C'était notre dernière nuit à Maia. Nous quittons le village, peut-être avec regret car nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous nous émancipons du réseau Alfonso et choisissons un hôte dans un autre petit village (en même temps, il n'y a pas beaucoup de villes non plus), en direction de l'est. Nous prenons également la décision de rester sur cette île tout notre séjour, faisant une croix sur les autres îles. Les messages implicites de la population "São Miguel c'est la meilleure des îles" auront peut-être eu raison de nous, mais également les déplacements en avions à répétition ne nous laissent pas rêveurs. Nous avons déjà dû faire escale à Porto à l'aller et au retour, et puis d'après notre progression sur la carte de l'île, nous n'en somme qu'à la moitié 😀
Nous devons étendre notre location de voiture auprès de Fernando. Il nous avait dit "pas de problème, pas de problème" (en français dans le texte avec un accent portugais), mais bon en fait ça veut dire : revenez me voir et on fait un nouveau contrat. Ponta Delgada, qui paraît loin pour nous car nous évoluons à la vitesse d'explorateurs, est en fait à 30 minutes de voiture. Nous retrouvons ce personnage haut en couleur qui nous récite à nouveau tout son vocabulaire français de Vive la France jusqu'à Oh Mon Dieu pendant qu'un de ses employés remplit dûment le contrat. Bis repetita, à part que la scène se déroule cette fois-ci dans une petite zone commerciale, avec des locaux en tout genre. La moitié est vide avec des panneaux à louer, mais l'autre donne un goût de la petite industrie locale avec du service et du primaire (exploitation des ressources de l'île). Fernando nous avait promis une ristourne, qu'il applique. Notre tarif passe de 30€ à 25€ la journée. "Au revoir, mes amis" et nous revoilà en route.
Au programme, heu... fait voir la carte ? On doit se rendre le soir à Achada. Entre les deux se trouve le Lago de Fogo qui a l'air pas mal, et comme c'est l'heure de manger, on dit pas non à une collation. A Lagoa, deuxième ville de l'île, à 10 minutes de Ponta Delgada (peut-être moins...), on se trouve un petit resto les pieds dans l'eau. Le poisson pêché la journée est présenté tel quel, cru, dans des assiettes. On choisit le poisson et ils le cuisinent pour nous. Normal, quoi. Mais on n'était plus habitué... Cette garantie de fraîcheur nous enchante toujours autant, et nous nous délectons d'un barracuda et d'un morceau de thon.
Le Lago de Fogo est l'un des trois cratères qui forment l'île de São Miguel. Nous avons déjà vu celui de Sete Cidade (les lacs Azul, Verde et de Santiago) et Furnas (lagoa das Furnas). Leurs tailles sont comparables. Une petite randonnée commence en haut du cratère de Fogo et descent le long du lac. Bien qu'il commence à pleuvoir, nous nous engageons quand même. La descente est raide ! mais la vue spectaculaire. En bas, nous commençons un tour du lac, que nous ne terminerons pas faut de temps. L'eau n'est pas très froide comme le serait un lac de montagne, et est le foyer de nombreux oiseaux, en particulier des sortes de mouettes.
La raison pour laquelle nous ne voulons pas randonner trop longtemps, c'est pour faire des bains ! En effet, une piscine est aménagée sur la route que nous devons prendre : il s'agit de Caldeira Velha. A flanc de montagne, dans la végétation naturelle, ce sont deux bains qui ont été construits. L'un plutôt tiède, au pied d'une belle fontaine, et l'autre en contrebas qui profite d'un flux d'eau très chaude en sortie de fumerolles qui alimente un petit bassin en régulant la température à 38°C environ. Rien de mieux pour se décontracter après une petite rando !
Nous voulons rejoindre notre hôte pas trop tard pour prendre le temps de faire connaissance. Nous regagnons notre voiture pour rejoindre le village d'Achada.
Tiens d'ailleurs je ne vous ai pas montré notre voiture :
Bon, j'ai rarement dépassé la troisième, vu qu'elle monte pas en troisième. Les autres touristes ont le même genre de voiture, on les reconnaît dans l'île. Les locaux ont des voitures plus confortables, mais ne sont pas des fous du volant non plus. S'ils sont derrière les touristes, ils roulent tranquillement, attendent de pouvoir dépasser et ne prennent pas de risque. Les limitations ne semblent pas s'appliquer à eux pour autant.
Notre nouvelle maison à Achada se trouve au... ah tiens ? on n'a pas d'adresse en fait. Faut s'habituer. On demandera comme à Maia ! Mais cette fois, on a une photo. On découvre la ville tranquillement, en faisant toutes les rues déjà pour voir si on reconnaît pas la maison. Et là, BOUM, c'est exactement notre photo. Bingo. On se gare, on se fait crier dessus par une vieille voisine (bizarre... elle disait peut-être juste bonjour et bienvenue, on sait pas trop) et on monte l'allée. C'est une grande maison de plein pied, mais tout est fermé. On sonne sans conviction, mais surprise, une porte s'ouvre ! Et une dame âgée nous accueille.
A l'intérieur, changement d'ambiance, on est passé de la maison de pêcheur mignonnette à une grande maison de maître. Il fait très sombre dedans. L'entrée est très large et tout est revêtu de bois foncé. Le sol est verni à mort et c'est à peine si nos chaussures ne font pas couic couic quand on marche. On est un peu crades en plus, sachant qu'on revient d'une randonnée boueuse. Ça commence bien. La dame ne parle que portugais. Tudo bem! je sais compter jusqu'à dix et dire les jours de la semaine. Ce qui nous frappe d'emblée c'est la taille des pièces... La cuisine fait deux fois notre salon, et on pourrait faire un bowling sur le plan de travail. Ou du curling dans le couloir, au choix. En montant à l'étage où se trouve notre chambre, une autre chose nous frappe : tout semble inhabité. C'est très propre, mais les objets semblent comme être ici depuis toujours, intouchés, immuables. En essayant d'ouvrir les rideaux de la chambre, je fais tomber les tringles, comme s'ils étaient factices, et en ouvrant les volets je trouve des toiles d’araignée. Une fois la visite terminée, la maison sombre dans un silence intersidéral. Seul le frigo de la cuisine, qui fait un bruit strident, remplit de résonance toute la maison. Les pièces sont tellement nombreuses qu'on ne sait pas où la dame vit et dort, mais sans doute dans la partie du rez-de-chaussée qu'on n'a pas vue. Dans une des salles de vie, un mini bar contient une cinquantaines de véritables bouteilles d'alcool fermées, scellées depuis toujours, pleines. La crème du Bailey's a même durcie et forme un gros bloc qui flotte dans un liquide transparent... La vue qu'offre les fenêtres de notre chambre et une petite terrasse au premier étage est magnifique ! S'il faut partir en courant car les tiroirs s'ouvrent tout seuls, au moins ce sera joli dehors.
D'ailleurs le tiroir principal de la cuisine est coincé, et quand on mange la bouilloire se met en marche toute seule ! (véridique). Pas de panique. Peu après notre arrivée, des bruits de claquements de portes qui raisonnent jusque dans la chambre annoncent l'arrivée de Claudia, qui est notre véritable hôtesse. Elle était sûrement au travail et nous salue avec un grand sourire. Elle est radieuse et nous donne des infos en anglais, qu'elle parle approximativement. Elle nous informe que la dame qui nous a ouvert est sa mère.