Ce matin encore une superbe lumière sur les Alpes de Lyngen.
Alpes de LyngenJe suis préoccupé par l’enregistrement de mon vélo et le fait de trouver un carton. Je gâche ma traversée du fjord de Lyngen en ferry à essayer d’appeler la compagnie aérienne et les magasins de vélos, sans succès pour ces derniers. Quant à la compagnie, comme je m’y attendais, je m’enlise dans le labyrinthe des tchats et des boîtes vocales! Et quand j’ai enfin quelqu’un dont je ne comprends à peine le français parce qu’il s’agit d’un service client délocalisé au Maroc ou ailleurs, on m’explique au bout d’une conversation ubuesque que l’on ne peut rien pour moi! GRRRR! A 10!h00 je suis déjà épuisé.
Je suis allé sur le site de la compagnie Widerøe, en norvégien uniquement, pour entamer un tchat, qui est automatiquement perdu si tu abandonnes le site! Booouuuh!
Bon, passons à autre chose.
Mon avant dernier ferry. Quand j’ai eu fini de m’énerver au téléphone et sur les sites internet, je décide de m’offrir mon Coca quotidien. Là, je retrouve la même employée thaï qu’à l’aller. Pour une fois que je reconnais quelqu’un! Elle me reconnaît immédiatement et nous engageons la conversation comme deux vieux amis.
A la descente du ferry à Lyngseidet, j’aborde en anglais un cyclo lourdement chargé. A son accent, je devine qu’il n’est pas Allemand. Gagné! Il est Français. Lui, c’est un vrai de vrai: camping sauvage, pêche, feu, objectif cap Nord depuis la France, destination finale Athènes. Six mois. Il n’est pas comme ces nantis qui alourdissent leur bilan carbone en prenant l’avion!
Je vais sur 20 km, traverser les Alpes de Lyngen. Thor a fendu ce massif de plus de 1000m d’altitude d’un seul coup de foudre!
Cette vallée est une entaille profonde dans les Alpes de Lyngen. Sur les flancs, des petits glaciers agonisants.Sur les flancs de la vallée, j’aperçois quelques petits glaciers agonisants. Dans 5 à 10 ans, ils ne seront certainement plus là. RIP.
Cependant cette entaille dans le massif, me fait gagner 100km sur la route de Tromsø.
Par contre…
Vent frais vent du matin, vent qui me fait chier jusqu’à la fin, haine du vent qui souffle par beau temps…
J’arrive à Svensby, sur ce nouveau fjord que je sais pas comment il s’appelle. Je résous mon problème de carton après avoir rappelé le magasin de vélo (une mer douille en moins- là, je laisse l’erreur de grammaire car le correcteur automatique a le sens de l’humour- ).
Au passage, encore de beaux paysages.
Discontinuité géologique et jolie maison. Sur la route vers ce nouveau fjord, je m’arrête devant la maison d’un sculpteur.
Bon, c’est viking comme sculpture!L’artiste qui était à sa fenêtre me fait de grands signes. Mon langage non verbal lui fait comprendre que je ne peux pas me permettre d’acheter une sculpture étant donné mon moyen de locomotion.
Je reprends donc ma route et me dirige vers mon dernier ferry. Là, je rencontre un cycliste autrichien, la cinquantaine, qui compte arriver à Tromsø le soir même. Après la traversée du fjord, je pars tranquillement devant lui alors qu’il fait quelques photos sur le port.
La nature est toujours aussi belle.
Les bouleaux jaunissent et les myrtilliers rougissent.Une route enventée! Et enchantée.Petit arrêt pour boire un coup. L’autrichien m’a rattrapé! De mon côté, je suis toujours à la recherche d’un camping à une trentaine de kilomètres avant Tromsø. Rien. Nous pédalons ensemble. Le gars est très bavard alors que moi, je ne le suis pas du tout! Finalement, nous avons discuté quasiment sans discontinuer pendant 40km et je me suis retrouvé à Tromsø à l’insu de mon plein gré. 70km dans la journée, c’était pas prévu.
Tromsø avec son pont qu’on ne voit pas très bien. J’appelle mon hôtesse AirBnB. Pas de souci pour une nuit supplémentaire, tu parles! Après moult détours entrecoupés de côtes à 20%, je finis par trouver la maison qui va m’accueillir pendant 6 jours.
15 chambres à louer. Eux vivent au sous-sol. Un bon business quoi! Les proprios sont néanmoins sympas et nous disposons de la maison comme chez nous. Ma première auberge espagnole à 58 ans!
Là, je suis encore tombé sur une bavarde, c’est à croire que je les attire! Une américaine, la trentaine, biologiste, faisant une thèse sur les oiseaux tropicaux. J’ai dû passer deux fois mes nouilles au micro onde et j’ai mis deux heures pour les avaler. Décidément, l’être humain est vraiment un animal social.
Jeudi 5 septembre
Aujourd’hui, j’ai franchi un cap. Dès le matin, je me suis rendu à l’aéroport en bus pour avoir des infos auprès de la compagnie Widerøe pour le transport de mon vélo. Une gentille hôtesse s’est décarcassée pour obtenir les procédures d’enregistrement anticipé. Peine perdue, elle n’a pas fait mieux que moi. Il faut peut-être attendre quelques jours, qu’elle a dit!
Chose amusante, le trajet en bus s’est fait pour moitié sous des tunnels. Il y a sous Tromsø un véritable réseau routier souterrain avec des bifurcations et des rond-points.
Le positif est que dans le centre commercial voisin de l’aéroport, il y avait un magasin de bricolage où j’ai pu trouver un rouleau de plastique bulles et trois rouleaux de scotch haute résistance. De plus, le carton réservé dans le magasin de sport était toujours là. Il m'a quand même été facturé 15€! Faux pas gâcher comme disait Guy Roux! Je vais pouvoir emballer mon vélo, ce qui me retire une sacrée épine du pied.
Le kit du parfait petit emballeur… de vélo!Les jours qui viennent, je vais m’atteler a résoudre ce problème d’enregistrement pour ne pas me retrouver dans la même situation qu’à Toulouse. Et puis, je visiterai la ville et ferai au moins une rando.
Il y a notamment la montagne à droite à gravir.Vendredi 6 septembre
Le réveil sonne, la lumière est belle. Je me précipite pour photographier le paysage: des maisons individuelles de toutes les couleurs, à flanc de colline, à 5 minutes du centre de Tromsø.
Le voisinage.Brunch, discussion avec une allemande qui travaille 2 semaines au jardin botanique et qui va passer quelques jours à Svalbard (Spitzberg). Il y a là-bas un conservatoire mondial de toutes les graines répertoriées sur la planète.
Enfin je m’attaque à la corvée: appeler l’assistance de Widerøe pour enregistrer ce fichu vélo, non, la fichue assistance de Widerøe pour enregistrer mon beau vélo. Je vous la fais courte: une demi heure au téléphone, deux interlocuteurs, on m’explique qui n’y a pas d’accord avec KLM… pas possible, enregistrement le matin même à l’aéroport, moyennant un tarif plus élevé. Un conseil: si un beau jour vous voulez voyager avec un vélo, prenez la même compagnie aérienne pour tout le trajet.
Heureusement, je jardin botanique, gratuit et ouvert h24, me change les idées.
La flore arctique.Le café.Je voulais sélectionner des photos de fleurs mais elles sont toutes magnifiques et je me fiche de connaître leurs petits noms.
Contez fleurettes .Déjeuner sur le pouce, puis petit tour en ville. A priori, il n’y a pas grand chose à voir. La rue commerçante principale est sympa. Elle comporte quelques recoins cosys mais surtout une pléthore de boutiques de souvenirs arctiques proposant des trolls en plastique, des mugs, des magnets, des porte-clés, des bois de rennes, des peaux de Rennes, des pulls, des gants, des… … je n’ai rien acheté!
Le coin cosy de la rue.C’est San Francisco ici! J’aime ces maisons. Un peu plus loin mon regard affûté s’est focalisé sur le rayon fromage d’un bar à vin avec un trois quart de meule de Morbiez! Là, impossible de ne pas rentrer! Roquefort, reblochon, Camembert, brie, Munster, tomme des Pyrénées… je rêve! Je vais voir les vins… Meursault et Savagnin! Bigre! Si ça se trouve, le propriétaire est jurassien!
Je ne m’attendais pas à trouver ça à Tromsø!Comment calmer la salivation? Même après un café accompagné d’une pâtisserie. Tiens, un musée! Ce genre de chose m’attire comme un aimant.
C’est perspektivet qui m’a poussé à entrer, va savoir pourquoi.Je rentre en pensant qu’il s’agissait de design. En fait oui et non. Au rez de chaussée, on y explique la construction par les finlandais de maisons en bois pour reloger des familles dans l’urgence dans les années 40 à 50, en Norvège, Colombie et Finlande. L’habitat est adapté à chaque pays, comme en atteste l’expo photos.
Cet habitat en bois, construit dans les années quarante est toujours debout et occupé.En Colombie, il y a des persiennes pour une ventilation traversante. Lisez ce qui est écrit au dessus de la tête du gamin.L’espoir fait vivre… l’espérance fait supporter la misère!
La partie qui m’a le plus interpellé était l’exemple finlandais où il a fallu reloger 420000 personnes expulsées par la Russie après annexion de 10% de la Finlande en 1940. Je ne connaissais pas ce pan de l’histoire.
La frontière actuelle de la Finlande est toujours celle de 1940, où les Finlandais avaient perdu une partie de la Carélie.Le deuxième étage du musée c’était consacré à l’écrivaine et peintre Sara Fabricius au pseudonyme de Cora Sandel.
Mobilier lui ayant appartenu.Elle a vécu un moment en France, à Paris où elle fréquentait Colette et Françoise Sagan puis en Bretagne. Son roman le plus connu est Alberte et Jacob, qui flirte avec certains aspects de ma vie personnelle. C’est très ému que j’ai quitté ce musée.
Samedi 7 septembre
J’vous fais pas un dessin… mais c’était prévu.
Pluie ce matinDonc, l’activité du jour était aussi prévue!
C’était Tetris, plus précisément emballage du vélo et quelques autres bricoles.
Avant et après: petite cure d’amaigrissement du carton.Le reste des bagages ira dans un sac type IKEA et un peu de stress perdurera jusqu’à ce que j’aie enregistré tout ça!
En attendant, ce soir, je me suis inscrit à une excursion pour aller observer des aurores boréales. C’est comme la pêche ou la cueillette des champignons: résultat non garanti!
Finalement la cueillette a été bonne.
Différentes aurores boréales dans la même soirée.Ces photos sont magnifiques mais il faut être honnête, ce n’est pas ce que j’ai vu, pour la simple raison que l’appareil photo est beaucoup plus sensible que l’œil humain. Les formes, oui, on les discerne mais au niveau des couleurs on est resté dans les verts clairs. Le violet serait observable à l’œil nu avec une éruption solaire très intense.
En tous les cas, le guide a été vraiment bon pour nous trouver un coin de ciel dégagé au milieu de la couche nuageuse. De plus, l’observation n’était qu’une partie du programme. Il y avait ça aussi.
Ca a aussi été l'occasion de rencontrer des touristes de diverses nationalités.
Des saucisses de renne au feu de bois et des discussions intéressantes avec italiens, allemands, brésilienne, lithuanien…Dimanche 8 septembre
Les prévisions météo étaient assez optimistes pour ce dimanche, donc stratégiquement le programme était d’aller marcher pour monter sur l’un des nombreux sommets qui dominent la ville, en l’occurrence le Fløya-Loavgavárri (671m).
Marche d’approche: 3km…. Qui séparent mon gîte du téléphérique! Faut pas abuser quand même!
Beau panorama depuis la gare supérieure du téléphérique. Tromsø se situe sur l’île.Je suis quand même monté un peu plus haut à pied: 250m de dénivelé j’entends bien, pour une vue… sympathique.
L’île de Tromsø vue du sommet.Et naturellement, qui dit nuages dit jeu de lumières.
Je ne m’en lasse pas. Au sommet, il souffle un vent à décorner les rennes. Vent tiède qui vient du sud. Il n’est donc pas très étonnant que la végétation soit rase: myrtillers et autres porte-baies mini arbustes…
La flore est rase, colorée et regorge de baies comestibles.Les myrtillers, malgré le feuillage qui rougit, portent encore de nombreux fruits. Bien sûr, en descendant, je ne résiste pas à l’envie d’en grappiller quelques uns. Alors que je me régale, je me sens venir un noeud à l’estomac. Je viens de réaliser que ce sont les dernières myrtilles que je mange en Norvège. Je me pensais à l’abri du coup de blues, c’est raté. Descente de moral… descente tout court, et ce sera à pied cette fois par les sherpa steps.
On est prévenus: en hiver et par temps humide ça peut glisser 1203 marches… à descendre .Sherpas steps, car comme à Hammerfest, ce sont des Sherpas népalais qui ont contribué à construire cet escalier, allez savoir pourquoi, comme l’attestent des noms gravés sur certaines marches.
Visiblement Dipak a travaillé ici.La descente est super agréable, à condition de ne pas avoir mal aux genoux. Et puis, j’éprouve un tel plaisir sadique à entendre souffler ceux qui montent. Il faut bien de temps en temps laisser s’exprimer le Malin qui sommeille en chacun de nous!
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, je descends.Au pied des Sherpa steps se trouve la cathédrale arctique, architecture moderne qui à mon avis, dépasse largement cette de la Chapelle Ronchamps créée par Le Corbusier. Enfin, pour ne pas être polémique, ce n’est pas le même style. Je me réserve sa visite pour le lendemain.
La cathédrale arctique en enfilade du Tromsøbrua, en norvégien.Le Tromsøbrua, l’un des deux ponts qui relie l’île sur laquelle est située Tromsø à d’autres îles. L’envers du décor!J’ai conclu cette sortie bien remplie par une balade sur les quais et quelques photos.
J’adore les fresques, qu’elles soient urbaines ou célestes.Enfin, j’ai terminé la journée par des adieux à Francy, une cycliste allemande avec qui j’ai passé quatre jours au AirBnB et avec laquelle j’ai beaucoup échangé. Au revoir de loin, (je trouve ça con mais je me méfie des filles du nord) puis elle s’approche pour un hug (une embrassade avec les bras en anglais).
C’est ça aussi la magie du voyage, et particulièrement avec des moyens de locomotion lents, les rencontres sont facilitées par cette lenteur, ce temps qui s’écoule sans s’égrener. Ce rencontres sont souvent sans suite, pas de 06, pas de mail ni de WhatsApp échangés, mais elles font l’éloge de l’instant présent, ici et maintenant.
Lundi 9 septembre (J-1)
Pas réveillé très tôt aujourd’hui. Petit déjeuner tardif, puis je finis de décrire (d’écrire aussi) la journée d’hier avec un brin de nostalgie.
Je vais visiter cette fameuse cathédrale arctique. Cela a l’intérêt de satisfaire ma curiosité et aussi de me faire parcourir les 6km aller-retour, ce qui constituera mon activité physique de la journée. Première chose, c’est une église luthérienne, donc réformée. L’entrée y est payante (6,5€), comme pour beaucoup d’églises en Norvège. Et pour ce prix on a accès au toilettes, que je ne me suis pas privé d’honorer.
Extérieurs, de face, de profil, de biais vers l’avant, l’arrière et en enfilade, Tromsøbrua.A l’intérieur le vitrail derrière l’autel (il n’y a pas de chœur, date de 1974). Je ne saurais que dire de l’orgue… l’entrée est payante mais aucun fascicule explicatif n’est fourni.
Vitrail, orgue et sièges très confortables.Je m’attarde dehors sur le parvis. J’observe les touristes pressés de l’express côtier Havila. Ils sont facilement reconnaissables au badge qu’ils portent autour du cou. Le bus de retour au bateau les attend. Ceux-ci ont se sont certainement offert la croisière depuis Bergen jusqu’à Kirkenes en passant par le cap nord, pour un coût minimal de 3000€ par personne. Chaque escale a une durée déterminée par les excursions potentielles, jusqu’à plusieurs heures.
Je reprends le Tromsøbrua qui me mènera à bon port, c’est à dire le AirBnB où je vais passer ma dernière nuit en Norvège.