Nous partons du ponton de Poya Lisa vers 8h30, sur un ferry local. Dire que c'est un ferry est un peu exagéré, c'est juste un bateau un peu plus gros que la moyenne. Il n'y a pas de siège, nous sommes assis par terre dans un espace où on ne peut pas se tenir debout. Après une assez longue halte dans un village au sud des Tongians, nous nous dirigeons vers Ampana. Le houle est assez forte, une autochtone crie et n'a pas l'air rassurée du tout ! Le bébé, lui, bercé par les vagues, dort profondément.
Au revoir les Tongians ! 4h après notre départ nous débarquons à Ampana, petit tour dans un transport local pour rejoindre le vrai port, où nous trouvons "Miss Harbour", qui nous vend deux places dans une voiture partagée pour Paloppo (assez cher). Celle-ci partira vers 21h, nous avons donc presque 7h à attendre. À force, nous sommes habitués ! Nous avons un wifi à dispo, n'ayant pas eu internet depuis une dizaine de jours, nous avons de quoi nous occuper, rédaction d'article etc...
À 20h30 nous partons. Et le calvaire commence...
Je préfère vous prévenir que si la lecture d'un récit détaillé de l'un de nos trajets les plus chiants en 10 mois de voyage ne vous intéresse guère, vous pouvez descendre directement jusqu'aux prochaines photos !.." L'agence" à laquelle nous avons acheté nos places dans la voiture nous avait dit qu'il n'y aurait pas de pause dîner. Après 50km, pause dîner ! D'un peu plus d'une heure et demi... Ça commence mal. Notre chauffeur conduit ensuite 2h, et s'arrête dans un bled, monsieur a besoin de dormir apparemment ! La blague, nous n'avons pas encore fait 1/4 du trajet qui est censé durer au total une quinzaine d'heure que le mec veut s'arrêter se reposer. Boooooon... Il s'allonge dehors, sur un banc, et commence son roupillon. Nous, avec Lorène nous nous installons dans la voiture. Bien sûr celle-ci est nettement trop chargée, nous nous coltinons un colis dans les pieds, et alternons pour la place du milieu de la banquette... Derrière nous sont entassés 3 jeunes locaux sur 2 sièges, ils sont encore plus à plaindre que nous ! Coup de chance, une petite heure après l'arrêt impromptu, une petite averse nous fait reprendre la route (et ouais, le chauffeur s'était pas abrité !) Il conduit... un peu...genre 1h30, 2h. Et s'arrête dans un bled pour reprendre sa sieste. Je commence à sentir que ce mec va pas être mon pote. Il est quand même payé pour nous emmener d'un point A à un point B, pas pour nous faire perdre du temps à dormir au bord d'une route dans une voiture ! Ggrrrr !! 5h30 du mat' le jour se lève on repart, pas longtemps. Il faut que monsieur prenne son breakfast. 1h de pause petit dej. Tous les passagers remontent dans la voiture. Plusieurs minutes passent. Je m'impatiente, sérieusement, et demande aux gens du resto si ils ont vu notre chauffeur : "toilet ". Ok !... le mec fini sa crotte et nous rejoint avec son air goguenard et un sourire en coin. Il me tape sur le système, ça fait maintenant environ 24h que nous sommes partis des Tongians. Nous roulons deux bonnes heures, et cette fois la pause sera pour prendre une douche ! Une douche à 100km de l'arrivée ! Au bout d'environ une demi-heure, alors que tous les passagers (excepté nous) sont propres depuis belle lurette, je m’enquiers de savoir ce que peu bien faire notre "chauffeur". Les autres passagers sont également un peu agacés par ce mec d'une lenteur incroyable, bien qu'ils fassent preuve d'un peu plus de patience que moi (on a pas tous commencé le trajet 27h auparavant...) Je décide d'aller voir dans le resto attenant aux douches puisqu’à priori Schumacher n'y est plus. Qui est-ce que je trouve en train de pioncer sur un banc ?! La situation est digne d'une caméra cachée... Mais personnellement, j'en ai vraiment ma claque. J'attrape le chauffeur par l'épaule, le secoue doucement pour le réveiller et lui dit "let's go !", d'un ton assez sec. 3h de route plus tard, nous nous faisons déposer à une intersection qui nous arrange, marchons 1km et rejoignons la route qui mène à Rantepao, qui sera notre Q.G. pour explorer le pays Toraja. Nous sommes soulagés, heureux même, d'être enfin sortis de cette voiture !! Un chauffeur aussi peu professionnel mérite la palme du plus relou des chauffeurs, après 9 mois et demi de voyage et plusieurs dizaines de longs trajets parcourus en bus. Nous tendons le pouce, et le 2ème véhicule s'arrête, il s'agit d'un jeune qui va un peu plus loin que Rantepao, parfait ! Ça nous aura pris moins de 10sec à trouver une voiture pour nous déposer à bon port.
Ce jeune est très sympa, ne parle pas un mot d'anglais, nous faisons connaissance en s'aidant de google traduction. Je passe quelques musique de mon téléphone sur ces enceintes, il a l'air très heureux et fier de nous avoir dans sa voiture, sa femme sera vite mise au courant par téléphone qu'il a ramassé deux français sur le bord de la route ! Après un trajet bien sympa avec Nenas, il nous dépose au centre de Rantepao, à 200m de notre Homestay. Ouf, nous achevons le trajet le plus long de notre voyage : il nous aura fallu en tout 34 heures pour rallier Rantepao depuis Poya Lisa ! L'Asie enseigne et renforce votre patience, jusqu'à ses limites... Nous apprécions de prendre possession de notre chambre, douche et de pouvoir se poser, ENFIN !!
Après une bonne nuit amplement méritée, un bon petit dej au homestay, nous faisons la connaissance de Clément, un expat français vivant à Singapour, et Jenny, une voyageuse allemande. Nous leur contons les merveilles que recèle le nord de la Sulawesi, échangeons sur divers sujet autour du voyage, puis partons à pied manger. Nous poursuivons avec une brève visite de la ville, et nous achetons des chemises batik, les Indonésiens en ont de très belles !
Un taxi local (ici ils les appelle les bemo) nous emmène jusqu'à un site nommé Ke Te Kesu, où se trouvent de belles Tongkonan, sorte de maison traditionnelle Toraja au toit en forme de bateau. Cette architecture nous plaît bien, ce lieu est trop touristique à notre goût, mais c'est une bonne entrée en matière. Le "International Toraja festival" démarre le soir même, nous y passerons demain soir.
Les Torajas pratiquent des rites mortuaires élaborés, toute leur vie consistant à accumuler le maximum de richesse pour s'offrir la plus belle entrée possible au royaume des morts. Ici, les cercueils peuvent être accrochés à flanc de falaise, ou abrités dans des grottes. L'ambiance est plutôt glauque, des crânes et ossements jonchent par endroit le sol... Comme dirait Lorène "le train fantôme à Walibi à côté c'est rien du tout ", et elle a pas tord. Là on a bien affaire à de vrais cercueils, parfois ouverts, parfois cassés, avec de vrais cadavres dedans, ou du moins ce qu'il en reste.
Ke Te Kesu Après cette découverte plutôt marquante de la culture locale, nous décidons de rentrer à pied à Rantepao, en coupant par les rizières. Excellente idée, c'est la période de récolte, les couleurs sont belles et les paysans souriants. Cette belle balade de 4km à improviser à travers champs nous a bien plu.
Nous terminons cette bonne première journée d'exploration par un plat local que nous avions commandé le matin, le Pa'Piong doit en effet cuire au moins 3h ! Il s'agit d'un mélange de légumes, d'épices et de viande ou poisson, qui cuit dans un tronc de bambou : on aime.
Seconde journée : cette fois nous disposons d'un scooter loué à notre Homestay, nous l'utiliserons pendant quatre jours pour explorer la campagne environnante.
En ce samedi nous sommes passés au marché au buffles qui se déroule un jour par semaine, très impressionnant. Un buffle basique coûte 3000€, un albinos bien nourri jusqu'à 12 000... On trouve également des poulets, coqs, et cochons à ce marché : ces animaux là ne servent pas aux sacrifices funéraires, mais pour se nourrir. Les cochons sont attachés vivant sur des bambous, près à emporter sur un scooter...
Les pauvres bêtes ne sont pas à la fête, nous réalisons que si un cochon n'est pas acheté, il passera la journée entière, saucissonné, pour rien.
Nous passons ensuite par le site de Londa, qui comprend des grottes funéraires.
La route entre les différents sites est belle !
À Lemo, où nous découvrons que les Torajas creusent aussi des trous dans les falaises, dans lesquels ils mettent leurs défunts. Des anfractuosités creusées dans la roche accueillent des tau-tau, sculptures en bois représentant une personne décédée.
Décidément, c'est particulier le pays Toraja, surprenant et déroutant. Ces statues ne font pas rire, elles sont réalisées à partir d'une photo du défunt peu avant sa mort, et c'est apparemment bien vu de se faire sculpter ainsi une fois décédé... Plus tôt dans l'après-midi nous sommes passés par Marante, un mignon village où nous ressentons bien que les habitants ne voient pas souvent deux voyageurs ! Authenticité garantie. Les routes sont globalement mauvaises, nous nous retrouvons parfois à emprunter des sentiers de randonnées très caillouteux, traverser de la boue et j'en passe.
Notre scoot prend cher, mais tiendra le coup pendant ces 4 jours !
Nous terminons la journée par le festival repéré la veille, il y a des concerts, ça fait un peu d'animation à Rantepao. Nous voyons quelques artistes jouant de la musique locale, puis un californien-balinais prend les platines, nous le supporterons une demi-heure avant de décider de rentrer.
Le programme des deux jours suivants consistera à poursuivre notre exploration de la campagne autour de Rantepao. Je vous laisse voir ça en photo :
Une fois nous sommes montés jusqu'à une fabrique de café, c'était un dimanche donc malheureusement ce ne fût pas possible de la visiter (mais la route était belle !).
Ici l'attraction touristique consiste à aller assister à des funérailles : les cérémonies mortuaires sont effectivement très élaborées et durent plusieurs jours. Si lorsque la personne décède la famille n'a pas encore suffisamment d'argent pour honorer leur défunt, il le garde dans leur maison, lui font des offrandes, lui parle, le mort reste un membre de la famille à part entière, il considère qu'il est juste un peu malade !.. Ils embaument les corps avec du formol et un mélange d'épices afin de préserver les chairs. Il n'est pas rare que certains corps soient conservés ainsi jusqu’à 10 ans. Aussi, tous les trois ans le défunt est sorti de son cercueil, nettoyé, nouveaux vêtements, ils vont même jusqu'à le mettre debout, lui mettre des lunettes de soleil et se prendre en photo avec.
La véritable cérémonie funéraire permet le passage dans l'au delà, des buffles sont sacrifiés (coup de machette dans la gorge), plus il meurt vite, meilleur sera le passage au royaume des morts... La façon dont il tombe aurait également une importance. Il y a des danses, des chants, le dernier jour des funérailles les proches transportent le corps dans un tongkonan : cela doit peser plusieurs centaines de Kilos, et comme les hommes picolent pas mal ce dernier jour des funérailles, le transport a l'air assez folklo d'après un documentaire que nous avons regardé !
Nous avons décidé de ne pas payer pour aller assister à ce genre de cérémonie, pour différentes raisons, la principale étant que nous trouvons quelque peu étrange de payer pour s'immiscer dans l'intimité des gens, ça nous a posé un problème éthique. La seconde étant que nous ne souhaitions pas cautionner le sacrifice de dizaines d'animaux. Il y aurait encore beaucoup à dire au sujet des funérailles Toraja (et du business qui s'est monté autour), mais je vais m'arrêter là et vous laisse chercher sur internet des documents et vidéos si ça vous intrigue.
Le dimanche soir nous retournons au festival, après avoir mangé quelques bananes au fromage, nous voyons encore un peu de musique locale, un défilé de mode, une chorale. Les animateurs font appel à leur spectateurs internationaux, je me manifeste, et ils m'invitent à monter du la scène : après avoir enflammé le public réuni en masse, je repars, content avec un tee-shirt du festival.
Nous traverserons des villages vraiment perdus, conduirons parfois jusqu'à 1h30 sur des chemins (très) cahoteux , et ne croiseront que très peu de touristes faisant comme nous, de grands tours en scooter. Les locaux sont très gentils et souriants, un groupe d'hommes jouant aux cartes nous a invité à nous asseoir avec eux et offert une boisson locale faîte avec une racine. Pas fameux, mais c'est le geste qui compte ! 😀
En fin d'après-midi nous arrivons à Batutumonga, la route est magnifique et le panorama au sommet aussi !
Nous avons particulièrement apprécié le site de Kalimbuan, qui regroupe :
- des tongkonan
- des stèles en pierres, qui sont érigées en souvenir des cérémonies passées
- des tombes à même la roche, dans la forêt environnante
- des arbres destinés à accueillir les corps des bébés défunts
Se promener dans la forêt revêt une ambiance macabre, tantôt nous tombons sur ça :
Tantôt sur un cercueil d'enfant à moitié ouvert au détour un rocher...
Le rapport à la mort est vraiment différent. Ces rites funéraires trouvent leurs origines dans les pratiques animistes du peuple Toraja, et sont compatibles avec la religion chrétienne, très pratiquée dans cette région, mais également avec la culture musulmane, également représentée.
Pour notre dernière soirée nous retournons manger au restaurant Rimiko, nous y sommes allés en tout trois fois, et en commandant à l'avance, avons pu goûter à des spécialités locales. Le gérant est sympa, et nous accueillera avec son sourire à chaque fois qu'il nous reverra revenir !
Une bonne découverte furent les "bias" une sorte de pancake épais, au chocolat , bien nourrissants, et très bon marché (32 cts d'€ les deux ! Sachant que un ça fait limite un repas pour quelqu'un qui n'a pas une grosse faim...)
En bonus, un fait qui nous a étonné en tant qu'occidentaux, est qu'ici, la publicité pour les clopes semble autorisée ! Et autant vous dire qu'ils joue bien sur la mise en avant du côté viril que la cigarette est supposée conférer à un fumeur :
Il est temps de dire "Selamat Tingga" à la Sulawesi, nous montons dans un beau grand bus moderne vers 20h15, et nous voilà partis pour un nouveau périple de quelques dizaines d'heures, avec comme cible dans notre viseur, les volcans de Java !