Carnet de voyage

Voyage au Congo Brazzaville

24 étapes
47 commentaires
Récit d'un voyage touristique ... et familial !
Du 18 juillet au 16 août 2017
30 jours
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"Le voyage est un retour vers l'essentiel"

 Le Congo en Afrique


 Le Congo

A Sisson,


En tant que métis, j'aime à penser qu'il y a suffisamment de place dans son cœur pour y faire coexister plusieurs cultures... En tant que voyageur débutant et optimiste, j'espère qu'il y aura suffisamment de place dans mes valises et de temps dans mon agenda pour préparer un tel voyage!


Et quel voyage ! Le premier sur les terres de mes origines !


Bientôt j'irai à la rencontre des hommes et des femmes du Congo. Bientôt, j'arriverai dans un pays qui m'habite depuis longtemps: son histoire, sa littérature, ses poètes, son actualité, sa musique , sa discrétion, ses associations caritatives ... et les précieux témoignages de mon père . Bientôt je serai confronté à une réalité plus complexe, plus riche, plus exaltante....si j'arrive à finir cette fichue valise !

Et à travers cet humble blog de voyage, je vous porterai dans mon cœur, vous, proches ou ami(e)s, qui aurez la gentillesse et la curiosité de vous pencher sur l'univers méconnu du Congo Brazzaville.

Plan de brazzaville 
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Départ sous le soleil lillois, direction Lille Europe. Le Thalys nous dépose littéralement sous l'aéroport, que je découvre. Véritable parc d'attraction ou règne le calme... et le luxe. Le gros oiseau de la Kenyan Airways atterrit sous l'équateur, à Nairobi.

Odeur d'épices et d'encens dans un paysage jaune savane au loin.

Puis un plus petit oiseau métallique prend le relais pour la traversée d'est en ouest du continent. Lors de la descente, l'épais couvercle nuageux est long à transpercer, et après plusieurs minutes, Brazzaville se découvre enfin, magnifique. La végétation prédomine entre des maisons et bâtiments multicolores, des marchés, un fleuve, une ville nature qui s'étire jusqu'à n'en plus finir.

Brazza la verte !

"Pierre!!!" La voix de mon cousin retentit dans l'aéroport casiment vide. L'émotion me gagne lorsque j'embrasse ma tante pour la première fois. Main dans la main (et débarrassé de mes chères valises) , on me conduit vers mon premier taxi, une ancienne corolla verte... sans ceinture.

Climat doux , vent frais. Musique africaine.

Les rues qui défilent sous mes yeux et ma bouche bée sont incroyables. C'est formidable de façades aux lettres colorées, d'échoppes avec dans chacune d'elles une scène qui se joue, de rues avec des véhicules en tous genres, partout.

Le logement est à Mikalou, à deux pas de la route nationale n°2, ultra animée. En empruntant une route sableuse sur 15 mètres, on entre dans une petite cour collective très calme. Au plus près de l'habitant! Logement parfait.

L'après midi sera consacrée à faire connaissance, dormir un peu, faire les courses.

Et j'ai eu ma première leçon de téké!


Mon comité d'accueil ! Reine, Ayou, Gilece, Besone, cousin pierre , fiancé orchy, tata marie, orchy, femme pierre
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M'bori !

La nuit tombe ici à 18h. Après notre premier palabre d'hier après midi, il a fallu revenir à l'essentiel et acheter un pack d'eau pour mon petit corps d'européen non immunisé. Le spectacle des rues animées est étonnant: toujours autant de monde proposant des grillades et continuant leurs petites affaires dans un tumulte de klaxons, de musique et de discussions dans tous les sens. Le commerce paraît donc être une activité centrale de la ville.

Aujourd'hui, suite des achats indispensables. D'abord... de l'argent ! Au Congo et dans beaucoup de pays africains francophones, c'est le franc Cfa qui a cours. Ma grand mère serait heureuse: c'est l'équivalent des anciens francs! Le bureau de change est à côté de la tour Nabemba, la plus haute du pays (106 m)du nom du point culminant du Congo.


Tour mabemba

Dans cette tour, les principaux ministères. Dans les rues, d'énormes 4x4 etde beaux costumes! A deux pas se trouvent les principaux centres commerciaux: le Park'n Shop ( multinationales libanaises) et ... le Casino ( Fnac, Go Sport)... Se concentrant sur un petit pâté de maison. Par ailleurs, les enseignes canal + et Boloré sont omniprésents...


Mais la ville est véritablement tapissées de milliers d'échoppes en tous genres sur des kilomètres! Et c'est toute l'Afrique de l'ouest qui s'y retrouve représentée. Les commerçants sont Ivoiriens, sénégalais , guinéens , même chinois, tous... sauf les congolais. On m'explique que ces derniers n'ont pas spécialement le goût des affaires, mais affectionnent plutôt les tâches administratives ou le repos... et je me reconnais bien là! Mais, tout ce petit monde vit dans une étonnante harmonie. Les congolais y gagnent des milliers de boutiques, les étrangers un bon accueil , un pays stable et un coût de vie plutôt élevé qui fait leur affaire.



Mais à y regarder de plus prêt, pleins de congolais vendent de petits produits cultivés ou cuisinés casiment à l'unité et ont l'air d'attendre des heures un coup du sort.

C'est donc finalement "à la maison" qu'on trouvera une carte sim congolaise, des claquettes (le sable en ville j'adore), un gant de toilette (pour se laver à l'eau froide!), une lampe torche pour le délestage ( la distribution d'électricité est alternée selon les quartiers, est aujourd'hui c'est un jour sans!).

La location , la courée et le groupe électrogène

Ici on mange l'après midi. A 14h, je mange avec Gilece ma petite cousine , qui a préparé une carpe rouge, du saka saka délicieux et du riz cassé. Un régal.

Le saka saka !

L'après midi , je reçois la visite de Blaise, mon autre cousin , qui me parle de la campagne électorale en cours et de l'enseignement au congo.

Je découvre enfin les premiers jeux de cartes congolais lors de la veillée avec mes petites cousines : la guerre et le pok (rien à voir avec la bataille et le poker, quoique!) .


Finalement, nous avons branché le groupe électrogène dehors pour la nuit... et c'est toute la courée qui en profite et qui s'endort avec le doux bruit d'un moteur à gazon !

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Le petit footing matinal jusqu'au stade du quartier donne le ton de la journée. Il s'agit du stade de foot et du lycée Sankara, du nom de l'homme politique burkinabe, grand orateur socialiste et panafricain des années 80.

Ce grand indigné africain l'aurait peut être été en voyant le marché au gravier sur la route du retour. Dans une puanteur extrême, des femmes ravagées par la misère vendent le fruit de trois jours de labeur pour 1000 fcfa , soit 1,5 euro, sous l'oeil indifférent d'hommes conducteurs de camions. Les lignes du magnifique "Femmes au bord du fleuve" d'Emmanuel Dongala reviennent à ma mémoire, de les voir en "chair" et surtout en os me noue la gorge.


Une heure plus tard me voilà au centre ville, buvant un thé "à la Mandarine", au milieu des députés et des ministres. Mon cousin me raconte alors l'histoire du peuple téké, une des ethnies du peuple téké, connu pour le roi Makoko qui octroya son royaume à Savorgna de Brazza, rare explorateur francais humaniste vers 1870. Les anecdotes sont nombreuses car un membre de ma famille fut également élu roi téké un siecle plus tard. Aujourd'hui, son rôle n'est plus que spirituel et symbolique.

Nous nous dirigeons alors vers le mémorial Savorgnan de Brazza. On y retrace de manière très sommaire l'oeuvre de cet explorateur francais d'origine italienne , qui a floué son célèbre concurrent anglais Stanley pour récupérer ce côté de la rive du fleuve Congo vers 1870. Et surtout, il est revenu vers 1900 y dénoncer les atrocités de la colonisation et des compagnies concessionnaires qui y généralisaient le travail forcé des congolais.


Le mémorial Pierre Savorgna de Brazza

Stanley , lui,après être parti à la recherche de Livingstone, s'était mis au service du roi des belges Léoplold et explora le Congo Belge, qui devint le Zaïre, aujourd'hui la RDC plus connu sous le nom de Congo Kinshasa à ne surtout pas confondre avec le Congo Brazzaville. Les deux pays entretiennent une relation "je t'aime moi non plus " qui perdure aujourd'hui. Et pourtant, il s'agit des deux capitales les plus proches au monde! A un détail près : le majestueux Congo, deuxième fleuve le plus grand du monde, qui les garde à bonne distance l'une de l'autre ! C'est lui le véritable roi du Congo!

Nous lui présenterons nos hommages à travers une promenade le long de la corniche, jusqu'à la case De Gaulle. C'est ici que le résistant fit un célèbre discours pendant la Seconde Guerre mondiale, qui annoncera la décolonisation de toutes les colonies françaises en 1960. L'abbé Fulbert Youlou deviendra ensuite le premier président congolais.

Le fleuve Congo

Ce soir, petite balade avec ma nièce dans le quartier. Les rues restent animées, les grillades pullulent, aux petits pouets pouets des taxis s'ajoutent ceux plus festifs des supporters politiques. Les résultats des élections viennent de tomber... Elle me raconte aussi les facs surchargées , et les étudiants qui réservent leurs places dans les amphis dès 2h du matin ! Le paradoxe congolais est comme cette balade:l'air ici est très agréable et on oublie vite l'odeur typique des ordures dans les caniveaux qu'il faut enjamber prudemment. Ça et éviter de se faire renverser par les voitures rendent le footing matinal plutôt superficiel.

Il faut rentrer avant le couvre feu de 23h. A partir de cette heure, les policiers peuvent arrêter ceux qui n'ont pas de carte d'identité, ce qui est le cas de Gilece,qui a laissé la sienne à la maison. Je repense aussi aux quelques bâtiments et endroits qui m'ont été interdit de photographier aujourd'hui . La liberté congolaise à ses limites, et je réalise chaque jour depuis mon arrivée combien notre liberté européenne est précieuse.

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Grosse journée de réception aujourd'hui. Les allées et venues n'ont pas cessé. Point de solitude attitude qui tiennent ici, la communauté a le dessus, même dans une grande capitale ! Ce n'est pas un problème pour l'instant tant règne la bienveillance des nombreux invités .

La rhétorique y est assez impressionnante. La lente mélopée des phrases aident le locuteur à développer sa pensée en autant de parties et de sous parties que nécessaire , sans jamais perdre le fil de sa pensée et surtout sans être interrompu. Les enfants et ensuite les femmes laissent leur place aux hommes au fur et à mesure des arrivées. Quand une délégation part, une autre arrive (à peine le temps d'aller faire pipi!). Lorsqu'il s'agit d'un homme plutôt important de ma famille se joue une triple embrassade avec le front. Les presentations ne se font pas tout suite ce qui produit un suspens à chaque fois quant à l'attitude à adopter. Mais, une fois installé, les personnes me sont présentés. L'attitude et les habits informent beaucoup sur l'importance des statuts: un commandant, un pasteur, une nouvelle tante très charismatique, un neveu sapeur... Parfois, les membres se mettent à parler en téké, en lingala ou en kitombo, mais on me traduit rapidement la séquence. Les thèmes sont variés sans qu'il y ait pour autant d'ordre du jour, hormis de faire connaissance: politique, santé, tradition, sorcellerie, animisme, le tout agrémenté de citations. Mais tout ça reste simple et détendu. Ces visites me touchent et m'épuisent en même temps, si bien qu'à la mi journée j'accepte volontiers de faire un tour en voiture avec un neveu lors de sa pause du midi.

L'objectif était d'aller au nouveau complexe sportif construit il y a 2 ans par les chinois pour accueillir les jeux panafricains. Les bouchons des taxis verts dans Brazzaville sont plus denses que jamais et nous coupons avec la 4x4 à travers les routes sableuses et cahoteuses des parcelles où continue de régner la misere. Puis, nous atteignons l' "échangeur" , construit pour amener les athlètes du centre ville jusqu'aux nouveaux stades en périphéries dont le principal fait plus de 60 000 places. Le contraste est saisissant: la route et les environs du complexe sont aussi déserts que les rives du fleuve et des montagnes environnantes .

Pour s'approcher, il faut "négocier" avec un policier. Mais au loin, un militaire nous hèle: j'ai pris en photo une des innombrables résidences privées du président! Il menace de nous embarquer. Il faut donc arroser le militaire zélé et aussi le policier qui panique. Mais bientôt arrive le chef de la garde présidentielle, fou de rage: lui nous menace carrément verbalement de faire feu s'il n'a pas lui non plus son billet...Bref, cette courte sortie à été bien ruineuse pour si peu sauf à confirmer l'état de droit illusoire qui règne ici. Palabres tendues cette fois ci.




La nervosité des militaires omniprésents dans la ville n'est pas que surjouée. Une poignée de rebelles font de nouveau parler d'eux dans le Pool (sud de brazzaville), les caisses de l'état se vident depuis 2 ans et la montée du prix du pétrole, le deuxième tour des élections commence et le pouvoir se crispe et s'accroche depuis 40 ans au dépend d'une population victime, résignée et clairement prisonnière. Mais elles ne supportent cela que par soucis de préserver la paix. Il y a 20 ans, la guerre civile a clairement traumatisé tout le monde ici et la situation actuelle est un moindre mal. Ici, on choisit bien ces mots quand on s'aventure à parler du président


Heureusement ma déception n'a qu'une courte durée. Avant que les invités ne reviennent, ma journée s'illumine de nouveau avec le plat du jour: du "fou-fou". Dans les rues de brazzaville règne une odeur principale, celle du manioc ! Le fou-fou est une boule de farine à base de manioc qu'on trempe dans la sauce. Un met à consommer avec modération, et un moment que je goute avec satisfaction : on ne palabre pas la bouche pleine!


Fou-fou et poulet sauce arachides
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Au nord des arrondissements de Ouenzé et Talangai où je réside se situe le neuvième et dernier arrondissement, Djiri (Combo). Sur les hauteurs de Brazzaville, les habitants y cohabitent avec la nature: palmiers, lézards géants, hérons, moineaux bleus non identifiés. La vue sur Brazzaville est étonnante. C'est dans ce cadre urbain irréel dans lequel maisons en tôle ("les Heineken" ) cohabitent avec villas aux murs barbelés , que je rencontre une nouvelle branche de ma proche famille dans une joie sincère. Oncle,tante, cousins et suffisamment de petits enfants pour ouvrir une classe, tous vivent sous le même toit. Dommage que les petits soient intimidés quand ils comprennent que je suis un "mundele" (un blanc)...


Aujourd'hui, on apercevait presque le soleil comme pour un beau dimanche d'été. De nombreuses personnes rentrent des messes en tenues pieuses . D'autres rentrent de l'entraînement de foot. Moi, je rentre manger avant que les moustiques ne s'en chargent.

Coupé décalé congolais
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A l'extrême ouest de la ville, l'une des nombreuses rivières de la ville, le Djoué, se jette dans le puissant fleuve Congo. En saison des pluies, à cet endroit se forment des vagues de plus de 10 mètres de haut et le courant y est très fort. En saison sèche, on peut y admirer les immenses rochers qui en sont la cause. Spike, un guide trentenaire ayant vécu en Chine et en France avant d'être renvoyé pour "défaut de papier" nous explique comment ces rochers servent à construire les maisons de Brazzaville après avoir été transformés en pierre et en gravier. Des camions y viennent aussi y prélever le sable de bonne qualité pour le ciment. En face se trouve l'île du Diable, île réputée maléfique. Et à portée de main, Kinshasa et ces 13 millions d'habitants.

Les cataractes

Nous quittons Mafouta pour aller manger à Poto-Poto, super quartier tranquille. Au menu: Machairon. Le soir, je gouterai au bouillon sauvage. Journée 100% poissons. La prochaine fois, j'essaie de les attraper directement dans le fleuve!

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Mes petites cousines ont eu carte blanche pour le programme de ce jour. Ce matin, j'accompagne donc Gilece au marché de notre quartier. Quelle éclate ! Caché entre 2 parcelles, s'étend un immense espace d'étals remplis d'une multitude de produits hallucinants:

Fougères et sauterelles / "asperges" / asticots / poissons fumés/ médecine traditionnelle et sorcellerie / peaux /rafias

Devant les vendeuses amusées, Gilece énumère avec ravissement et détachement des animaux que je ne m'attendais pas à voir ici, et encore moins vivants. Enfin quand je dis vivant... Mes pensées vont aux pauvres tortues ligotées à plusieurs . Aux anguilles aux entrailles éventrées et dégoulinantes de sang . La palme du haut le coeur revient aux pauvres crocodiles dont on défonce le crâne à coup de machette!


La préparation des repas se fait chez la mère des filles . Toutes mettent la main à la pâte, même les plus jeunes. Certaines se font des tresses et les enfants jouent à la marelle. Quant à moi, interdiction d'approcher la cuisine pour cause de blasphème. Je vais donc rendre visite à ma tante Sophie.

Dès que je mets le pied chez moi (et après un repas pris entre mecs) le défilé des visites reprend. Ce qui revient souvent c'est que "ici au Congo, c'est dur..."

J'ai apprécié la venue des amis de Ayou, ma deuxième nièce, qui avaient préparé toute une liste de questions à me poser sur la France ! La réparti et l'humour congolais est incroyable! J'ai appris des choses sur l'état lamentable de l'école publique congolaise (200 élèves par classe au lycée et un taux d'absentéisme record des profs) et l'absence totale de loisirs. On a fini par une superbe partie de jeu de 7 familles que j'ai pu leur faire découvrir. La variante congolaise est "la cole". Ce qui a fait dire à Baptiste : "Même pendant les vacances ont est à " la cole"!

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Assis sur un banc du parc, mon cousin quinquagénaire Pierre O. et moi savourons notre eau minérale comme s'il s'agissait d'un bon champagne. Rare moment de farniente. Aujourd'hui encore, le soleil est de sortie, la casquette aussi. Les "mange mil", sorte de moineaux bleus, se baladent en groupe casiment à nos pieds. Face à nous, l'impressionnante basilique Sainte Anne, le plus grand édifice religieux du Congo.

Pierre O. m'explique qu'elle fut construite en 1943, mais reconstruite après la fameuse guerre civile de 1997. J'ose lui demander son témoignage sur ce terrible événement. A l'époque, il surveillait les épreuves du bac, lorsqu'ils ont reçu l'ordre d'évacuer. Les militaires étaient déjà dans toute la ville. Préssentant que le "coup de force" allait durer, il est parti avec femme et enfants à pieds au village à une centaine de kilomètres de la capitale. En tant que fonctionnaire, il fut parmi les premiers à rentrer en ville quatre mois plus tard. Il découvrit une ville saccagée avec des cadavres de chiens et de chats partout... La veille, ma tante m'expliquait qu'elle se décida à fuir la ville quand elle vit devant elle une femme se faire tirer dans le ventre.

Et à chaque témoignage, la mine est sombre, toujours. Sur un des nombreux ronds points de la ville est installé un char sur lequel est écrit "Plus jamais ça". Or, actuellement depuis 1 an dans le sud du Pool, l'auteur de cette phrase et de ce coup d'état continue de réprimer à huit clos des rebelles qui contestent sa réélection de l'année dernière et qui commettent à leur tour des exactions. Derrière ces morts se trouvent nos entreprises françaises qui ont financé tout ce beau monde: Total-Elf , Areva...

Et pourtant, devant nous se dresse un joyau d'architecture franco-africaine. Son toit est composé de tuiles d'émeraude en forme d'écaille de serpent, ses murs sont faits en pierre des cataractes du fleuve et les arcs brisés en formes d'ogives évoquent les mains jointes de la prière. Un bijou dans un pays surendetté qui résume à lui seul le paradoxe congolais.


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Il est temps à mon tour d'aller au village.

Nazokende m'boka !

Retour samedi soir.

😊😊😊

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Vendredi 28 juillet.

A Texaco, nous attendons notre chauffeur, Makita, un cousin également. Il profite de sa présence à Brazzaville pour vendre, au marché Total, le manioc récolté au village. Une fois la voiture vidée, nous nous y installons. Mais à la congolaise : trois devant, quatre derrière!

Après le barrage et le contrôle de l'immigration, nous quittons le tumulte et la pollution brazzavilloise pour rentrer dans le pays téké.Fenêtres ouvertes, j'observe les quelques villages qui rompent la monotonie de cet immense plateau herbeux. Mon égo diminue à mesure que la poussière s'accumule sur mon visage. La route nationale n°2 est à l'image du pays :tantôt impeccable et pleine de promesses, tantôt criblée de trous énormes, dangereuse et pleine de carcasses de camions renversées.

Deux heures et 150 km plus tard, nous approchons enfin de Mpoumako.

Au XIX ème siècle , mon arrière grand père et ses femmes fuyèrent la ville de Djambala et le travail forcé imposé par les colons pour la construction du chemin de fer Brazzaville - Pointe Noire. Ils décidèrent de s'installer au delà du Léfini dans un endroit rempli de bananiers. Ainsi naquit le village de M'Poumako , qui signifie "endroit où il y a des bananiers". Aujourd'hui, M'Poumako abrite près de mille habitants, et je suis étonné de le voir si étendu.

Un petit paradis... L'air pur de la campagne, le chant des oiseaux... Accueillis par ma tante, nous nous installons à l'ombre d'un safoutier. Mais rapidement je me mets à courir après d'énormes lézards bicolores et papillons multicolores . La diversité des arbres y est impressionnante: avocatier, cocotier, papayer, citronnier, oranger, palmier, etc.


Mpoumako chez tante Marie

Il faut traverser la route, véritable colonne vertébrale du village, pour rencontrer deux autres cousins Rock et Rodère. L'un me montre la tombe de ma grand mère au pied d'un anananier, l'autre celle de mon grand père. Je rencontre aussi leurs nombreux enfants, dont un nouveau né, Naomi, dont la beauté égale déjà celle du célèbre mannequin.

Chez mes cousins


Enfants de M'Poumako

Je rencontre aussi les anciens de ma famille, très émus et contents, car ils ont connu mes grand parents. L'un d'eux dit en téké:" Quand je monterai au ciel, je dirai à ton grand père que je t'ai vu".

Les anciens de M'Poumako

Une petite balade à pied jusqu'à Enoni, le village voisin, s'impose. Le nombre de lieux de culte est impressionnant. Je tombe d'abord par hasard sur une petite église catholique vide, rudimentaire mais inspirante. Puis, plus loin, de superbes chants africains nous entraînent dans une autre église en pleine répétition , l'assemblée du Dieu du Congo. Enfin, les tams tams de l'église pentecotiste pleine annoncent l'heure de la messe. J'assisterai à la première partie pour le plus grand bonheur des petits et grands . Églises évangélistes, mosquées et même mouvement raélien se trouvaient déjà en amont du village. Dans ces villages du bout du monde, la foi est étonnement omniprésente et vivace. Je m'endors dans la case de ma tante avec des chants d'oiseaux et des chants tékés pleins la tête.

Sur le chemin d'Inoni
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Au réveil, nous faisons un dernier tour du voisinage. Puis, nous verrons les falaises d'Inoni. De retour à la case de Tante Marie, je ne peux que méditer les paysages observés et les témoignages entendus .

La campagne congolaise a évolué depuis l'époque de l'arrière grand père. Celui ci possédait plusieurs hectares de terrain destinés à la culture du tabac, à la chasse et à la pêche. Antilopes, poissons, sangliers, animaux de brousse et nombreux fruits déjà cités s'entassaient dans les cuisines de sa case. Aujourd'hui, concurrencée par l'agriculture moderne, l'agriculture traditionnelle ne permet plus à mon cousin de vivre décemment. La faune a pratiquement disparu de la réserve de la Léfini . Il est aujourd'hui officiellement interdit de chasser les animaux de brousse. Ainsi, s'il était possible jadis d'observer les éléphants depuis les falaises d'Inoni, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ce matin, devant ce paysage brumeux et mystérieux, il fallait imaginer hippopotames et gorilles précieusement protégés par des fondations privées. Celles ci peinent à lutter contre le braconnage et manquent cruellement de moyens pour commumiquer sur leurs actions de sauvegarde de la planète.



Inoni falaises

Mais alors, pourquoi la population rurale surprend t elle par son dynamisme? Partout de nouvelles habitations disent le récent renouveau des campagnes. Derrière moi, j'aperçois une nouvelle installation qui a révolutionne la vie du village: un compteur électrique ! L'omniprésent investisseur chinois à encore frappé! Ainsi, comme à Brazzaville, toutes les activités peuvent fonctionner sans problèmes, y compris le garagiste qui nous a resserré les boulons de la voiture ce matin.


Garage d'Inoni

Devant moi, le ballet continue sur la route nationale n°2: promeneurs, vendeurs de poissons et de manioc, jeunes en "vélos Djakata" qui sont en réalité des motos sur lesquelles jusque quatre personnes peuvent s'asseoir sans casque, bus pour Ouesso penchants dangereusement sur le côté et filants à toute allure. Et puis il y a les camions forestiers transportant d'énormes troncs. Quand je vois l'impunité générale liée au respect du code de la route, je n'ose imaginer l'impunité liée à l'exploitation de bois et de l'huile de palme par les grandes compagnies internationales dans le deuxième poumon vert de la planète qu'est la forêt du Congo.

Je rentre à Brazzaville convaincu que le Congo possède de magnifiques trésors cachés que l'éco-tourisme peut permettre de développer.

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Mon téléphone s'est mystérieusement cassé. Le temps de trouver un technicien, un sorcier ou juste un Cyber café et je vous donne de nouvelles news et images.

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Ici , ni bikinis, ni châteaux de sables. Il s'agit de la zone d'embarquement pour aller à Kinshasa ou pour remonter le fleuve Congo jusqu'en Centrafrique. Pour la première traversée, il faut compter quelques minutes. Pour la seconde, plus d'un mois!

Beach de Brazzaville
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Ce matin, rendez vous est donné au siège de la compagnie de car Afrasia à Brazzaville. L'objectif est de traverser le sud du pays pour rejoindre la deuxième ville du Congo: Pointe Noire.


Notre car ... chinois

L'idée est de traverser le pays à moindre coût et de profiter du paysage. J'aurai aimé prendre le train Congo Océan et commémorer ainsi un ouvrage qui a causé tant de pertes humaines. Malheureusement, les rebelles ont fait sauté un pont l'année dernière et depuis le pays est privé de transport ferroviaire.

Restait à expérimenter une nouvelle compagnie de transport chinoise et la nouvelle route nationale n°1 construite par... les chinois. Le voyage n'est pas sans risque: il y a deux mois à peine, les rebelles ont attaqué un car, tué deux soldats, agressé et détroussé les voyageurs. Depuis, l'armée quadrille toute la région du Pool (région de Brazzaville). Et ce n'est pas qu'une expression. Nous avons traversé pas moins de douze barrages militaires !!! Et dans le car, deux militaires armés nous escortent entre P. K. Rouge et Mindouli.

A chaque fois, il faut sortir du car entouré d'une trentaine de soldats, montrer ses papiers, et, comme j'ai un passeport étranger, payer des taxes plus ou moins farfelues , en faisant fi des tentatives d'intimidation des officiers les plus zélés . En tout cas, même si le voyage a duré plus de onze heures, je n'ai pas eu le temps de m'ennuyer. Et croyez moi ou pas, bien que ces contrôles incessants sont véritablement stressants à la longue, je n'ai jamais vu des passagers aussi calmes, y compris les nombreux enfants. Et ce calme est contagieux. Ou alors étions nous juste blasés?

Mis à part ça, à chaque arrêt, il y a la possibilité d'acheter son manioc, de faire ses besoins devant tout le monde, et de vite remonter dans le car avant qu'il ne reparte.

En terme de paysages, on aperçoit au début de nombreuses montagnes herbeuses et terres brûlées par les agriculteurs. Avec le contexte militaire ça me fait penser à la dune gigantesque d'Omaha Beach répétée mille fois. On y trouve aussi quelques cimenteries...chinoises.

Puis, après Dolisie, la traversée du Mayombe propose enfin une forêt luxuriante ou les arbres débordent d'imagination pour dominer la canopée. Les nombreux virages, montées et descentes finissent d'achever les pauvres estomacs de beaucoup d'enfants.

Paysages traversés

A l'arrivée, je sens le poids de Brazzaville la politique s'éloigner et celui de Pointe Noire l'économique apparaître.

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Pointe Noire est LA ville qui possède la plus grande communauté d' expatriés au Congo. Ainsi, je suis accueilli par cousine, Marina et son mari Vincent dans leur villa du centre ville, tous deux franco-congolais nés au Congo et qui y sont retournés tenter leur chance dans le monde de l'entreprise . Dans ce quartier huppé, le voisin est un des enfants du président... Les rues sont si propres que l'on pourrait manger par terre. La villa fonctionne grâce aux gardiens, femmes de ménage et nounous. Tout le confort est assuré avec la wifi, les douches chaudes et les apéros. L'adaptation à ce nouveau style de vie se fait très rapidement!

Revoir mes cousins montpellierrains à plus de 8000 km de l'Hexagone est insolite. Ma cousine m'emmène avec son chauffeur faire une visite guidée express de la ville... Ici, on découvre plusieurs bâtiments de l'époque coloniale des années 1920 aux années 1950.


Surtout, on y trouve l'océan Atlantique qui est la raison d'être de la ville. Ancien village de pêcheurs, le gouvernement français en a fait le plus grand port en eaux profonde de l'Afrique Equatoriale, terminus du chemin de fer la reliant à Brazzaville. La côte sauvage possède des plages privées très jet set, de nombreuses paillotes, encore une résidence privée du président, le très luxueux consulat de France et plusieurs hôtels de luxe en construction. Nous déjeunerons en bord de plage dans un excellent restaurant chinois.

A ce propos, Vincent est un métis français d'origine congolaise et... chinoise. Son grand père fut parmi les huit cent chinois embauchés par le gouvernement français pour compléter les 125 000 congolais réquisitionnés pour la construction du chemin de fer dans les années vingt. Au cimetière chinois de Pointe Noire reposent les ouvriers qui ont succombé à la malaria et au paludisme. Je découvre donc l'ancienneté du lien sino-congolais. Aujourd'hui , le Congo a signé un partenariat stratégique avec Pékin ( et des grands traders), prévoyant la réalisation de grands travaux, en échange d'une partie des revenus du pétrole. Sauf que la chute du cours du pétrole est en train de provoquer une dette publique faramineuse!

Le soir, après un petit repas "Terre-Mer", association de filet de boeuf et de langoustines, je file rencontrer l' oncle Eloge , un avocat d'affaires. Enfin, nous prenons la Land Cruser pour retrouver mon cousin Arnaud, qui tient une nganda. C'est ainsi que s'appellent les nombreuses buvettes congolaises. Je peux enfin goûter à la fameuse Ngok, la bière préférée ...des expatriés ! En la savourant, nous sommes conscients que ces grandes bières de 65 cl, moins chères que l'eau, sont autant d'os à ronger pour une population fatiguée par tant d'illusions perdues.

Assiette Terre Mer


Eloge et Marina ( à gauche) 


Nganda du cousin Arnaud
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Ce matin, je retrouve avec joie mon cousin Pierre devant la gare fantôme de Pointe Noire, copie conforme de celle de Deauville, en Normandie.


Puis nous allons voir l'Océan, où mon autre cousin Blaise nous rejoint. Nous allons manger du bar dans un boui boui du Beach, avec sauce pimentée et manioc. Ce qui est amusant chez Zidane Zouzou où nous sommes, c'est le défilé incessant de vendeurs qui passent toutes les deux minutes pour vendre à peu près tout et n'importe quoi : portable, vêtements, montres, préservatifs... Un véritable spectacle!

Si Pointe Noire n' a été longtemps qu'un simple village de pêcheurs, c'est qu'elle était sous la domination du royaume voisin de Louango, au nord de la ville, que Vincent nous propose de visiter l'après midi. Le suspens entretenu jusqu'au bout , la 4x4 s'arrête soudainement à cinq mètres d'un paysage à couper le souffle.

Les falaises de latérite rougeâtres forment une couronne à pointes gigantesques dans laquelle s'engouffre une végétation verdoyante, avec l'Océan en toile de fond. C'est à couper le souffle.


Nous passons ensuite voir la modeste résidence de l'ancien roi Moi Poaty III transformée en musée , et à côté la gigantesque résidence du roi actuel.

Palais royal

Nous continuons la visite vers la route des esclaves non loin de là. Le royaume Louango est un vestige du puissant royaume Kongo qui dominait l'Afrique centrale du 7e au 15e siècle. L'arrivée des portugais déclenchera l'importante traite négrière pour l'Amérique et la destruction des royaumes et des populations jusqu'au 18e siecle. Puis l''Afrique centrale tombera carrément dans l'oubli et deviendra, avec l'Antarctique, la dernière Terra Incognita de la Planète. Malgré l'humanité de l'explorateur Brazza, qui libérait les esclaves au nom de la France, les gouverneurs suivants instaurèrent dès 1889 le travail forcé pour le transport des marchandises pour Brazzaville et pour la France (la route des caravanes). Deux millions de travailleurs forcés furent mis à contribution pour un périple souvent mortel. La construction du chemin de fer de 1921 à 1929 provoquera lui aussi un drame humain immense. Il faudra attendre le sacrifice des tirailleurs pour la France pendant les deux guerres mondiales pour que De Gaule envisage l'émancipation des colonies lors de la célèbre conférence de Brazzaville en 1944 et l'arrêt du crime contre l'humanité qui nous lie à l'Afrique .

Hélas, ce lieu de mémoire, malgré son indéniable beauté, n'est pas du tout mis en valeur ni accessible. Une énorme préfecture y a été construite récemment, au milieu de nulle part.. Elle est déjà abandonnée et tombe déjà en ruine ! Cette aberration parmi d'autres me fait prendre conscience de la gravité de la crise congolaise. C'est sidérant.

Nouvelle préfecture abandonnée

Sur le chemin du retour, Vincent a l' idée d'acheter du vin de palme sur le bord de la route. Pour le fabriquer, il suffit de grimper sur un palmier et de le percer. C'est la boisson dite "libre service" ou "la boisson du pauvre", que nous allons déguster dans un bar ultra chic en face du Derrick de la côte mondaine. Marina et Vincent lancent alors une métaphore que je trouve très juste:" Le Congo est à l'image de l'être humain, rempli de contradictions".

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Aujourd'hui, nous partons vers le sud, sur la route de Cabinda (Angola) toute proche.

Nous passons au terminal de Djeno. C'est ici que d'énormes pétroliers viennent faire leur plein de pétrole pour nourrir ensuite nos stations services. La raffinerie Total (ex-Elf ) est énorme et crache les flammes de la honte. Honte d'avoir financé la guerre de 1997 et causé tant de morts.

Pétroliers au large

Puis nous poussons jusqu'à Malonda Lodge, un complexe hôtelier vide dominant une lagune encerclée de cocotiers. C'est magnifique. Ici, les personnes que j'aiment me manquent.

Enfin, Marina m'emmène à une réunion de son association d'entraide. L'ambiance est bonne, et comme il y a des absents, c'est moi qui remplace la secrétaire !

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Mbote !

A Pointe Noire, les courants sont réputés dangereux, et il y a beaucoup de panneaux qui déconseillent de se baigner.

Heureusement, la Pointe Indienne , à 40 minutes de Pointe Noire est un lieu idéal pour faire trempette dans une mer tranquille et pique niquer sur une petite paillote. Sauf que les palmiers autour sont en train de brûler. C'est comme ça qu'on desherbe ici...

Les bienfaits de l'agriculture sur brûlis me laisse perplexes face aux inconvénients (dégradation durable des sols et gaz à effet de serre) . Mon cousin Pierre réussi à contenir l'incendie, mais "le feu est aussi têtu que l'âne" !

Arnaud et Georgia, le feu, Pierre
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Le soleil dort encore. Mais déjà, la ville s'anime dans les rues déjà familières de Pointe Noire. Des femmes et des hommes allant travailler, et beaucoup de sportifs faisant leur footing matinal. Je marche aussi vite qu'une tortue jusqu'à ce qu'un taxi me trouve enfin. Il me dépose au stade Mvou Mvou , inauguré pour la Coupe d'Afrique des Nations junior en 2007.

Cyril, le libérateur de l'association Renatura, arrive tranquillement avec sa moto à l'heure prévue. Il ne reste plus qu'à profiter du lever du soleil et se laisser conduire à l'arrière du deux roues vers la Côte Indienne. La plage est plus belle que jamais avec les vagues et le chant des corbeaux comme musique d'ambiance. Nos pas nous emmenent vers un groupe de femmes qui attendent le retour des pêcheurs. Quand une barque revient, le filet est soigneusement déroulé. Chaque trou est repéré. Puis, les trésors de pêche sont dévoilées: un énorme machairon, une raie, des écrevisses. L'instant est convivial et je m'amuse avec Deborah qui me récite fièrement son alphabet.


Entre temps, un autre bateau a débarqué. A l'intérieur, sous plusieurs couches de filet, une prise particulière et impuissante occupe toutes les attentions. Il faudra plusieurs hommes et des minutes chargées d'émotions pour qu'en sorte enfin libre une magnifique tortue verte.

Tout de suite, Cyril me propose de la baguer. Puis, il me demande de lui servir d'assistant. Nous notons ses mensurations, le nombres d'écailles, son matricule, et elle est photographiée sous toutes les coutures, pour l'enregistrement de la fiche sur ordinateur.

Enfin, il est temps de laisser Crush retrouver son courant marin et ses copines... Bye bye ma belle !

Ses copines étaient encore très nombreuses il y a encore cinq ans. Mais en 2012, un accident de forage à provoqué une gigantesque marée noire. Les algues sont souillées et beaucoup de tortues ne viennent malheureusement plus pondre à Pointe Noire.

L'association Renatura à été créé par Nathalie, une française. Elle est subventionnée par l'Union Européenne , mais surtout reverse 60% des dons aux villageois qui jouent le jeu en acceptant de libérer les tortues capturées accidentellement. Après un café chez l'habitant, nous traverserons encore plusieurs villages pittoresques de la Côte Indienne.





Après un tour au marché de la Foire et à l'impressionnant grand marché, je craque et mange un bon Burger libanais chez Nour, boit une citronelle à "la Citronelle", et dévalise les librairies ponténégrines . Demain, je retrouve BZ. Merci Ponton (Pointe Noire) pour cette belle semaine.

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En 2012, j'ai eu la chance de rencontrer Soeur Marguerite Tiberghien dans une soirée de charité à Mouvaux. Durant tout un repas, elle m'a raconté son Congo, son combat pour créer l'Ecole Spéciale pour les enfants en décrochage scolaire à Brazzaville . Cette année là, avait eu lieu les gigantesques explosions de dépôts de munitions qui ont causé de nombreuses victimes et dégâts matériels dans toute la ville. Soeur Marguerite avait alors fait un beau plaidoyer devant l'assemblée pour aider le Congo et son école. J'avais été très marqué par cette dame admirable à l'énergie contagieuse et au parcours incroyable qui lui a valu de belles distinctions dont la légion d'honneur.

Ce matin, je vais à la rencontre de soeur Brigitte qui a pris la relève. L'école est colorée , propre et de nombreuses citations décorent les différentes salles de classe. Le professeur de menuiserie, un ancien élève, me fait visiter l'école. Outre les salles de classe, des salles d'ateliers permettent à des élèves illétrés, handicapés ou en décrochage scolaire de se former en cuisine, en couture, en vannerie, en menuiserie, en soudure. Comme rien n'existe pour les exclus du système scolaire, l'Ecole Spéciale croule sous les demandes, mais ne dépend que des dons de France et du Congo. Soeur Brigitte accueille avec plaisir un projet de correspondance entre ses élèves et ceux de l'école Saint Christophe de Tourcoing.

L'Ecole Spéciale de Brazzaville

Puis direction Mpila. Près de l'église Notre Dame de Fatima et de la résidence privée du président, nous recherchons l'orphelinat Notre Dame de Nazareth. Dans une rue déserte, un groupe d'enfants nous voit arriver de loin. Nous sommes alors accueilli par de magnifiques sourires et tous nous indiquent la direction à prendre sans que nous ayons à demander qui nous cherchons. Puis, je la vois , assise seule sur un canapé au milieu d'un grand salon, regardant la télé:

Maman Marie Thérèse !

L'année dernière, je suis tombé sur un magnifique reportage sur YouTube, tourné par Yann Arthus Bertrand himself intitulé "Maman Marie Thérèse, retour à l' essentiel.

Tout y est.

La rencontre est très belle et émouvante. Je lui remet les albums jeunesse récupérés de l'école Saint Christophe Tourcoing et en retour, elle me confie une belle mission pour mon retour à Lille. Dans une salle voisine, les plus petits récitent le "Je vous salue Marie" en déformant les mots, mais comme dit Maman MarieThérèse , c'est l'intention qui compte! J'échange avec les plus grands, leur gentillesse et leur politesse sont touchantes.


Orphelinat Notre Dame de Nazareth

Retour à la maison à Mikalou pour manger. Le hasard fait que c'est dans ce même quartier que se reconstruit une annexe de l'Ecole Spéciale. L'ancienne s'est effondrée dans un ravin à cause de l'érosion. L'école à besoin de dons pour terminer les travaux avant la rentrée d'octobre. Contrairement à l'école principale, cette annexe est située dans un quartier populaire. A seulement quelques centaines de mètres de l'artère bruyante et asphyxiée près de laquelle j'habite (Mikalou1), je découvre un quartier convivial où se mélangent végétation et déchets, mais où l'air y est aussi agréable et respirable qu'au village (Mikalou2).

Mikalou2

Arrivé à la case Vincent en construction, je constate qu'effectivement les travaux sont retardés fautes de moyens et que les dons attendus sont vraiment déterminants pour que l'école soit opérationnelle pour la rentrée, et pour tous les enfants en situation de handicap qui en bénéficieraient.


Un crowdfunfing est en cours, mais seulement 75% de la collecte a eu lieu. Avis aux amateurs et généreux donateurs que nous sommes pour atteindre les 100% avant fin août 😉.

https://wee-jack.com/projet/une-nouvelle-ecole-tres-speciale-a-brazzaville


Annexe Case Vincent de l'Ecole Spéciale
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Débarrassé de ces élections, de ses militaires et de ses paranoias, Brazzaville montre enfin son vrai visage. Celui d'une immense ville où chaque recoin regorge de surprise. Celui d'un labyrinthe où il fait bon de se perdre et de faire les "cent pas". Celui d'un immense terrain de jeu rempli d'habitants calmes et respectueux .

Cet après midi, l'équipe nationale du Congo Brazzaville rencontre celle du Congo Kinshasa. Et déjà, les écharpes, les perruques et les vuvuzélas verts jaunes et rouges fleurissent dans les rues. Battus lors des éliminatoires de la CAN en juin dernier, les Diables rouges ont une revanche à prendre contre les Léopards pour tenter de se qualifier pour le CHAN cette fois ci. Ce qui surprend c'est le prix de la place, à moins de 1 euro. Ce qui m'épate davantage c'est le peu de force de l'ordre et le bon esprit des supporters. Plusieurs ministres sont juste à côté, dans la tribune V.I.P sans protection particulière, et tout le monde se ballade librement dans cet immense stade flambant neuf.

Sur le chemin du retour, beaucoup de collégiens ont de la farine de manioc sur la tête. Les résultats du Brevet des collèges viennent de tomber et des joyeuses courses poursuites s'organisent dans les rues.

Même la nuit, Brazzaville sait faire la fête en toute naïveté et sans débordement. Dans le VIP, se dégagent une ambiance de franche camaraderie. Sur une musique entraînante, chacun sirote sa bière et se déhanche sans vulgarité, sans distinction de style vestimentaire, sans faux semblants. Après cette agréable soirée dans Brazzaville by night, il faut rentrer et la laisser profiter de cette fragile liberté.

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La diversité religieuse est telle que chacun ici à sa religion, même au sein d'une même famille. Ce dimanche, l'occasion est donné de participer à une messe d'un genre nouveau. Bâton d'encens et musique tibétaine permettent à chacun de prendre place. Les hommes en robe blanche et les femmes en blanc et rouge sont installés sur l'estrade. En face, les Oscars (les enfants) en jaune et bleu, la chorale en bleu, en tout une centaine de personnes. Les chants se succèdent en lingala, en kituba et en français. Soudain, le pasteur principal en canne et en robe verte fait son entrée précédé de quatre femmes en verts. Puis, le grand maître de la fraternité fait une entrée de rock star. Belle berline grise, tapis rouge... Lui est habillé à la façon d'Elvis Presley dans un costume blanc avec des étoiles vertes. Ce mouvement récent se présente comme chrétien (lecture de l'évangile de Jean au début), mais fait finalement une synthèse entre différentes religions, en proposant de dévoiler des vérités cachées. Jésus serait un prophète comme Bouddha, Moise ou Simon Kimbangu, symbole du nationalisme congolais dans les années 1920 et créateur d'un courant religieux toujours présent ici. Celui ci se réclamait de Kimpa Vinta , prophétesse bantoue du 17e siècle, dont le buste trône devant la gare de Brazzaville parmi d'autres figures congolaises. Au bout de 4 heures de chants et de conférences, je retiens surtout un besoin de reconnaissance de la spiritualité africaine, résumée dans ce beau chant :"Si Dieu parle aux blancs, alors il pourrait aussi parlait aux noirs".

L'église catholique a au moins reconnu un saint noir: Kisito. Ce jeune ougandais mort en martyr au 19e siècle a donné son nom à l'église catholique du marché Total. Remplie de centaines de fidèles malgré l'heure tardive, la chorale à elle seule comprend une centaine de voix... sublimes. Le passage de l'Evangile de Matthieu permet d'entonner le chant: "La où il y a l'amour et la charité, là est Dieu".

Aujourd'hui, je suis invité avec pleins de nouvelles cousines chez l'ainée Monique à Ngamaba , nom d'un ancien village téké devenu quartier de Brazzaville. En observant les lézards géants gober les mouches, j'attends tranquillement à l'ombre du manguier le repas que Monique prépare avec soin. Les repas congolais qui se préparent et se succèdent sont autant de marque d'amour et de charité qui me touchent profondément.

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La valise déjà faite, nous passons cette dernière journée en petit comité. Le même que celui qui m'a accueilli à Brazzaville un mois plus tôt. Nous partageons un dernier repas, regardons les vidéos, échangeons les numéros de téléphone et les musiques. Les enfants passent comme promis me dire au revoir et repartent ravis avec quelques coloriages et hand-spinner. La télé, ordinairement éteinte, diffuse en arrière plan le défilé civil et militaire qui dure plusieurs heures. Aujourd'hui, on fête l'Indépendance du Congo vis à vis de la France,obtenue en 1960.

L'indépendance du pays est à l'image de celle d'un homme: coups d'états et d'amnisties sont comme les atermoiements d'une vie contrastée, mais qu'il faut assumer. Une vie liée à celle de notre famille, de nos amis, de nos amours, de nos frères en humanité aux quatre coins du monde. Un jour, nous fêterons peut être tous ensemble la fête de l'interdépendance. Ce jour là, il n'y aura plus de défilés militaires, mais un défilé d'espérances et de rêves réalisés en toute équité. D'avance je vous souhaite une bonne fête à tous !

Gilece, Besogne, Ya Pierre Okou, Ayou et les drôles de dames!