Impossible d'attendre plus longtemps. Il nous faut notre vélo ! Les loueurs sont très nombreux à Copenhague, et il faut le faire exprès pour passer à côté. D'ailleurs la ville propose un système de location libre service, avec des vélos électriques, et munis d'un écran. Mais nous nous portons vers un exercice plus local : un vélo pourri.
Non ! Ce n'est pas notre intention, mais le loueur recommandé par notre hôtesse n'est pas spécialement consciencieux. Et quand il nous demande de choisir parmi l'amas de tubes de ferraille qui constitue son "offre", on se prend rapidement à l'exercice : "quel est le moins mauvais". Heureusement, il nous les fait essayer un peu avant. Nous nous décidons sur deux biclous, qui nous coûteront 100 couronnes chacun, avec lumière et antivol. A NOUS COPENHAGUE !
Devant la boutique, la piste charrie son flot de deux-roues. Comment pourrait-il en être autrement ? La difficulté première consiste à s'insérer. La seconde à contrôler sa monture, car il s'avère que la mienne n'a qu'un frein (à gauche), et qu'en rétrogradant le pédalier, il freine ! Je dois me débarrasser de mon "coup spécial" qui consiste à remettre la pédale droite en haut, par rétrogradation, avant chaque arrêt au feu, pour mieux gérer mon départ une fois le feu vert. J'ai l'air d'un enfant bourré (concept) à chaque redémarrage, mais à part ça je gère.
Comme le trafic est dense (je parle des vélos, les voitures n'existent plus depuis que je suis en selle), pour s'en extirper il convient de lever la main de la direction de sortie, un peu à la manière des accusés qui jurent sur la bible dans les films américains. Sitôt signifié, on peut sortir de la piste pour un changement de direction ou simplement une sortie volontaire - comme quand on est arrivé. Il est manifeste que faire du vélo à Copenhague est évident. C'est le moyen privilégié pour à peu près tout : des courses jusqu'aux tournées des bars, en passant par le tourisme. A certains carrefours, il y a même un "repose-pied" pour ne pas avoir à descendre de selle, et optimiser son départ. C'est trop bien ! Les fixies parisiens aimeraient 😉
Nous dévalons les cheveux au vent la grande avenue Tagensvej qui nous ramène de Nørrebro au centre. Le deux vélos que nous sommes se font tantôt rattraper, tantôt précéder par d'autres cyclistes, qui formont peu à peu un grand groupe. Si bien qu'une fois arrivés à l'intersection de Sølvgade et øster Voldgade nous sommes une véritable horde à nous arrêter aux feux et à arpenter les rues du centre ville. Derrière nous et devant nous, d'autres hordes de cyclistes se regroupent aux feux et se rejoignent et se séparent dans dans un ballet fluide. Nous nous dirigeons vers le quartier de Christiania, connu pour être un quartier autogéré de la ville.
C'est une expérience assez rare en Europe en fait : fondée en septembre 1971 par un groupe de squatters, de chômeurs et de hippies sur une ancienne caserne de pompiers la ville "prospère" sous neuf lois simples, en parallèle de la vie économique de la capitale. Une quartier propose de la vente libre de cannabis, et a fait l'objet d'houleux débat dans Christiania même ou la ville de Copenhague. Avec le temps un compromis semble trouvé, avec un statut spécial de communauté alternative. L'accès à la propriété est également un vif débat.
Difficile de saisir ces éléments d'histoire en visitant le quartier le temps de quelques heures. Le quartier s'apparente à un parcours de petits chemins, aucune voiture tolérée, où les maisons de fortune se sont construites adossées aux bâtiments existants, ou le long de la rivière. La localisation privilégiée en fait un endroit agréable où se promener, pour les locaux comme les touristes.
A la sortie de la ville dans la ville, nous souhaitons rejoindre la mer à Amager Strandpark, ou plutôt le canal qui sépare l'île où se trouve Copenhague de Malmö en Suède. Afin de passer en fin de feu vert sur un carrefour emprunté je presse le pas et perd les pédales. Rien d'affolant mais je constate immédiatement après que j'ai en fait perdu littéralement une pédale ! Alors que je suis de l'autre côté du carrefour, ma pédale seule est au milieu de la route. Quelle mauvaise blague ! Je la récupère tranquillement au feu rouge, mais n'arrive pas à la refixer moi-même. Je suis à 5km du loueur, et pourtant je dois le faire réparer. Nous rebroussons chemin... et tant bien que mal j'essaye de me débrouiller pour avancer à une pédale (je rappelle que je ne peux pas rétrograder avec mon unique pédale). C'est plutôt fatigant ! mais je passe quand même inaperçu dans ce flot de cyclistes. En même temps, c'est pas comme si j'avais un faucon sur le bras !
Après avoir choisi ce que j'espère être un meilleur vélo (les vitesses passent très mal mais bon en même temps c'est le troisième vélo que j'essaye - j'en ai marre. Au moins il a deux pédales), nous repartons à l'endroit de l'incident pour reprendre notre parcours. Inutile de préciser que nous connaissons la ville par cœur maintenant. La carte est superflue.
Amager Stranpark nous offre une table où se restaurer après quelques courses au supermarché. L'air de la mer nous emplit les narines, nous voyons les avions atterrir, quelques cerfs-volants flottent dans l'air, des nageurs en combinaison, des céistes, des coureurs et, faut-il le préciser, des cyclistes.
Nous choisissons de revenir à travers le grand quartier de Amager, qui se trouve être à la fois aisé et résidentiel. Nous traversons København de la même manière. Des enfants (en vélo) arpentent les rues sans crainte, une glace à la main. Les voitures sont rares, les jardins sont verts, tout est bien tranquille ici. Nous approchons du parc Amagerfaelled que nous traversons en vélo. C'est un énorme parc qui sans surprise est emprunté par... des coureurs ! (et des cyclistes) Très agréable, sous ce soleil bienveillant. A la sortie nous empruntons la passerelle Bruggebroen, seulement pour les cyclistes et les piétons (allez... on les tolère). Peu après on emprunte quand même une passerelle QUE pour les vélos (marre des piétons, ils vont pas vite), en approchant de l'énorme centre commercial Fisketorvet. Nous nous gardons bien d'y entrer, et suivons notre instinct vers le centre ville, sans vraiment de plan prédéfini.
Après nous être fait doubler par d'énormes voitures américaines du siècle passé mais flambant neuves, nous sentons comme une odeur de barbecue et de la musique live atteint nos tympans. Tiens tiens. On bifurque ! Et là on tombe sur un super rassemblement de passionnés, qui mettent l'ambiance à coup de burgers maisons, bière ou smoothies, empanadas argentines ou plats végétariens. Y'en a pour tous les goûts. Mais surtout, de magnifiques américaines (Ford, Chevrolet, Buick, ...) sont garées un peu partout au son de classic rock d'un Elvis Presley un peu grassouille mais convaincant musicalement.
Cette bonne surprise achèvera notre journée. Un peu fatigués de notre parcours vélo (monopédale en partie) et de ce programme assez chargé finalement, nous rejoignons un courant de cyclistes qui remonte vers Nørrebro.