Le loup (d’Arabie)
L’autre nuit, campant à proximité d’un village, j’ai entendu pas mal d’agitation de chiens pas très loin de ma tente. À un moment, j’ai noté qu’un de ces chiens devait être jeune car il n’aboyait pas vraiment mais hurlait plutôt bizarrement. Puis des pas se sont approchés de la tente. J’ai alors dit à ce supposé chien de s’en aller, sans m’émouvoir pour autant. À mon étonnement, il est parti sans moufter alors que je pensais qu’il resterait là autour de la tente à me casser les pieds le reste de la nuit.
Au matin, un berger est passé par là avec ses brebis pendant que je pliais la tente. Bien qu’on ne se comprennent pas, il m’a montré des traces dans le sable, en faisant des grands hoooo, haaaa, et en me disant un mot en arabe que j’aurais dû retenir. La veille en m’installant à cet endroit, j’ai vu passer comme un chien qui se baladait seul une centaine de mètre au-dessus de l’emplacement, ce qui m’a étonné mais au-travers de tout cet épisode, je ne me suis jamais dit qu’il s’agissait du loup.
Ce n’est que le lendemain, en roulant, que j’ai fait le rapprochement et regardé sur Internet à quoi ressemblait les loups d’ici dont on m’a déjà parlé depuis le début du voyage. Ils semblent être plutôt des sortes de chiens sauvages, se déplaçant de manière solitaire et rôdant la nuit pas loin des villages, un peu comme le renard.
Photo du webLe policier
Après cette nuit, je devais emprunter la highway reliant Médine à Djeddah, sans autre alternative sur une trentaine de kilomètres. Cependant ça s’y prête bien car la bande d’arrêt d’urgence est large et, une fois lancée un peu de musique (colombienne), on s’isole du bruit des camions et ce n’est finalement pas si désagréable (hormis le risque accru de crevaison à cause des bouts d’acier de pneus éclatés).
À un moment, une voiture de police sur le voie inverse m’a klaxonné avec un son un peu bizarre et je l’ai saluée joyeusement. Quelques minutes plus tard, le policier avait fait demi-tour et s’est mis en travers de mon chemin d’une façon assez radicale. Ça n’a pas été un moment très agréable car il n’était pas sympathique du tout et je n’ai finalement jamais compris ce que je faisais de mal. Ce n’était pas le fait de rouler sur l’autoroute, parce que je lui ai tout de suite dit (enfin, Google Trad lui a dit) que j’allais le quitter 10 km plus loin, ce dont il avait l’air de se fiche éperdument. Peut-être s’agissait t’il du fait que je pédale les jambes non entièrement couvertes ? Je me suis renseigné sur ce point, personne ne m’a dit que ça posait soucis, cependant quand je m’arrête faire des courses, j’enfile un pantalon pour être plus à l’aise. Lui montrer mon short et que je pouvais mettre un pantalon n’avait pas l’air de l’émouvoir non plus.
Peut-être était-il entrain de découvrir que l’Arabie Saoudite était ouverte au tourisme et qu’on pouvait y faire du vélo ? À ce sujet, depuis que je suis ici, j’ai vu seulement un gars du coin sur un vieux vélo grinçant entre deux villages et deux enfants qui en avaient un, devant l’épicerie d’une bourgade.
Toujours est-il qu’il m’a gardé 30 minutes sans décrocher un sourire, à controlé mon passeport bien-sûr, qu’il a gardé en main tout au long de l’épisode, et après moultes coups de fils probablement à des supérieurs, il m’a laissé repartir.
Un épisode qui m’a un peu mis sous tension par la suite, surtout qu’à partir de ce moment-là, quand j’ai rencontré des gens, ils me demandaient tous sur l’air des lampions si mon passeport était en règle, ce qui n’était jamais arrivé avant.
Les cadeaux
Je ne compte plus le nombre de fois où l’on m’offre de l’eau, des fruits, une barre chocolatée ou autre. Maintenant, on se met même à me donner de l’argent, ce qui est extrêmement gênant mais ne peut absolument pas se refuser sans risquer de vexer douloureusement les gens. Il s’agit quand même à chaque fois de 7 ou 8 €, finalement de quoi faire les courses pour une journée.
Hier un gars qui m’avait vu à l’épicerie m’attendait à la sortie d’un village. Ça tombait bien car il a pu me renseigner sur l’état de la route que je m’apprêtais à prendre (elle s’annonçait fermée, en travaux). Par contre, il voulait absolument m’emmener pour qu’on fasse un bout de chemin ensemble… mais moi je suis bien sur mon vélo, ce qui n’est pas toujours facile à expliquer. Il est longtemps resté en vue dans mon rétroviseur, d’ailleurs je me suis demandé si ce n’était pas un policier en civil. Puis il a disparu mais 45 minutes plus tard il revenait, m’expliquant qu’il était reparti au village acheter de la nourriture pour qu’on mange ensemble au bord de la route. Ce que nous avons fait. Le repas fini, il m’a dit qu’il n’avait plus d’energie dans son téléphone. Il m’a demandé de lui prêter une batterie et un câble, qu’il me rendrait plus loin, ce que j’ai fait en toute confiance.
Ainsi vont mes journées, souvent arrêté toutes les dix minutes pour juste faire la vidéo Facebook qui va bien ou m’offrir quelque chose ou discuter un peu plus longtemps quand les gens parlent anglais. Les paysages défilent et ne se ressemblent pas. Je peux passer en l’espace d’une heure de grands plateaux sans relief, dans une ambiance un peu hors du temps, presque glauque, face au vent, à une petite vallée verte où l’eau permanente permet un maraîchage fructueux. Je commence à voir plus de oueds alimentés…
La communauté pakistanaise et afghane de Almwared
Hier je roulais un peu tard, la nuit n’était plus très loin et je cherchais plus ou moins un coin pour me poser. Un gars est passé, a ralenti puis a continué mais quelques minutes plus tard il revenait alors que je faisais une photo depuis un col. Invitation directe à dormir chez lui, 20 km plus loin, vers là où je me dirigeais. Rendez-vous est pris à son travail, un garage auto. Abraar est pakistanais, vit dans la même pièce avec 4 compatriotes qui travaillent ici aussi comme mécaniciens. En soirée, une bande d’une quinzaine de copains pakistanais et afghans a débarqué pour le repas. On sent qu’ils sont ensemble tous les soirs et il y avait une ambiance joyeuse.
J’ai encore été très gêné qu’eux aussi veuillent me donner de l’argent mais cette fois j’ai pu refuser. Bien que Google Trad propose l’échange en pachtou et ourdou, ce n’est pas facile de comprendre le parcours de ces hommes. Toujours est-il qu’ils gagnent suffisamment d’argent ici pour rentrer régulièrement voir leur famille et revenir, en tout cas pour certains d’entre eux qui me l’ont dit. En arrivant au garage hier soir, ils avaient l’air de se marrer avec leur patron saoudien, mais je ne vois les choses que de l’extérieur.
Une question revient toujours : comment aller en France, qui semble être le graal ? Je sens comme l’illusion d’un pays merveilleux où il est facile de venir travailler et où il fait bon vivre pour quelqu’un d’origine étrangère. Je suis bien désarmé de ne pas savoir quoi leur répondre sur une Europe qui ferme ses esprits comme ses frontières…
Aujourd’hui je suis resté ici, de toutes façons ils ne voulaient pas me laisser partir ce matin. C’est bien agréable de prendre une journée de repos, ça faisait 12 jours que je pédalais, mais tranquillement, sans me lasser. J’en ai profité pour faire un petit check-up d’El Caminante, qui se porte très bien et ici c’est une bonne chose vue la rareté du magazin de vélo !
Al Ghzlan - UTM 37Q 576165 2596515 (Musaith) : 92 km / 4h30 / D+ 700 m
UTM 37Q 576165 2596515 (Musaith) - Almwared : 112 km / 6h20 / D+ 900 m