Carnet de voyage

Africabike

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Un voyage à vélo qui devrait me mener de la Namibie au Kenya entre mi-novembre 2023 et fin janvier 2024
Du 15 novembre 2023 au 24 janvier 2024
71 jours
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Afrique. Mon mythe en vélo. Le continent le plus riche du monde. Dévasté par l’avidité sans fin de l’Occident, de la Russie ou de la Chine. Des guerres régulières qui arrangent bien les marchands. Nos colonisations passées, ces bombes à retardement. Une exploration minière ou pétrolière ici ou là et le conflit apparaît. Ce sont toujours les civils qui en payent le prix. Je pars là-bas un peu honteux de ma condition de nanti mais j’ai hâte des rencontres que je ferai. Ce voyage devrait me mener de Namibie au Kenya en passant par la Zambie, peut-être le Malawi, la Tanzanie, peut-être le Rwanda et l’Ouganda avant de rejoindre Nairobi. C’est l’Afrique Australe. Je vais faire ami-ami avec les lions et les éléphants. El Caminante mon vélo a l’air encore plus motivé que moi, on commence à avoir vécu quelques aventures ensemble. Quand on prépare un vélo et ses bagages pour n'avoir que le minimum mais l'essentiel, le diable se cache dans les détails. Et ces derniers peuvent être sans fin. Départ le 15 novembre pour un retour fin janvier, à bientôt pour des news.


Premiers tours de roue en Afrique d’El Caminante 

Pour les adeptes de bagagerie et de matos, voici à posteriori ce que j’ai jugé utile. Ça faisait autour de 10 kg de bagages. Je me suis servi à peu près de tout, sauf et c’est tant mieux de la plupart du matériel de réparation et de la pharmacie.

ÉQUIPEMENT VÉLO

1 porte-bagage avant Tubus / 2 sacoches avant 14 l / 1 sacoche de selle 15 l / 2 petites sacoches de cadre / 5 gourdes (3 de cadre, 2 de cintre) / 1 éclairage arrière / 1 compteur km / 1 porte-téléphone de cintre / 1 rétroviseur / 2 pneus Schwalbe Marathon Plus 700x35c

VÊTEMENTS

Cyclisme : 1 maillot / 1 short / 1 paire gants / 1 K-Way light / 1 casque / 1 paire chaussures VTT / 1 paire chaussettes / 1 paire lunettes soleil

Change soir : 1 short / 1 T-shirt / 1 chemisette / 1 T-shirt manches longues / 1 pantalon / 1 paire chaussettes / 1 paire tongues

BIVOUAC

1 tente / 1 duvet 10° / 1 drap soie / 1 tapis de sol gonflable 120 cm / 1 oreiller gonflable / 1 réchaud essence + outil entretien / 1 bouteille essence 600 ml / 1 casserole / 2 gobelets 25 cl

PETIT MATERIEL

1 frontale + cable de recharge / 1 ciseau / 1 couteau / 1 cuillère / 1 briquet / 1 tampon-jex / 2 pochettes étanches pour papier et argent / 1 antivol

TOILETTE

1 serviette micro-fibre / 1 gant / 1 savon / 1 shampoing / 1 brosse à dent / 1 dentifrice / 1 rasoir / 1 couple-ongles

ÉLECTRONIQUE

1 téléphone / 2 cables dont 1 USB-c / 1 batterie 1 charge / 1 socle 3 ports USB Type G / 1 socle Type C (Rwanda) / 1 aiguille pour change carte Sim

PAPIERS

Passeport / Carte Vitale / CB / Espèces / Photocops papiers / Contact et contrat assurance rapatriement

OUTILS

5 clef Allen / 1 dérive-chaîne / 1 clef à rayons / 1 clef porte-bagages / 1 pince / 1 outil avec 2 tournevis

CREVAISONS

15 rustines / 2 tubes de colle / 3 démonte-pneus / 1 adaptateur Schrader-Presta pour station-service / 1 pince à épiler / 1 stylo / 2 chambres à air / 1 bonne pompe / 1 pompe minimaliste

VISSERIE

1 vis + goupille pour plaquettes / 3 vis type porte-gourde (courte, moyenne et longue) / 2 vis + rondelles + écrous pour porte-bagage / 2 vis cales chaussures

PIÈCES DE RECHANGE

1 jeu de plaquettes / 1 crochet de sacoches / 1 patte de dérailleur / 1 ratchet de corps de roue libre / 2 rayons / 1 câble de freins / 1 câble de dérailleur / 2 maillons de chaîne / 1 tanka / 2 piles compteur

DIVERS RÉPARATION

8 serre-flex / 2 m de cordelette / 1 réserve de tape / 1 réserve de chaterton / 3 petits flacons de lubrifiant chaîne Squirt / 1 petite réserve de graisse / 2 patchs réparation tissus / 1 petit tube de Seam Grip / 1 kit couture

MÉDICAMENTS

8 Doliprane / 4 Kétoprofene / 4 Solupred /10 Imodium / 6 Smecta / 6 Spasfon / 2 Cetirizine / 1 dose Bétadine / 1 collyre Opticrom / 1 traitement Augmentin / 4 Fanolyte / 1 Apaisyl

HOMÉOPATHIE / HUILES

1 Ravintsara / 1 Gaultherie / 1 Rhus Toxicodendron / 1 Apis Mellefica / 1 Arnica Montana

TRAITEMENTS EAU / MALARIA

Micropur (compter 5 l par jour) / Doxycicline (préventif malaria) / Répulsif moustique (acheter sur place)

PANSEMENTS

1 Allevyn / 1 jeu de Stéristrip / 6 pansements variés / 3 compresses / 30 cm de Tensoplast

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Voilà 5 jours qu’El Caminante et moi faisons nos premiers tours de roues en Namibie. L’occasion de prendre la température et c’est le cas de le dire, il faisait jusqu’à 40 degrés hier après-midi.

Au travers de quelques journées inlassablement assis sur ma selle à attendre que le temps passe en suivant le fil infini et monotone de routes rectilignes et plates, j’ai rejoint le nord du pays, Rundu et le fleuve Okavango qui marque la frontière avec l’Angola.

La savane se déroule à perte de territoire mais on ne fait que l’imaginer puisque l’absence de relief empêche de voir quoi que ce soit au delà de la première rangée d’arbres qui bordent la route.

On arrive toujours à trouver des arguments pour rompre la monotonie. Un long virage semble s’annoncer au loin et son approche peut occuper l’esprit quelques temps. Un léger dos d’âne perceptible à plusieurs kilomètres et on se prend à fantasmer que derrière, la route va se mettre à tourbillonner comme celles qui enserrent les montagnes colombiennes. Très rarement, un relief un peu plus marqué visible à une centaine de kilomètres : c’est une chance car l’approcher, le dépasser et le quitter occupera toute l’étape.


D’autres occupations peuvent faire passer le temps, comme profiter d’un faux plat descendant pour tenter de battre son précédent record de vitesse en sprintant comme sur les Champs-Élysées. Ça n’occupe pas bien longtemps et surtout, on se sent un peu con.

Une règle d’or en tout cas : ne jamais regarder le compteur pendant les 2 premières heures, le défilement de la distance effectuée pourrait y apparaître désespérément lent au regard de ce qu’il reste à parcourir.


Finalement l’occupation principale de la journée est de regarder dans le rétroviseur ce qui arrive derrière, particulièrement lorsqu’il y a des véhicules en face car ici, même si ça ne passe clairement pas à trois, personne ne ralentira pour que le croisement s’effectue en sécurité. La seule option est que le cycliste disparaisse de l’existence de tout le monde pendant quelques secondes. Il est donc fréquent que j’anticipe, en rejoignant directement le fossé dans cette situation, fossé qui heureusement n’en est pas un mais la plupart du temps un plat graveleux sur lequel on peut se ranger sans risquer de tomber ou de se planter dans du sable.

La route est étroite, limitée à 120 km/h, convertis en l’absence de contrôle et de radar à 150 km/h pour la plupart des conducteurs et 180 km/h pour les touristes armés de leurs gros 4x4 de location, forteresses inviolables et hermétiques.

Heureusement, plus j’avance moins ça circule et la plupart des véhicules s’écartent largement lorsqu’il n’y a personne en face. J’ai parfois des surprises avec des camions qui, sur une route vierge de circulation, me klaxonnent dès qu’ils me voient, c’est à dire pendant un ou deux kilomètres puisque je suis particulièrement visible avec mon maillot jaune fluo et ne se déportent pas pour me doubler bien qu’ils aient toute la place. Je me range alors docilement dans le fossé. Des fois je me demande si un vélo, comme un piéton n’est pas supposé ici évoluer dans le sens inverse de la circulation. Enfin, je ne crois pas qu’il y ait véritablement de règle établie pour les vélos : je n’en vois presque aucun, sauf parfois un enfant dans un village.

Jusqu’ici, j’ai privilégié de faire de longues distances pour rejoindre les villes et dormir dans des guest-houses bon marché car je ne vois pas où je pourrais me poser le long de la route, sous un soleil écrasant et surtout avec des kilomètres de barbelés qui délimitent les énormes terrains privés de fermiers ou de camps de chasse pour occidentaux.

En Namibie, 7% de la population est blanche, essentiellement d’origine allemande et elle détient deux-tiers des terrains privés du territoire… Ça en dit long sur la fin supposée de l’apartheid. Je n’ai vu qu’une toute petite partie du pays pour le moment mais les inégalités sociales que j’observe sont criantes, totalement décomplexées. Des fois je me demande comment on nous tolère encore avec toutes les saloperies qu’on a pu faire en Afrique. L’Allemagne a exterminé la quasi-totalité du peuple Herero entre 1904 et 1908, premier génocide du 20ème siècle et selon des historiens véritable laboratoire d’essai des futurs camps d’extermination en Europe. Aujourd’hui elle refuse le terme de « réparation » qui lui est demandé et propose une aide au développement, qui tombe d’abord dans les poches de la classe dirigeante.

Cap à l’est en direction de la Zambie pour moi à présent, en suivant le fil de l’Okavango…



INFOS PRATIQUES NAMIBIE APRÈS TRAVERSÉE DU PAYS

Hébergement Windhoek : Paradise Garden Backpackers 9 €. Change à l’aéroport, taux équivalents aux bureaux de change en ville ou banques. Taxi aéroport - centre ville : 20 €, réservé avant pour moi par la guest-house. Carte SIM : Aller à l’agence MTC située dans le grand mall de Wernhil. Il faut le passeport et l’adresse de l’hébergement. 15 € pour 18 Go, 30 jours. Compter une bonne heure d’attente. On trouve chez Cymot juste en face du Wernhill : gaz type Markill, Butagaz perçables et vissables ainsi qu’un rayon bricolage, camping, magazin et atelier vélo avec personnel sympa et équipements modernes. Ils ont des cartons vélo pour voyage avion. Deux autres magazins de cycle en ville. Essence pour réchaud : pas de soucis pour prendre qu’un demi-litre en station- service. Guichets ATM un peu partout en Namibie, pas vu de bureaux de change mais il doit y en avoir dans certains grands supermarchés (Unimoni Exchange). J’ai dépensé 40 € par jour. Prises électriques : type M (grosses fiches rondes) mais dans la plupart des hébergements il y a un adaptateur prises européennes sinon ça coûte moins d’1€ au supermarché. Les supermarchés sont identiques à ceux d’Europe, on trouve les mêmes choses, rayons bricolage, ménager, etc. L’eau est potable partout officiellement, j’ai parfois mis du Micropur selon feeling. Pas ou peu de chiens, aucune attaque. Pour manger, le plus simple est d’acheter des plats frais déjà préparés au supermarché et de se les faire réchauffer à la guest-house où il y a souvent un micro-ondes. On trouve souvent un frigo aussi dans les chambres de guest house.


PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 1. 17/11/23. Windhoek - Okahandja. 78 km / 3h45. Autoroute sauf les 10 derniers km. Bande d’arrêt d’urgence pour rouler tranquille. Nuit : Okahandja Guest House 25 €

J 2 : 18/11/23. Okahandja - Otjiwarongo. 177 km / 7h10. Route suffisamment large pour croisement voitures + vélo mais souvent tendu, ça roule très vite (heureusement pas beaucoup de voitures). Il y a une bordure en terre assez dure sur laquelle on peut s’échapper au pire… Nuit : UPI Guest House 16 €

J 3. 19/11/23 : Otjiwarongo - Otavi. 122 km / 5h. Nuit : Stop and Stay Rest Camp 20 €

J 4. 20/11/23 : Otavi - Météorite Hoba - Grootfontein. 98 km / 4h15. Route très tranquille, beaucoup moins de circulation que jusqu’à Otavi. Bonne piste très roulante pour aller à la météorite. Visite 12€, j’ai préféré continuer ma route. Nuit : Leather & Lace and a suitcase 15 €

J 5. 21/11/23 : Grootfontein - Rundu. 263 km / 9h35. Eau et épicerie à Marurani. À partir de Katjinakatji c’est habité tout le long de la route, une épicerie de temps en temps et eaux aux puits. Peu de circulation mais quand ça se croise le cycliste doit quitter la route. Quelques camions agressifs mème s’ils ont toute la place pour se déporter avec personne en face mais la plupart ok. Nuit : Camila Guest House 22 €

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“God bless you”. Une expression que je sens vraiment sincère lorsque je donne quelque chose et je donne toujours. À chacun de mes arrêts le long de le route pour manger trois gâteaux secs à l’ombre d’un boscia, l’arbre des bergers, quelqu’un vient sur la pointe des pieds, souvent un ou des enfants. Ils engagent timidement la conversation, bien surpris je le sens qu’un blanc ose s’arrêter alors que la norme est plutôt que ce dernier fende l’air à 180 km/h, d’un hôtel sécurisé à un autre ou d’un pachyderme à un félin. Il finit toujours par me demander, avec une grande politesse, si ne n’ai pas un petit quelque chose à manger. Manger vient avant l’argent. Lorsque c’est de l’argent, il s’agit toujours d’une somme modique, souvent l’équivalent de 50 centimes d’euros en dollar namibien. Il s’ensuit toujours un « god bless you », dit droit dans les yeux, qui me touche, bien que je ne sois pas croyant.

Le long de ces routes, parfois des dizaines de kilomètres avec seulement de la savane puis des hameaux de huttes qui se succèdent. Beaucoup de troupeaux de vaches, de chèvres et des terres noircies, des arbres calcinés. La culture sur brûlis est partout. Les gens marchent, marchent et marchent encore. Pour aller et revenir de l’école, partir visiter un ami, de la famille ou je ne sais que faire encore. Les corps sont magnifiques, sculptés par l’exercice physique quotidien, des postures dignes et fières, des sourires qui surgissent au petit bonjour que je fais toujours, des fesses qui se dandinent avec une élégance parfois insoutenable sous des robes ou jupes colorées, parfaitement ajustées.

Lorsqu’en soirée je tombe dans un camping occupé par des occidentaux aux physiques abîmés de sur-consommation et de stress, de leurs remèdes qui nous font finalement encore plus consommer, de vies sans exercice physique, j’ai le sentiment que nous sommes en pleine décadence, en tout cas que nous sommes malades.

L’Occident devient tellement obèse à force de ne jamais ralentir sa production et son avidité, qu’il finit par en produire une diarrhée continue : ces « passions tristes » qui alimente le débat, la xénophobie, la haine ordinaire, le rejet, le populisme, des gouvernements clairement autoritaires qui s’installent partout dans nos démocraties en lambeaux.

J’ai pu parler de ça un soir avec trois gars, dont un était l’instituteur du village. Ce jour-là je dormais au poste de police, enfin disons plutôt que j’avais posé ma tente dehors, dans l’enceinte du poste de police. C’est plus enviable comme situation. Ça se fait pour les cyclistes et pas seulement à priori. On m’a dit à une ou deux reprises qu’ici les policiers étaient au service des gens, de tous les gens. Ceux que j’ai vu n’étaient pas armés d’ailleurs, ou alors c’était très discret. Je pouvais même aller et venir à mon gré à la salle d’interrogatoire où il y avait une prise pour charger mon téléphone.

Une fois installé, j’ai été au village, nommé Omega, où, pour trouver quelqu’un avec qui discuter, j’ai utilisé ma technique habituelle en voyage : prendre une bière au bar le plus populaire possible, attendre que quelque chose se passe ou engager la conversation avec un type à la mine pas trop patibulaire en lui demandant rapidement s’il en reprend une. Ici ces bars se nomment des shebeens. Définition du dico : « établissements ou maisons privées présents en Écosse, Irlande et sud de l’Afrique, vendant sans licence de l’alcool et typiquement regardés comme étant de mauvaise réputation ou louches ». J’adore débarquer dans ce type d’endroit, je crois qu’on m’y prend pour un fou, surtout quand tu dis que tu vas de la Namibie au Kenya à vélo. Alors on te souhaite assez rapidement la bienvenue, il y a toujours plus fou que soi. Mieux vaut y arriver muni d’un briquet car le bouteille est servie sans être décapsulée : le décapsuleur de base, ce sont tes propres dents !


Bref, ce soir là avec ces trois gars d’abord timides, on en est venu rapidement à parler de la marche du monde, de comment l’Occident se goinfre sur le dos de l’Afrique et eux comme moi en avons conclu que la colonisation ne s’était jamais arrêtée et que l’injustice était partout.

Ces derniers jours j’ai aussi souvent été au camping, des endroits vraiment agréables au bord de l’eau. On dort si bien en tente, sous un arbre, en lien direct avec les oiseaux nocturnes dont le vacarme est délicieux. La tente, détail non négligeable, permet aussi de narguer les moustiques qui se tapent une crise de nerf toute la nuit car ils ne peuvent entrer bien que toute cette bonne chaire soit si proche.


Ces campings étaient à chaque fois tenus par des blancs. Des gens qui se considèrent africains d’ailleurs et qui restent très évasifs sur leurs origines. De l’impression que j’en ai eu, ils vivent un peu enfermés dans une prison dorée qu’ils se sont eux-mêmes construit. Ils gèrent leur affaire et font travailler du monde pour tous les aspects de leur vie ; à quel tarif, je ne sais pas du tout. En tout ça je n’y ai vu que des travailleurs avec le sourire. Entendu de la bouche d’un de ces afrikaner lors d’un apéro au demeurant très sympa auxquel je me suis retrouvé invité, après quelques verres, lorsque les langues se délient : « ne serre jamais la main à un noir ni ne monte dans un taxi, tu attrapera des maladies ». Ce couple avait la haine en lui. Ça arrive.

Ces dernières étapes m’ont permis de suivre de plus ou moins près le cours de fleuve Otavango, frontière avec l’Angola puis de la rivière Kwando, frontière avec le Botswana.




Bivouac sauvage sur l’Okavango 
La réalité. Suis prêt pour faire de la politique 

À présent je suis au bord du Zambèze, à Katima Mulilo, au terme d’une journée de repos. Je vais l’enjamber demain pour passer en Zambie. Je me suis parfois bien marré ces derniers jours.

Pour la petite histoire, qui n’apparaît pas dans le film, finalement j’ai pédalé tout l’après-midi ensuite pour rattraper Anna à Katima et comme ça on a pu continuer à bien rigoler de cette petite aventure hier soir et se raconter un peu nos vies. Bonne route à Anna qui est repartie ce matin en direction du Bostwana.

PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 6. 22/11/23 : Rundu - Shitemo. 85 km / 4h15. Petites épiceries de temps en temps pour se ravitailler si besoin. Bars aussi, qui vendent du Coca. Nuit : Shankara Rest Camp 7 € (tente) prévoir nourriture, pas de resto ni bar

J 7. 23/11/23 : Shitemo - Divundu. 133 km / 6h. Oui Une ou deux petites épiceries en chemin pour se ravitailler. Supermarché à l’entrée de Divundu ou Metro au croisement. Nuit : Shametu River Camp 11 € (tente). Bar et resto possible

J 8. 24/11/23 : Divundu - Omega. 78 km / 3h25. Entrée dans le parc de Bwabwata dès la sortie de Divundu. Poste de police, ils disent juste qu’on peut circuler à vélo mais à ses risque et périls. Pas de contrôle des papiers. Épicerie à Omega 1 au nord de la route en face du poste de police ou au village 1 km plus loin. Nuit : tente au poste de police. WC à disposition à l’extérieur du poste et possibilité de charger le téléphone

J 9. 25/11/23 : Omega 1 - Kwando village 158 km / 6h35. Pas vu d’épicerie avant Kongola (où on trouve un supermarché Metro) mais ça doit se trouver en entrant dans le village d’Omega 3. Nuit : Sharwinbo River Camp 12 € pour emplacement tente ou tente déjà montée. Balade en bateau 12 €

J 10. 26/11/23 : Kwando Village - Katima Mulilo. 158 km / 6h. Les officiers à l’entrée du Mudumu Parc ne voulaient pas me laisser paser en vélo mais en laissant les choses se faire sans insister j’ai senti qu’ils auraient fini par dire oui (ça fait seulement 15 km environ). Finalement ils ont demandé à une voiture de me prendre jusqu’à l’autre côté Épiceries assez régulièrement le long de la route jusqu’à Katima et eaux (puits dans les hameaux. Nuit : Kolobo Guest House 18 €

J 11. 27/11/23 : repos à Katima Mulilo. Nuit : Kolobo Guest House 18 €

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J’ai passé la petite frontière de Sesheke pour entrer en Zambie. Un saut au-dessus du fleuve Zambèze et voilà que tout change. Beaucoup de monde le long de la route au début, des échoppes un peu partout et un délicieux bouillonnement humain. Surtout, des gens qui se déplacent en vélo, beaucoup de vélos. En Namibie il n’y en avait quasiment pas.

Assez rapidement, la route se transforme en piste et ça va durer comme ça sur une centaine de kilomètres. Je n’avais pas prévu ça pour cette étape de 160 km et la journée a donc été bien occupée, El Caminante bien sollicité. Il a bon caractère. Ici, les sourires, les saluts, les signes de la main, les pouces levés et les petits coups de sonnette sont permanents. En plus de ne pas souffrir du froid, c’est le moindre que l’on puisse dire, j’ai aussi très chaud au cœur. C’est exaltant et donne une énergie folle.

J’ai posé ma tente une nuit avant d’arriver à Livingstone dans une petite ferme où les gens m’ont accueilli merveilleusement. Ils cultivent entre autres des papayers et de citronniers. Par contre leurs chiens m’aimaient tellement qu’ils sont à plusieurs reprises venus pisser sur ma tente.


J’ai profité d’un chouette lodge de backpackers à Livingstone pour me refaire la cerise comme dirait l’autre. On the road again à présent, direction Luzaka. J’ai été voir les Victoria Falls. Toute cette eau se frayant un chemin parmi un énorme caprice géologique offre un paysage aussi prenant que reposant. Ici comme à Chamonix, les hélicoptères tournent à longueur de journée tels d’insupportables moustiques mais au moins le son des cascades en masque presque le bruit.


Dans ce lodge, c’était le rendez-vous des cyclistes. Il faut dire que Livingstone est un peu placé comme un hub pour voyageurs, avec les frontières proches du Zimbabwé et du Bostwana. Il y avait Yann le hollandais et son vélo pliable qui montent comme moi vers le nord. Il a 47 ans, n’a jamais eu de copine ni de copain et semble avoir parcouru tout ce qui peut se faire avec un vélo sur terre. Il y a aussi Douglas l’écossais qui aiment autant que moi repayer sa bière et Julie l’anglaise, sa femme, qui ne se fait pas prier non plus pour lever le coude. Ils ont 55 ans et descendent tranquilou bilou en tandem de Nairobi à Cap Town. On ne peut que les adorer tout de suite. Des personnages.


En arrivant à Windhoek, j’avais trouvé Noa à la guest-House, allemand. Il venait de faire un grand tour dans le sud de la Namibie, en ayant cru mourrir de déshydratation à une ou deux reprises dans le désert. Son plan était ensuite de faire une boucle au nord en allant jusqu’en Angola. Quand je suis arrivé, il était là depuis une semaine et se demandait quand il allait repartir car il venait de rencontrer une namibienne. Hier matin il m’a envoyé des nouvelles : ça fait déjà 15 jours de plus qu’il est scotché d’amour à Windhoek et il n’est toujours pas reparti. Ça, c’est la tuile.


PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 12. 28/11/23 : Katima Mulilo - Sesheke - Kazungula (Nawaka Campsite). 162 km / 8h. Entre Sesheke et Kazungula, 80 % de piste (tolle ondulée). Petits hameaux un peu tout le long. Possiblité d’acheter à manger et boire tous les 30 km environ. Nuit : Nawaka Campsite, 15 km après Kazungula direction Livingstone 7 €, repas possible 3,5 €

J 13. 29/11/23 : Nawaka Campsite - Livingstone. 50 km / 1h55. Nuit : Fawlty Tower Backpackers 11 €

J 14. 30/11/23 : repos à Livingstone. 20 km / 1h. Visite du pont frontière avec le Zimbabwé. Aller au bureau d’immigration pour dire qu’on va juste au pont, ils donnent un ticket et ne tamponnent pas le passeport. Faire pareil au retour pour sortir en montrant qu’on a déjà le tampon zambien. Entrée du parc pour vue sur les cascades : 20 €. Nuit : Fawlty Tower Backpackers 11 €

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En peloton

Je suis reparti de Livingstone avec Yann, qui roule plus tranquille, fait moins de kilomètres journaliers. Un bout de route bien sympa partagé ensemble. Comme plus ou moins entendu, j’ai rejoint en soirée Hugo et Anna de Londres. Ils sont bien chargés et sacrément en forme car ils se collent de belles distances chaque jour aussi.

Ils prévoient plus ou moins le même parcours que moi avec une fin de voyage plus tard, fin mars. Ils sont partis de Cap Town en Afrique du Sud.

Ces journées et soirées passées ensemble étaient bien agréables. C’est la première fois en fait que je roule un petit moment avec d’autres personnes parmi les voyages que j’ai fait en vélo jusqu’à maintenant. Ça présente aussi l’avantage de se relayer pour se couper le vent et rend l’étape plus facile.


Seul soucis, rouler en groupe augmente, considérablement à mon avis, le danger vis à vis de la circulation, mais on ne doit pas savoir bien faire, nous n’avons pas les codes. Toujours est-il qu’on a frisé l’accident à deux reprises. Une première fois Hugo a attrapé ma roue arrière alors que je menais. Ils sont tous les deux tombés derrière, heureusement sans gravité car nous n’allions pas très vite et surtout sans qu’un camion passe à ce moment.

La seconde fois étaient plus tendue. Sans rétroviseur, à mon sens l’élément de sécurité essentiel pour un cycliste en toutes circonstances, y compris chez nous, Hugo et Anna roulent, à juste titre, face au traffic. Comme le font pas mal de zambiens aussi d’ailleurs, sur les 50 cm à 1 m de marge disponible entre la ligne jaune et le fossé. La plupart des camions s’écartent très peu ou parfois ne peuvent pas car ils vont en croiser un autre et il n’est pas question pour eux de ralentir afin d’éviter les croisements périlleux. Hier ce fut le cas, j’étais devant, le camion croisait tout près. Un gros trou s’est présenté, je l’ai passé sans tomber mais mes bidons de cintres sont sortis de leur logement sous le choc et sont partis dans leurs roues. Heureusement, ils ont évité la chute et il a mieux valu car les roues du camion étaient très, très près de nous.

Finalement, sur une entente commune, j’ai pris un peu d’avance pour arriver à Lusaka en soirée alors qu’ils y sont arrivés le lendemain matin. Cette séparation temporaire (nous nous sommes ensuite retrouvés au même lodge) m’a un peu arrangé à vrai dire car je me sens plus en sécurité seul pour gérer le traffic, passer d’un côté ou de l’autre en électron libre selon ce qui se présente, voire parfois carrément m’arrêter brutalement pour me mettre dans le fossé quand je vois que ça va être un peu trop chaud.


Deux jours de bon repos à Lusaka et demain c’est reparti en direction de la frontière du Malawi qui se trouve à 600 km. Sûrement plus ou moins en compagnie d’Hugo et Anna, qui ont pu aujourd’hui changer une roue, dont la jante était entrain de se découper en plusieurs points.


Le beau livre « Ébène » de Ryszard Kapuscinski m’a accompagné jusqu’ici et il m’a beaucoup plu. Ce journaliste polonais a passé des décennies en Afrique et dresse un portrait du continent au travers de ses aventures dans de multiples pays après les indépendances.



PARCOURS DES DERNIERS JOURS

J 15. 01/12/23 : Livingstone - Kalomo. 130 km / 6h / D+ 600 m. Un peu plus vallonné que jusqu’à présent, petites mais nombreuses petites côtes et descentes. Nuit : Chipampe Lodge 12 €

J 16. 02/12/23 : Kalomo - Monze. 160 km / 6h50 / D+ 500 m. Nuit : Relax Guest House 8 €

J 17. 03/12/23 : Monze - Lusaka. 203 km / 9h05 / D+ 700 m. Route étroite et dangereuse si circulation entre Monze et Mazabuka. Très bien ensuite, large bande d’arrêt d’urgence, entrée dans Lusaka ok en faisant attention. Nuit : Natwange Backpackers. Chambre 23 €, dortoir 11 €

J 18. 04/12/23 : repos à Lusaka. 4 km. Nuit : Natwange Backpackers. Chambre 23 €, dortoir 11 €

J 19. 05/12/23 : repos à Lusaka. 14 km. Nuit : Natwange Backpackers. Chambre 23 €, dortoir 11 €

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La ginga, en chichewa, la langue la plus parlée au Malawi, c’est la bicyclette. De la ginga, j’en ai fait pas mal depuis que j’ai quitté Lusaka il y a 7 jours, plus de 900 km derrière moi maintenant.


Des départs au lever du jour, pour rouler presque toute la journée la plupart du temps, un peu plus de relief que jusqu’à présent, des étapes avec un bon petit vent de face. Avancer le soir de nuit une fois, ce qui m’a permis de profiter d’un peu de fraîcheur, avec un bivouac dans la nature où j’ai été impressionné par la quantité d’insectes nocturnes improbables. Il y avait aussi un petit serpent pour m’accueillir mais il avait l’air gentil.

Le « problème », quand on a une date butoir de retour sur une traversée - je l’ai déjà vécu sur des voyages précédents - c’est qu’on ne sait jamais trop si on est en avance ou en retard. Alors parfois on pédale frénétiquement pour prendre de l’avance, puis on se calme, brièvement, puis on se redit que là, il faut de nouveau avancer. Soucis de riche occidental pressé.

Les paysages de Zambie puis des toutes premières journées au Malawi ont défilé. Je m’en imprègne chaque seconde. Je sais comme ces images ne s’effacent jamais, comme le ressenti de telle ou telle journée reste en soi quand on se refait le film d’un voyage en vélo.


Entre Lusaka et la frontière, la route parcourt des campagnes agricoles et presque partout habitées. Pas mal de villages sont constitués de huttes mais aussi, bien plus qu’en Namibie où la plupart des noirs semblent vivre dans une forte précarité alors que les blancs détiennent les richesses, des constructions en brique de terre, signe d’un niveau de vie plus élevé. Parfois, quand la terre n’est pas fertile, on sent que le seul produit que peuvent proposer les gens installés là, dans une grande pauvreté, est le charbon de bois. Ces endroits subissent une déforestation importante, les paysages y sont carbonisés.

Au Malawi, la terre et le climat semblent particulièrement propices : riz, patates, soja, maïs, maniocs, cannes à sucre, mangues, bananes, arachides et tomates abondent. Les terres sont cultivées à perte de vue le long des routes, manuellement, parfois avec des bœufs. Je m’étais demandé en Colombie comment des gens pouvaient subir la misère dans un pays où tout semble pousser si facilement.

Ça me fait le même effet ici. La loi du marché vertueux probablement. Qui consiste à acheter la matière première au producteur, qui doit désormais cultiver les semences de telle ou telle multinationale de l’agro-alimentaire et non plus les semences traditionnelles, suite à l’abandon des programmes d’état au bénéfice de firmes privées, Bayer-Monsanto par exemple, dont les panneaux sont nombreux au bord des champs. Les récoltes partent à l’export pour une grande partie et le reste est revendu sur place après un petit passage à la moulinette spéculative et on explique tranquillement qu’on y peut rien ma brave dame si les gens s’en sortent pas, c’est la faute à l’inflation.


Pour ma part, je mange la plupart du temps dans la rue pour un prix modique (pour un occidental) à de petits stands qui proposent des patates frites, de la viande, du poisson, du maïs grillé, des beignets. J’achète 3 tomates ici et 4 mangues là (à 5 centimes d’euros la mangue, j’en fait une cure insatiable). Se nourrir et se loger est donc simple. Quand à boire la bière en soirée, il y a toujours un bar à portée de main, beaucoup de bars même. La bouteille se décapsule avec les dents quand on est un homme. J’ai demandé une dérogation pour ne pas me faire fâcher par Hélène ma dentiste en rentrant et maintenant j’ai toujours un démonte-pneus en poche quand je file à un comptoir. On y voit presque aucune femme. Par contre on les voit à longueur de journée le dos courbé dans les champs avec les petits dans le dos, qui semblent ne jamais pleurer en Afrique.


Pour dormir, il y a partout un lodge sommaire, la plupart du temps sans eau courante mais une bassine remplie fait l’affaire pour se doucher, en se versant sur la tête des grands godets d’eau, jamais assez froide, pour tenter d’échapper quelques instants à la chaleur écrasante, omniprésente. Le seul point qui m’importe est que le lit soit doté d’une moustiquaire. Parfois elle est pleine de trous alors je finis par dormir dans ma tente posée sur le lit. J’ai tout le temps chaud. Je rêve parfois qu’on me trempe dans un bac de glaçons. Je perds une quantité d’eau conséquente le journée bien que je boive tout le temps. Les frigos ici ne sont jamais vraiment froids alors il est rare de trouver quelque chose qui rafraîchisse vraiment. La nuit dans ces chambres bon marché, il y a souvent un vieux ventilateur qui fonctionne comme bon lui semble. Alors on transpire la nuit aussi. C’est l’été africain, les gens disent qu’il fait plus chaud que d’habitude et c’est pas parti pour s’arranger. Quand ces pays seront devenus invivables et que les migrations climatiques commenceront vraiment, nos médiocres élus pourront toujours faire des lois immigration, des plateaux TV pour y distiller leur haine, mouliner fort avec leurs petits bras et bomber le torse…

Ici comme en Zambie, les gens se déplacent à pied ou en vélo. Il y a beaucoup de gars qui travaillent comme transporteus de marchandisesa vélo. Le taux de maladies cardio-vasculaires doit être assez réduit en comparaison à nos sociétés où ces modes de déplacement au quotidien ont été marginalisés, sont presque devenus exotiques, incongrus. Les maladies liées au stress à force de passer sa vie dans les embouteillages pour arriver à l’heure ne doivent également pas tellement être répandues. Regarder la vie ici me renvoie à un occident devenu complètement absurde, déconnecté de l’essentiel en tout cas, triste surtout alors qu’avec à peine le minimum, le gens passent leur temps à sourire et rigoler ici. On me salue 3000 fois par jour.


Une chose qui me frappe aussi, c’est la capacité des gens à attendre. Ils donnent parfois l’impression d’attendre toute la journée. Comme au bord de ces routes, installés de l’aube au crépuscule pour vendre quelques tomates à de rares automobiles ou camions qui semblent ne jamais s’arrêter. Dans les villages aussi, chacun avec son petit étale conçu pour pouvoir se mettre dessous à l’abri du soleil. On y passe la journée avec les bébés et petits et on discute, on commente, on rigole, en tout cas on est ensemble. On sent un lien social très fort.


Certaines règles de circulation restent universelles, ici comme sur tous les continents : le bus de ligne vous frôle en klaxonnant frénétiquement, le petit bus de campagne vous double pour s’arrêter dix mètres plus loin et ainsi vous bloquer le passage. Le camion fait ce qu’il peut mais ici on ne doit quand même pas trop apprendre à l’école de conduite qu’on peut facilement aspirer un cycliste dans ses roues si on passe trop près trop vite. En fait la plupart du temps quand je vois un camion ou un bus arriver derrière, je quitte la route, c’est plus prudent. Heureusement, dans l’ensemble ça circule peu. Le taxi lui, fait son cacou et le pire du pire reste le chauffeur de pick-up qui semble se moquer d’assasiner piétons et cyclistes en traversant les villages à une vitesse folle, klaxon bloqué. Alors qu’il redevient probablement un personnage fort sympathique une fois descendu de son tank. Les mystère de la transformation de l’homme dès qu’on lui met un volant entre les pognes et qu’il s’octroie 12 mètres carrés d’espace vital plutôt que le mètre nécessaire au naturel, deux sur un vélo.

Je campe au bord du Lac Malawi pour une journée de repos. Il est situé à 500 m d’altitude mais on pourrait se croire au bord de la mer. Je vais le longer en grande partie jusqu’à entrer en Tanzanie dans quelques jours.




INFOS PRATIQUES ZAMBIE

Visa non payant. Fait à la frontière. Demander 30 jours qui est le temps classique imparti à la frontière avec possibilité de prolongation. Change argent avec les changeurs de rue, installés entre le bureau namibien et le bureau zambien. Mieux vaut demander à quelqu’un du bureau de d’immigration namibien pour se faire accompagner ou faire venir un changeur, sinon on se retrouve un peu avec une meute stressante autour de soi. Changer le moins possible et plutôt des dollars que des euros. Taux très défavorable à la frontière par rapport aux bureaux de change à Livingstone (15 kwacha pour 1 dollar à la frontière contre 23 en ville). Carte SIM chez Airtel, office à l’entrée du village de Sesheke (il faut faire enregistrer le passeport). 10 Go pour 6 €. À Lusaka on trouve du gaz, perçable Butagaz ou vissable type Markill (magazins multi-activité). Il y en a à East Park Mall près de Natwange Backpackers. Prises électriques type G (UK). En faisant au plus basique, on dort pour 12 à 15 € en Zambie et on mange pour 5 €. Peu de campings. Peu ou pas de chiens, aucune attaque. Pour manger on peut soit acheter des plats frais préparés au supermarché (mais pas de micro-ondes dans les guest-house), soit au resto, pas cher.


PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 20. 06/12/23 : Lusaka - Chalaleto. 117 km / 5h10 / D+ 800 m. Plein de petits villages avec commerces le long de la route. Nuit : bivouac après Chalaleto

J 21. 07/12/23 : Chalaleto - Nymba. 206 km / 9h35 / D+ 1960 m. Route assez mauvaise, camions et bus qui passent trop près. Heureusement pas trop de trafic. C’est beaucoup mieux après Luangwa Bridge, route refaite et peu de circulation. Petites épiceries régulièrement. Nuit : Dali Dali Guest House. 9 €

J 22. 08/12/23 : Nymba - Katete. 153 km / 7h10 / D+ 1300 m. Large route avec dégagement d’un mètre, très agréable. Nuit : White Lotus Lodge 12 €

J 23. 09/12/23 : Katete - Mchinji. 119 km / 5h40 / D+ 800 m. Route toujours large et agréable jusqu’à la frontière puis plus étroite après celle-ci. Nuit : Reward Lodge 8 €

J 24. 10/12/23 : Mchinji - Kasungu. 140 km / 7h / D+ 500 m. Route très agréable avec un bon dégagement sur le côté et beaucoup de vélos. Sauf les 20 derniers km. Vent de face toute la journée ! Nuit : Dumisani Motel 5 €

J 25. 11/12/23 : Kasungu - Nkhotakota. 116 km (dont 32 en camion) / 4h40 / D+ 800 m. Vent fort de face. La traversée de Nkhotakota Reserve est interdite en vélo. Je suis monté sur un mini-camion qui arrivait peu après (1.5 €). Nuit : Nawo Rest House 4 €

J 26. 12/12/23 : Nkhotakota - Ngala. 80 km / 4h10 / D+ 400 m. Route étroite et défoncée par moments mais peu de circulation. Nuit : Ngala Beach Lodge, camping, 8 €

J 27. 13/12/23 : repos Ngala. Nuit : Ngala Beach Lodge, camping, 8 €


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J’ai eu le sentiment de prendre mon temps au Malawi, en profitant de ce merveilleux lac, source de vie pour tout le pays. Mais finalement, depuis mon dernier post, j’ai quand même roulé tous les jours. Parfois seulement le matin ou l’après-midi, ce qui laisse le temps de faire autre chose le reste de la journée. Me baigner surtout et tenter de me rafraîchir. Qu’est-ce que j’ai eu chaud depuis le début de ce voyage ! Tout le temps, le jour la nuit, une transpiration permanente ! Même l’eau du lac n’apportait pas de sensation de fraîcheur.


J’ai aussi un peu exploré les bars de village. C’est souvent là qu’est la source, le vrai visage du pays, là où les langues se délient. J’ai passé une bonne soirée au bar rasta de Nkhata Bay, où j’ai débarqué complètement par hasard… après l’avoir tout de suite reperé dès mon arrivée dans le village. Comme d’habitude, d’abord les mecs te regardent bizarrement en se demandant ce que ce vieil occidental fout là, puis une fois que tu as commencé à raconter d’où tu es parti avec ton vélo et où tu te rends, tu deviens copain avec tout le monde et tu en apprends beaucoup sur le pays au travers des conversations. Au Malawi, la plupart des gens parlent anglais, c’est donc assez facile, même si, entre mon accent français, l’accent malawite, des enceintes crachants un son inaudible et les produits locaux, les conversations peuvent vite ne plus être très fluides !

Une constante parmi ces soirées : impossible de payer sa bière au gars sympa avec qui tu discutes depuis un moment sans que tous les autres présents, que tu ne connais pas encore, te fasse signe qu’il faut remettre la leur aussi. Comme une injonction. Le blanc doit régaler. Ce n’est que justice à vrai dire. S’il ne me reste plus grand chose dans le porte-monnaie et que je propose la bière de l’amitié en s’en partageant trois parmi les cinq ou six que nous sommes, alors démarrent d’improbables histoires, chacun revendiquant le droit de s’octroyer une bière entière à lui seul. Le ton monte, il y a d’autres enjeux et rancœurs que je ne maîtrise pas… c’est le moment pour moi d’aller me coucher.


J’ai quitté le Malawi à regret, chaque coin invite à la farniente et à laisser couler la vie. Il y a très peu de circulation, les gens sourient, on trouve des petits restos tout simples partout pour manger une assiette de riz avec du poisson ou de la viande.


Au Malawi comme en Tanzanie où je suis maintenant, je passe mes journées à me faire interpeler par les enfants depuis chaque champ ou maison : « Mzungu ! », homme blanc. Ils exultent à mes grands signes de la main pour leur répondre. C’est parfois lassant bien sûr, mais il faut jouer le jeu. Ça devient pesant lorsque ce sont des jeunes adultes en bande qui eux vous sifflent ou vous interpellent avec un cri guttural puis, je le comprends bien parfois, vous insulte si vous tracez votre chemin sans tourner la tête, car je n’aime pas trop être sifflé.

Inconvénients mineurs, je reste un blanc nanti qui se paye des vacances de luxe en achetant des visas en 3 clics pendant que dans l’autre sens, la promesse est de se faire violer en Libye, d’être noyé dans la Méditerranée et si ceci n’arrive pas, d’être violenté par des polices européennes totalement décomplexées. Je viens d’un pays au gouvernement désormais clairement raciste et inhumain, qui fait passer des lois dont l’extrême-droite rêvait. C’est l’extrême-centre. J’ai donc bien de la chance d’être encore toléré en Afrique et qu’en plus, tant de gens soient gentils avec moi.

« Associant « étranger » et « danger », la nouvelle loi immigration instille la haine xénophobe, fragilisant notre tissu social dans son ensemble. Ne nous leurrons pas, la manière dont un État traite « ses » étrangers est un laboratoire pour la société tout entière : la dégradation des droits des étrangers prépare la dégradation des droits de tous et toutes »

Carine Fouteau dans Médiapart ce matin. Merci.

J’ai rencontré Audrey qui est partie de France en avril dernier sans presque jamais n’avoir fait de vélo auparavant. Elle est montée au Cap Nord depuis Paris puis est descendue jusqu’en Autriche par les pays baltes. Comme avec l’automne le froid s’installait, elle a pris un billet pour Dar es Salam et elle prévoit de rejoindre Cape Town. Nos routes se sont croisées près de la frontière tanzanienne, l’occasion de passer une soirée à se raconter des histoires de voyageurs à deux roues. Son blog : https://montourailleurs.com/

Lorsqu’on entre en Tanzanie depuis le Malawi, il faut franchir une belle chaîne de montagnes où poussent ensemble et à profusion thé, bananes, maïs, canne à sucre, haricots…. La route tournicote, descend, remonte et passe à 2300 m alors que le Lac Malawi quitté le matin même n’est qu’à 500 m. Une sensation oubliée depuis un petit moment revient : la fraîcheur, salvatrice !


La circulation s’intensifie, il faut se réhabituer. Ce qui change surtout, c’est que le niveau d’agressivité et de débilité des chauffeurs dépasse tout à coup largement l’altitude du Kilimandjaro sur une échelle de 8849 m. Les traversées de Mbeya et de Tunduma, bourrées de camions, bus, motos et rickshaws, tous en lutte les uns contre les autres, m’ont été cauchemardesques. Je dois viellir et avoir de plus en plus peur mais j’ai eu l’impression pendant ces heures de routes d’entrée en Tanzanie que des fous en pleine crise de démence me fonçaient tout le temps dessus en klaxonnant frénétiquement. Sans compter un ou deux doigts d’honneurs gratuits de passants, un autre qui me fait une figure de karaté au moment où je passe à 40 km/h, son pied à 20 cm de moi. Des regards noirs aussi parfois. La violence de la ville.

Prêt à prendre un bus si ça continuait ainsi (et donc finalement laisser aussi un conducteur fou décider de mon sort !) j’ai eu la bonne surprise de trouver au-delà de Tunduma une route parfaite, sans circulation, parmi des campagnes magnifiques, très agricoles et habitées de gens accueillants, malgré l’obstacle de la langue car peu parlent anglais, la langue nationale étant le swahili.

Cette route serpente à 2000 m entre les lacs Rukwa et Tanganyika (le pays s’appelait ainsi avant l’indépendance et son alliance avec Zanzibar) et devrait me mener en direction du Burundi, que j’espère visiter avant le Rwanda et l’Ouganda. Les mosquées apparaissent peu à peu, des femmes voilées aussi, ou plutôt avec un simple foulard la plupart du temps. Ce matin le muezzin a raisonné dans Sumbawanga où je me repose un peu. Les autres religions sont le christianisme (majoritaire), l’animisme et l’hindouisme.

M’attendent ces prochains jours une section de piste qui passe par un parc national, de la pluie si les prévisions sont bonnes et des mouches tsé-tsé, paraît t’il. Il me reste un mois pile pour arriver à Nairobi au Kenya et, si je suis raisonnable, je devrais moins avoir à pédaler que jusqu’à présent ; j’ai presque fait 4000 km en un peu moins de 5 semaines, il en reste 2700 si mes calculs sont justes, mais je suis mauvais en math.



PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 28. 14/12/23 : Ngala - Nkhata Bay. 120 km / 5h30 / D+ 700 m. Superbe ! Nuit : Kupenja Lodge (chambre 213 !) 14 €

J 29. 15/12/23 : Nkhata Bay - Rumphi. 116 km / 6h / D + 1500 m. Sacré petits raidillons jusqu’à Mzuzu. Nuit : Rosher Sand Bag Lodge 8 €

J 30. 16/12/23 : Rumphi - Chilumba. 113 km / 5h55 / D+ 500 m. Route en travaux au début puis bien défoncée après mais très beaux paysages. Nuit : Thunduzi Camp Site 12 €

J 31. 17/12/23 : Chilumba - Kaporo. 102 km / 3h50 / D+ 100 m. Nuit : Club Check Point 2 €

J 32. 18/12/23 : Kaporo - Mbeya (Uyole). 129 km / 7h30 / D+ 2380 m. La circulation s’accélère et se tend en Tanzanie ! Nuit : Uyole Junction Lodge 7 €

J 33. 19/12/23 : Mbeya - Ndalambo. 165 km / 7h50 / D+ 1300 m. Route cauchemardesque la plupart du temps pour la circulation. Traversées de Mbeya et Tunduma dangereuses. Super après Tunduma. Nuit : guest house du village en demandant, pas de nom 3 €

J 34. 20/12/23 : Ndalambo - Sumbawanga. 175 km / 9h30 D+ 1640 m. Grande route tranquille, super. Nuit : Ligunga Executive Lodge 9 €

J 35. 21/12/23 : repos à Sumbawanga Nuit : Ligunga Executive Lodge 9 €


INFOS PRATIQUES MALAWI

J’ai changé mes Kwachas zambiens en Kwachas malawites en demandant au vigile du supermarché Choppie s’il connaissait quelqu’un. Il a de suite trouvé un gars. Change un peu inférieur au cours officiel mais ok (marchander). Les bureaux de change ont l’air de ne pas faire cet échange de monnaie. Passage de la frontière sans soucis (compter 20 min d’attente côté Malawi le temps qu’ils vérifient l’eVisa). Carte SIM achetée juste après la frontière à droite au bureau Airtel. 10 Go pour 8 €. Beaucoup de guest houses basiques un peu partout même dans petits villages, même si pas indiquées sur Google. Prises électriques type G (UK). Peu ou pas de chiens, aucune attaque. On dort pour 4 à 15 € selon endroits et confort. On mange pour 2 € une bonne assiette de riz et viande. Pas mal de nourriture de rue aussi. Peu de supermarchés, sauf dans bourgades un peu grandes, plutôt des petites épiceries, souvent fermées par des grilles où on demande ce qu’on veut sans pouvoir entrer. Guichets ATM dans la plupart des bourgades

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Avec un peu de nostalgie du Malawi, il me tardait de retrouver de l’eau et j’ai pédalé sans faiblir jusqu’à trouver les rives du lac Tanganyika, frontière naturelle avec la République Démocratique du Congo, pays limitrophe de la suite de mon voyage et où tout ne va pas pour le mieux en ce moment. Si tant est que ça ait été bien un jour dans ce pays. C’est étrange comme les guerres dites tribales ou religieuses arrivent presque toujours là où il y a des ressources en énergie ou en eau. Une coïncidence probablement.

Depuis le dernier post, j’ai adoré les campagnes que j’ai traversé. Beaucoup d’agriculture et d’élevage. Une route sans circulation aussi, ce qui dans ce pays est un facteur non négligeable pour un frêle cycliste voyageur face à des conducteurs qui en Europe seraient tous en prison.


Des habitants très accueillants dans les villages aussi, malgré l’obstacle de la langue. J’essaye bien d’apprendre un peu de Swahili mais en dehors des formules de politesse que j’ai le temps de bosser sur mon vélo, ça se complique.

250 km de pistes en tout étaient obligatoires pour rejoindre Kigoma où je fais une pause avant d’entrer au Burundi puis au Rwanda. Une partie passait par le Parc National de Katavi où il y a des éléphants. J’espérais bien en voir un ou deux de plus ou moins loin, bien que je ne fasse pas le malin tout seul sous la pluie dans cette nature à l’état brut où l’on se surprend à ne pas trop tourner la tête, au cas où on aperçoive une belle mais dangereuse créature. La politique de l’autruche c’est pratique.

Les mouches tsé-tsé étaient bien au rendez-vous mais les éléphants devaient être ailleurs ce jour-là. Je ne comptais pas sur la présence de lions, d’après les infos que j’avais. Cependant des gens dans un petit camion venant dans le sens opposé m’ont arrêté pour me dire qu’ils venaient d’en voir deux sur la piste. Info ou intox, je ne saurais jamais, toujours est-il que je n’ai pas refusé, à 20 km de la sortie, la proposition de m’embarquer faîte par deux ougandais bien sympas qui arrivaient d’Afrique du Sud.


Avec la fatigue, la pluie souvent, j’ai parfois trouvé pesantes dans ce pays les interpellations permanentes le long de la route dans les zones habitées. Mzungu, l’homme blanc, dont je parlais dans le dernier article. Quand ce sont les enfants c’est sympathique. Moins quand ce sont les adultes qui vous sifflent ou vous gueulent dessus avec injonctions de répondre. Si on imagine en France les gens montrant du doigt toute la journée un homme de couleur en disant « le noir, le noir ! », on se rend compte du décalage. J’ai fini le dernier jour par écouter des podcasts toute l’étape pour m’isoler de cela. Je conseille à ce titre Archives d’Afrique sur RFI, une mine de bonnes émissions. La dernière série pour moi a été l’histoire du colonel Khadafi et de ses rapports avec l’occident.

Sinon j’ai eu à faire à de nombreux barrages policiers sur la route en Tanzanie, généralement une corde tendue en travers de la route, qui reste baissée la plupart du temps, surtout pour les vélos. Quand on m’a arrêté, c’était surtout par curiosité pour discuter le coup et toujours d’une manière fort sympathique et souriante, en me prenant généralement pour un fou et en m’expliquant qu’en Afrique rien nécessitant de l’énergie ne se faisait si ce n’était pas pour gagner sa vie…

Avec les coupures d’électricité récurrentes, j’ai fini par apprécier la bière chaude. Enfin, j’ai noté que dans les registres des guest-house, figure une colonne dans laquelle les gens doivent inscrire à quelle tribu ils appartiennent. Ce qui rend bien artificiels les grands traits droits tirés par l’occident pour dessiner des frontières à l’époque des colonisations.

J’ai aussi eu le plaisir de croiser Chris sur une de ces pistes. Il est allemand, est parti il y a 20 mois pour voyager du Cap Nord à Cape Town. Après cela, il rêve de traverser la Russie en plein hiver. En tout cas, on a pu s’échanger de bonnes infos sur les pays que nous allons réciproquement traverser ensuite et ça fait du bien de rencontrer un compère.


Au bord de ce lac Tanganyika dont les vagues me bercent, je me prépare à traverser le Burundi, en trois jours idéalement, la durée du visa de transit délivré à la frontière, pour rejoindre le Rwanda.

Ces derniers temps j’ai lu « Okavango » de Caryl Férey, un très bon polar traitant de la protection et du braconnage des animaux en Namibie. Ça se déroule dans la bande de Caprivi où je suis passé. Chaque endroit ou atmosphère décrit m’a parlé. J’ai retrouvé dans le livre des choses que j’ai vu, ou ressenti. Peut-être que si je l’avais lu avant mon départ, je serais pas passé par là pour rejoindre la Zambie, j’aurais eu trop peur !


PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 36. 22/12/23 : Sumbawanga - Igalula (ou Lyazumbi). 123 km / 5h20 / D+ 600 m. Toujours cette belle route sans circulation. Nuit : Lyazumbi Guest House 4 €

J 37. 23/12/23 : Lyazumbi - Mpanda. 128 km (dont 20 en voiture cause lions) / 6h40 / D+ 500 m. Piste humide faîte sous une petite pluie. Parfois boueux mais dans l’ensemble ok. Nuit : Two in One Lodge 4 €

J 38. 24/12/23 : Mpanda - Uvinza. 195 km / 11h30 / D+ 900 m. 150 km de piste, généralement très roulante, sauf une section dans le dernier tiers. Guest-house au village après Mugewo (à 70 km de Mpanda) puis petit hameau pour manger chaud ou acheter du ravito après Kamalampaka, 70 km avant Uvinza. Nuit : Amani Lodge 4 €

J 39. 25/12/23 : Uvinza - Kigoma. 108 km / 4h50 / D+ 800 m. Route bitumée ok, quelques côtes raides. Nuit : Aqua Lodge Hostel 19 €

J 40. 26/12/23 : repos à Kigoma. Nuit : Aqua Lodge Hostel 19 €

J 41. 27/12/23 : repos à Kigoma (pluie). Nuit : Aqua Lodge Hostel 19 €

INFOS PRATIQUES TANZANIE

Passage de la frontière rapide avec eVisa fait. Change argent (kwachas malawites et euros) avec les changeurs de rue, devant les bureaux frontière côté Tanzanie. Pas de stress. Guichets ATM dans les villes moyennes et possibilité de changer des euros dans les banques. Carte SIM pas achetée car on me l’a donnée mais ça se trouve facilement et se recharge facilement (Vodacom). Nombreuses guest-house pas chères dans villages même si pas marquées sur Google. On trouve pour entre 4 et 15 €. Nombreux petits restos pour riz et viande ou frite et viande dans la rue, pour 2 à 4 €. Petit-déjeuners faciles un peu partout avec thé et chapatis. Aucun supermarché où on puisse choisir ses produits, juste des petites épiceries fermées par des grilles et où on demande ce qu’on veut. Pas vu de produits d’importation pratiques comme le porridge ou les pâtes chinoises. Pas vu de campings. Souvent pas d’eau courante dans les guest-house pas chères et coupure d’electricté fréquentes un peu partout. Peu ou pas de chiens, pas d’attaques.

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Ces derniers jours j’ai traversé le Burundi et suis entré au Rwanda. En repartant de Kigoma, j’étais décidé à rester en Tanzanie pour le moment. Traverser le Burundi avec un visa de transit de trois jours seulement me mettait un peu la pression. Une météo annoncée pluvieuse, impressionné par ce pays, inquiet de tomber malade juste à ce moment là du voyage ou d’avoir un soucis avec le vélo ou encore un accident avec un véhicule. Cependant, au premier rond-point, j’ai pris naturellement à gauche alors que j’avais prévu d’aller tout droit. À l’instinct au dernier moment, d’une manière tout à fait irrationnelle, fonctionnant aux sensations une fois “sur le terrain”. Exactement comme je fais souvent en montagne aussi. Ce qui, pour le moment, m’a plutôt porté chance là-haut. Finalement deux jours ont suffi en appuyant fort sur les pédales, au travers d’une piste bien chaotique et boueuse le long du Lac Tanganyika puis de belles montagnes où je me suis demandé si je n’étais pas soudainement reparti en Colombie.

À la frontière avec le Rwanda, je suis tombé sur le douanier le plus zélé de ma vie, qui m’a fait déballer l’intégralité de mes sacoches, de ma pharmacie, de ma trousse de réparation, me demandant pour chaque objet cinq fois d’affilé sur un ton monocorde à quoi ça servait. Si je connaissais Mbappé aussi, au moins 20 fois. Il était à la recherche de sacs plastiques je suppose, que le pays a banni. J’avais mis mes deux ziplocs dans un pochette secrète juste avant la frontière, me cachant dans un champ, comme si je m’apprêtais à passer 15 kg de drogue. Vu l’énergie que cet officier a mis à tout fouiller, j’ai cru que ça allait se finir comme dans Midnight Express s’il trouvait mes malheureux emballages, que je compte bien ramener en France de toutes façons car ça dure longtemps un ziploc.

Après coup, je me suis demandé s’il ne me draguait pas, tout simplement, en faisant traîner l’affaire, car une fois libéré, il m’a gentiment demandé mon prénom puis s’est présenté, Félix, officier de police, avec une très belle situation. J’ai rien compris.

Toujours est-il qu’il m’a mis en retard au point de ne plus pouvoir arriver au premier lodge venu avant la nuit. J’ai finalement dormi juste derrière la frontière dans une salle annexe d’un restaurant, gentiment improvisée par la propriétaire et j’ai passé là une très bonne soirée avec les locaux, changeurs de rue, vendeurs de cartes SIM ou autres.

Cette traversée du Burundi m’a parue inconfortable humainement, surtout le long du lac, région entièrement déforestée, pour laisser place à l’industrie de l’huile de palme. Toute la journée, des cris, des sifflements, des moqueries, des insultes parfois, des psst psst, des imitations de bisous, des « give me money », au point de me demander si je n’allais pas finir par mettre des boules-quies pour échapper à ce qui, fatigue aidant, ressemble fort à du harcèlement. Pour m’isoler de l’incessant concert de Klaxons aussi. Lors de mes rares arrêts, tout de suite beaucoup de monde autour de moi, les enfants qui touchent tout, certains munis de machettes dans ces terres agricoles, ce qui n’a rien de rassurant.

Burundi, 40 % d’analphabètes, 450 habitants au kilomètre carré, 6 enfants par femme, classé 185 ème sur 189 à l’indice de développement humain, la moitié de la population sous le seuil de pauvreté. Des héros comme Kadhafi ou Poutine mis en exergue à l’arrière des bus, des patrouilles armées un peu partout.


Ça n’a pas empêché de belles rencontres en soirée à Bujumbura et aussi de bien meilleures vibrations le lendemain sur la route de montagne, accompagné même un long moment par trois jeunes sympas. À croire que l’altitude vivifie les esprits.


C’était étonnant d’être au cœur de l’Afrique et que beaucoup de gens parlent français. C’est une ancienne colonie belge… Au Rwanda par contre, avec notre passé trouble concernant le génocide des Tutsies et l’inculpation, sans succès, du président Paul Kagame à une époque par le juge Bruguière, le français a été relégué à l’arrière-plan dans l’enseignement des langues étrangères, à la faveur de l’anglais. Tous les panneaux et enseignes ont été changés pour l'anglais ou le kinyarwanda bien sûr, la langue majoritaire.

En entrant au Rwanda, j’ai découvert une circulation beaucoup plus « civilisée » et respectueuse que dans les pays précédents. Ça fait un bien fou. Il faut dire que les radars automatiques sont partout, ainsi qu’une police de la route omniprésente. Forcément ça aide. J’ai toujours pensé (je suis moi-même bien loin d’être un exemple), que conduire faisait ressortir nos plus bas instincts et qu’on ne pouvait pas compter sur la raison pour espérer une modification de nos comportements au volant. Dans les pays que je traverse comme dans certains que j’ai connu en Amérique du Sud, ces comportements sont poussés à leur paroxisme. Le code de la route est souvent le suivant : plus je suis gros, plus je peux me permettre de faire n’importe quoi, et à partir du moment où j’ai klaxonné comme un malade pour prévenir de mon arrivée, la populace n’a qu’à se pousser. Je vis une accalmie temporaire ici au Rwanda à ce niveau, je sais que je vais repartir dans l’arène en Ouganda !

Si les dangers de la circulation sont devenus plus classiques au Rwanda et la concentration de population moins importante qu’au Burundi, se sont rajoutés ici aux interpellations, quelques gestes déplacés, comme faire un pas sur la route pour faire semblant de me faire tomber, ou des enfants faisant semblant de m’atteindre avec un bâton.

Je suis arrivé le 31 dans cette petite ville, Muhanga, un peu à l’ouest de Kigali. Bien désemparé à vrai dire par tout ça. C’est usant quand on est seul. On ne sait plus quelle attitude adopter. J’ai cependant passé une magnifique soirée de fin d’année avec deux gars rencontrés au bar, sans qu’ils me demandent de payer ma tournée générale au bout d’une minute trente de conversation comme c’est le cas généralement.

Avant d’avoir trop bu et d’aller finir la soirée en boîte de nuit, je leur ai fait part de mon désarroi. L’un est enseignant. On a beaucoup parlé du passé et du présent douloureux entre l’occident et l’Afrique. Comme à chaque fois, je crois qu’ils étaient surpris d’entendre un blanc critiquer vivement l’attitude de son pays, d’expliquer à quel point on se gave en Europe sur le dos des pays pauvres, comment nous entretenons des guerres loin de chez nous car nos économies reposent en grande partie sur les ventes d’armes, comment nous n’avons aucune leçon à donner à l’Afrique en matière de corruption et, peu à peu, tranquillement, de droits de l’homme également.

Ils ont fini par me dire que je n’imaginais peut-être pas à quel point la majorité des africains nous détestait. Comment un blanc ici est d’abord un porte-monnaie ambulant sans limite. Ce qui finalement m’a un peu rassuré car je comprends mieux certains comportements le long de la route. Ils me disaient qu’au Rwanda en tout cas, on apprenait très jeune les ravages de la colonisation, l’absurdité des frontières arbitraires et qu’il pouvait y avoir une sorte de racisme anti-blancs ordinaire, enseigné dès le plus jeune âge.


Voilà voilà où j’en suis. Un peu partagé à vrai dire, l’humain le long de la route en journée m’impactant beaucoup et me faisant un peu fermer les yeux sur le reste. Maintenant, j’ai le choix entre partir au nord pour rejoindre rapidement l’Ouganda puis Nairobi au Kenya, point final de mon voyage, ou partir à l’ouest explorer un peu plus le Rwanda et prendre mon temps. J’ai découvert par hasard (je me renseignais sur l’homosexualité dans ce pays car je me suis sacrément fait draguer au réveillon par la gente masculine !), l’histoire du Lac Kivu dont les rives doivent être magnifiques et je suis tombé sur cette belle légende. C’est un argument non négligeable pour aller le découvrir, il doit y régner de bonnes vibrations !


PARCOURS DES DERNIERS JOURS

J 42. 28/12/23 : Kigoma - Manyovu. 62 km / 3h40 / D+ 1450 m. Nuit : New Upendo Lodge 3 €

J 43. 29/12/23 : Manyovu - Bujumbura. 175 km / 8h45 / D+ 1000 m. 70 km de piste au moins le long du lac, souvent destroy et boueuse. Nuit : Camel Hotel 30 €

J 44. 30/12/23 : Bujumbura - Akanyaru Border. 116 km / 6h30 / D+ 2900 m. Route de montagne magnifique. Peu de circulation sauf dans la première montée jusqu’à Mpehe mais pas trop intense quand même. Nuit : chambre informelle à Akanyaru 4 €

J 45. 31/12/23 : Akanyaru Border - Muhanga. 109 km / 6h00 / D+ 2300 m. Route assez calme, les conducteurs font plus attention que dans les pays précédents. Nuit : Sifa Guest House 8 €

J 46. 01/01/24 : repos à Muhanga. Nuit : Sifa Guest House 8 €

INFOS PRATIQUES BURUNDI

Passage de la frontière en achetant sur place un visa de transit de 3 jours. 40 dollars, il faut des billets en bon état et édités après 2006. Bien gardé le reçu car il sera demandé à la sortie et faire attention à ce que la date du tampon soit la bonne. Change argent (shillings tanzaniens ok ou dollars) avec les gars dans la rue, devant les bureaux de douane côté Burundi. Pas de stress, ambiance tranquille, bien vérifier qu’ils donnent les nouveaux billets (rouges, pas jaunes). Premier guichet ATM à Madanba, 20 km après la frontière. J’ai aussi vu un Western Union où on doit pouvoir changer de l’argent. Premier office Lumitel pour acheter une carte SIM à Mabanda aussi. Beaucoup de monde, très longue attente, je n’en ai pas acheté. Prises électriques type G (UK). Nombreuses guest-house et restos pas chers le long de la route. Peu ou pas de chiens.

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Je me trouve à Jinja, au bord du Lac Victoria en Ouganda. Considèrée comme la source du Nil, car c’est là que commence vraiment son parcours unifié, et aussi que c’est commercialement pratique pour le tourisme de cette ville. La vraie source est bien plus au sud, dans les montagnes du Burundi.


Je ne sais pas trop quoi dire de ces derniers jours au Rwanda et en Ouganda. Je crois que j’ai trop roulé et que j’ai par moments du mal à trouver un sens à ce que je fais, car humainement c’est pas toujours facile depuis quelques temps.

Au Rwanda comme dans la partie ouest de l’Ouganda (maintenant ça va mieux), j’ai tellement eu le sentiment d’être harcelé en permanence de sifflements, d’interpellations déplacées, de sollicitations parfois agressives comme demander de l’argent en tenant fermement le bras, que ça m’a peu à peu donné l’envie de tracer ma route en mode autiste, oreilles fermées. Ça m’a fait mal au cœur, qui s’est refermé aussi. Sauf pour les tout petits, trop heureux que le « mzungu » leur fasse un sourire ou de grands bonjours, vue la frénésie que déclenche chez eux mon passage.


Au Rwanda 

Des enfants m’ont lancé des pierres, d’autres se sont jetés sur moi pour faire comme s’ils allaient me mettre un coup de bâton. Des jeunes en moto ont parfois joué à traverser la route et rouler sur moi pour m’éviter au dernier moment. Ça fait rire les copains. Je ne dois pas avoir la bonne posture, la bonne tête, la bonne vitesse. Comme me disait une amie qui connaît l’Afrique, il faudrait peut-être que je porte un chapeau de paille, une chemise, des tongues et que j’aille moins vite. En étant seul, je suis peut-être aussi une cible facile des amusements. Je me demandais si après tout cette manière de m’interpeller n’était pas normale et que les gens faisaient comme ça entre eux aussi. En en parlant avec le personnel de l’hostel où je me trouve ici, j’ai été rassuré, façon de parler, qu’ils me disent que ça ne se faisait pas du tout et qu’il s’agissait de gens mal élevés qui n’ont jamais été à l’école, nombreux dans les campagnes.


Au Rwanda  

Personne ne m’a demandé de venir faire du vélo ici, je me suis invité tout seul alors je fais avec. Je ne suis pas le premier cycliste qui vit ça de ce que j’ai compris.

La question essentielle que je me pose hormis ces petites déconvenues est la suivante : que vont faire dans le futur ces hordes de gamins qui passent leurs journées au bord des routes, dénués, semble t’il, de toute scolarité ? Ces ados ou jeunes adultes qui semblent n’avoir rien à faire ? Les terres agricoles sont déjà à bout, il n’y a plus de place pour cultiver. De plus, une grande partie est destinée à l’exportation. Comment nourrir toutes ces bouches avec une telle explosion démographique ? Comment, surtout, cela pourrait-il évoluer pacifiquement ?


En Ouganda  

Pour autant, je me suis régalé de tous ces paysages équatoriaux, ces chants d’oiseaux le long du chemin, qui font parfois se demander si on a pas un truc qui cloche sur le vélo. Ha non, c’était juste un oiseau avec un chant original ! J’ai fait un détour d’au moins 300 km pour avoir une chance d’enfin voir un éléphant et mon effort a été récompensé, de justesse. Je préfère ainsi compter sur une rencontre improbable que de participer au tourisme animalier qui dans ces pays se monnayent très cher, en faisant travailler des gens pour pas cher. Au sujet de l’histoire de ces parcs, je conseille l’écoute de cette émission.


En Ouganda 

J’ai aussi rencontré Tija et Titsle, de Collias. Alors eux, ils m’ont fait rêver… 78 et 75 ans, des voyages en vélo plein les pattes et surtout, jamais peur de rien ! Je les ai adoré et je compte bien les revoir chez nous ou ailleurs dans le monde.


En Ouganda 

J’ai tellement roulé en me disant que j’allais être juste, que maintenant je suis large pour finir le 21 ou 22 à Nairobi. Mais comme je ne peux pas m’empêcher de toujours choisir l’option la plus difficile ou de me rajouter du chemin, je serai peut-être juste quand même ! Ça me fait me poser des questions sur mon addiction, lointaine maintenant, aux sports d’endurance. Ça n’a pas l’air de s’arranger docteur. Je crois qu’en fait, c’est surtout la météo qui va me guider : ça fait pas mal de temps que je prends la pluie à peu près tous les jours à un moment ou un autre et j’en ai aussi un peu marre de passer de temps à désembourber El Caminante en arrivant, les routes étant souvent recouvertes d’une fine couche terre rouge particulièrement adhésive !


Rwanda  


Ouganda  

PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 47. 02/01/24 : Muhanga - Kinunu. 105 km / 6h30 / D+ 2720 m. Route avec gros nids de poule entre Muhanga et le pont de la rivière Nyabarongo puis route en travaux, mais ça roule bien, du pont à Rambura (Rufungo). Ensuite belle nationale. Piste chaotique pour descendre à Kinulu. Nuit : Kinunu Freshness Hotel 12 €

J 48. 03/01/24 : Kinunu - Masanze (Ruhengeri). 115 km / 6h30 / D+ 2450 m. Remontée à la route principale. De Gisenyi (Goma) à Mazance, beaucoup de monde le long de la route et ambiance tendue. Nuit : M&R Urugwiro Guest House 8 €

J 49. 04/01/24 : Masanze - Kisoro. 36 km / 1h50 / D+ 300 m. Passage de la frontière : passer les barrières sur la route, tout se fait côté Ouganda (tampon de sortie du Rwanda et entrée Ouganda). Nuit : Sawa Sawa Guest House 13 €

J 50. 05/01/24 : Kisoro - Muhanga. 101 km / 6h20 / D+ 2010 m. Très belle route jusqu’au lac puis j’ai pris le piste le long du lac, plutôt bien roulante dans l’ensemble. Nuit : Apolo Lodge and Bar 8 €

J 51. 06/01/24 : Muhanga - Katinguru (Kisinga Channel). 154 km / 7h / D+ 1500 m. Bonnes routes avec bande sur le côté. Nuit : Kizinga Wilderness Safari Camp 10 € (tente)

J 52. 07/01/24 : Katinguru - Kyenjoj. 164 km / 7h55 / D+ 2100 m. Les deux parcs peuvent se traverser en vélo. Pas mal de relief entre Kaseze et Fort Portal. Bonnes routes pas dangereuses. Nuit : Rainbow Motel 10 €

J 53. 08/01/24 : Kyenjojo - Jezza. 205 km / 10h / D+ 2160 m. Route en mauvais état sur 40 km après Kyenjojo puis sur 30 km après Mubende (avec des parties en travaux). Nuit : Half London Guest House 4 €

J 54. 09/01/24 : Jezza - Jinja. 140 km / 7h20 / D+ 1650 m. La circulation s’intensifie beaucoup avant de rejoindre la rocade de Kampala mais ça roule pas vite et pas d’agressivité. Rester en mouvement, dans le flux ! Sur la rocade, très bonne bande d’arrêt d’urgence et ça circule mais pas tant. On arrive à rester sur la voie principale quand il y a des sorties. La route “par le sud” (Katwe, Nyenga) à partir de Mukono est super, large avec peu de circulation. Nuit : Jinja Backpackers 7 € pour camper

J 55. 10/01/24 : repos à Jinj. Nuit : Jinja Backpackers 7 € pour camper


INFOS PRATIQUES OUGANDA

Passage frontière de Cyanika : passer les barrières sur la route et aller côté Ouganda pour faire tamponner la sortie du Rwanda et l’entrée en Ouganda. Change dans la rue, francs rwandais et euros. Sinon premier ATM à Kisoro. Dans les lieux touristiques on annonce le prix en dollars. Carte SIM MTR à Kisoro, faîte rapidement (12 € pour 22 Go). Prises électriques type G (UK). Nombreuses guest-house basiques dans villages même si pas marquées sur Google. Autour de 10 €. On mange une assiette de riz avec poulet pour 5 € environ. Dans l’ensemble pays plus cher que les précédents et clairement orienté tourisme de luxe. Pas mal de puits le long de la route pour prendre de l’eau et eau courante dans les hébergements même basiques. Peu ou pas de chien.

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Fin de l’Ouganda 

Courir toujours courir… J’ai choisi ce titre en écho à Iten où je suis passé hier. C’est là que s’entraînent les coureurs kenyans, à 2400 m d’altitude, sur un plateau au bord du Grand Rift. C’est aussi devenu une destination touristique à la mode pour les coureurs occidentaux. Ce titre également en écho au rythme qui aura dicté ce voyage, à ne jamais trop savoir si j’avais le temps de traîner ou pas. C’est encore le cas cette semaine alors que je pensais pouvoir finir en roue libre avec des petites journées sur le vélo.


Deux jours de déluge sont annoncés jeudi et vendredi. Je dois être à Nairobi dimanche soir, alors il fallait, il faut encore demain, que je pédale sans trop mollir afin de pas être loin de Nairobi quand la pluie sera passée. À vrai dire, j’ai l’impression d’avoir beaucoup d’intempéries depuis un mois, alors que c’est la saison sèche en principe. Les gens disent que c’est détraqué à cause du « global warming » et que El Niño fait des siennes.

Je n’ai pas été trop triste de quitter l’Ouganda. Je trouve au Kenya une ambiance plus apaisée le long de la route, pleins de sourires et souvent de belles discussions. Ça fait du bien. J’ai croisé Vivien sur la route, qui est parti de France et qui descend jusqu’à Cape Town. Il compte ensuite rentrer par l’Afrique de l’Ouest. Chapeau et bonne route !

Aujourd’hui la route de montagne était magnifique, un must ! Je m’y suis souvent demandé si je n’étais pas soudain retourné en Colombie tant la végétation est identique à latitudes égales.


Je ne désespère pas de voir une girafe ou un zèbre avant de prendre l’avion, il paraît que j’ai mes chances bientôt le long d’un lac.


Premiers jours au Kenya  

PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 58. 13/01/24 : repos à Busia (pluie). Nuit : Radeki Guest House 3 €

J 59. 14/01/24 : Busia - Webuye. 112 km / 5h05 / D+ 700 m. Route sans bande d’arrêt d’urgence jusqu’à Mayoni mais ça circule peu. Idem jusqu’à Bungoma. Ça circule un peu plus mais ça va. De Bungoma à Mayube, beaucoup de camions mais bonne bande d’arrêt d’urgence. Nuit : Boma Guest House 3 €

J 60. 15/01/24 : Webuye - Iten. 100 km / 5h50 / D+ 1450 m. Route à camion jusqu’à Eldoret mais bande sur le côté généralement ok. Ensuite route sans bande mais ça roule pas trop vite et pas trop de circulation. Nuit : Jamaïca Hotel 7 €

J 61. 16/01/24 : Iten - Eldama Ravine. 115 km / 5h35 / D+ 1600 m. Magnifique parcours dans les campagnes d’altitude. Route au revêtement granuleux mais bonne et sans circulation. Un must ! Nuit : Venus Hotel 3 €

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C’était la dernière semaine du voyage. Au Kenya en mode tranquille. Quelques petits détours par de beaux endroits, pour ne pas aller directement à Nairobi qui n’était plus bien loin. Pas mal de jonglage météo et du repos par la même occasion, au bord des lacs du Grand Rift. Cette année c’est une saison sèche très humide. « Global warming », qu’ils disent ici.


Des belles rencontres… Kim, le jardinier d’un camping avec qui nous avons parlé des mœurs amouseuses, familiales et sexuelles au Kenya et en France. Ça l’intéressait beaucoup de savoir comment ça se passait chez nous. Il m’a dit qu’ici, la loi imposait le mariage après 6 mois de vie commune. Ça m’a semblé étonnant et je n’ai pas trouvé d’infos là-dessus. Que les aventures extra-conjugales étaient très répandues mais que les amantes attendaient toujours un service en retour, matériel souvent, la condition des femmes étant bien plus dure que celle de hommes. Comme partout sur terre à des degrés divers. La polygamie est autorisée mais pas la polyandrie, évidement j’allais dire. J’ai lu ensuite, je l’ignorais, que le Kenya était une destination de tourisme sexuel, notamment sur la côte, avec beaucoup d’exploitation d’enfants. Voir les « Big 5 » et faire du sex pour pas cher loin de la maison, un voyage réussi. Beurk. On a aussi parlé éducation et santé. Sur le papier, l’école publique est gratuite ici. Par contre plus personne ne veut être prof dans le public, pour se retrouver devant des classes allant jusqu’à 100, avec un mauvais salaire. Ça me rappele quelque chose. Quand à la santé, il me disait que les soins étaient gratuits mais les médicaments payants.

Harun, agent de tourisme. Il a un petit bureau à Nairobi car la loi l’impose mais il vit en posant sa tente de camping en camping dans de beaux endroits et travaille avec internet et le bouche à oreille. Comme un guide de haute montagne, quoi ! Il connaissait tout du Mont Kenya et de sa conquète en 1899, partie des rives du lac Naivasha, situé à 130 km à vol d’oiseau. La plupart des membres de l’expédition ont été mangés ou piétinés par les bêtes sauvages, les autres décimés par la malaria mais le sommet a été conquis par les survivants à la marche d’approche.


Benard, pharmacien, qui m’a invité à m’assoir dans son officine le temps que l’orage passe. Il adore les voyageurs en vélo et en suit plein sur les réseaux. Il avait l’air particulièrement prévenant et arrangeant avec ses patients et avait un sourire permanent aux lèvres.


Sont donc arrivés les derniers « mzungu mzungu », les dernières moqueries, sifflements et sentiments d’être une bête curieuse. Même les femmes rigolent dans mon dos, c’est fort désagréable ! Des fois je regarde si j’ai pas un poisson d’avril accroché par là ! Mais aussi les derniers sourires, les joies des bonjours simples, des pouces levés encourageants ou de voir des petits enfants heureux de mes grands saluts.

Les dernières guest-house basiques et bruyantes, aux draps propres mais au reste toujours un peu roots, surtout l’espace salle de bain et surtout l’espace WC, que l’on préfère commun à l’extérieur plutôt que dans la chambre… Ça n’empêche pas les gens d’être propres et les femmes toujours bien apprêtées. D’ailleurs les kenyanes en particulier sont vraiment magnifiques, c’est une torture ! J’ai toujours été très bien accueilli dans ces hébergements et c’est particulièrement économique.


Les derniers restos sombres le long de la route, où l’on mange sur le pouce et à toutes heures une bonne assiette de riz, bouillon de bœuf, haricots, chapati, avec une grande tasse de thé au lait toujours remplie à ras bord comme j’aime. La cuisine s’y fait au feu de bois la plupart du temps et l’accueil y a toujours été chaleureux. Je mentionne aussi que je n’ai jamais été malade, parfois le ventre un peu en vrac mais c’était plutôt du aussi au soleil, à l’effort, à une alimentation parfois décousue et anarchique. Pour l’eau, j’ai fait tout le voyage en mettant du Micropur, la bonne solution à mon avis, mieux que ces filtres très lents ou d’acheter de l’eau minérale et ses plastiques.


Les derniers bars de village où chacun et chacune veut devenir mon ami pour gratter un coup à boire. Je crois que les gens se demandaient souvent ce que je foutais là, dans ces bleds où jamais aucun blanc ne s’arrête ni même ne transite et encore moins ne passe sa soirée dans un troquet tout à fait glauque, où la musique ne s’écoute qu’à un niveau de son maximal, sur des enceintes cramées et où la bière ne se boit que chaude, faute de frigo qui fonctionne encore. Une fois on m’a demandé si, pour être là, je travaillais pas pour la CIA !


Les derniers matchs de la Premier League ou de la Coupe d’Afrique des Nations dont je n’avais rien à faire mais quand même un peu à force, puisqu’un bar sans foot en continu, ça n’existe pas et j’ai fini par trouver l’attaquant égyptien de Liverpool vraiment remarquable.

Les dernières bières, dont je m’inquiète du nombre conséquent qui ont pu me désaltérer, même chaudes, après de longues journées assis sur ma selle à me dire « allez, encore 20 km de plus et une fois faits pourquoi pas 20 km encore, c’est tellement bon, allez là ça suffit comme ça maintenant, espèce de psychopathe du sport ». Chaque pays que j’ai traversé a sa bière nationale et je peux affirmer qu’elles sont toutes bonnes, jamais fortes d’ailleurs. De bonnes bières de soif comme on dit. Je réserve peut-être la première place à la Nile en Ouganda mais j’aimais aussi la Windhoek en Namibie et la Mosi en Zambie car servie en bouteilles d’un litre.

Les derniers choix cornéliens à me demander si je prenais telle ou telle option d’itinéraire pour la suite. Au plus facile ou au plus dur ? J’ai toujours pris au plus dur. Quand on est con on est con, mais je me suis rendu compte par moments que j’avais plus 20 ans. Quand j’ai traversé le Burundi avec un visa de transit de 3 jours, je ne m’en suis pas aperçu de suite, mais je me suis mis une sacrée pression qui a pris du temps à retomber plus tard. À juste titre peut-être : quelques jours plus tard, le Burundi qui accuse le Rwanda de laisser entrer des rebelles congolais a fermé les frontières communes et rompu les relations avec Kigali. C’est récurrent parait-il.

Les dernières illusions de finir par voir une girafe, après l’unique éléphant du voyage. Alors que tout le monde me promettait en rigolant de me faire bouffer par un lion ou trépigner par un pachiderme, je rentre plutôt bredouille côté animalier. Les animaux se voient presque uniquement dans des parcs très chers en Afrique australe et de l’est. Ceci dit j’ai fait deux mauvais choix d’itinéraire. En passant par le Bostwana au début plutôt que remonter toute la Namibie, j’aurais vu plein d’éléphants le long de la route (mais j’ai adoré quand même la bande de Caprivi) et aussi, en Ouganda, des gorilles, chimpanzés et des éléphants en prenant une piste frontalière avec le Congo. Pour cette dernière option, je le savais plus ou moins, mais en octobre dernier, deux touristes et leur guide y ont été assasinés alors ça m’a fait hésiter, bien que le tourisme des tour-operators continue quand même dans ce coin.


Les dernières routes à grosse circulation, mais franchement, à part sur une étape en Tanzanie, j’ai trouvé que globalement, c’était assez cool et peu dangereux de rouler dans les pays que j’ai traversé. Les routes sont souvent dotées d’une bande sur le côté, dans un état variable quand même, et il y a souvent des options pour éviter ces routes. Bon évidement quand un bus ou un camion arrive derrière et qu’il y a quelqu’un en face, il faut impérativement se ranger ou s’arrêter. Lorsque les véhicules se doublent sur la voie opposée aussi… le cycliste doit disparaître de la chaussée. J’ai adoré le Malawi de ce point de vue car il y a très peu de voitures et tout le monde semble circuler en vélo ou à pied.


Les derniers nettoyage du vélo à la transmission complètement embouée ou ensablée. S’y coller après une longue étape, avec peu d’eau car il n’y a souvent pas d’eau courante à la guest-house. Être content de soi, admirer El Caminante tout propre et lubrifié, prêt pour le lendemain qui s’annonce sec mais qui finalement ne le sera pas. Toujours le même scénario, on croit qu’on va pouvoir éviter la boue déposée sur la route en louvoyant là ou là puis il se remet à pluvioter et en quelques secondes on se retrouve éclaboussé de cette petite terre rouge, fine et tachante. Quand ça commence à crépir les lunettes et le visage, le combat est perdu, tous les efforts de la veille anéantis, il faut lâcher l’affaire.

Les derniers moments de doute à me demander quand même souvent au fond de moi ce que je faisais là, blanc privilégié, issu d’un passé colonial horrible et d’une exploitation actuelle des ressources minières et pétrolières tout aussi horrible. Être né quelque part. C’est pas de sa faute à celui qui a vu le jour au bord du lac Tanganyika, Burundi, plutôt qu’à Périgueux, France. J’aurais pu être travailleur de misère dans la récolte de l’huile de palme et lui ou elle guide de haute montagne à se la péter sur des cascades de glace. J’aurais pu vivre dans une hutte avec à peine un repas par jour le long d’une route en Namibie pendant que les blancs continuent à gérer les richesses du pays. On échappe pas à son destin mais ce qui me révolte, c’est notre attachement à maintenir l’Afrique dans la pauvreté, à grand renfort de corruption, de bons sentiments complètement déplacés et de fausses informations. Qu’est ce qu’on peut y faire ? À part s’aimer et jeter nos télés pour regarder la vie comme elle est vraiment. Ne croire que ce que l’on voit. Tout le reste n’est que brodage, bavardages, fake news, petits arrangements avec la réalité, manipulations des masses et populisme pour préserver un système qui a déjà basculé dans le gouffre.


Mon vol de retour est pour ce soir mardi. Des sentiments forcément mitigés à l’idée de rentrer. À la fin je me sentais fatigué, je n’avais plus très envie de prendre la route le matin et j’étais un peu lassé de tout. Pour autant, ça me fait drôle que tout s’arrête brutalement. L’avion change les repères de temps et d’espace. Plus rien n’est loin pour l’homme moderne (et riche). On dit que l’Afrique aimante. Des gens, y compris des voyageurs en vélo y reviennent sans cesse. Je commence à le comprendre et peut-être que je poursuivrai ma route sur ce continent à un moment ou un autre.

Un mot quand même pour mon vélo et sa bagagerie, pour dire que je n’ai eu aucun soucis sur ce voyage, bien que les conditions n’aient pas toujours été faciles pour lui. J’étais parti l’esprit assez tranquille car j’ai fait avant mon départ une petite formation avec Yannick Abeillé, très bon réparateur de vélos installé à son compte à Arudy si ça intéresse des locaux. Ça a été l’occasion de tout démonter, vérifier et lubrifier, changer si nécessaire. El Caminante en est maintenant à ses 24000 km de voyage. Celui-ci en faisait presque 7000 et je n’ai eu qu’une crevaison, dans les derniers jours comme souvent. Ces pneus Schwalbe Marathon Plus font vraiment des miracles, je ne peux m’empêcher de citer la marque.


Après quelques semaines dans ce qui ressemble parfois à un joyeux chaos mais qui finalement fonctionne bien, en tout cas vu de l’extérieur, il va falloir se réhabituer à nos codes occidentaux. Le premier qui m’ennuie avec une règle absurde ou une norme à la noix, je lui jette un « mzungu mzungu » à la figure en le montrant du doigt !


Je serais bien resté un peu plus à Nairobi ! 


PARCOURS DES JOURS DERNIERS

J 62. 17/01/24 : Eldama Ravine - Lac Elementaita. 98 km / 4h15 / D+ 660 km. Route pas super dans l’ensemble, pas de bordure jusqu’à Nakuru mais ça roule pas beaucoup et pas vite puis beaucoup de camions et bordure pas toujours top. Nuit : Kikopey Beach Camp 5 €

J 63. 18/01/24 : repos Lac Elementaita (pluie). Nuit : Kikopey Beach Camp 5 €

J 64. 19/01/24 : Lac Elementaita - Kamere. 73 km / 3h55 / D+ 500 m. Itinéraire via Kasarini. Bonne route jusqu’à là puis piste un peu sableuse et cabossée jusqu’à Kongoni. Nuit : Fisherman’s Camp. 5 €

J 65. 20/01/24 : Kamere - Gatundu. 106 km / 6h / D+ 1340 m. Route désagréable (pas de bande d’arrêt digne de ce nom et grosse circulation, de voitures uniquement, les gros camions qui vont sur Nairobi prennent l’autre route) de Naivasha à Mutonyora. Ensuite C66 super, vieille route ou piste roulante dans belle forêt puis champs de thé. Nuit : Guest House ? 7 €

J 66. 21/02/24 : Gatundu - Nairobi. 55 km / 2h50 / D+ 670 m. Petite route de campagne super et entrée dans Nairobi très tranquille par là. Nuit : Sislink Hotel 8 €

INFOS PRATIQUES KENYA

À la frontière de Busia, passer côté Kenya, le tampon de sortie d’Ouganda et d’entrée au Kenya se font dans le même bâtiment. Change devant les bureaux d’immigration côté Ouganda, ambiance tranquille. ATM un peu partout, bureaux de change à Nairobi, pas vu ailleurs mais il doit y avoir dans les villes moyennes. Carte SIM chez Airtel, à droite environ 1 km après la frontière. 25 Go pour 10 €. Prises électriques type G (UK). Nombreuses guest-house basiques dans villages même si pas marquées sur Google. Souvent à 3 €. On mange une assiette de riz et viande pour 2 € environ. Eau courante dans la plupart des hébergements, même basiques. Routes avec une bande sur le côté le plupart du temps. Conducteurs pas agressifs dans l’ensemble. Un peu plus de chiens que dans les autres pays mais aucune attaque.