presque quotidien ici, surtout après les passages sur des pistes, afin qu’El Caminante reste en forme. Je suis impressionné par la vitesse d’usure des plaquettes, heureusement qu’il y a des magazins de vélo dans ce pays car j’étais parti avec 3 jeux avant et 3 jeux arrière, ce qui n’aurait pas suffit. Je suis toujours surpris ici du monde qu’il y a le soir dans ces villages qui semblent si petits au premier abord et du nombre de commerces qu’on y trouve, permettant sans doute de vivre sans quasiment ne jamais aller dans les villes environnantes.

Étape Jardín - Rio Sucio - Supia - La Felisa - Filadelfia : 99 km / 6h30 / D+ 2380 m

42

Un parcours pas trop long et magnifique aujourd’hui, parmi les champs de bananiers, de caféiers et de cannes à sucre, pour arriver à la ville de Manizales située au pied des Nevado del Ruiz (5321 m). Je compte me diriger vers ce coin par une route qui passe à 4000 m mais je pense temporiser un peu car j’ai attrapé un peu la crève depuis 3 jours avec de bons maux de tête, de gorge et un peu de température. Donc demain mercredi, sauf miracle au réveil, ce sera repos.

Étape Filadelfia - Neira - Manizales : 54 km / 3h35 / D+ 1580 m

43

Une journée qui s’est finalement (bien) finie à l’hôpital de Manizales. De la fièvre et des douleurs de gorge difficilement supportables cette nuit ainsi qu’aujourd’hui, malgré les doses de Paracétamol recommandées, sans effet ou presque. Je voulais un diagnostic pour savoir à quoi m’en tenir. Après avoir péniblement tourné dans la ville en vélo pour comprendre où je pourrais voir un médecin et faire un test Covid, j’ai fini aux urgences de l’hôpital où on m’a mis deux heures sous perfusion pour calmer la douleur. Angine virale ou Covid, je sais pas trop au final, les médecins et infirmières étaient pas très causants pour expliquer ce qu’ils faisaient. On m’a fait un test mais je n’ai pas encore le résultat. Me voilà à peu près soulagé de la douleur pour la nuit et on verra bien demain.

Bref, je vais être en stand-by. L’avantage c’est que je suis bien installé dans une guest-house avec une chambre au calme, en centre-ville et qu’en plus Jésus veille sur moi partout dans cette maison. Apparement mon cas n’est pas singulier, la dame de l’hébergement m’a dit qu’elle ne voyait que des voyageurs malades ces temps-ci !

44

Je me demandais bien comment depuis tout ce temps, avec mon métier et mon mode de vie, je n’avais toujours pas attrapé ce virus. C’est chose faîte. Je vois plutôt ça comme une chance au niveau personnel et comme une participation à son évolution naturelle au niveau collectif, mais je ne m’étendrai pas sur ce sujet délicat et terriblement clivant. Ou du moins nous explique-t’on jour et nuit qu’il doit l’être, le Président de la République en tête d’ailleurs, une fonction où il est pourtant censé être le garant de l’unité du peuple, tel que l’envisage notre Constitution. C’est sûrement d’être devenue une Start-Up Nation qui justifie « d’emmerder » et de rendre responsable de tout ou presque une partie de la population.

Ma chance aussi, c’est que la dame de l’hôtel veuille bien me garder, elle n’était pas obligée mais elle n’avait pas l’air très inquiète, des voyageurs malades de ça ou d’autre chose, elle en voit passer toute l’année. C’est aussi une chance d’être dans une ville, c’est un peu plus rassurant. Enfin j’ai la chance d’être un voyageur occidental privilégié, qui a pu régler sans soucis les 50 € de frais d’hôpitaux hier (moitié pour la consultation médecin, moitié pour la perfusion). Ceci dit, pour préciser comment ça fonctionne ici, avec le système de sécurité sociale en place, une personne de nationalité colombienne n’a pas à payer pour une consultation aux urgences comme celle que j’ai fait.

Je souhaite donc à Omicron un bon passage par mon corps et l’accueille avec bienveillance. J’ai les symptômes classiques de ce que j’ai compris, mal de gorge, pas d’attaque des voies respiratoires, belle fatigue, un peu de fièvre, donc je vais faire comme tout le monde… attendre que ça passe. J’ai trouvé épuisants les 4 kms à plat (en vélo) nécessaires pour aller chercher et ramener le test de l’hôpital… Je n’ai donc pas encore les fesses sorties des ronces de Manizales et je vais sûrement en repartant devoir faire une croix sur cette route qui passe à plus de 4100 m, ainsi qu’au fameux plus long col de Colombie, le Paramo de Letras. Tant pis, ce sera pour une autre fois ou pas.

Merci à tous pour vos messages d’amitiés en tout cas !


45

Demain matin mardi je vais reprendre ma route. Tranquillement vers le sud, pour ne pas trop forcer, même si je me sens guéri. On me dit tellement de reprendre en douceur, que vous me faites flipper à force ha ha ! Mais je vais écouter ce qu’on me dit, pour une fois.

J’abandonne l’idée de cette grande boucle en haute montagne que je souhaitais faire sur trois jours. Afin de me ménager et aussi parce que la météo est mauvaise là-haut ces jours-ci et qu’il y aurait sûrement peu de plaisir. Peut-être que je pourrai réaliser ce projet à la fin du voyage, juste avant d’obliquer sur Bogotá, en l’abordant depuis l’autre côté de la chaîne centrale.

Je repars le cœur lourd, accompagné par le souvenir de notre ami Philippe Martins, qui vient de nous quitter brutalement. Je vais te raconter tout ce que je vois Philippe, je vais te dire à quoi je pense, je vais entendre tes éclats de rire, je vais te regarder danser avec ta classe impeccable, je vais t’observer rouler ta clope avec ton petit sourire en coin prêt à en sortir une toute bonne qui aura son succès auprès de l’assemblée, je vais nous écouter parler de nos joies et carnages amoureux, en se marrant d’être aussi cons l’un que l’autre et je te reverrai partir dans la dernière longueur « d’Un Homme Pressé », tout en haut du Cirque de Gavarnie, il y a si longtemps maintenant. Je te dirai surtout que je t’aime et que j’aime tout ce que tu as été. Tout.

Ces journées sans programme à Manizales m’ont permis d’errer quelques heures par jours dans toutes sortes de quartiers, en regardant la vie s’organiser. J’ai appris à aimer cette ville moyenne (430 000 habitants), à l’architecture anarchique. Une ville en vrac, comme la semaine que j’y ai passé, mais une ville attachante où il doit faire bon vivre, perchée au bord du vide car où que l’on regarde depuis le centre-ville, ça plonge. J’ai aimé ces quartiers populaires où sur quelques centaines de mètres on va trouver des marchés aux fruits et légumes, des salons de coiffure à n’en plus finir, toutes sortes de commerces se côtoyant, du marchand de rotofil à celui de lingerie fine ou de sextoys, des bars sombres remplis de mecs qui y passent la journée en écoutant de la musique mélancolique crachée par de vielles enceintes qui ont dû tant en voir, des salles de billard ou de jeux de hasard emplies de hurlements face au suspens en cours et des prostituées au milieu de tout ça, en pleine journée dans la rue, qui se marrent entre elles sous le regard nonchalant des policiers, souvent les mains dans les poches ou surfant sur Facebook ou Tinder, assurant une présence sociale et un maintien de l’ordre sans qu’il n’y ait besoin d’en rajouter avec des comportements ostentatoires ou intimidants.

Manizales 
Passage d’un candidat au Sénat appartenant au parti d’Álvaro Uribe, l’homme le plus aimé et le plus détesté du pays 
De bonnes averses ces jours-ci  

Je profite de cette pause pour dresser un panorama des fruits exotiques les plus consommés ici, souvent sous forme de jus, en vente partout dans la rue ou au bord de la route.

Maracuya (fruit de la passion) 
Guanabana 
Guayaba 
Mango
Lulo
Tomates de Arboles 
Papaya 
Pitaya 
Granadilla
Curuba 
Piña 
Chontaduro, aphrodisiaque paraît-il et souvent proposé mélangé à des vitamines chimiques censées donner des érections dingues
Borojo, aussi censé améliorer la virilité 
46

Vous l’aurez compris, j’ai pas pu bouger aujourd’hui, les dieux de la météo m’ont sûrement prescrit un jour de repos de plus…

Tiens, pour se marrer un peu, je vous dresse aujourd’hui le portait de James, américain de Philadelphia qui est à la pension depuis trois nuits.

Tous les matins vers 6h30, James appelle sa femme depuis l’espace commun qui donne sur toutes les portes de chambres. James s’attache toujours à parler très fort, racontant à son épouse, et par la même à tous les voyageurs somnolents, à quel point son voyage est « amazing » et son expérience colombienne exceptionnelle. Le téléphone étant systématiquement en mode haut-parleur, nous sommes à cette occasion tous rassurés de savoir que sa femme l’aime, l’attend impatiemment et que le chien, aussi, entend sa voix. Une fois qu’il a raccroché, comme nous sommes à présent tous bel et bien réveillés, c’est le moment de partager le petit-déjeuner avec James.

Le couple formé par Derek de Sheffield et Veronica de Cali sort alors de sa chambre, le regard noir. Surtout que James lorgne avec un filet de bave à peine contenu sur Veronica qui a 30 ans de moins que lui, commentant grassement que les femmes colombiennes sont magnifiques et doivent être très caliente dans l’intimité, hum hum. À chaque fois, je sens que Derek pourrait sauter au cou du gringo et l’étrangler en moins de temps qu’il ne me faut pour l’écrire. Hier, nous plaisantions en off sur le fait que, malgré tous les griefs qui séparent l’Angleterre et la France, un point nous unira toujours : la phobie des américains en voyage. Bon, disant cela, je sais que l’arrogance française n’est pas une légende pour les autres nationalités, à commencer par la mienne d’ailleurs.

Quand James rentre le soir, il a toujours passé la journée « la plus de sa vie ». Tout est « the most beautiful », « the best ever ». Rien ne peut être juste comme c’est. James a fini ce matin par me demander ce que, au fait, je foutais là moi. Je lui ai dit que je faisais un voyage en vélo mais il n’a pas cherché à en savoir plus et m’a parlé pendant une demi-heure de son vélo Cannondale, de son prix censé me sidérer et des impressionnantes montées qu’il faisait avec chez lui, sans commune mesure avec celles plus modestes de Colombie, qu’il sillonne en avion.

Il n’en rate pas une pour expliquer à tout le monde que le Covid, ça suffit et il a fallu que je me justifie sur le fait de porter un masque au sein de la pension, mais comme il me coupe tout le temps pour me donner une leçon d’épidémiologie lorsque j’essaye de parler, je ne sais toujours pas s’il a fini par comprendre que je faisais ça car j’étais porteur du virus, afin de le protéger donc et de ne pas gâcher ses vacances ou l’empêcher de prendre son vol retour.

Le matin, une fois son petit-déjeuner consommé, James occupe la salle de bain en restant sous la douche chaude une heure, montre en main, puis il renouvelle l’opération le soir avant de se coucher, pendant qu’Angela la prioritaire me lance des regards désespérés, imaginant sa facture d’eau et d’électricité atteindre l’altitude du Nevado del Ruiz.

Hier soir à 22h30, tout le monde était tranquillement installé dans sa chambrée lorsque James est rentré d’excursion. Ce fut le branle-bas de combat général car il pensait avoir perdu son téléphone en le laissant glissé de sa poche dans le taxi qu’il avait pris pour rentrer. Étant l’heureux élu pour assurer la traduction anglais-espagnol entre lui et Angela, je me suis retrouvé sous le feu de toute sa pression, subissant ses commentaires sur ces colombiens mal organisés et un peu voleurs, tout en traduisant à Angela qu’il fallait qu’elle trouve une solution pour lancer un appel général à tous les taxis de Manizales et de Colombie. J’ai fini par lui demander s’il connaissait le numéro de sa carte SIM colombienne, qu’il a retrouvé dans ses papiers, puis nous avons appelé le téléphone, qui se trouvait tout simplement dans sa chambre, puisqu’il ne se souvenait plus qu’il l’avait mis dans son sac et non dans sa poche pour rentrer.

Un jour, James m’a raconté qu’on avait tenté de lui arracher des mains un petit appareil photo, dans un des quartiers où j’étais aussi passé. Je m’en suis étonné et ce matin je suis revenu sur l’événement en lui demandant quelques précisions. Il a fini par me dire que quand c’est arrivé, il était entrain de filmer des prostituées depuis le trottoir d’en face. Je me dis que des fois, il faudrait passer un permis pour avoir le droit de faire du tourisme !

Ce matin, quand James est apparu, il y avait un air de catastrophe qui soufflait dans le gîte. En effet, nous étions face à un « big problem » car avec la pluie, la visite de la ville qu’il avait prévu n’allait pas pouvoir se faire comme prévu et il se demandait bien comment il allait pouvoir occuper ce dernier jour, tombant décidément à point pour gâcher l’ensemble de ses vacances. Heureusement, ce soir James a survécu à ce contre-temps.

Récompense de cette fin de journée maussade, ce soir ça se dégage et pour la première fois depuis que je suis là, j’aperçois le Nevado del Ruiz (5321 m), la neige fraîche qui a dû y tomber aujourd’hui et une belle éruption ! C’est totalement “amazing”, à coup sûr “the most incredible landscape I have ever seen in my life !”

47

El Caminante a eu l’air content de reprendre du service, toujours parmi les champs de café et avec peu de circulation sur des routes secondaires fort belles. Poco à poco, sans forcer, nous avons été plus loin que prévu. Nous ne sommes pas loin de la vallée du Cauca où le cheminement devrait s’aplanir considérablement jusqu’à Cali puis Popayan. C’est plutôt pas mal pour une reprise. J’hallucine toujours sur la consommation de plaquettes de freins ici. Celles que j’ai mis à Manizales, de marque colombienne, doivent être en beurre car en une seule journée elles ont perdu la moitié de leur épaisseur ! Il va falloir du stock pour finir.

Étape Manizales - Chinchina - Marsella - Pereira - Quimbaya : 115 km / 5h40 / D+ 1900 m

48

Cet après-midi, après une première partie de journée sur des routes de campagne parfaites pour le cyclotourisme, j’ai retrouvé la Panaméricaine et pris tellement de plaisir lancé sur ce ruban qui descend jusqu’au bout du monde que j’ai eu du mal à m’arrêter. Je ne suis pas raisonnable, mais c’est pas nouveau.

La petite anecdote du jour c’est que James l’américain est bloqué 5 jours à Bogotá car avant de prendre son avion pour les USA, il a été testé positif (sans symptômes). On ne se moque pas. Au moins il ne m’a pas accusé de lui avoir transmis, à moins qu’il n’en pense pas moins. Cette fois c’est un very very big problem.

Étape Quimbaya - La Tebaida - Sevilla - Buga - Yotoco : 159 km / 6h40 / D+ 1450 m

49

La journée a été belle avec un grand détour par les montagnes pour finir d’arriver à Cali. Ça en valait le peine, des villages et gens sympas lors des arrêts et des petites routes tranquilles dans des paysages un peu différents de ceux que j’avais vu jusque là. L’entrée dans Cali m’a ramené à la réalité du tumulte routier.

Je bataille à nouveau avec mon frein arrière, le colombien cette fois, qui ne répond jamais vraiment à un freinage vigoureux bien que j’ajuste en permanence les plaquettes. Depuis aujourd’hui, il reste aussi parfois bloqué en position fermée après un freinage. Un atelier où je me suis arrêté en arrivant va regarder ça demain matin. Il suffit sûrement de lubrifier la gaine et certaines pièces de l’étrier lui-même. J’ai un peu le sentiment de faire la tournée des magazins de vélos du pays pendant ce voyage ! J’aimerais bien avoir l’esprit libéré de ces soucis mécaniques, j’ai toujours le sentiment qu’il va se passer un truc et ne suis jamais tranquille dans ma tête. C’est assez pesant.

Ça m’a quand même coûté de me prendre l’arrière d’un bus qui a pilé devant moi dans Cali, heureusement à basse vitesse. Plus de peur que de mal, pour le vélo comme pour moi. J’avais le temps de freiner et j’ai freiné… mais ça n’a pas assez freiné. Quand au chauffeur de bus, il ne s’est aperçu de rien !

Le drame de la journée, c’est que la Colombie à perdu à domicile contre le Pérou dans un match éliminatoire pour la Coupe du Monde…

Étape Yotoco - Restrepo - La Cumbre - Yumbo - Cali : 99 km / 5h20 / D+ 1860 m

50

Honnêtement le moral n’était pas vraiment au plus haut aujourd’hui, avec encore une mauvaise nouvelle venue des montagnes de Patagonie, pas trop de feeling avec cette ville qui doit pourtant avoir ses secrets, il faudrait y rester un moment et des soucis mécaniques récurrents qui font qu’El Caminante et moi, on est bien fâché parfois, tel un vieux couple, que nous sommes devenus. Mais ça ne dure jamais très longtemps, on est plutôt intime et soudé depuis le temps.

Finalement j’ai passé une grosse partie de la journée à re-batailler avec mon frein arrière, parcourant les grands boulevards de Cali dans un sens où dans l’autre, pour aboutir à un truc pas trop mal. Le modèle colombien acheté à Bucaramanga il y a 3 semaines est déjà hors d’usage, on a remis le Tektro avec un piston défectueux que j’avais au début. Dans un autre magazin, un gars a réussi à transformer un insert de clef Allen abîmé en nouvel insert Torx, à débloquer ainsi le piston endommagé et à lui refaire un pas de vis pour qu’il puisse à nouveau être réglé au fur et à mesure de l’usure des plaquettes. Fortiche lui. Il a osé en tout cas, alors que je lui disais que je voulais plus qu’on y touche, pour être sûr de ne pas le casser définitivement.

On verra bien, je m’attends à tout, mais j’ai encore un joker car, comme le gars qui vendait les étriers colombiens à Bucaramanga proposait les deux ou rien (avant - arrière), j’avais quand même gardé celui de devant au cas où j’ai un soucis à l’avant aussi. Je me suis aperçu cet aprem que c’est exactement le même que celui qui vient de rendre l’âme à l’arrière donc je vais quand même bien réussir à arriver à Bogota avec l’un et/ou l’autre.

Demain ce sera mieux c’est sûr, ce sont les affres du voyage en solitaire, sinon, « y’avait qu’a pas venir » comme dirait Fred Valet, mon maître à penser.

51

Me voilà bien réconcilié avec El Caminante et la Colombie à bicyclette. La sortie de Cali s’est passée dans le calme, avec peu de circulation puisque c’était un dimanche matin à la première heure. J’ai aussi rapidement trouvé un axe secondaire emprunté par des centaines de cyclistes pour sortir de la ville. Ensuite la route s’est rétrécie et j’ai suivi assez longtemps les berges du Río Cauca, jusqu’au village en effervescence de Suarez. En quittant ce dernier, j’ai retrouvé du relief et une route de montagne extraordinaire au-dessus d’un lac artificiel. Des sourires aussi, des gens qui avaient envie de discuter lorsque je me suis arrêté. Je ressens depuis la sortie de Cali quelque chose de différent par rapport au reste de la Colombie que j’ai pu connaître jusqu’à là. Je ne sais pas trop quoi en fait, je verrai ces prochains jours si ça se confirme. En tout cas ce sont des sensations très positives !

Étape Cali - Jamundi - Timba - Suarez - Morales - Piendamó : 123 km / 6h05 / D+ 1520 m

52

Dans l’ouvrage de l’auteur colombien Gabriel García Márquez, il pleut pendant cent ans. La météo de ce soir me fait penser à ça, avec un torrent qui descend sans accalmie la rue principale de Totoró. Les gens qui circulent à moto se sont arrêtés un moment, puis ont fini par se faire une raison en reprenant la route, parés de ponchos et de sacs plastiques autour des chaussures. Un trajet assez court pour moi aujourd’hui, avec un départ tard et une arrivée tôt, par une jolie route de montagne puis une piste. Pas grand chose de croustillant à raconter, les journées commencent à un peu toutes se ressembler, les rencontres sont bien rares mais le plaisir de rouler est toujours là, alors je m’occupe en roulant. Demain j’ai des grands projets mais c’est la météo qui va décider et avec cette pluie de la soirée, El Caminante risque de s’embourber un peu sur les pistes d’altitude. Il fait assez froid aussi. On verra bien demain, cap à l’est ou à l’ouest, tous les chemins me mèneront à Bogotá d’une manière ou d’une autre.

Étape Piendamó - Silvia - Totoró : 44 km / 2h50 / D+ 1270 m

53

Il pleuvait encore ce matin tôt mais en patientant un peu, une éclaircie est apparue, alors j’ai mis le cap à l’est pour traverser la Sierra Centrale. Au final une magnifique journée de vélo qui m’a permis de passer par un beau paramo à 3400 m d’altitude (et 10 degrés), pour redescendre à 1000 m (et 33 degrés) à la fin de l’étape. La surprise a été de trouver une bonne route asphaltée, sauf sur une trentaine de kilomètres dans la descente, alors que je m’attendais à un « chantier » de pistes boueuses. Ce point là est toujours difficile à anticiper et les infos souvent contradictoires.

Ce que je sais à coup sûr par contre, c’est que pour rebasculer du côté où j’étais, par un autre itinéraire afin de faire une boucle, ce sont plus de 100 km de pistes qui m’attendent et à coup sûr de merveilleux paysages, au pied du volcan Puracé (4650 m), en territoire indigène. Revenir sur Popayán avant de remettre le cap au sud devrait me prendre deux jours et on dirait qu’il va faire beau. Ce soir à l’hospedaje où je suis, j’ai rencontré un Colombien qui sillonne son pays en moto pour son boulot et qui m’a bien briefé sur les endroits où je veux passer ensuite, sur quelques coins à éviter aussi apparement.

Étape Totoró - Inza - La Plata : 112 km / 5h40 / D+ 2050 m

54

Je n’avais pas de connexion internet hier soir, alors je mets le résumé de cette étape avec un jour de retard…

Avec encore aujourd’hui (mercredi 2 février) de la pluie en fin de nuit, je suis parti tranquille ce matin et ne suis pas arrivé très tard au seul village proposant un hébergement entre La Plata et Popayán, que je devrais rejoindre demain jeudi.

J’ai passé l’après-midi à discuter de choses et d’autres, mais surtout de politique, avec un jeune couple de Cali, qui s’occupent ici en ce moment du restaurant tenu par le papa de Maira. Avec Sebastian, ils réfléchissent à leur futur. Cali selon eux est redevenue une ville dangereuse ces dernières années, on y trouve de plus en plus de misère et d’inégalités sociales. Elle se dit très inquiète du résultat des prochaines élections présidentielles qui ont lieu en mars. Elle pense que le candidat de gauche va gagner, ce qui selon elle serait une catastrophe. Ils souhaiteraient alors migrer vers les États-Unis ou aux Pays-Bas mais ils savent aussi que c’est compliqué et que l’époque n’est pas très propice.

J’avoue ne pas les avoir trop rassuré sur ce point, en leur dressant un tableau peu reluisant de l’accueil qu’ils risquent de recevoir dans nos grandes démocraties devenues si tristes, frileuses, racistes et divisées. Ils se rendent aussi compte qu’ici à Santa Leticia, la vie pourrait être très simple et heureuse pour eux : la nature y donne tout, le commerce reste simple et local, en circuit court, et ils s’y sentiraient à l’abri des ravages et absurdités du système économique mondialisé. Ils envisagent donc de rester là pour le moment.

Je passe ces jours-ci dans un des territoires indigènes du sud de la Colombie. Ce sont des zones compliquées politiquement et socialement. On en a pas mal parlé aussi avec Maira et Sebastian, qui m’ont conseillé de continuer ma route tranquillement, en me faisant discret, sans avoir l’air de m’intéresser de près à quoi que ce soit, mais sans me dire pour autant qu’il est dangereux d’être ici. J’avais déjà eu ce sentiment en traversant des zones reculées du Chiapas au Mexique : tracer et ne pas donner l’impression de chercher quelque chose.

Ici comme là-bas, de ce que j’ai pu lire et comprendre, les gens se sentent floués par l’état, qui n’a pas respecté des accords commerciaux favorisant l’agriculture locale, qui n’a pas tenu ses promesses d’amélioration des infrastructures de communication, de circulation, de santé, d’éducation… Le gouvernement d’Iván Duque accorde aussi des permis d’extraction minière dans des zones sacrées et écologiquement très importantes. Un étranger, vite assimilé à un gringo venu des États-Unis pour faire des affaires ou mettre son nez dans ce qui ne le regarde pas, n’est pas forcément vu d’un bon œil. Par exemple en revenant manger ce soir à leur restaurant, Maira et Sebastian m’ont dit que pas mal de gens étaient passés pour leur demander ce que je faisais là, à me promener dans la rue en faisant des photos.

Ils me disaient que la police ne vient jamais ici. C’est une zone floue, d’état dans l’état, organisée en autarcie. D’ailleurs on ne sait toujours pas si cette région appartient au département de Cauca ou de Huila, qui chacun le revendique à tour de rôle. Il y a eu ici et il y a encore, mais nettement moins qu’auparavant car un grand nombre de paysans a pu se reconvertir à l’agriculture conventionnelle, beaucoup de champs de coca (je n’en ai pas vu). Ça fait parti des endroits où les paramilitaires d’Álvaro Uribe s’en sont donnés à cœur joie, tuant de simples agriculteurs qu’il était facile de faire passer pour des terroristes FARC, le rouleau compresseur médiatique aidant à faire accepter l’inacceptable.

Il y a régulièrement des manifestations (appelées “la minga sociale”) à Popayán de peuples indigènes, ainsi que d’afrodescendants. Il y a deux ans, ils ont même bloqué la Panaméricaine entre Pasto et Popayán pendant plusieurs semaines, avant que la police n’intervienne à balles réelles. Vu de l’extérieur, je sens en effet que c’est un coin délibérément délaissé par l’état : il serait facile de faire une route là où c’est une piste, il y a des coupures d’électricité plusieurs fois par jour au village, pas d’internet ou très peu, le premier hôpital est à trois heures…

Sur le film d’aujourd’hui, on voit à un moment que je croise un gros bus. Je me suis un peu étonné de sa présence car ce sont généralement des bus plus petits qui assurent la liaison entre les villages sur ces pistes étroites. Maira et Sebastian m’ont expliqué que ces bus transportent des migrants venus d’Ecuador ou plus au sud, en partance pour les États-Unis. Ils empruntent les routes et pistes les plus discrètes du pays, justement dans ces zones où la police n’est pas bienvenue, jusqu’au nord du pays où les gens embarquent pour le Panama…


Étape La Plata - Belen - Santa Leticia (Moscopan) : 60 km / 4h15 / D+ 1750 m

55

Le film vaudra mieux que de grands discours ce soir. Que c’était beau. La nature tellement brute de ces paramos touche l’âme.

Popayán a l’air bien chouette, de ce que j’en ai vu cet aprem. L’architecture du centre est plaisante et harmonieuse. C’est une ville étudiante qui semble pleine de vie tout en dégageant de l’apaisement. Parfait tout ça pour se reposer un peu demain vendredi, avant d’attaquer les montagnes russes qui me mèneront à Pasto, dernière grande ville avant la frontière avec l’Ecuador.

Étape Santa Leticia - Puracé - Popayán : 85 km / 5h45 / D+ 1710 m

56

Journée calme à Popayán puisqu’il a plu jusqu’en fin d’après-midi. Ces arrêts sont quand même à chaque fois pas mal occupés par l’entretien du vélo que je ne peux m’empêcher de nettoyer à fond, vérifier, graisser, afin de repartir l’esprit tranquille, « balles neuves ». J’espère que la météo se trompe pour les prochains jours car la route du sud risque de ne pas être une partie de plaisir, surtout que jusqu’à Pasto, il n’y a qu’une option, la Panaméricaine, fréquentée par les camions, tortueuse et montagneuse et souvent pas très large de ce que j’ai pu voir sur Google Street et aussi de ce qu’on m’en a dit ici. Je vais m’y trouver un week-end, ce qui est mieux car officiellement les gros bahuts ne peuvent pas rouler le dimanche. Sinon je verrai, je monterai dans un bus si c’est trop stressant.

C’était marrant aujourd’hui de voir, dans le super hostal où je suis, ce gars colombien qui s’est installé ici depuis quelques mois, bosser toute la journée pour le call-center d’une boîte d’assurance américaine. Il gère les problèmes de gens du Massachusetts ou du Texas qui ont une vitre cassée ou je ne sais quoi, tout en étant accoudé à la table de la cuisine totalement encombrée d’affaires ou en étant entrain de faire pipi ou assis sur le trottoir, ou en regardant d’un œil distrait une série à la noix. Pendant ce temps passe à proximité un mec qui nettoie son vélo les mains pleines de cambouis, deux autres jouent une partie de foot virtuelle et endiablée PSG - Barcelone, encore deux autres fument de la bonne marijuana dans l’arrière-cour, pendant que le chien et le chat se bataillent en faisant un raffut d’enfer. Apparement ça fonctionne car il est bien noté par son entreprise qui lui fait confiance et les américains ont leurs vitres remplacées sans avoir besoin d’entamer un procès.

Sur la place de Popayán 

Quelques affiches dans les rues de Popayán :

Vie digne  
Résistant à la pandémie depuis 1492 
88 cas de lésions oculaires pendant le grève nationale 2021. Ce ne sont pas des cas isolés. Qui a donné l’ordre ?

J’ai une histoire à raconter, qui m’est arrivée il y a un petit moment maintenant mais que j’avais gardé sous le coude. C’était entre Manizales, quand j’ai récupéré d’Omicron, et Cali. Le premier jour, un camion a failli me faire passer par-dessus bord, le second il y a eu le petit coup de pression ci-dessous et le troisième en entrant dans Cali, j’ai goûté l’arrière d’un bus (à basse vitesse et par ma faute). Les joies de la route en vélo… qui font aussi partie du voyage.


Le chauffeur et son gourdin…

Un jour entre Manizales et Cali, j’arrivais sur une zone de travaux où tout le monde était arrêté. J’allais me mettre derrière le camion me précédant, quand la voiture qui me suivait, une Toyota Hilux (comme par hasard… quand je dis qu’ici comme ailleurs en Amérique Centrale ou du Sud, les propriétaires de ces engins sont les conducteurs les plus agressifs, dangereux et irrespectueux des autres) m’a serré pour prendre la place, ce qui ne servait à rien puisque nous étions tous en attente que ça redémarre. Je lui ai dit exactement, avec mon air pas tibulaire, mais presque : pourquoi vous me serrez alors que nous nous arrêtons tous, c’est idiot (es tonto).

Ils étaient deux et avaient les vitres fermées (et teintées, ça va de soi avec un Hilux). J’ai redémarré pour me faufiler comme d’habitude le long des camions à l’arrêt mais quand la voiture m’a rattrapé un peu plus loin, le conducteur, la soixantaine, m’a longuement serré contre le bord, me traitant de tous les noms, notamment en boucle de hijo de p… qui ne respectait pas la Colombie où je n’avais rien à faire (gringo de m…), qu’il avait 50 ans de cyclisme derrière lui et que j’allais pas lui apprendre comment faire avec les cyclistes, qui prennent trop de place, etc. Je le regardais pendant ce temps en souriant, d’un air de dire “parle à mon c.., ma tête est malade,” lui rétorquant juste des « tranquilo señor », jusqu’à ce qu’il me bloque vraiment contre le bord et m’oblige à m’arrêter, moment où je l’ai vu au-travers de la vitre arrière sortir une batte de base-ball depuis le dessous de son siège. Je me suis dis, là, vu l’état d’énervement complètement irrationnel du gars, tu vas prendre cher, abruti de Thivel. Je pense qu’il s’est alors passé trois choses qui ont joué en ma faveur :

- le passager avait l’air bien plus tranquille, en tout cas ne semblait pas prendre partie et il a sûrement dit à son ami en le voyant sortir le gourdin qu’il exagérait un peu

- un camion derrière nous a délibérément pilé, bloquant le traffic, dans l’intention, je pense, de bien montrer qu’il allait être témoin de toute la scène. La veille un camion avait failli me tuer et le lendemain celui-ci m’a peut-être sauvé la vie !

- je portais un casque : peut-être que le gars s’est dit inconsciemment que pour défoncer le crâne d’un gars avec un casque, il allait falloir y aller fort. Vas savoir…

Finalement il n’est pas sorti de la voiture et a poursuivi sa route après m’avoir encore traité d’hijo de p… une bonne vingtaine de fois, ivre de colère. Toujours est-il que je suis reparti fébrile et bien décidé à accepter de me soumettre sans sourciller à toutes les incivilités et agressions routières. Ce que je fais depuis le début - après tout personne ne m’a invité ici à faire du vélo - sauf là où j’ai pas pu m’empêcher de dire au gars qu’il faisait n’importe quoi, sans que ça ne l’avance d’une seconde sur son parcours.

En observant l’humanité au volant, je me dis souvent que du jour où, du caca plein la couche, on fait “vroum vroum” pour la première fois avec la voiture Majorette que le Père Noël nous a apporté, on n’évolue plus beaucoup. Ça devient même pire à l’âge adulte car en plus, on nous attribue un klaxon !

57

Hier soir samedi je n’avais pas de réseau (ni d’électricité d’ailleurs) pour mettre les petites nouvelles du jour. Je le fais donc avec un jour de retard.

Il va peut-être falloir que je revienne au CE2 ou CM1, je ne sais plus, pour apprendre à diviser une distance par deux car en ayant fait presque 180 km aujourd’hui et n’ayant donc plus que 65 km à faire demain pour arriver à Pasto… c’est toujours pas ça les maths et la répartition de l’effort. J’ai cependant fini frais comme un gardon, malgré la pluie puis la grosse chaleur. Des fois, je me demande en quelle matière je suis fait, en tout cas ce sport me va plutôt bien, ou alors c’est dans la tête.

Aujourd’hui j’ai vu beaucoup de migrants qui descendent chercher du travail en Équateur. J’ai pu discuter avec un couple parmi eux au moment où je m’arrêtais faire des photos. Ce sont les gens qu’on voit dans le film. Elle, a fuit le Vénézuela et elle est poétesse. Je n’ai pas pu lire ce qu’elle écrit car je n’ai pas de compte Facebook mais on y trouve ses écrits en tapant « Mi Inspiración Poética ». Elle me disait avoir des lecteurs un peu partout dans le monde. Lui, vient de Santa Marta sur la côte Caraïbe et ils descendent tenter leur chance. C’était un moment très chaleureux et je les ai un peu aidé financièrement pour la suite de leur périple.

Tous ces gens marchent et dorment le long de la route, en montant parfois sur le chargement d’un camion qui veut bien les prendre. La police ferme les yeux car lors des barrages de contrôles qu’il y a régulièrement ici, je ne le ai pas vu arrêter ces camions et faire descendre les occupants.

Par contre j’ai croisé beaucoup de motards policiers, en binômes sur la même monture, le second tenant ostensiblement une mitraillette, l’air de pas trop rigoler. Ça diffère de l’attitude plutôt tranquille des forces de l’ordre ailleurs (j’ai même vu une fois un couple de policiers se tenir la main discrètement dans la rue pendant leur service, ils avaient l’air très amoureux !). Il faut dire que depuis Cali, je traverse les départements qui produisent de la coca. Je dis coca, la plante, et pas cocaïne, car c’est complètement différent. La première a des vertues énergisantes en infusion ou en la chiquant et aide à supporter l’altitude (elle ne pousse donc pas pour rien en Colombie !). On peut en consommer ici dans des salons de thé, par exemple, c’est légal, mais j’ai l’impression que ces salons sont plutôt faits pour les touristes. La seconde est le résultat d’un procédé chimique et elle est produite pour satisfaire l’énorme demande des Etats-Unis et de l’Europe. En effet, de ce que j’ai compris, très peu de Colombiens en consomme, c’est très mal vu ici car les gens veulent oublier les décennies de violences à cause de la drogue. Je disais donc que la présence policière est forte dans les régions productrices, comme je peux le constater ces jours-ci. On m’a expliqué qu’actuellement le cartel de Sinaloa au Mexique est très présent dans la région en mettant la pression aux paysans pour qu’ils se convertissent à nouveau à la production de coca.

Ce soir au village, j’ai eu une longue discussion avec deux gars qui me racontaient entre autres comment ça se passait à l’époque où les groupes paramilitaires débarquaient dans le coin pour faire le ménage, de façon complètement arbitraire. Des choses ignobles, notamment avec les femmes et les enfants. Ça remonte à 10 ans maintenant et ils disaient que pour oublier, il faudrait qu’ils quittent leur pays un petit moment. La manière dont ils en parlaient me faisait penser à des iraniens que nous avions rencontré lors d’un voyage en Iran, qui avaient vécu la guerre Iran - Irak et qui en étaient resté complètement traumatisés 20 ans plus tard.

Une dernière chose qui m’a fait réfléchir aujourd’hui, c’est le regard qu’on peut avoir sur l’autre selon où on se place. Quand j’étais à Popayán, un gars très sympa, ouvert, cultivé, guide d’ornithologie, d’origine hispanique, m’a dit que sur la première moitié de mon parcours jusqu’à Pasto, je devrais me méfier un peu. 40 km après Popayán quand j’ai rencontré ce couple de migrants, lui d’origine indienne, il m’a dit que là dans le coin, je pouvais être tranquille, je n’allais trouver que des gens sympas ! J’en reviens toujours à la même conclusion : ne croire que ce que l’on voit, se faire sa propre opinion et prendre tout le reste avec des pincettes et réserves, quelque soit la source d’information.

Étape Popayán - Timbio - El Bordo - Remolino - El Tablon : 179 km / 9h30 / D+ 3230 m

58

On nomme « quebrada » tout ce qui ressemble à un canyon, une gorge, une vallée étroite. Aujourd’hui j’ai été servi en vues saisissantes, intimidantes, spectaculaires, boulversifiantes sur ces quebradas. C’est impressionnant aussi comme tout est vert et détrempé.

Hier en discutant au village où j’étais, les gars me disaient que pendant la dernière saison humide (ce qu’on appelle ici l’hiver), il avait plu tous les jours au moins un peu, souvent beaucoup, pendant 7 mois. En ce moment c’est la saison sèche… mais il pleut aussi. Ça s’est quand même vite arrêté ce matin, laissant place à des brumes et nuages qui rajoutaient à l’ampleur du décor. La montée sur Pasto depuis le point le plus bas fait 40 km, ce qui laisse le temps d’admirer, de philosopher, de penser à la suite, de se demander ce qu’on pourrait raconter comme conneries, réfléchir à ce qu’on fait là, tout ça restant d’ailleurs sans réponse.

La fin du parcours n’a pas été marrante à cause du traffic et de la chaussée étroite mais ça n’a pas duré trop longtemps et je n’ai pas eu à sortir ma batte de base-ball. Pasto est la dernière grande ville au sud de la Colombie avant la frontière avec Ecuador. Il y fait frais (10 degrés) et humide, je suis dans un chouette hostal douillé avec de la super literie, où je vais rester deux nuits.

Demain lundi je comptais me reposer mais je viens de voir qu’il y a une grande classique en vélo ici, qui consiste à monter au volcan Galeras (4276 m), situé juste au-dessus de la ville. Donc la situation se complique concernant le repos. J’envisage de le reporter plutôt à 2023, au bénéfice d’une météo exécrable ou si on nous reconfine.

Étape El Tablon - Chachagüí - Pasto : 68 km / 4h45 / D+ 2680 m

59

J’ai repris ma monture pour essayer de gravir le volcan Galeras (4276 m) mais il est en fait interdit d’aller au sommet. A mi-hauteur, je suis tombé sur Leyder, gardien de la Maison du Parc, qui passe ses semaines tout seul là-haut à 3400 m. Finalement c’était très bien comme ça car je suis resté deux heures à discuter avec lui et deux autres gars de Medellín qui sont arrivés en voiture. L’occasion d’apprendre encore des choses sur la Colombie et son passé. Leyder connaît bien la Catalogne également car il y a fait plusieurs saisons à travailler dans les champs. Il a même une fille là-bas.

Sa mission n’est pas facile car il doit expliquer, seul, pourquoi c’est interdit et se retrouve parfois avec des gens qui ne comprennent pas. On ne peut officiellement plus monter là-haut depuis 2004, afin de protéger la faune et la flore, fragile à ces altitudes. Aussi parce que le volcan est fréquemment en éruption ce qui comporte un risque et enfin parce qu’il y a eu une base militaire qui a effectué pendant des années des tirs d’obus. Ça a été totalement déminé en principe mais il subsiste un doute.

Teyder a bien les boules parce que pendant que lui fait de la pédagogie, un propriétaire privé non loin fait passer les gens, moyennant finances, par un autre accès qui évite la Maison du Parc. Ainsi, des groupes de motards viennent régulièrement faire du moto-cross, sans aucun scrupule pour le biotope. Il a beau prevenir la police, elle ne vient presque jamais ou se contente d’une petite leçon de morale.

Demain mardi je vais en principe faire un bisou à la frontière de l’Ecuador (Ipiales) avant de repasser ici dans deux ou trois jours, par une boucle qui devrait être sympa. Des fois, mais pas trop souvent quand même, je me dis que je ne devrais pas faire demi-tour et continuer vers le sud. Qui sait, je ferai peut-être ça plus tard après m’être débarrassé des choses matérielles et avoir assez travaillé.

Étape Pasto - Casa del Parque del Volcán Galeras - Pasto : 26 km / 2h15 / D+ 890 m

60

Cette journée à la météo changeante m’a mené au point le plus au sud que je pouvais atteindre en restant en Colombie. Encore des côtes et des côtes, jusqu’au bout du bout… Je m’étonnais d’avoir vu bien peu de voyageurs cyclistes pendant cette descente du pays (seulement deux binômes de colombiens et un irlandais jusqu’à présent). Aujourd’hui, à l’approche de la frontière avec Ecuador, j’ai rencontré deux colombiens de plus, Andrès et Gabriel, que l’on voit dans le film.

J’ai commencé à revenir sur Pasto après le bref passage à la frontière, par une route différente de celle d’aujourd’hui, qui a l’air de passer dans de jolis coins. Il fait bien frais ce soir à 3000 m avec un ciel dégagé, je me croirais presque en hiver.

Étape Pasto - Ipiales - Rumichaca - Guachucal - Túquerres : 135 km / 7h / D+ 3010 m

61

Aujourd’hui c’était fantastique à tous points de vue, avec une seconde partie de journée sur la route qui fait le tour du Volcan Galeras. De tous les coins que j’ai vu jusqu’à présent, s’il fallait en choisir un pour vieillir tranquillou bilou, ce serait dans ces campagnes agricoles reculées. Ce sud de la Colombie a vraiment quelque chose.

Je suis revenu à Pasto ce soir, après la boucle de deux jours qui m’a permis d’aller à la frontière. Affamé comme l’autre jour en arrivant de Popayán, je me suis rendu au même resto, où j’enchaîne les plats, jus, cafés et gâteaux… J’ai l’impression que les serveurs hallucinent à chaque fois car ils me demandent à plusieurs reprises, d’un air inquiet, si je suis bien sûr de vouloir manger encore ça et aussi ça. Ils doivent se dire que ces gringos mangent beaucoup trop.

Demain ou après-demain, je verrai en me levant car j’ai du temps devant moi, je vais prendre, avec un certain vague à l’âme, la route du dernier col qui me permettra de basculer à l’est de la chaîne, côté Bogota. Ceci-dit, je trouverai peut-être le moyen avant d’obliquer définitivement vers mon vol de retour, prévu le 4 mars, de faire une boucle que je voulais faire dans ces montagnes, quand j’ai eu Omicron à Manizales.

On me demande parfois où je suis en Colombie. J’en profite pour dire à ceux qui l’ont pas vu, qu’il y a une carte sur le site avec mon parcours. Peut-être que les abonnés reçoivent un lien direct seulement sur l’étape du jour. Pour voir la carte, il faut aller sur la page d’accueil avec le lien est ci-dessous :

https://www.myatlas.com/remithivel/colombike

Étape Túquerres - Pedregal - Sandoná - Pasto : 144 km / 7h30 / D+ 3510 m

62

Un départ de Pasto en fin de matinée pour un court trajet, rythmé par quelques averses et éclaircies, des côtes et descentes bien raides, des champs de frailejones et une ambiance fraîche de montagne.

Demain vendredi, je vais finir de franchir la Sierra Centrale, par le célèbre passage du Trempolin de la Muerte, avec 3300 mètres de descente, mais aussi pas mal de montée, tout en piste, pour me retrouver à 500 mètres d’altitude. Grande ambiance paraît-il et plongée vers la forêt amazonienne…


Étape Pasto - Sibundoy : 65 km / 3h30 / 1350 m

63

On dit ici « destapado » pour les routes sans revêtement. Les pistes donc. Aujourd’hui El Caminante en a eu pour son compte et moi aussi. Ce fameux Trempolin de la Muerte est bien passé, dans une ambiance bouchée et humide, dommage pour le paysage mais ça rajoutait du piment.

En arrivant en bas, je pouvais aller à Mocoa au nord, la bonne direction pour remonter vers Bogotá, mais hier soir j’avais vu sur la carte ce petit village de Puerto Guzmán qui semblait installé au bout de rien, tout en étant au début des forêts amazoniennes, au bord du Río Caquetá. Ce dernier, qui se divise déjà ici en plusieurs bras sur trois kilomètres de large, est un des principaux affluents du fleuve Amazone, qu’il rejoint à 1300 kilomètres de là, au Brésil bien à l’ouest de Manaus.

En parcourant en fin de journée les 30 kilomètres de piste constituée de galets tape-fesses particulièrement éprouvants, je me demandais bien quelle lubie m’avait pris de venir ici et ce que j’allais trouver au bout…

Finalement c’est encore un autre mode de vie qui m’accueille, à 260 mètres d’altitude. J’hésitais un peu à venir car ce sont des zones qui ont été tenues par les guerilleros et je ne savais pas ça trop où ça en était puisque je suis tombé sur un article de 2020 qui faisait état du projet gouvernemental d’épandre par voie aérienne du glyphosathe sur les champs de coca, comme au bon vieux temps du « Plan Colombia » de Bush et Uribe, qui en balançaient aussi directement sur les gens retranchés dans les forêts.

Finalement, une fois n’est pas coutume, on a pas arrêté ce soir de me demander ce que je faisait là, avec le sourire et de multiples bienvenido. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup d’étrangers qui viennent se perdre ici. Il y a plein de bars où ça dansait déjà sévèrement à 18 h. Des bars un peu louches aussi, proposant, on dirait, d’autres services. Plein de commerces aussi, des perroquets et des enfants qui jouent tard dans la rue. J’ai pas bu d’alcool depuis l’automne (à part au réveillon) et ça me va bien de rester comme ça pour le moment, mais des fois je me dis que ça serait intéressant sociologiquement et pour apprendre des choses, de se coller une bonne demi-cuite avec quelques locaux !

Ici, rapport au Covid, personne ne porte de masque. J’avais déjà remarqué ça dans les villages où il fait chaud (33 degrés en fin de journée ici), alors que d’une manière générale les colombiens le porte partout, même souvent de manière absurde, en étant seul dehors par exemple ou en faisant du vélo. L’autre soir, un couple de Bogotá me disait qu’ici le pouvoir est très décentralisé. Pour le Covid, ce sont donc d’abord les maires qui décident des mesures sanitaires à prendre, puis les gouverneurs de département, en fonction seulement du taux de remplissage des lits d’hôpitaux, qui d’après eux, mais c’est à vérifier, n’a jamais dépassé les 70%. Une gestion qui semble assez éloignée de notre régime hyper-présidentiel, qui plus est jupitérien.

Étape Sibundoy - Villagarzón - Puerto Guzmán : 118 km / 7h30 / D+ 1910 m

64

Comme c’est le week-end, j’ai vu pas mal de cyclistes aujourd’hui et même partagé un bout de chemin avec certains, ce qui m’a fait passer d’agréables moments.

À Villagarzón, je me suis arrêté dans un petit magazin pour acheter du lubrifiant chaîne et ça c’est terminé en révision générale de fond en comble d’El Caminante, qui s’est vu démonté, nettoyé et lubrifié tout ce qui pouvait l’être, jusqu’à la plus petite pièce. Du super travail, tous les bruits bizarres que j’avais malgré mon entretien presque quotidien ont disparu. La grosse révision dont je rêvais avant de partir est enfin arrivée. En rentrant, je me mets à la mecanique vélo, je suis trop ignorant dans ce domaine.

J’ai quand même fini de nuit cette petite journée car pour la seconde fois du voyage j’ai quitté en soirée un hébergement après m’y être installé et avoir payé, juste parce que ça me semblait impossible d’y rester un minute de plus. La première fois car, bien que le monsieur qui gérait soit très gentil, la chambre était insalubre (ce qui est très rare ici, tout est très propre, même dans les endroits les moins chers). Ce soir parce que j’avais de très mauvaises vibrations avec l’endroit. Demain dimanche jour du Seigneur, normalement je me repose.

Étape Puerto Guzmán - Villagarzón - Mocoa : 49 km / 3h20 / D+ 780 m

65

C’est marrant, hier en sortant du magazin où les gars ont démonté et remonté tout mon vélo pour lui mettre un coup de neuf, j’ai reçu le dessin ci-dessous comme cadeau d’anniversaire. Merci Kaoli !

Journée tranquille à Mocoa aujourd’hui, petite ville à 500 mètres d’altitude, qui me plaît bien. Il y fait chaud et moite mais comme il y a du relief autour, l’air y circule aussi. J’ai été me balader un peu pour écouter les chants de la forêt tropicale, regarder un match de foot local bien sympa et surtout passé du temps à boire des jus de fruits.

J’en profite aussi pour vous livrer cette citation que m’a envoyé Fred l’autre jour, de Frank Michel dans "Pédale Douce" :

“En cyclisme, comme en d’autres disciplines, le sérieux du sport nourrit un fort besoin d’ordre, et la compétition sportive ôte tout espoir de parvenir à l’harmonie tant nécessaire entre l’homme et la nature. Tandis que le cyclotourisme invite précisément au contraire. L’échappée belle du Tour est aux antipodes de la belle échappée de l’amateur de balades à vélo qui fuit momentanément les contraintes de la surmodernité. S’échapper c’est d’abord quitter le peloton et s’assumer comme mouton noir qui s’éloigne consciemment du troupeau.”

Demain lundi direction le nord, avec du relief et sûrement de belles forêts et ríos…

66

Comme le suggéraient les cousins Calves dans leur commentaire hier, j’ai vraiment tenté aujourd’hui de ne pas faire plus de kilomètres que mon âge. Au final, un « fracaso total », car El Caminante s’est enrayé et il a été bien difficile de l’arrêter même avec l’arrivée de la nuit. Cerise sur le gâteau de cette journée au paradis, un super hostal tenu par des gens très accueillants ce soir à San Agustín.

Étape Mocoa - San Agustín : 158 km / 8h15 / D+ 3420 m

67

Hier, en arrivant à l’hostal de voyageurs où je suis encore ce soir (qui se nomme Musica y Arte), j’ai été accueilli avec d’énormes sourires et tout de suite une belle synergie, par Stiven et Aliria sa maman, les gérants, ainsi que par les occupants des lieux, voyageurs et amis locaux colombiens, tous déjà bien avancés dans l’apéro.

J’ai donc finalement fêté mon anniversaire, jusqu’à des heures tardives de la nuit, avec juste un jour de retard et en élargissant pour l’occasion ma culture concernant ce qui peut se consommer localement en pareille circonstance exceptionnelle.

Aujourd’hui j’ai été visité les alentours, élargis on va dire, de San Agustín, à commencer par l’estrecho du Río Magdalena, ce grand fleuve dont la source se situe près d’ici, à une trentaine de kilomètres, perdue dans les montagnes. Profitant du plaisir de rouler sans bagage, j’ai continué la balade en prenant la direction de Popayán où j’étais il y a une dizaine de jours, histoire de refaire, avec un brin de nostalgie, une petite incursion dans la Sierra Centrale et la région indigène du volcan Puracé.

Il a l’air de faire bon vivre à San Agustín. D’ailleurs je crois que pas mal d’occidentaux y ont posé les valises pour longtemps ou toujours. J’en partirai sûrement demain mercredi en milieu de journée ou peut-être plutôt après demain.

Étape San Agustín - Obando - San José de Isnos - El Marmol - San José de Isnos - San Agustín : 107 km / 5h40 / D+ 2150 m

68

Repos total aujourd’hui, avec juste un peu d’entretien d’El Caminante, trois bricoles au village et un tour chez le coiffeur, avec lequel il y a eu un petit malentendu, dont nous avons ri, car je me retrouve avec la coupe colombienne, style footballeur. Comme il me manque quelques cheveux sur le dessus par rapport à Ronaldo, je ne ressemble à rien avec ma coupe champion du monde.

Ça fait un petit moment que je réfléchis à l’utilisation à outrance que je fais de mon téléphone pendant ce voyage, pour faire des images, écrire et raconter ce que je vis, en plus du reste : les cartes, l’itinéraire, les hébergements, la météo, les échanges avec la famille et les amis, etc. Je passe ma vie sur cet écran ! C’est une belle aventure bien sûr que de partager ces petites news quotidiennement, une sorte d’expérience journalistique et je suis ravi de m’être pris au jeu.

Je réalise cependant depuis quelques temps que ce téléphone a aussi été un filtre entre la Colombie et moi. J’ai souvent d’avantage pensé, devant un paysage par exemple, à le filmer, à imaginer ce que j’allais en faire pour le petit film du jour, plutôt que de regarder vraiment, m’imprégner, me nourrir.

Encore aujourd’hui, je me souviens de chaque jour, presque de chaque instant de mon voyage de Los Angeles au Panama, lors duquel j’avais fait très peu d’images et n’écrivait sur un blog que tous les dix jours environ, avec du recul sur ce qu’il s’était passé pendant cette période. Ici, j’ai l’impression que tout a défilé très vite et d’avoir été moins pénétré par ce que j’ai vu et vécu. C’est différent, mais c’est bien aussi et au moins j’ai des images pour les moments où j’aurai envie de revivre tout ça, une fois en Europe.

Demain jeudi, je roule ou je reste, vas savoir. Je suis partagé entre profiter de cet endroit vraiment chouette le plus longtemps possible, en rentrant sur Bogotá “en ligne droite” juste au dernier moment, ou rouler encore dix jours pour passer dans des endroits que j’ai aussi envie de voir, en m’enivrant encore et encore du plaisir de la bicyclette.

69

Mañana me voy, demain je m’en vais… Une expression beaucoup utilisée dans cet hostal… Mais finalement tout le monde redit, le lendemain, mañana me voy et ça peut durer longtemps. Certains sont arrivés pour seulement une nuit et ont élu domicile ici depuis deux mois déjà.

J’ai bien enfilé ma tenue cycliste ce matin, mais j’ai juste fait ça, en me demandant pourquoi je faisais ça. Je me suis donc très vite rechangé pour ne rien faire de la journée si ce n’est discuter et faire des siestes.

Donc, mañana me voy, ou pas.

Ça c’est bonus pour ceux qui voulaient voir la nouvelle coupe colombienne

70

Ce matin j’ai progressé pour mon départ. Cette fois j’ai fait les bagages, en plus d’avoir enfilé le maillot, mais je me suis encore ravisé.

J’ai quand même été faire un petit tour, qui s’est finalement transformé en sortie assez longue, sur des pistes de plus en plus petites et cabossées et sous la pluie pour les deux-tiers. J’ai pu aller jusqu’à Puerto Quinchana, village le plus amont le long du Río Magdalena, là où démarre un sentier qui mène en 8 heures au lac-source, situé à 3500 mètres. J’ai fait les derniers kilomètres pour arriver à ce hameau aux airs de bout du monde avec Jofre, petit gars de 7 ou 8 ans qui faisait du vélo tout seul depuis le village précédent. Bien éclairé le gamin avec 10 000 questions à poser, c’était super ! En partant, j’ai aussi longtemps discuté avec un cordonnier, surtout de politique. Tous des gauchistes ces cordonniers, je vous dis moi. Donc au final je suis toujours à San Agustín, l’apaisante.

Étape San Agustín - Puerto Quinchana - San Agustín : 57 km / 4h35 / D+ 1270 m

71

La situation s’est compliquée car en se couchant bien plus tard que l’heure de départ prévue, il a été difficile d’envisager sereinement un départ. Un point est envisagé demain matin mais avec de la pluie annoncée toute la journée assez unanimement, ce sera peut-être plutôt lundi. En tout cas ce sera lundi dernier carat. En effet l’expérience de la fête colombienne est entière depuis que je suis arrivé, ce sont des champions dans ce domaine comme au Tour de France mais je ne devrais plus tenir la cadence longtemps.

72


Les amis de la semaine, une bande qui s’est bien soudée au fil des jours  
73

Faut que je consulte.



Étape San Agustín - Garzón - Campoalegre - Neiva : 230 km / 8h40 / D+ 2100 m

74

Parfois en vélo de voyage, on peut avoir la même sensation que si nous avions pris une voiture pour se rendre un peu loin car telle ou telle chose nous attend au bout et que nous n’avons pas le choix, il faut y aller. On attend que ça passe et les pensées défilent, dans une sorte d’état hypnotique.

Aujourd’hui, après une visite rendue au désert de Tatacoa, j’ai fait la route, inlassablement, le long de grandes lignes droites protégées de la circulation, avec un paysage souvent identique, bercé par de bonnes playlists, sous une chaleur un brin accablante. Les derniers kilomètres m’ont aussi rappelé l’inévitable question des enfants en voiture : c’est quand qu’on arrive ?

Bogotá n’est plus qu’à quelques encablures mais comme je dois y être que le 2 mars, j’ai pour projet de revenir faire un tour dans la Sierra Centrale avant de finir. On verra bien si c’est réaliste car ça fait quand même un paquet de coups de pédale en plus.

Étape Neiva - Villavieja - Desierto de Tatacoa - Aipe - Saldaña - Espinal : 177 km / 7h25 / D+ 730 m

75

J’ai fait tout ce chemin ces trois derniers jours pour rejoindre le pied de l’Alto de Letras. C’est paraît-il le plus long col de Colombie, 80 kilomètres de montée et 4000 mètres de dénivelé, qui peut s’agrémenter en basculant côté Manizales d’un sommet à 4180 m, moyennant un nouveau dénivelé conséquent, avec retour sur le versant où je me trouve par de la piste et des petits villages, histoire de faire une boucle.

Ça c’est le plan A, ou A’ on va dire car j’aurais aimé redescendre jusqu’à Manizales aussi, là où je me suis arrêté une semaine cause Covid, pour saluer la dame qui avait gentiment accepté que je reste une semaine dans son établissement, au risque de refiler Omicron à tout le monde.

En arrivant à Manizales il y plusieurs semaines, je comptais faire cette boucle, mais j’avais peur que ça fasse trop pour redémarrer en sortie de convalescence et de toutes façons il faisait mauvais. Je n’avais cependant pas lâché l’affaire dans un coin de ma tête. J’ai des plans A, B, C, D et E possibles pour articuler tout ça mais c’est la météo qui va décider car pour passer en altitude il ne faut pas trop de pluie, il peut vite y faire très froid.

L’idéal aurait été de pouvoir me reposer demain jeudi et de faire ça les trois jours suivants mais la météo est pas super pour vendredi et pourrie le week-end alors il va falloir composer. La nuit me portera, peut-être, conseil.

Étape Espinal - Nariño - Guataqui - Ambalema - Armero - Mariquita : 143 km / 5h40 / D+ 500 m

76

Allez ça c’est fait comme dirait l’autre, j’ai pu franchir ce fameux col de 80 kilomètres de long aujourd’hui en partant léger de Mariquita. Je comptais le faire en aller-retour mais parvenu en haut, j’ai pas pu m’empêcher de descendre sur Manizales, moyennant une saucée dantesque et un froid de canard.

J’ai eu de la chance que ça se lève juste avant d’arriver, ce qui m’a permis de sécher un peu car je n’avais pour cause pris aucun change avec moi et j’ai aussi juste de quoi acheter un peu à manger et payer l’hébergement à Angie, chez qui j’étais resté pendant ma période Covid. Elle a un peu halluciné en me voyant rappliquer, c’était rigolo.

En comptant sur une matinée correcte demain vendredi, je vais rebasculer dans l’autre sens, en faisant j’espère un crochet verd ce petit sommet à 4180 m accessible en vélo.

Ah oui et aussi dans la rubrique des chiffres ronds : j’ai commencé à additionner mes dénivelés quotidiens l’autre jour, quand Sara, salut Sara, m’a demandé à combien j’en étais. Aujourd’hui, c’est par hasard mais c’est marrant que ça tombe comme ça, c’est en montant l’Alto de Letras que j’ai passé la barre des 100 000 mètres depuis le départ. Un autre chiffre rond ! Ça grimpe ce pays oui.

Étape Mariquita - Alto de Letras - Manizales : 118 km / 8h00 / D+ 4170 m

77

J’ai eu beaucoup de chance avec la météo hier vendredi. Ça m’a permis de rentrer à Mariquita en ne reprenant pas le même chemin et en passant par cette si désirée, depuis que j’ai commencé à regarder les cartes de Colombie avant le voyage, piste qui longe à plus de 4000 mètres la base du volcan Nevado del Ruiz (5321 m). Quand j’étais en convalescence à Manizales, j’avais pu l’apercevoir en éruption un soir où ça s’était dégagé :

Sinon, il a cette allure, d’après une photo qui était dans un petit café hier, mais je pense que le cliché date et que les glaciers ne sont plus aussi imposants :

Toujours est-il qu’en 1985, une éruption a engendré un lahar (coulée d’eau de fonte et de cendres) qui a dévasté le village d’Armero… situé 4800 mètres plus bas. J’ai croisé cet écoulement hier en descendant. Ça ne donnait rien en photo car les lumières étaient ternes mais on pouvait imaginer l’incroyable puissance de la coulée, qui a raboté la vallée sur plusieurs centaines de mètres de large.

La journée a commencé par une montée en compagnie de Giovanni, Johnson (du club des Lokos de Manizales) et une fille, en se tirant la bourre mais en se marrant bien ! Ça m’a vraiment ravi de partager enfin des émotions et de l’énergie avec des cyclistes colombiens. C’est une chose que je pensais trouver souvent ici et qui m’a finalement beaucoup manqué. Il y avait un peu de magie à ce que ça arrive enfin, dans cet endroit si important pour moi.

Après les avoir quitté au café où ils m’ont invité à manger, j’ai pu, presque, monter à ce fameux Cerro Gualí (4180 m), sommet qui ne m’empêchait pas de dormir ces derniers jours… seulement parce que j’étais trop fatigué la nuit pour que ça me réveille.

Je dis « presque » car le vrai sommet, bourré d’antennes de communication stratégiques pour Manizales est une base militaire et on ne peut pas s’en approcher au delà de la route en contrebas qui passe à 4050 m. Cependant une petite négociation sous forme d’humour avec la bande de jeunes militaires qui travaillaient sur le chemin d’accès m’a permis d’accéder, sous sympathique escorte, 50 mètres sous le sommet afin d’accéder au point de vue.

La suite de la journée a été solitaire, sauvage et froide, sur une piste bien défoncée serpentant longtemps à 4000 mètres, avec une fâcheuse tendance à monter et descendre sans relâche dans le brouillard, avant de plonger enfin vers les premiers villages, les bananiers et la chaleur, pour une arrivée à l’écurie à la tombée de la nuit.

Aujourd’hui samedi c’est repos puis je finirai d’arriver à Bogotá « en roue libre » ces prochains jours, la capitale n’est plus bien loin. Je dois y être mercredi soir, je vais commencer à attaquer le sevrage !

Étape Manizales - Cerro Gualí - Murillo - El Líbano - Armero - Mariquita : 173 km / 9h20 / D+ 3270 m

78

Dure journée comme l’atteste la vidéo mais mine de rien quand même occupée. Le temps passe vite : entretien du vélo, petite lessive, me faire un itinéraire hors routes à camions jusqu’à Bogotá, anticiper quelques trucs pour le retour, me reconnecter un peu à ce qui vient pour le boulot (il m’était presque sorti de l’esprit que je travaille parfois à l’Ensa), parler de l’étape d’hier sur le blog, se faire des salades de légumes et de fruits. S’attrister des nouvelles du monde aussi. Flâner un peu en ville, où il règne un air de vacances en ce samedi soir. J’ai l’impression qu’il y a pas mal de gens de Bogotá qui viennent passer le week-end ici, au chaud.

Je renfourche ma petite reine demain matin dimanche pour retrouver la Sierra Orientale, celle par laquelle j’ai commencé le voyage. Je devrais pendant ces quatre jours réussir à faire des étapes de taille plus classique, avec des arrivées à des heures raisonnables, laissant le temps de glander l’après-midi et de profiter encore et encore de cette vie si simple.

79

Un départ humide ce matin avec un peu de lassitude sur les premières lignes droites, puis un bout de chemin avec un jeune cycliste qui m’a rattrapé pour se caler dans ma roue un certain temps et finir par discuter un long moment, c’était très sympa. Il était incollable sur les champions cyclistes français.

Une autopista brûlante mais presque déserte pour continuer puis la petite route que je convoitais pour échapper à l’axe principal qui mène à la capitale. Un vrai délice cette fin, 18 kilomètres de montée avec l’inclinaison idéale et de belles lumières un peu orageuses de fin de journée. Je crois que demain va encore être bien chouette sur ces reliefs tourmentés et peu fréquentés. J’en veux encore et encore ! Ce soir je suis au petit village de Caparrapí, un de ces endroits où j’ai bien l’impression que les gens se demandent ce que ce type aux allures de gringo vient foutre là. J’adore !

Étape Mariquita - La Dorada - El Dindal - Caparrapí : 113 km / 5h30 / D+ 1900 m

80

J’ai eu droit aujourd’hui à une journée typique de la Sierra Orientale : des campagnes larguées, du relief découpé, de la végétation et des cultures à profusion, une rivière tumultueuse et austère, le bien nommé Río Negro. De la piste en grande partie, sale et boueuse à cause de la pluie de la nuit précédente. Certainement la dernière du voyage et pas des moindres, pour que la Colombie se rappelle jusqu’au bout à mon bon souvenir. J’ai adoré ce parcours dont je suis sorti couvert de boue, avec un final sous une jolie pluie. Jolie aujourd’hui mais s’il faisait beau pour les deux derniers jours, ça m’irait aussi. Demain normalement ce sera un dernier passage à plus de 3000 m puis je devrais rejoindre les falaises d’escalade de Suesca, histoire de faire une seconde tentative pour saluer des grimpeurs, après une première à la Mojarra en début de voyage où j’avais été reçu comme un chien dans un jeu de quilles au refuge, devenu un hébergement de luxe. Ce soir en arrivant je commençais à entendre dans le ciel les avions en partance de Bogotá, c’est mauvais signe, la fin est proche.

Étape Caparrapí - La Palma - Pacho : 84 km / 5h30 / D+ 2350 m

81

Bogotá n’est plus qu’à quatre ou cinq heures de vélo. J’y serai demain soir mercredi. Je crois qu’avec ce qu’il se passe en Europe, j’ai déjà atterri avant même d’avoir décollé. Ici c’était une journée froide, au ciel bas et incertain, comme l’air du temps.

Étape Pacho - Zipaquirá - Nemocón - Suesca : 74 km / 4h40 / D+ 1610 m

82

Quelle dernière journée ! Du nectar de Colombie, avec une sorte de condensé en quelques heures de tout ce que j’ai vécu ici. Je m’en suis délecté toute la journée en prenant le temps de rentrer tranquillement sur Bogotá. J’ai notamment fait une super rencontre au resto avec Jairo qui est ingénieur, un gars passionnant avec qui j’ai discuté deux heures. Il a du boulot ici pour Martin mon fils dans sa branche, quand il veut ! En arrivant à l’hostal, j’ai à peine posé mon vélo dans l’entrée, suis monté sur la terrasse me manger une empanada et je n’en suis redescendu qu’en fin de nuit. Une belle fusion s’est faite entre 4 ou 5 voyageurs français complètement décalés, j’ai ri comme un tordu toute la nuit et comme jamais depuis longtemps ! Aujourd’hui je vais m’approcher de l’aéroport, je vole vendredi en fin de journée. Peut-être que j’aurai encore des choses à raconter d’ici la France, je clôturerai le blog une fois au pays je pense.

Étape Suesca - Guatavita - Sopó - Bogotá : 96 km / 4h30 / D+ 730 m

83

Trop marrant cette fin d’après-midi. J’ai réussi à prendre un sacré orage deux kilomètres avant l’hôtel où je suis ce soir à côté de l’aéroport. J’ai bien tenté d’attendre à l’abri que ça s’arrête, comme tout le monde, mais au bout d’une heure il n’y avait pas trop de signe d’amélioration alors il a fallu se résoudre avant la nuit à rouler encore une fois sous la pluie. Ça m’a fait marrer parce que, comme souvent, j’avais nettoyé le vélo juste avant, ce qui n’a servi à rien… Demain je vais encore avoir des chaussures mouillées à enfiler… comme souvent ! C’est la Colombie, il se passe toujours un truc rigolo.

Ça m’a fait drôle de refaire un tour dans les rues animées du centre ce matin. Je me suis retrouvé trois mois en arrière, quand tout restait à découvrir. J’ai eu l’impression que c’était hier. Me sont revenues aussi toutes les interrogations que j’avais à ce moment là sur le fonctionnement du pays, ses codes, choisir une stratégie concernant mes bagages. Toutes ces questions qui au fil du temps sont devenues des évidences.

Pour la boutade, je cite un mot que m’avait envoyé Fred Valet mon maître penser lorsque je bataillais avec mon pédalier au tout début : « souviens-toi : t’es pas en face nord, seul à 8000, pieds et torse nus dans la neige, de nuit dans la tempête ». C’est pas faux ! J’y ai repensé à chaque fois qu’El Caminante commençait à me chauffer avec cette histoire de frein arrière qui n’a jamais marché correctement ou quand j’en avais marre des bus qui me frôlaient !

J’ai pu emballer le vélo ce soir, il est prêt pour l’avion. Mon carton était resté en pension dans cet hôtel tout proche de l’aéroport. J’avais quand même une petite pression en arrivant car je me demandais s’ils l’auraient bien gardé. Avec le temps qu’il faisait et les embouteillages partout, je n’aurais pas aimé devoir repartir en ville en quête d’un carton à 15 km de là.

Demain matin vendredi je profite de la navette gratuite de l’hôtel pour aller faire le test Covid à l’aéroport puis j’aurais le temps avant l’avion (18 h) d’aller traîner par là pour manger la dernière papa rellena, prendre le dernier jus de fruit et boire le dernier café con leche.

Étape Bogotá Candaleria - Bogotá Airport : 14 km / 40 min / D+ 0 m

84

Con mucho gusto, c’est l’expression pour dire « avec beaucoup de plaisir ». On l’entend toute la journée ici !

À la porte de l’avion, je vous remercie sincèrement de m’avoir accompagné pendant ce voyage. C’était une belle expérience de partager ainsi. J’ai senti, au moment de Noël quand l’ambiance avait l’air particulièrement glauque en France, que j’apportais un peu de lumière à ceux qui me suivaient, en essayant de montrer les choses comme elles sont, le plus simplement possible. C’est pour ça que j’ai continué à tenir cette sorte de journal de bord.

Début décembre au moment du départ, en plein tapage médiatique sur Omicron, j’hésitais vraiment à partir à cause des formalités sanitaires, policières ou administratives, je ne sais plus comment les qualifier. D’un côté la raison me disait d’attendre un peu, de remettre à plus tard, d’obéir à certaines injonctions. Mon cœur quant à lui m’interdisait de renoncer à ce projet qui le nourrissait depuis plusieurs semaines.

Tout ça pour dire, mais mon premier grand voyage en vélo avec un retour deux jours avant le confinement m’en avait déjà convaincu, qu’il ne faut point attendre pour réaliser nos rêves. La raison n’est pas toujours très bonne conseillère. En alpinisme pour me lancer dans des choses engagées, notamment seul, comme pour ce voyage que je termine, j’ai toujours été d’abord à l’écoute de mes vibrations. C’est bien parti pour que ça continue comme ça. La bise à tous et merci la vie.



« Nous sommes tous les étrangers de quelqu’un, dites non à la xénophobie ». Affiche devant les guichets du contrôle aux frontières


Faut que je trouve une solution en rentrant pour régler mes problèmes de freins
85

Rien de bien fun ci-dessous, j'avais pris des notes pratiques le long du voyage, je les mets juste en ligne pour que ça serve éventuellement à des futurs cyclistes qui tomberaient sur ce blog. Pour le reste, en phase d'hibernation / ré-acclimation depuis l'atterrissage. C'était plus facile de pédaler toute la journée.

07/12/21 : San Sebastián - Madrid (bus) - Bogotá

Night : Hotel Habitel next to Airport (15 min hiking or taxi 30000 COP). For free Habitel shuttle, go up to departure level, it stops in front of Gate 5. Could change all money at the airport. The hotel can keep the bike box, even 3 months, it is very sure, they give you a ticket

D1. 08/12/21 : crossing Bogotá

19 km

Night : Hostal R10

Nice bike paths in the town and some boulevards closed to cars on sundays and holidays

D2. 09/12/21 : cycling in Bogotá

20 km

Night : Hostal R10

Wandering in Bogotá to find gaz bottles for stove. Finally found at Mono Dedo shop (see Google Map) some equivalent Primus (Pinguin Travel Gas). Impossible here to find the same type that I had from México to Panama (long & thin bottles for torch) that were easy to buy in many ferreterías

D3. 10/12/21 : Bogotá - Choachí - La Calera

83 km / 6h25 / D+ 2320 m

Night : Casa Campesina La Fagua (too expensive for what it is)

Very nice road until Choachí. Then tough dirt road. But very nice landscapes

D4. 11/12/21 : La Calera - Bogotá

54 km / 3h / D+ 450 m

Night : Hostal R10

Went back to Bogotá to leave extra gear (all camping staff) and travel lighter

D5. 12/12/21 : Bogotá - Alto de los Patios - Guasca - Alto de la Cuchilla - Termales Campoalegre (about 5 km before Gachetá)

94 km / 4h45 / D+ 1650 m

Night : Hospedaje Termales Campoalegre

Beautiful mountain road, in a very good state except some parts at the end. Nice natural warm pool at the hospedaje

D6. 13/12/21 : Campoalegre - Gama - Gachalá - Ubalá

79 km / 6h10 / D+ 2300 m

Night : Hospedaje Katini Ubalá Centro

Beautiful with many steep climbs and descent. Dirt road between Gama and Gachalá, asphalted road after with some bad sections

D7. 14/12/21 : Ubalá - Santa Rosa - Chivor

54 km / 5h30 / D+ 1700 m

Night : Hostal Anni

Hard dirt road sometimes very steep and bad. The way from Santa Rosa to Chivor is possible (the track connects, not as shown on the maps). The other option by Esmeraldas de Buenavista looked closed because of works on the road

D8. 15/12/21 : Chivor - Garagoa - Chinavita

55 km / 4h05 / D+ 1470 m

Night : Hostal Avenida 5

Nice road first, then dirt road going down steep to the lake (asphalt at the end). Then very nice small road up to Chinavita, nice small village

D9. 16/12/21 : Chinavita - Jenesano - Tierra Negra - Samacá

74 km / 4h55 / D+ 1800 m

Night : Hotel Plaza Real

Very nice day. 2 km on auto pista, allowed to cyclists

D10. 17/12/21 : Samacá - Chiquinquirá -Bocademonte - Pauna - San Pablo de Borbur

140 km / 6h30 / D+ 1650 m

Night : Hotel Mangos

Good roads, fantastic day

D11. 18/12/21 : San Pablo de Borbur - Alto de Bocademonte - Chiquinquirá (and Bogota by bus)

81 km / 6h / 2400 m

Night : Hostal R10

The alto is long but never steep… and beautiful. One bus every 30 minutes to Bogotá. No problem to put a bike inside

D12. 19/12/21 : Chiquinquirá - Barbosa - Moniquirá (Bogotá - Chiquinquirá with bus)

71 km / 3h05 / 440 m

Night : Hotel Bachue

A jonction day after a rapid travel to Bogotá to get a mechanical piece for my bike

D13. 20/12/21 : Moniquirá - Tunja (and Bogota by bus)

85 km / 5h10 / D+ 1350 m

Night : Hostal R10

Road busy and dangerous. Hated it but nice landscapes. Had to go back to Bogota for a new bike problem

D14. 21/12/21 : Bogotá - Cerro de Guadalupe - Bogotá

Night : Hostal R10

23 km / 1h30 / D+ 620 m

Very nice view

D15. 22/12/21 : Tunja - Toca - Pesca - Tota (Bogotá - Tunja with bus)

82 km / 5h50 / D+ 1730 m

Night : Hospedaje Felipe

Quiet road to Toca. Then dirt roads. Nice landscapes

D16. 23/12/21 : Tota - Aquitania - Sogamoso - Paz de Rio

106 km / 5h / D+ 1770 m

Night : Hospedaje El Viajero

Beautiful roads and day, little trafic, fantastic

D17. 24/12/21 : Paz de Río - Socha - Socotá - Jericó - Chita

89 km / 7h50 / D+ 3050 m

Night : Hotel La Avenida

Dirt road from Socotá except one small part before Jericó

D18. 25/12/21 : Chita - El Cocuy

47 km / 4h / D+ 1380 m

Night : Hotel El Caminante

Beautiful with a incredible paramo. Dirt road is good, not too much stones

D19. 26/12/21 : El Cocuy - Cabañas Guaicani - Cabañas Kanwara - Güicán - El Cocuy

65 km / 5h35 / D+ 1970 m

Night : Hotel El Caminante

Beautiful dirt road to Cabañas Guaicani and Cabañas Kanwara. The way down to Güicán is hard, a lot of stones.

D20. 27/12/21 : rest day at El Cocuy

Night : Hotel El Caminante

D21. 28/12/21 : El Cocuy - Capitanejo - Málaga - San Andrés

140 km / 8h25 / D+ 2800 m

Night : Hotel Villa del Pedregal

Long descent with tough dirt road sometimes to Capitanejo. Then beautiful climb to Málaga and the alto above, nice road with low traffic. Way down to San Andrés with a lot of dirt road at the end

D22. 29/12/21 : San Andrés - Guaca - Los Curos - Los Santos

115 km / 7h35 / D+ 2680 m

Night : Hostal Sacara

Impressive dirt road along steep mountain flanks. Did not like Mesa de Los Santos, luxury tourism

D23. 30/12/21 : Los Santos - Bucaramanga

65 km / 3h / D+ 930 m

Night : Hospedaje Angola

Spend the day looking for a piece for my bicycle. Very busy and restless town

D24. 31/12/21 : Bucaramanga - Mutiscua

105 km / 6h30 / D+ 3200 m

Night : Hotel Toreal

Fantastic road, fantastic pueblo, fantastic fiesta ! Road was not busy because no trucks that day but can be very busy I think

D25. 01/01/22 : rest in Mutiscua

Night : Hotel Toreal

D26. 02/01/22 : rest in Mutiscua

Night : Hotel Toreal

D27. 03/01/22 : Mutiscua - Cúcuta

112 km / 4h20 / D+ 700 m

Night : Hotel Superior

Very good feeling with people in this town

D28. 04/01/22 : Cúcuta - Abrego

174 km / 9h35 / D+ 4020 m

Night : Hospedaje Parking

Incredible Alto El Pozo, more the 80 km climbing

D29. 05/01/22 : Abrego - Ocaña - San Alberto

153 km / 6h30 / D+ 1050 m

Night : Hotel Ayenda Almirante (Bucaramanga)

A lot of trucks until reaching the highway. Then very hot, a good shoulder on the edge to be safe. Went to Bucaramanga by bus to get a new brake for the bike and will keep going from San Alberto tomorrow

D30. 06/01/22 : San Alberto - Sabana de Torres

63 km / 2h40 / D+ 100 m

Night : Hospedaje El Rey

A nice evening ride, good shoulder

D31. 07/01/22 : Sabana de Torres - Puerto Berrío

171 km / 7h / D+ 500 m

Night : Hotel Mansion

A lot of traffic but a good shoulder most of the time

D32. 08/01/22 : rest in Puerto Berrío

Night : Hotel Mansion

D33. 09/01/22 : Puerto Berrío - San Roque

102 km / 6h05 / D+ 2450 m

Night : Hotel Marina

Nice road with not too much traffic on a sunday

D34. 10/01/22 : San Roque - San Rafael - Guatapé

75 km / 5h / D+ 1600 m

Night : Hostal El Encanto

About 15 km of dirt road quite tough between San Roque and San Rafael. Had a very nice stop with nice people at Papayo Hotel a few kilometers after San Roque. Worth staying there one night

D35. 11/01/22. Guatapé - Rio Negro - El Tablazo - Medellín

78 km / 4h30 / D+ 1560 m

Night : Hostal Parceros Med

Don’t take the very steep and small dirt road in Tablazo. Better to go to the airport and go right in Sajonia

D36. 12/01/22. Rest in Medellín

Night : Hostal Parceros Med

D37. 13/01/22. Rest in Medellín

Night : Hostal Parceros Med

D38. 14/01/22. Medellín - Camilocé - Fredonia - Puente Iglesias - Cauca Viejo - Jericó

113 km / 7h / D+ 3080 m

Night : Hotel El Viajero (bad)

Beautiful quiet roads from Caldas to Jericó

D39. 15/01/22. Jericó - Buenos Aires - Andes - Jardín

53 km / 3h55 / D+ 1060 m

Night : Hostal Candileja

Off road from Jericó to junction with Andes road

D40. 16/01/22. Rest in Jardín

Night : Hostal Candileja

Went to Esplendor Cueva. Not worth it expensive and small

D41. 17/01/22. Jardín - Rio Sucio - Supia - La Felisa - Filadelfia

99 km / 6h30 / D+ 2380 m

Night : Hotel Las Mellys

Off road ok until a few kilometers before Rio Sucio, then very nice roads

D42. 18/01/22. Filadelfia - Neira - Manizales

54 km / 3h35 / D+ 1580 m

Night : Angie Guest House

Nice small roads, beautiful landscapes

D43. 19/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie Guest House

D44. 20/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie Guest House

D45. 21/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie Guest House

D46. 22/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie Guest House

D47. 23/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie’s Guest House

D48. 24/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie’s Guest House

D49. 25/01/22. Rest in Manizales (Covid)

Night : Angie Guest House

D50. 26/01/22. Manizales - Chinchina - Marsella - Pereira - Quimbaya

115 km / 5h40 / D+ 1900 m

Night : Hotel El Abuelo

Very nice small roads with low traffic most of the way

D51. 27/01/22. Quimbaya - La Tebaida - Sevilla - Buga - Yotoco

159 km / 6h40 / D+ 1450 m

Night : Hospedaje Rey de los Vientos

Very nice roads. Good shoulder on Panamerican

D52. 28/01/22. Yotoco - Restrepo - La Cumbre - Yumbo - Cali

99 km / 5h20 / D+ 1860 m

Night : Hostal Kingsbird

Good shoulder with heavy traffic to the Calima Lake. Then very nice and quiet roads

D53. 29/01/22. Rest in Cali

15 km / 1h00

Night : Hostal Kingsbird

D54. 30/01/22. Cali - Jamundi - Timba - Suarez - Morales - Piendamó

123 km / 6h05 / D+ 1520 m

Night : Hotel Portal del Viajero

Beautiful roads. Between Cali and Jamundi, take Avenida Cañasgordas, full of cyclists

D55. 31/01/22. Piendamó - Silvia - Totoró

44 km / 2h50 / D+ 1270 m

Night : Hotel Mi Posada

Nice roads. On off road section between Silvia and Totoró

D56. 01/02/22. Totoró - Inza - La Plata

112 km / 5h40 / D+ 2050 m

Night : Hotel La Plaza

Nice road, beautiful paramo with asphalt until a few kilometers before Inza. Then dirt road until the bridge over Río Negro

D57. 02/02/22. La Plata - Belen - Moscopan (Santa Leticia)

60 km / 4h15 / D+ 1750 m

Night : Hospedaje Samara

9 km of asphalt then all dirt road but not tough. It is possible to sleep in Belen

D58. 03/02/22. Santa Leticia - Puracé - Popayán

85 km / 5h45 / D+ 1710 m

Night : Hostal Araracuara

Beautiful. Off road is ok, not too much stones. A small restaurant for a stop at 2900 m, then nothing until Puracé

D59. 04/02/22. Rest in Popayán

Night : Hostal Araracuara

Raining all day

D60. 05/02/22. Popayán - Timbio - El Bordo - Remolino - El Tablon

179 km / 9h30 / D+ 3230 m

Night : Hotel La Primavera

Quite dangerous until Rosas. Ok with a shoulder from El Bordo to El Tablon. Very hot between El Bordo and Remolino

D61. 06/02/22. El Tablon - Chachagüí - Pasto

68 km / 4h45 / D+ 2680 m

Night : Hostal La Bohemia

Beautiful until Chachagüí and large road. Thinner after with heavy trucks, a little stressful

D62. 07/02/22. Pasto - Casa del Parque del Volcán Galeras - Pasto

26 km / 2h15 / D+ 890 m

Night : Hostal La Bohemia

Off road a little tough. It is not allowed to go up to the volcan

D63. 08/02/22. Pasto - Ipiales - Rumichaca - Guachucal - Túquerres

135 km / 7h / D+ 3010 m

Night : Hotel Ruanos

New road vas a good shoulder. From Pedregal to San Juan it is narrow with some trucks but they are making a new road

D64. 09/02/22. Túquerres - Pedregal - Sandoná - Pasto

144 km / 7h30 / D+ 3510 m

Night : Hostal La Bohemia

Fantastic roads !

D65. 10/02/22. Pasto - Sibundoy

65 km / 3h30 / 1350 m

Night : Hotel Mirador San Rafael

Nice road not busy

D66. 11/02/22. Sibundoy - Villagarzón - Puerto Guzmán

118 km / 7h30 / D+ 1910 m

Night : Hotel Elyn

102 km on dirt road ! From Villagarzón to Puerto Guzmán it was very tough (stones and sand). Trempolin de la Muerte is not too scary

D67. 12/02/22. Puerto Guzmán - Villagarzón - Mocoa

49 km / 3h20 / D+ 780 m

Night : Hotel Colonial

Stop first at Hostal Samay but did not like it. Very bad dormitory and very noisy, just beside the busy road

D68. 13/02/22. Rest in Mocoa

Night : Hotel Colonial

D69. 14/02/22. Mocoa - San Agustín

158 km / 8h15 / D+ 3420 m

Night : Hostal Musica y Arte

Fantastic and quiet road. The end from Pitalito to San Agustin was more busy but ok

D70. 15/02/22. San Agustín - Obando - San José de Isnos - El Marmol fin de pavimiento - San José de Isnos - San Agustin

107 km / 5h40 / D+ 2150 m

Night : Hostal Musica y Arte

Nice tour. Most of the way to San José de Isnos is asphalted

D71. 16/02/22. Rest in San Agustín

Night : Hostal Musica y Arte

D72. 17/02/22. Rest in San Agustín

Night : Hostal Musica y Arte

D73. 18/02/22. San Agustín - Puerto Quinchana - San Agustín

57 km / 4h33 / D+ 1270 m

Night : Hostal Musica y Arte

Very nice and quiet dirt road

D73. 19/02/22. Rest in San Agustín

Night : Hostal Musica y Arte

D74. 20/02/22. Rest in San Agustín

Night : Hostal Musica y Arte

D75. 21/02/22. San Agustín - Garzón - Campoalegre - Neiva

230 km / 8h40 / D+ 1500 m

Night : Backpackers and Travelers Hostal

Nice road, not too much trafic, good shoulder most of the time

D76. 22/02/22. Neiva - Villavieja - Desierto de Tatacoa - Aipe - Saldaña - Espinal

177 km / 7h25 / D+ 730 m

Night : Hotel Colonial

Took the boat from Villavieja to Aipe (4000 COP). Nice shoulder from Aipe to the end

D77. 23/02/22. Espinal - Nariño - Guataqui - Ambalema - Armero - Mariquita

143 km / 5h40 / D+ 500 m

Night : Hotel Neckarsulm

Very quiet roads except from Armero to the end. Took a lancha to cross between Gramalotal and Ambalema (3000 COP)

D78. 24/02/22. Mariquita - Alto de Letras - Manizales

118 km / 8h00 / 4170 m

Night : Angie Guest House

Very nice, low traffic, never very steep

D79. 25/25/22. Manizales - Cerro Gualí - Murillo - El Líbano - Armero - Mariquita

173 km / 9h20 / D+ 3270 m

Night : Hotel Neckarsulm

Dirt road between Cerro Gualí and a few kilometers before Murillo is tough. Not possible to climb the very top of Cerro Gualí (military base)

D80. 26/02/22. Rest in Mariquita

Night : Hotel Neckarsulm

D81. 27/02/22. Mariquita - La Dorada - El Dindal - Caparrapí

113 km / 5h30 / D+ 1900 m

Night : Hotel Villa Ly

Nices shoulders to El Dindal. The climb to Caparrapí is beautiful

D82. 28/02/22. Caparrapí - La Palma - Pacho

84 km / 5h30 / D+ 2350 m

Night : Hotel Posada del Cacice

Beautiful and mostly off road, I arrived very dirty

D83. 01/03/22. Pacho - Zipaquirá - Nemocón - Suesca

74 km / 4h40 / D+ 1610 m

Night : Hostal Casa Lantana

Very nice climb to the first pass. Cold day

D84. 02/03/22. Suesca - Guatavita - Sopó - Bogotá

96 km / 4h30 / D+ 730 m

Night : Hostal R10

Beautiful last day ! Bogotá entrance with big traffic jams

D85. 03/03/22. Bogotá Candaleria - Bogotá Airport

14 km / 40 min / D+ 0 m

Night : Hotel Habitel

Got my cardboard box back with no problem. Free shuttle to the airport every 20 minutes


Total km : 6106 km

Total time : 345 h

Total height : 111 150 m

Budget : 25 € / day including unexpected purchases for the bike, otherwise expect 20 € or less

Phone : when buying the first Sim Card, go to an official Claro shop, to register the phone, otherwise it will be blocked after 20 days