Dernier épisode d'une trilogie vers Saint Jacques de Compostelle. Commencé avec un ami il y a 5 ans, je repars seul cette fois ci ,terminer le "chemin côtier". Entre temps, je me suis fait baptiser...
Juillet 2016
22 jours
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"Mes yeux ont directement plongé dans les tiens M'entrainant dans l'immensité de ton cœur."

Reprise difficile. Après avoir fait une halte à la boulangerie pour acheter un sandwich, je pars en direction de la citadelle. Les deux premiers kilomètres sont difficiles pour les pieds. Je m'arrête au moment où la pluie tombe et m'abrite sous un arbre face à la Deule. Un groupe d'enfants se regroupe autour d'un animateur grimé qui me rappelle des souvenirs. Le sandwich me redonne des forces après l'averse. Chanter et écouter de la musique me ressuscite. Le chemin devient agréable dès Marquette. Je croise des escargots, des papillons, des arbres à papillons, une jeune randonneuse-cueilleuse de framboises . Le sarcophage gigantesque des Grands Moulins de Paris me donne la chair de poule. Au contraire, le passage à proximité du Vert Pré est magnifique. Ici commence ma Terra Incognita. Les jambes vont mieux , mais les épaules galèrent. Promis, en rentrant, j'enlève 1 kilo de mon sac. J'arrive à Marcq (Bourg), c'est charmant , quoique le passage au delà de Lazaro soit inintéressant. C'est au delà , le long d'une route à travers des champs et des fermes, que ça devient atypique : au loin j'aperçois un golf et dans le ciel les petits avions de l'aérodrome voisin. Mais la chaleur est vive et piquante. J'indique la route à une dame en vélo qui me voit observer un plan . J'arrive éreinté au cimetière, me précipitant sur le robinet d'eau pour y remplir ma gourde. Je me recueille devant la tombe de mes grands parents après y avoir déposé une coquille Saint-Jacques. J'attends ensuite le bus pour Lille , je réponds à quelques mails pros et finis d'écrire dans mon carnet les adresses postales de mes proches. Puis je m'endors vers 2h30.

La Terra Incognita (canal de Roubaix)
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Mes deux réveils m'extirpent du lit vers 8h30 et j'arrive chez Adèle ma petite soeur vers 9h. Bien qu'à moitié endormie, elle réceptionne avec le sourire mon ordinateur portable et un papier sur lequel est inscrit ma date retour. Je repasse chez moi prendre mon sac, dit au revoir à la jeune voisine scout du 1er que je croise et me mets en direction de la gare de Tourcoing pleine à craquer de passagers low-cost comme moi. Dans le wagon, une mère avec deux enfants heureux de prendre le train à grande vitesse pour la première fois ; à côté de moi une jeune fille arabe aux cheveux magnifiques. Arrivée à Massy, ma joie contamine peu à peu l'humeur tendue de ma mère . Ma soeur ainée Marie et mon neveu Tom ,revenus de leurs vacances la veille, nous rejoindront chez elle. Douce soirée d'été : les adultes échangent des souvenirs et les enfants jouent dehors.

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Comme j'ai l'idée de lire dans la cour, maman propose d'y installer une table pour recevoir Tom et Marie. Nous parlons beaucoup de la bipolarité Adèle que je souhaite guérissable. . Puis le soir, ma mère et moi participons à une balade nocturne à Dourdan. J'apprends que tous les cadavres de bousiers sur les chemins sont dus à l'usage de vermifuge pour les chevaux. Nous apprenons à distinguer les empreintes de renard et de blaireau de celles des chiens. Nous écoutons un conte sur les châtaignes et le diable près d'une belle dune dans la forêt. Nous écoutons une chouette hululer. Nous découvrons des vers luisants. C'est un très bon concept que cette balade nocturne , ça me servira peut être sur le camino !

Forêt de Dourdan 
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Nous partirons en pèlerinage de Saint Arnoult à Moutiers pour la Sainte Anne.Je suis enchanté de voir ma mère heureuse avec sa copine. Celle ci a aussi des proches souffrant de bipolarité. Je rencontre Anne Thérèse et Bruno qui prévoient d'aller visiter Saint Jacques de Compostelle après un mariage. Après la messe , nous nous échangeons nos coordonnées et nous nous donnons rendez vous dans 2 semaines dans la ville sainte. Le sermon est nourri d'un original et explicite « Il faut pardonner Daech ». Au retour, nous ne sommes plus que 6 . Je discute alors avec un ancien officier qui me parle de ses recrues les plus coriaces: les Kanaks ! Le soir, j'évite de peu la projection de « Saint Jacques – La Mecque » imposé par ma mère, sauvé par un voisin qui a envie de papoter jusqu'à l'extinction des feux .

L'église Saint Anne de Moutiers 
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Ma mère me dépose chez ma 3ème soeur Lucie vers 12h, nous croisons son copain Olivier qui repart aussitôt. Plus tard , Lucie me raconte qu'il devait déposer le cadavre d'un chat à son travail : il travaille au service hygiène de la ville ! Nous allons jusqu'au marché . Lucie me raconte des anecdotes versaillaises. Nous nous installons en terrasse d'un café pour manger des crêpes bretonnes et un rouleau de printemps , arrosés d'une bière. Puis à 14h, je prend le TER direction Gallieni. C'est très vilain... L'homme au kebab me refuse un thé en terrasse me prenant par un squatteur. Je suis très surpris par son refus. J'insiste. Il finit par accepter. Je prierai pour cet homme. Dans le bus, certains souvenirs vieux de 5 ans ressurgissent : le passage à la Tour Saint Jacques à Paris avec Maman et Adèle, l'attaque des chiens errants lors du premier camino St Jean de Luz- Bilbao avec Julien et notre fou rire quand nous nous sommes rendus compte qu'il s'agissait finalement de caniches! D'autres souvenirs sont encore plus lointains : les vacances à Paris avec Céline mon premier amour et l'hébergement chez Matthieu mon frère et sa copine. Puis j'écoute Mr Ibrahim de Emmanuel Schmitt, c'est très joli .Sur une aire d'autoroute, je m'éloigne pour lire un passage de l'évangile et prier.

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Dormir dans un bus international c'est un peu comme dormir à l’hôpital. Les multiples réveils nous propulsent dans d'autres dimensions de temps mais aussi d'espace. A chaque réveil, j'ai un nouveau voisin. A Bordeaux, j'échange quelques mots avec une dame rousse franco-espagnole. Je reconnais ensuite les villes de Bilbao et de Santander. Arrivé enfin à Oviedo , je réussis à faire tous mes achats (timbres , nourriture, couverts) , puis je trouve une flèche jaune et mon premier coquillage.Au bout de 2 heures de parcours, je me rends compte qu'il ne s'agit pas du bon chemin ! Je voulais faire le chemin primitif, celui authentique du roi Alphonso , et je me retrouve en direction du chemin côtier ! Celui là même commencé 5 ans plus tôt avec Julien. Quel nul … Moi qui voulait être seul et tranquille , je suis servi . Je n'ai pas croisé un seul pèlerin sur ce tronçon. Arrivé dans un bled à 20h, je me prends une chambre minuscule, me douche et fait déjà une lessive. J'écris ces quelques lignes sur le quai d'un chemin de fer abandonné. Je n'ai pas le bon guide, je n'ai plus de pieds, c'est un peu la loose mais je ne m'en fais pas trop. J'ai aimé traverser une forêt d'eucalyptus, croiser une jument en liberté avec ses deux poulains sur le chemin , saluer des vaches, des ânes et admirer quantité de papillons. A la télé, je tente de regarder un épisode de Friends en espagnol...

Première coquille à Oviedo 
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Lever vers 6h30. Le début de parcours le long d'une nationale est aussi désagréable que la fin de celui de la veille, et ce jusqu'à Avilès. Heureusement , une fois devant l'auberge, je trouve un panneau décrivant l'étape suivante et que je m'empresse de prendre en photo. Je double mes deux premiers pèlerins (allemands) handicapés par de grosse cloques. Pour traverser la ville, je suis aidé par un vieux garagiste, une grand-mère, une dame du haut du 7ème étage de son immeuble, et je prends enfin mon petit déjeuner en dehors de la ville à 9h sur un petit banc en face d'un bar fermé. Puis la journée va aller en s'améliorant. Je croise une autrichienne partie de San Sebastian photographiant des chatons. Je la recroiserai sous le porche dune église d'un petit village et aurait avec elle mon premier échange en anglais. A cet endroit, je trouve des lunettes. Puis, je vis le parcours parfait. Je croise des veaux, des hirondelles, des buses. Dans une belle ville médiévale et touristique, je croise le regard d'une belle jeune blonde , attablée avec 3 autres pèlerins qui me font dos. Un regard pleins de promesses. Tout est génial . Je reçois un appel de Lucie à 20 mètres de Muros del … m'annonçant l'assassinat d'un vieux prêtre en Normandie par des jeunes français "djihadistes". Je lui promets de prier pour lui . Un peu troublé et aidé par la fermeture de midi et la pluie, je mange rapidement sur un banc, bois un thé dans un café, et reprends ma route, évitant de regarder les informations à la télévision diffusant des images de Guantanamo sous les regards inquiets, intrigués ou énervés de la poignée de clients locaux.


La suite du chemin est magnifique, mes jambes volent, je prie, tout est beau malgré la pluie. C'est sur une partie légèrement boisée et montagneuse que j'entends chanter derrière moi. Je fais la connaissance de Mary, une danoise partie d'Irun. On marche ensemble 2-3 km , puis elle me lâche dans une monté après une litanie de reproches sur des français malpolis croisés au Bom Festival.Ce devait être des parisiens... Elle admet n'aimer que la gastronomie et la littérature française ( Rancier ?). Elle se marre quand je lui explique mon changement involontaire d'itinéraire, mais me donne rendez-vous à l'auberge pour me montrer des cartes. L'arrivée est belle, un italien zen me dépasse tout en ramassant des papiers. Je dépasse 4 jeunes espagnols, puis rejoint Marie (oui, j'ai couru pour redescendre) et je la convainc de marcher encore quelques mètres jusqu'à l'auberge bien qu'on nous dise qu'elle soit complète. Nous arrivons au moment d'un grand briefing général sur la journée de demain auquel je ne comprends pas grand chose . J'observe plutôt les visages perplexes de la quarantaine de pèlerins écoutant l'hôspitalier espagnol et son traducteur anglophone improvisé. Néanmoins, on nous offre les derniers lits bels et bien disponibles .


Marie me remerciera de l'avoir empeché de prendre une chambre d’hôtel lorsque nous serons au restaurant (dans lequel bosse l'hospitalier!) au terme d'un repas pèlerin . Nous mangeons avec « Yalle » , un hollandais d'Amsterdam qu'elle a rencontré sur le chemin. Il travaille dans le business anthopologique et est parti de Périgueux. Il a le mérite de parler un peu le français. Tous les deux me parlent d'emblée de l'assassinat de Normandie. Nous mangeons comme des rois pour 10euros en ayant usé la patience de la serveuse. Soupe petit pois saucisse en entrée, frites poulet panés, pêche... En allant payer mon lit au bar principal et en signant le registre, j'éprouve un profond sentiment de bonheur. Puis, au gite, des français « roots » jouent de la guitare... Les lunettes ne sont à personne, je les laisse avec un mot. A la nuit tombée, je vois Mary parler avec tout le monde et prodiguer des massages. Quel phénomène ! Elle viendra même me gratifier d'un bisou pour me souhaiter bonne nuit. Demain , je dois prendre des photos des itinéraires sur son portable. Je reçois des messages de Pauline et Marianne, deux amours passés bien différents. Quel plaisir de dormir dans ma première auberge !

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Aujourd'hui j'ai connu les montagnes russes émotionnelles sur les monts de la cordillère cantabrique. Et oui, mon lexique géographique s'étoffe, mais ce n'était pas gagné. Je me réveille en sursaut les yeux bandés, les oreilles bouchées par les boules quies avant que le réveil ne sonne. Beaucoup sont déjà partis, d'autres sont en mouvement. Dix secondes après , Mary vient me dire qu'elle m'attend dehors ! Bien sûr, je mets 10 minutes à descendre du lit et à faire mon sac, en me concentrant pour ne rien oublier, malgré le rappel de Marie. Finalement , elle me montre un grossier Google Map sur son portable puis disparait. Je photographie le portable d'un pèlerin (italien?), on n'y voit rien sauf le nom d'une destination Cadavedo, à une vingtaine de kilomètres. Sinon, la veille, les espagnols m'ont proposé Luerca à une trentaine de kilomètres. Muni de ces deux noms de villes, je pars vers 7h30. Le parcours est tout simplement incroyable. Je serai seul toute la journée ! Je choisis les montagnes (je pense que tous ont choisi celui de la côte). Je n'ai pas cessé de prier. Le début était difficile,sans thé, mais au bout d'une heure, j'étais heureux. Vers 11h je crois, je fais un choix non pertinent : le chemin indique un ermitage, je ne le verrai jamais, mais cela me permet d'utiliser la demi-heure perdue en écoutant le journal d'Alexandre Jolien. Cette écoute m'apaise et m'apprends à vivire sans la dictature du mental. La vue de la mer est incroyable. !La nouvelle traversée de la forêt débouche sur les monts. Et là, j'arrive face à un pré . La borne est clair , je dois pousser la barrière , d'autres indices laissés par les pèlerins me rassurent, puis des bornes. Je traverse les nuages. Je n'y vois rien à deux mètres dans cet épais nuage. Alors que je chante le chant de colo « mon beau technicien », je m'arrête net ! Je tombe nez à nez avec une énorme bête à corne qui semble aussi étonné que moi de notre rencontre sur le chemin ! El diablo ! M'assurant qu'il ne s'agit pas d'un taureau, jJe la contourne et ri de cette improbable rencontre au milieu de nulle part. Mais un quart d'heure plus tard, je crois comprendre que la flèche me dit de descendre le flanc de la colline... grossière erreur ! Je mettrai deux longues heures à descendre des pentes abruptes comme une vache , avec comme seule joie de ne plus être dans le brouillard et d'avoir un splendide paysage autour de moi. Puis, j'atteins un chemin plat, mais il me faudra escalader 3 barbelés qui me rappellent sans arrêt que je n'ai rien à faire là. De loin, j'essaie de trouver une sortie...Puis le chemin devient infranchissable, remplis de hautes fougères et surtout de ronces... Je longe un ravin sur 300 mètres pendant une heure pour rejoindre une autre colline. Puis, proche de la sortie, je dois me servir d'un bâton comme d'une machette sur 50 mètres horribles et enfin escalader péniblement un muret d'un mètre : ouf ! Quand je relève la tête, un cheval m'observe la tête sur le côté, puis s'en va chercher son amie . Je vais mettre ensuite une heure pour descendre une nationale en me servant de la mer comme repère. Je suis dans un état déplorable mais les jambes sont ok. Je trouve enfin après une marche interminable une première maison habitée et une habitante qui m'oriente. Les « buen camino » des habitants que je croise et qui m'encourage réapparaissent. Je m'arrête affamé près d'une chapelle à voeux. Puis rapidement une flèche jaune, puis une autre, encore une autre ! Ouf... Les derniers kilomètres sont enfin sur le « bon chemin ». Une montée au bout de laquelle je croise deux ados filles parfumées , puis un village qui propose épicerie et auberges. Mon premier souhait est exaucé. J'achète des vivres. Hélas, j'apprends que tous les gites sont complets. J'insiste auprès d'un gîte privé, la dame finalement me prête... une tente ! Je partage ma joie avec un jeune couple hollandais jouant tranquillement au dame dans le jardin. L'emplacement choisi est rêvé , dans un recoin du jardin de l'auberge. Une dame me repère , j'essaie de lui expliquer ma joie en anglais... mais il s'agit finalement d' une française de Saint Etienne, appelée Virginie. Dix minutes après, je photographie son guide et comprends que demain, l'étape sera problématique car le seul gite à une distance convenable est fermé. Voilà donc ce qu'expliquait l'hospitalier la veille. Voilà pourquoi tant de regards perplexes quant à la stratégie à adopter... Mais là, sous ma tente ... je savoure mon bonheur d'avoir malgré tout franchi cette étape!!! PS : j'ai des griffes pleins les jambes, je me souviendrai longtemps de ces ronces. Je mange un délicieux sandwich jambon au pied de ma tente. Voilà le bonheur.


Je viens de parler une heure avec Virginie de St Etienne . Elle me raconte qu'il y a quelques jours, elle s'est égarée seul dans la forêt. Elle a finalement trouvé une église au milieu de nulle part au moment de la messe. A la fin, tous les fidèles l'ont aidé à retrouver son chemin. C'était sa meilleure étape et son expérience la plus forte.

"El diablo"


Hors des sentiers battus et magnifique vue
Camping VIP
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Réveillé par la grâce de Dieu à 4h30 (?) et aussi par le froid. Le temps de me décider à mettre un pantalon au cas où, je suis totalement réveillé. La décision est prise, je pars . Le temps de mettre mes lentilles, plier la tente,etc, il est 6h quand je pars.Et pourtant j'étais à fond ! La balade nocturne à Dourdan a été mis à profit.Grâce aux indications, je trouve mon chemin et une chouette sur un but ! L'aube est sympa (dans la forêt), je fais une halte petit déjeuner à la chapelle Ste Anne, et j’enchaîne. Le rythme est très soutenu jusqu'à ce que je dépasse la très jolie ville de Llorca vers 10h. L'italien zen me dépasse juste avant la pause ! Je m'occupe de mes pieds, fais un rapide pipi et j’enchaîne.


A base de prière et de chants de Taizé, j'atteinds Pinera pour une deuxième pause express derrière une église. Pain sec et raisins, il n'est que 13h30, pas question de manger ! Avant ça, je commence à doubler des pèlerins en pause , mais dans l'ensemble, je fais encore une étape tout seul. Je fonce vers Varia que je pulvérise au rythme de Robert Korziewzki. Mais cette accélération, couplée avec le fait que le soleil revient (je double de nouveau l'italien zen) et la longue route découverte , rendent cette partie difficile. Je vise la pause de 17h, mais les minutes n'avancent plus. A 16h45, une pèlerine en civil m'informe d'une auberge libre. Demi-tour, joie ! Il est tôt ! Je découvrirai que je n'étais qu'à 5 km de la cible. Belle étape de plus de 40 km. J'ai le temps de me doucher, de faire une lessive , de goûter, de lire l'évangile, de faire une micro-sieste de 30 minutes, de faire apposer le tampon à 19h30 et de descendre au village faire des courses et un petit tour, de revenir déguster le fruit de ma chasse ( salade Dia délicieuse). Je me sens très à l'aise de « me mettre à nu » comme le préconise Alexandre Jolien dans mon lecteur mp3. Dehors, un couple de flamand qui se sont rencontrés sur le chemin et qui le refont en vélo ...avec leur enfant aujourd'hui agé de 8 ans. Roulant au rythme de l'enfant, je les croiserai souvent ce qui est exceptionnel pour des cyclistes! Une retraitée équatorienne dont je parlerai plus tard. Des italiens, des espagnols. Bref, je suis heureux d'être parmi eux, quoique légèrement en retrait. Avant 22h, je rentre dans ce minuscule gite rempli, je me mets en position de dodo en haut d' un lit superposé, nez à nez avec une jeune et mystérieuse pèlerine, prudemment emmitouflée dans son sac de couchage ! Aujourd'hui , le parcours n'était pas très joli, mais cette scène inhabituelle de promiscuité cocasse m'a fait ma journée.

Llorca
Mafalda forever
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Ce fut l'étape la plus douloureuse du camino ! Et l'arrivée a été à la hauteur de l'épreuve : majestueuse ! Levé involontairement tôt à 5h30 par une autre voisine de lit pas du tout discrète pour un départ aux aurores (6h30). Belle surprise au bout de 600 mètres : 2 hérons ! Beaucoup de vaches normandes depuis deux jours aussi, et hier des buses en nombres. L'intention était de faire une étape courte aujourd'hui... A 9h30, pause à Lluerca, où je voulais arriver la veille ( ça aurait été impossible). Ce matin, les prières habituelles m'aident .Lluerca, belle plage en crique avec deux surfeurs au loin, mais la température est de maximum 20°... Température compliquée pour une baignade cette année mais idéale que pour la marche. Deux jeunes filles espagnoles et blondes se laissent dépasser. Il faut dire que je les ai en ligne de mire depuis une heure. Mais je n'avance guère. Je reprends la marche, avec l'idée que l'étape ne fait que commencer. J'éprouve un grand soulagement lorsque je m'arrête pour me masser le genou gauche très douloureux. Cela me fait un bien fou ! La route est horrible, malgré de beaux champs de maïs. Les chants de Taizé m'aident à avancer. Le pont vers Ribadeo est grand, je retrouve les deux filles qui me saluent de la main de l'autre côté de l'autoroute à longer. Dessus , je lutte entre la contemplation de la belle vue ( c'est la dernière fois que je verrai la mer avant Fisterra) et la douleur. Je chante spontanément le chant évangélique « Je suis dans la joie, une joie immense... » Cela me permet de dépasser la très vilaine Ribadeo. Il n'est que 12h30, je ne comprends rien au fait que j'ai réalisé un parcours estimé de cinq heures en trois seulement , mais bon...


Je suis en Galicie , les coquilles sont inversées. La sortie de ville est inespérée. Je m'arrête un kilomètre après sous une église, exploit salué par un grand blond et ses deux accompagnatrices. Je remarque qu'il y a énormément de filles cette année seule ou en groupe. Beaucoup plus qu'il y a 5 ans. Je m'occupe de mes pieds cette fois. Ma chaussette est trouée, ce qui explique la douleur qui me déchire le pied. Je change de chaussette , lit mon évangile de poche , parle à un chat... Chaque arrêt est un dépouillement magique. Les miracles de Jésus ne sont-ils pas finalement de simples mots et de simples gestes emprunts d'un amour si humble qu'il en devient infini ?


Je longe une nationale déserte dans un beau décor. Je m'arrête encore vers 15h30 après avoir marché à 2 à l'heure. Cette fois ci, je remarque que mes épaules sont bien bloquées et les étirent autant que possible. Cela fait de nouveau un bien fou de prendre soin de soi. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?


Je chante et marche enfin gaiement : « Dou bidou bidou dam dam , dam didam di dam doum » ( composition personnelle et hallucinée) . Je vole et j'arrive en haut d'une côte . Et là je tombe devant un panneau "Albergue" qui n'était pas prévue! Et il n'est que 16h !!!La retraitée équatorienne me souhaite la bienvenue. Une poignée de pèlerins se détendent dans une ambiance hors temps. Un espagnol marche pied nu en lisant Aldous Huxley . Une belle fille m'envoie un beau sourire prometteur. Je m'installe silencieusement dans le dortoir en sieste , et, fou de joie, je chante et danse dans la douche … toujours silencieusement. La qualité des auberges s'améliore à ma plus grande joie. Nous sommes à Villela. Je m'allonge tout excité, écoute les chants de Taizé et plonge dans une sieste de 1h30 cette fois ci ! Puis je fais un tour des environs. L'endroit est génial à l'orée de la forêt, la vue est belle, il y a un bar-restaurant , trois maisons, pleins de filles, le rêve !


Je viens de manger en tête à tête avec la pèlerine retraitée italo-équatorienne, c'était bien ! Ancienne institutrice en Equateur et baby-sitter en Italie, elle m'a fait découvrir le maitre bouddhiste Thich Nhat Hanh vivnt en France. Çà m'épate toujours de parler une heure de spiritualité malgré la barrière des langues. Au menu d'un économique repas pèlerin : poisson en entrée, joue de porc rôtie avec frites, gâteau glacée divin !


Vivement demain !

Lluerca
Pont de Ribadeo Goodbye la mer 
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Lever encore une fois très tôt. Certains se sont réveillés à deux heures du matin (?) . Mon portable sonne à 5h30, mais je suis un des premiers à partir car il fait encore bien sombre et … il pleut. Il n'arrêtera pas de pleuvoir de la journée. Dans la forêt , j'entends un animal fuir à mon approche. Au bout de trois quart d'heures, je me fais rattraper par une lumière : c'est Véronica , la fille au beau sourire. Elle vient de République Tchèque. On ne se quittera pas de la journée. Dans un village le lecteur d'Aldous Huxley , apparemment bien plus matinale que nous, nous invite à faire halte dans un petit café proposant pleins de petites choses à déguster.Il s'appelle Juan , c'est un architecte espagnole vivant à Hong Kong. Il repart en éclaireur. Avec Veronica, nous marchons ensemble jusqu'à Loreza. Nous y arrivons à 11 heures , ça devait être ma ville d'arrivée, mais j'avais oublié qu'on marche mieux et plus vite avec quelqu'un à ses côtés. Je me motive à pousser jusque Midenerado avec Veronica et de nouveau Juan . Ils ont réservé une chambre dans une maison ouverte d'un artiste peintre (O Bisonte) . Nous y rencontrons vers 16 heures un italien à lunettes, deux allemandes Carla ( très zen) et Steffy ( préoccupée par internet semble t il, qui ne semble pas me calculer). J'ai fait une grosse sieste dans une sorte de grenier que nous partageons. Le soir, une belge, Rachel, arrive les cheveux aussi trempé que la future ex femme anglaise de Ross dans la saison 4 de Friends. L'arrivée de cette francophone à l'accent liégeois me perturbe, mais je persiste à parler mon mauvais anglais malgré ses tentatives d'aparté en français. Le thème du repas végétarien est l'Italie. Au mur, sont accrochés des titres de chefs d’œuvres de la littérature et du cinéma. A la fin du repas, nous chantons du Simon et Garfunkel avec Steffy l'allemande à la guitare. Ca sonne faux mais ça nous fait bien rire... Les paysages étaient très bien, mais la pluie m'a empêché de voir les animaux... C'est différent de marcher avec quelqu'un pendant 33 kilomètres... sans se rendre compte du temps qui passe.

O bisonte de Maariz.  
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Lever à 7h15 ce matin, Carmena, la propriétaire, avait fait le petit déjeuner, le thé nous attends, les quatre filles et moi. Carmena sonne la cloche pour le départ. J'ai aimé cette femme qui m'a fait penser à Yolande Moreau et qui riait à mes blagues nulles ! La veille, je lui ai rappelé un bon souvenir où un algérien l'a hébergé et accueilli près de Lille alors qu'elle avait perdu ses papiers et était perdue. Je suis content d'entendre confirmé la bonne réputation des nordistes aussi divers soient ils. Jusqu'à Abadin, je marche avec Veronica de République Tchèque et Rachel de Liège. Finalement, je suis plus bavard avec cette dernière. Je parle de Franco et de la guerre d'Algérie avec une fille basque vivant à Amiens, titulaire du capes d'espagnol. Après Abadin, vers 11h30-12h, je rencontre le jeune espagnol qui m'avait abordé pour me proposer de cheminer en groupe à Soto de Luta et qui me donne des nouvelles peu reluisantes de Marie la danoise, qui aurait un peu trop fait la fête entre temps. Je retrouve également Yale et l'italien bouddhiste, mais nous reprenons la route. Puis , je joue avec les allemandes Stephi et Carla au jeu du fuck. Ca consiste à faire deviner aux autres un verbe en répondant par oui ou par non. Les autres remplacent donc le verbe à deviner par le verbe "fuck"... C'est super marrant ! Surtout si on passe près de nous sans savoir que l'on joue à un jeu... Quiproquo garantie... Steffy est fan de Camille, des films de Woody Allen et de la vie d'Adèle (que je n'ai même pas encore vu...). Parfois, je m'étonne même de parler et comprendre aussi bien l'anglais, les caractères et les personnalités des uns et des autres. C'est vraiment inédit ! J'ai peu prié, mais parlé religion avec toutes (sauf Veronica). Toutes sont profs, sauf Carla qui va devenir sage-femme. La route se passe très vite encore. Et nous arrivons dans une auberge moderne et fonctionnelle . J'attends le retour de Veronica et Rachel. Je lui propose de faire les courses en ville à près de 4 km. Je reviens avec une caisse de pomme ! Ah oui, en ville, je tombe sur Virginie la stephanoise , l'italien chauve fan de « bienvenu chez les Ch'tis » rencontré chez Carmena et un belge de Tournai. Je bois une bière avec eux, avant de me rappeler ma « mission » et repars vers l'auberge. Au bout de 800 mètres, je me rends compte que je suis parti dans le mauvais sens ! Aie , aie , aie … De retour à l'auberge, je me rends compte qu'un groupe dont je fais parti d'est formé : Juan qui en sera le leader a réservé pour 10 personnes pour demain à … (mince j'ai oublié le nom de la ville! ) .

Carla de Hambourg devant une table remplie de délices pour les pélerins
Discussion : " Les cimetières en Europe" 
L'Ecclésiaste version Street Art
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Superbe journée ! Pourtant dès le réveil, peu d'envie d'y aller . Je fais en sorte d'être volontairement seul au départ. Pourtant, la veille, Juan a réservé pour 10 personnes, mais cela m'incite davantage à prendre mon temps, à préserver mes pieds et surtout mon genou toujours douloureux . Les allemandes semblent m'attendre avec Rachel, mais nous rejoignons un groupe de personnes , parmi lesquelles Jean, un français du sud-ouest qui avait proposé le portage la veille ( des voitures peuvent prendre des sacs moyennant une somme d'argent). Une femme semble heureuse de mon rythme : il s'agit de Fabricia, une française parlant très bien français. Je passerai la matinée à lui parler, surtout … de religion! Elle m'apprend que le passage de la messe d'hier est le même que celui que j'ai lu à l'auberge dans mon lit, sans le savoir! Elle habite Rome, elle est costumière pour le cinéma et le théâtre, a eu une vie de fête, de débauche et de luxure, puis s'est convertie,elle fait aujourd'hui parti d'une association « Nouveaux horizons », elle est célibataire a 43 ans, refait un camino 10 ans après le camino francès. Elle m'a parlé de témoignages profonds : celui d'un pèlerin qui comme beaucoup ne faisait pas le camino pour des raisons religieuses, mais qui a Santiago a éprouvé un sentiment incroyables au point d'assister plusieurs fois à la messe et de pleurer à chaque fois ! . Elle m'a parlé de sa sœur qui est retrouvé est tombée enceinte alors qu'elle pensait qu'elle ne pouvait plus avoir d'enfants. On parle de Jésus . Nous avouons tous deux en être amoureux !Nous nous perdons un peu en discutant, mais nous ne sommes pas effrayés par des chiens plutôt agressifs. Elle l'est beaucoup plus au sujet de l'islam. Mais j'ai l'impression de beaucoup l'intéresser quand je lui parle de la technique bénédictine qui consiste à reporter ses désirs (de gourmandise en occurrence), au moment où elle aborde son problème de poids. Nous parlons aussi beaucoup d'amours déçus. Elle connait le pèlerin russe, cite des passages de l'évangile que je connais aussi, me parle du psaume 136. Nous sommes rejoins par des hollandais, parlant français grâce à leurs vacances annuelles dans l'hexagone, et qui font le camino pour fêter leur 25 ans de mariage. La femme est prof des écoles dans une classe de surdouée. Arrivé à Baamonde, je retrouve mon groupe éparpillé, mais je continue seul vers l'église sous un châtaignier de 700 ans dans lequel a été sculpté St Jacques, un pèlerin et la plus petite chapelle du monde de la Vierge de Rosaire. J'appelle autant de pèlerins possibles pour venir l'admirer, car beaucoup passent devant sans remarquer cette étonnante attraction. Puis, je mange et j'essaie de dormir dessous. Là , je rencontre Houda de Casablanca. Bizarrement je ne fais que parler français depuis ce matin, une première ! Ensuite, je me retrouve seul entre une voie de chemin de fer et d'une superbe route déserte , à l'américaine , puis sous un bois , paysages de bucherons et de près , parsemé de vieilles fermes. Je m'arrête de nouveau dans un pré pour lire l'évangile. Le bonheur est dans le pré... Le moment est inouïe . Mais les vers de La Fontaine reviennent en mémoire. Je me remets en route. Je prie à l'aide des chants de Taizé. Je visite l'atelier d'un artiste sculpteur qui fait des tampons à la cire , Chacon, et écoute du métal ! Un kilomètre après, j'arrive à l'auberge et retrouve le groupe ainsi que Virginie de Saint Etienne qui a rencontré Govan de Tournai. Nous sommes déjà comme de vieux amis qui se retrouvent , l'ambiance est très bonne enfant, digne d'une colonie de vacances. Il est 19h , je me douche, je prends les facebook de tout le monde, nous partageons des pâtes et du vin avec Rachel, Carla et Steffi. Avec Rachel, nous sommes tout fou de trouver de la bière belge au bar , et nous prenons un plaisir fou à la savourer, avec une once de mal du pays! … Superbe ambiance !!! Superbe journée !!!!

Le pèlerin de l'arbre de Baamonde 
Véronika 
Mon arbre
American road
Retour à l'ombre  
Le bonheur est dans le pré
L'artiste Chacon
Mireia de Barcelone , Juan de Hong Kong et un autre pélerin espagnol
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J'ai rêvé de Grand-Maman. Elle est toujours vivante dans mon coeur. Réveillé de meilleure humeur que la veille. Je réussis un départ solo (comme tout le monde). Je suis rejoins par Veronica. On parle souvent ensemble. Peut être que c'est parce qu'elle est prof d'anglais, elle est plus patiente. Je suis à deux doigts de lui demander si elle a un copain, mais je me retiens.


Le paysage est magique, la brume, le sable, les dunes, les animaux. Nous nous revoyons tous à un café sympa (je goute pour la première fois la tarte du pèlerin, un gâteau aux amandes que l'on trouve qu'en Galicie). Cette fois ci , je repars avec Steffy et Rachel. Nous nous amusons bien, nous osons un raccourci, nous chantons des comptines allemandes et françaises. Mais nous marchons sur de la route. Nouvel arrêt à une terrasse. Veronika arrive, mais elle est dégoûtée de nous y voir devant elle, la pauvre !Je prends une glace et un coca ( la fille de la patronne est trop mignonne...)et je repars seul. Je prie encore, je chante. A un kilomètre de l'arrivée, près d'un étang, j'y retrouve Steffy squattant. Puis, on est rejoint par Rachel et Veronika. Nous chantons en français. Rachel me demande si parfois je prie... Tout le temps ! Arrivé à Sobredo, toute la vague de pèlerins attends sur une grande place face au monastère! J'enlace Fabricia la fantasque italienne fervente catholique convertie qui a abandonné la marche à force de marcher avec ses talons... Il y a aussi deux jeunes françaises blondes du Vaucluse, des nouvelles ! Pleins d'italiens, d'espagnols... Virginie la stéphannoise et Govan de Tournai sont aussi là. Longue attente pour tamponner le passeport pèlerin car le moine , qui parle toutes les langues , prends le temps de discuter avec chacun, tour à tour. Une fois enfin entré dans le monastère, je suis amusé de voir des moines discutés avec des filles en tenues ultra légère... Une fois installé dans notre cellule (mixte !), j'ose aller à la piscine municipale avec les filles. L'endroit est bondé mais nous nous y amusons bien, et surtout cela fait un bien fou aux jambes. Puis, je vais aux vêpres à 19h15, je partage avec plaisir le repas de 20h préparé par Fabricia pour tout le monde. Au menu : pasta bien sur ! Il doit bien y avoir 40 personnes autour de la longue tablée, applaudissant la cuisinière en chef! Je suis le seul de mon groupe à y participer, alors je mange en face de Houda la marocaine. Pendant que nous parlons, le vin coule à flot et pour tout le monde. Elle me raconte que le moine de l'accueil a été surpris de voir une musulmane sur le chemin. Elle me parle de son expérience au Brésil dans une communauté Cours en miracles, une sorte de mouvement New Age popularisé par Oprah Winfrey...Après le repas, quelques uns d'entre nous nous dirigeons à la prière de 21h15 , avec à notre tête l'héroïne du jour et fervente Fabricia. De retour dans la cellule, je souhaite bonne nuit à Mireia, la barcelonaise , comme à une petite sœur . La fraternité que je vis est juste incroyable !!!

Veronika


Rachel from Liegé 
Le monastère de Sobrado
Que la paix soit avec vous ! 
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Humeur de chien ce matin...Mes désirs m'ont tout de même tiraillé cette nuit...A 7h30, je parviens à m'extirper du monastère, quasiment en dernier.. A 7h32, je m'arrête au café prendre un thé. Fabricia me demande où je m'arrête. Comme d'habitude, je n'en ai aucune idée... A 8h , je rencontre un vieil allemand barbu, titubant. Je me souviens pourtant l'avoir vu se servir qu'un tout petit verre de vin la veille lors du festin. Il m'annonce son objectif : arriver à « Salsero » qui semble être la ville la plus éloignée ! Il n'y arrivera jamais à cette allure. J'ai une mentalité de battant ce matin, j'ai les nerfs, je n'ai plus envie de me soucier de ce fichu genou. Mais je sens pour ma part que j'ai trop bu de vin de la veille...Au bout d'une heure ou deux à m'énerver tout seul, je remets mes écouteurs aux oreilles. Je marcherai aux côtés de Soeur Emmanuelle pendant plus d'une heure, snobant même les filles de mon groupe arrêtées à une terrasse de café (un petit coucou quand même ! ) Cette écoute à comme effet de me ralentir nettement ! Tout le camino me dépasse (sauf le vieil allemand !). Je fais une pause pour écrire quelques notes sur les paroles de Soeur Emmanuelle. Vers 10h30 , Rachel et Mireia qui m'ont rattrappées m'invitent à marcher avec elles. Mais au bout d'un kilomètre, je décroche. Ravi de prendre mon temps. Je ne sais pas pourquoi , mais vers 11h30, je me mets à très bien marcher. Ça y est mon corps se réveille enfin ! Je prends en photo à leur demande des espagnols rencontrés la veille (dont un colombien) . Une heure après , l'un deux me rejoint, on marche ensemble jusqu'à la ville intermédiaire. Jusqu'ici, je m'étais arrêté trois fois pour boire et manger des bêtises. Mais, ravi de cette nouvelle énergie, je n'ai aucune envie de m'arrêter , hormis pour tamponner mon credential et acheter des pommes , du pain et … de l'eau car j'ai oublié ma gourde au monastère. Avant ça, je croise la tête du groupe, Juan, Veronika et Sabrina (une bavaroise nouvelle dans le groupe apparemment) qui repartent. Puis je croise les 2 belles françaises blondes du Vaucluse qui restent sur place. J'hésite.


Mais on sent dans l'air que Santiago est proche et plus fort que tout! Chaud patate, je repars, mais je reçois un message de Julien (mon ex- coloc et binôme français avec qui j'ai fait St Jean de Luz - Santander il y a 5 ans et Santander Oviedo l'année dernière). Il m'informe qu'aujourd'hui c'est l'anniversaire de Goth, un ami commun. Je crois qu'ils me manquent car d'un coup , j'ai envie de m'arrêter, de leur répondre. De nouvelles personnes passent devant moi, ceux du camino primitivo et du camino frances. Mais pas tant que ça. Peut être car il est déjà tard. Je repars deux minutes après et je rattrape un homme avec une démarche intrigante, semi boiteuse. En pleine montée, je le dépasse difficilement, puis il me dit quelque chose en espagnol que je ne saisis pas trop. Mon cerveau était en mode langue morte !


Je décide donc de ralentir et d'écouter mon coeur. Et bien, j'aurai avec cet homme de cinquante ans, simple employé municipal d'une commune espagnole, ma meilleure conversation du camino. Nous parlons du "Petit Prince" de Saint Exupéry qu'il vient de lire et dont il aimerait comprendre le sens caché. Nous parlons du sens de la vie dans un anglais aussi mauvais l'un que l'autre, mais nous y arrivons car nous devinons par avance ce que l'autre va dire. Je marcherai ainsi avec Javier pendant deux heures jusque Salsero sans même m'arrêter pour boire ! Je n'ai aucune idée de l'auberge où le groupe s'est donné rendez vous , je ne sais même pas s'ils ont réservé pour moi , je ne sais pas s'il restera une chambre pour moi quelque part dans cette ville si proche de Santiago à une heure aussi tardive.


Mais tant pis, j'accompagne au culot Javier dans une auberge pleine. Première surprise : je retrouve mon vieil allemand barbu et titubant du matin qui est déjà là! Impossible , quel est son secret ??? Puis, prêt à continuer mon chemin à la recherche d'un gite non complet, le patron me propose quand même un lit libre à la dernière minute dans la même chambre que Javier . Il nous montre une chambre. A l'intérieur surprise : Juan, Veronika et Sabrina sont tranquillement en train de faire leur sieste! Sans le savoir, parmi les dix hôtels de cette ville, et parmi toutes les chambres existantes , je suis tombé sur celle qu'avait à la fois réservé mon nouvel ami Javier et celle qu'avait réservé la veille notre groupe! C'est toujours comme ça le camino ! Entre euphorie et grande fatigue, le sportif que je suis franchit la ligne d'arrivée complètement grisé à chaque fois. Je revois Yale le néerlandais francophone rencontré au début de mon périple, en train de draguer une belle grande nana. Je l'interrompt et l'embrasse chaleureusement. Juan, qui a déjà terminé sa sieste, le connait aussi ! Tous les trois, nous savourons une pomme et un instant privilégié rien qu'entre mecs! Puis les filles (Rachel, Steffi et Karla) arrivent... Fatiguées elles aussi , mais c'est encore une grande joie de se retrouver. Après les douches, nous partageons une machine à laver . Nous réservons tous le même hostel à Santiago, le Roots & Boots, le plus cool de la ville parait il ! Tout se déroule comme dans un rêve où chacun fait sa part. Juan, le vieil allemand au don d'ubiquité et les filles (Rachel, Karla et Mireia) se font masser. A côté , je me mets à masser (gratuitement) le pied et le mollet de Steffy puis nous inversons les rôles, sous le regard un peu étonné des camarades. Ma désagréable impression du matin s'envole et je suis heureux de faire l'expérience qu'il est bon de donner un sens à ses désirs. Goth réponds superbement au sms. Maman envoie « le message du mercredi ». Après le repas, je fais mes adieux à Javier qui se couche déjà car demain il veut atteindre Santiago. J'hésite à l'accompagner , mais je décide de rester avec le groupe et de faire Santiago en deux jours. Puis, nous allons dans le bar voisin fêter les 50 ans de José, secret brillamment percé par les filles du groupe.

Allez , courage !
Javier et les tentations


Compleanos feliz Jose
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Je ne vais pas mentir, cette journée a été plutôt fade, mais parsemée de petits moments magiques:la traversée de la forêt magique d'eucalyptus, les statues des deux pèlerins face à Santiago .Je pense à Tchich en les voyant tous les deux … Demain sera le 12eme jour et nous sommes à 5 km de Santiago.


Après une sieste bien méritée, Veronica et Steffy nous ont préparé un repas de pâtes végétariennes. Je mets de la musique et on fera la vaisselle avec Juan !


Ici , c'est énorme , il doit y avoir plus de 1200 places !


Sur le chemin, pas tant de monde que ça.


Nos craintes se sont dispersées.


Je suis fort fatigué encore, mes interventions en anglais se font rares.


Ma tête ne ressemble à rien...


Ma barbe m'irrite...


Il n'y a pas de français ici...


Les belles filles sont trop jeunes.


De toute façon , ma libido est HS.


Pourquoi ai-je fait le camino ?


Car je suis catholique.


Et la vie m'a permis de le commencer seul...


Et de le terminer avec 10 amis.

Je l'envole
La team 😀
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Hier, nous avons parcouru les 5 derniers kilomètres à l'aube. Chacun à son rythme... La ville se réveille. Sur la place de la cathédrale vide, je cours vers mes amis faire un shake ! Ca y est , nous avons réussi. Nous allons chercher ensuite notre compostella. Nous prenons un super petit déjeuner , je suis fier de mon thé ! Vers 11h nous arrivons à l'hostel. Je mets belle chemise pour la messe de 12h. Le parvis de la cathédrale est désormais pleine de pèlerins et de touristes. A l'intérieur la cathédrale est pleine à craquer. A la fin de la messe , lors de l'envoi , profondément ému par le son tonitruant de l'orgue qui accompagne le gigantesque balancement de l'encensoir de part et d'autre du transept, je suis touché par la grâce.

Des larmes coulent sur mon visage.

Après ces émotions, nous allons au marché aux poissons manger du poulpe face à la fac d'histoire géo.Nous buvons un verre avec Mary , la danoise, qui a terminé son périple blessée et en taxi. Nous achetons des cartes postales avec Rachel et nous en écrivons sur une terrasse. Nous prenons un verre à l'hostel avec Mary et nous allons dans un restaurant super sympa conseillé par Véronika. Elle connait bien la ville puisqu'elle y a travaillé un an à l'Office du Tourisme. Les fous rires et la bonne humeur sont au rendez vous. Nous finirons la soirée sur le dance floor , mais , fatigué, je rentre tôt vers 2h, car la musique n'est pas terrible et car Veronika est aussi rentrée se coucher.

Vers Santiago
Santiago ! 
Le meilleur resto de la ville est là ! 
Steffy et Rachel 
Pilgrim shadow
Yale, Carla, Steffy, Rachel, Annabella, Sabrina, Veronika, Mireia, Jose, Mary
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Hier, je me lève parmi les premiers en toute logique. Voir Juan dormir encore paraît irréel tant il avait l'habitude d'être toujours le premier à se lever durant ce camino!


Seule Veronika a les yeux ouverts. Cette fille me perturbe , me rappelle Cécile mon dernier amour... Après hésitation, je lui confirme mon choix : je ne continue pas , je reste à Santiago et je rejoindrai plus tard Rachel et Mireia en car à Fisterra dimanche soir. Elle se fâche un peu, j'ai mal compris la question,elle voulait savoir ce qu'on avait fait hier...


Avec José dans le jardin qui nous parle de voie lactée ( le "Champ d'Etoile" , Compostella), on les attend. Puis peu à peu, le groupe se réveille (je chante "Good Morning" de singin in the rain pour les y aider). Une jeune allemande Annabella, a débarqué hier du camino francès. Elle connait surtout Steffy et pète la forme contrairement à tout le monde. Elle est trop bien foutue c'est incroyable, mais je crois qu'elle n'a pas plus de 20 ans... Tout le monde se marre car Sabrina ( l'allemande de Bavière très fière) a disparu et on devine qu'elle a terminé la nuit avec Yale, le dragueur néerlandais. Elle a fait fort hier à cause du Jägermeister et s'est épanché sur sa vie. C'est vrai qu'elle était très loquace au resto et ce fut la seule fois où j'ai pris plaisir à lui parler et à dépasser la barrière de son étrange accent australien quand elle parle anglais et son évidente fierté allemande, légèrement déplacé.


Vient le temps des premières embrassades. Veronika, José, puis Steffy continuent le chemin vers la mer, la fin du monde, Fisterra. Avec le reste de l'équipe, nous prenons un petit déjeuner affreux et allons voir Saint Jacques. Une tchèque blonde, heureuse de me retrouver et me parler, dit avoir trouver ma gourde basque au monastère trois jours auparavant...

Nous passons la porte de la Miséricorde, embrassons la statue dorée de St Jacques, puis descendons dans la crypte voir ses reliques. Nous écoutons ensuite les répétitions d'un choeur de musique baroque. Puis nous légumons, ne sachant quoi faire. J''ai hâte de quitter le groupe...La veille, dans le rayon français de la librairie, une dame française m'a invité à partager mon pèlerinage avec les francophones. Je donne rendez-vous à Mary, un danois métis arrive aussi, les gens se reconnaissent, s'embrassent, etc ... Départ de Yale et Sabrina vers 13h, sous un grand soleil. Nous allons manger au même endroit qu'hier avec Juan , Mireia, Rachel et Carla. Je fais enfin mes au revoir à Juan. Et fonce à l'échange des francophones. Je suis le premier... puis arrive un demandeur d'emploi parisien cinquantenaire, et enfin un groupe de 6 personnes cinquantenaire (3 couples) de Poitiers et Grenoble, tous à Fundacio. L'échange est énorme, je suis très inspiré aussi ! J'entends parler pour la première fois des écrits d'Etty Hilesum et la prière du matin de Saint François d'Assise.

A 17h30, je prends une bière seul en écrivant des cartes. A 18h30, visite extérieure de la cathédrale. Il y a beaucoup d'animation, un mariage, des scouts, des marchands...A 19h30, j'ai RDV avec Houda la marocaine , j'ignore les messages de Mary. Elle m'offre un livre de spiritualité moderne, m'explique un peu mais je déconnecte. Je croise enfin Fabricia avec Jean qui nous parle de ses mésaventures avec son patron romain oscarisé. A leur départ, j'offre à mon tour à Houda un livre : l'évangile de Luc (que j'avais pris une heure plus tôt à la visite...).

Je rejoins enfin Mary, Carla et l'indien danois, je suis fier de leur avoir parler de mon parcours de converti, c'est le 1er catholique qu'ils croisent sur le chemin !!!

Nous nous amusons ensuite autour d'une bière (quel livre prendre sur une ile déserte, quel objet après un incendie, quel cauchemar...) . Je rentre à l'hostel, embrasse fraternellement Carla. La vue de nuit sur la cathédrale est incroyable !!!

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Ce matin, je me lève à 8h (grasse mat ! )pour la messe des francophones. J'arrive pile poil. « La où est ton trésor, là est ton coeur » C'est dans l'évangile du jour et pas seulement dans l'Alchimiste ! Quand nous faisons un tour de banc, deux filles disent aussi venir de Lille.

Marie et Claire dont l'une est institutrice, l'autre étudiante.


Je leur montre l'endroit pour la compostella, laisse mes coordonnées et vais checker mes billets sur internet à « mon » hostel Roots and Boots, ma deuxième maison .

Après le bon repas de 14h 15h, je suis allé me reposer au parc, 30 minutes , lire l'évangile. Puis , je décide enfin de me raser et de prendre une douche! C'est après avoir remis mon sac sur mes épaules que les sensations reviennent. Je fonce vers la station d'autobus, direction Fisterra. Là bas, Mireia et Rachel m'attendent, nous allons ensuite à la pointe à pieds (3 km). Je croise le pèlerin au 10000 km et aux 3 ans de camino dont les français de Fundacio m'ont parlé hier : une légende vivante. Il me fait pensé à Merlin l'Enchanteur en vacances! Puis nous admirons le coucher de soleil au kilomètre zéro. Sur le retour , j'échange avec Mireia sur la littérature africaine. Elle parle français car elle est partie faire de l'humanitaire en Cote d'Ivoire, et étudier l'histoire africaine à la faculté. L'Afrique.... Puis nous mangeons dans un resto italien , l'échange est sympa. Je me couche à 1h30 à l'hostel Sonia Buen Camino où nous sommes. Je suis content d'avoir aidé les françaises ce matin et d'avoir apporté ma bonne humeur de Compostelle à Fisterra.

Dernière pause à Santiago
Peut être le croiserez vous également ?
Fisterra le bout du monde 
L'autre km 0 
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Au réveil, j'ai l'idée de mettre un peu de musique mais Mireia n'est pas de cet avis ! Une fois que Rachel a fini de checker ces mails, nous prenons un super petit déjeuner dans un café allemand ( un délicieux chai tea) . Puis , nous allons à la plage. Malgré le vent, le soleil me permet de ressentir une joie immense, en musique lorsque seul je remonte la plage remplie de vacanciers , de hippies et sans doute de pélerins. Je ne peux m'empêcher de danser sur le sable, de prier sur les rochers , de chanter. Il est déjà l'heure de manger à l'hotel (dehors) et de prendre le bus. Rachel, en fin de voyage, comble le temps en chantant ( Dion, Goldman, Walt Disney..) jusque dans les rues de Santiago ! Nous prenons une douche à l'auberge, rencontrons une fille de Floride faisant le tour du monde et allons faire nos adieux à Mireia (avec mouchoirs) . Il est temps de rejoindre Marie Thérèse et Bruno de Saint Arnoult rencontrés en France deux semaines auparavant, la veille de mon départ.

Avec Rachel , nous sommes encore grisés à table et avons du mal à cacher notre bonheur d'avoir marcher sur le chemin de Saint Jacques. Marie Thérèse nous offre le repas, et nous échangeons nos coordonnées. Nous racontons que nous sommes tous partis seul(e)s et que nous avons fait pleins de rencontres sur le chemin au point de finir l'aventure en groupe et d'avoir du mal à nous séparer. Ravi de cette offrande, Rachel et moi allons boire ensuite un verre de Gin Sweppes . Là, au bout d'un moment , elle décide d'y aller une fois son verre fini après avoir parler de son projet de tatouage et de celui de son copain. Cela me perturbe, elle s'agace un peu et ne me dit pas forcément bonne nuit.


Le lendemain, parmi ses priorités, elle tient toujours à se faire tatouer. Entre stress et excitation, elle y va hésitante et je l'accompagne de mon possible. Finalement, les tatoueurs consciencieux refuse de le faire dans la précipitation... ouf ! Elle achète un sac pour compenser sa déception, puis je l'accompagne au bus. Je suis triste d'être le dernier, je m'achète un t-shirt de pèlerins Beatles pour ne jamais oublier ces nouvelles amitiés. Je m'achète Don Quichotte, vais au Burger King que je trouve dégueulasse, rentre à l'hostel faire une belle sieste. A mon réveil (15h30), je vais à la cathédrale, dans l'église paroissiale pour prier. J'entends des chants de Taizé quelque part . Je me dirige donc vers la boutique souvenirs où je revois Marie et Claire, les deux soeurs françaises. Seule la grande sœur paraît ravie, sauf quand je leur souhaite un buen camino, le visage de la petite s'illumine. Je vais ensuite au musée du pèlerin, puis fais mes courses. Je rentre faire mon sac et me coucher. Les suisses avec qui je dors cette fois font un boucan d'enfer à 2h du mat, mais s'excuse une fois le « be quiet please ! » habilement énoncé !

Le matin, Dieu me fait encore la grâce de me réveiller tôt, en descendant prendre mon thé , je tombe sur … Veronika ! Nous sommes heureux , elle me parle de sa joie arrivée à Fisterra, nous nous embrassons à trois reprises. Je sors de l'auberge plein de joie et d'espoir pour la suite.

A la gare, je revois une dernière fois Marie et Claire, je leur parle du musée, l'ainée de sa statue de Saint Jacques tuant les maures... Puis elles prennent un bus pour la France sans se retourner. Deux minutes plus tard , une fille rousse de Nimègue me sourit à deux reprises, elle me reconnaît car elle était aussi à l'hostel. Elle me demande si c'est bien le bus de Porto car elle s'y rend également. Et nous commençons à discuter. C'est ça le camino. La route continue ...

J'adore !

Derrière moi dans le bus, une famille de coréens ou de japonais .

Une autre d'afro-américain.

Vive le monde !