Carnet de voyage

Le dôme de Florence

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Sur les pas des plus grands artistes de la renaissance italienne en son épicentre : Florence.
Janvier 2018
4 jours
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En atterrissant à Florence, j'ai eu la chance d'être du bon côté de l'avion, sur un hublot, pour apercevoir le dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore, ou le dôme de Brunelleschi, du nom de son inventeur, ou tout simplement "le dôme" tant aucune confusion ne peut être possible à Florence. C'est avant pour le dôme que j'ai eu envie de venir rencontrer Florence, tant il me fascine. Et c'est le dôme que je vois en premier en arrivant à Florence (en excluant le dossier du siège du passager de devant). Tout ceci est de bon augure. Je découvrirai que le dôme est incroyablement central dans la ville, la vie et l'histoire de Florence.

L'aéroport n'est pas si près, je vous rassure

Une fois à terre, je me dirige narquoisement vers un arrêt de bus de la ville, en évitant la navette à touristes. L'"abri" sans vitres est désolé, sur un petit terrain vague entre deux voix rapides et un rond-point. Je suis tout seul, subissant un crachin mêlé à de la pollution. Aucun bus ne prend la bretelle de l'arrêt, malgré la croyance que j'en ai déduit de Google Maps. Je finis par me résoudre à rebrousser chemin et prendre la navette à touristes. Elle est très pratique, je vous la recommande. Elle passe toutes les demi-heures.

Dans la ville, à la gare routière, je fais semblant de ne pas chercher le dôme et me dirige vers l'auberge, qui est ma première mission (pas le dôme pas le dôme). Je vois sur mon chemin qu'il y a un point d'intérêt sur ma carte soigneusement préparée à l'avance : le marché de San Lorenzo. J'y passe donc. Des vendeurs de vêtements, cuirs, souvenirs en tout genre et sans intérêt (pour moi) occupent les rues qui entourent le grand marché fermé, au toit vert. Seul le premier étage est ouvert aujourd'hui et héberge un grand "food court", rassemblement de restaurants, assez chic avec cuisines de toutes provenances. Comme il est encore tôt pour manger, les tables sont vides, mais il est facile d'imaginer le lieu animé et bruyant du sons des couverts. Je reprends ma route vers le dôme. Pardon! L'auberge. J'aperçois le dôme à de nombreuses reprises cela dit. Il s'élève bien au-dessus des autres bâtiments et de nombreuses rues y convergent.

Dans le dortoir de l'auberge, je fais connaissance avec mes partenaires de chambrée : deux néérlandais, un italien et un israélien. Tous sont familiers des richesses artistiques de Florence, raison de leur visite. Le temps de prendre mes marques, je repars arpenter les rues à la nuit déjà tombée. Toutes mènent au dôme et je finis par m'y trouver à son socle, c'est à dire là où on le voit le moins. Mais justement, cela me fait prendre pleinement conscience de la grandeur et la beauté de l'église Santa Maria del Fiore, ainsi que du baptistère (un imposant bâtiment octogonal où se faisaient baptiser les puissants de la ville) et du campanile (une haute tour, à peine moins que le dôme) qui le jouxtent. Le baptistère dispose d'une imposante porte de bronze réalisée par Ghiberti suite à un concours qu'il remporta face à ... Brunelleschi. A ma surprise, ces portes sont visibles librement, de jour comme de nuit, protégées par une épaisse grille ; j'apprendrai plus tard que c'est parce que ce ne sont pas les originales, qui sont dans le musée du dôme, de l'autre côté de la cathédrale. Elles se composent de dix panneaux de bronze sculpté, avec une extrême précision et un grand raffinement. La porte est tellement haute qu'on ne peut profiter que des panneaux les plus bas, mais quel effet !


Réalisée entre 1425 et 1452, elle représente une des œuvres les plus magistrales de la Renaissance.

Entièrement en bronze doré, elle est surnommée Porte du Paradis par Michel-Ange.

Vasari la définira comme « la plus belle œuvre qui se soit jamais vue au monde, tant chez les Anciens que chez les Modernes ».

La cathédrale en marbre polychrome illumine le quartier et sert de point de repère à la myriade de rues piétonnes qui partent d'ici. Je suis ces rues, guidé de plus en plus par mon estomac.

La cathédrale Santa Maria del Fiore, et son campanile à droite. 

Mon indécision sur le lieu où manger me mine et je me retrouve affamé dans un quartier sans restaurants. Je prends le premier qui se présente, très local et avec peu de monde... les conditions, me dis-je, pour un repas authentique. Hélas, c'est une catastrophe : sans doute la pire pizza de ma vie (quelle idée de manger une pizza à Florence aussi). Cela dit, je suis bien content de me poser et engloutis mon dîner royalement, efficace à défaut d'être bon, après un quart de journée malgré tout éreintant.

Je m'endors comme une masse, malgré les discussions et la lumière allumée.

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Le temps de me lever, doucher, préparer, il ne s'écoule que 30 minutes. Je ne veux pas réveiller les autres (je suis le premier debout). Je fais le choix de manger sur le chemin pour le petit déjeuner, en fonction de ma faim. Mon programme du matin est la galerie des offices (Galleria di Uffizi), le musée principal de Florence, consacré aux peintures et sculptures de la renaissance italienne en particulier. Je reste concentré sur cet objectif en traversant la ville, car on a vite fait de se laisser aller à un autre musée exceptionnel, ou une autre église unique au monde à droite ou à gauche. Je traverse donc la ville en ignorant allègrement (pour l'instant !) l'église San Marco, la Galleria dell'Academia, la cathédrale, le musée Bargello... Tout droit vers les offices ! J'espère également y trouver un relatif calme en matinée.

La galerie a été construite par l'architecte Vasari, sur commande de Cosme le Jeune, pour abriter les bureaux de l'état, d'où son nom. Il a une conception originale car une rue passe au milieu (le cortile) et sépare les deux parties du bâtiment reliées par une passerelle formant le U de la grande galerie du premier étage.

Vasari est souvent cité à Florence. Il était peintre, architecte et écrivain toscan. Son recueil biographique Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, particulièrement sa seconde édition de 1568, est considéré comme une des publications fondatrices de l'histoire de l'art. Ainsi il a donné une vision contemporaine irremplaçable de la renaissance florentine. Il a lui-même laissé des chefs-d’œuvres à la postérité, notamment la cène dans le réfectoire de l'église Santa Croce que je verrai demain.

Dans la galerie sont exposés les sculptures de bustes et les portraits des personnages importants de Florence. De cette galerie, extrêmement belle et équilibrée, les visiteurs entrent dans les salles où les peintures sont exposées. Les grands noms se succèdent, de Botticelli à da Vinci. J'y retrouve des œuvres que je veux voir depuis longtemps. Malgré les cars entiers de touristes qui se déversent dans les salles je reste absorbé pas des incontournables chefs-d’œuvres, qui se côtoient ici, si nombreux. Les voir en vrai est absolument incomparable que de les voir en reproduction (y compris par ces photos).

Michel-Ange, da Vinci, et Botticelli (les deux du bas) 

Je vous invite à aller lire les pages Wikipedia de ces quatre œuvres:

- Le Tonto Doni de Michel-Ange

- L'annonciation de da Vinci

- Le printemps de Botticelli

- La naissance de Vénus de Botticelli

Un petit espace dans le musée, presque comme un musée dans le musée, présente des peintures d'origine étrangère (flamandes, françaises, espagnoles) qui ont été acquises par les florentins au fil du temps, avec une exigence méticuleuse.

Je parcours ce musée de chefs-d’œuvres en trois heures. Il n'y a pas tant de monde que ça, à part quelques grands groupes qui s'amassent avec leur guide devant les œuvres les plus importantes (bon indicateur pour ma visite).

Du musée, j'ai pu apprécier de belles vues sur les toits rouge de Florence, avec une vue plongeante sur le Ponte Vecchio qui enjambe l'Arno. Le pont porte bien son nom car il s'agit du plus vieux pont de la ville, qui abrite des joailliers et orfèvres de luxe. Je l'emprunte pour l'expérience, mais une fois de l'autre côté je ne fais que revenir car la suite de mon programme se situe sur la même rive. Et la suite de mon programme, c'est le dôme ! Finalement, on apprécie le mieux le Ponte Vecchio quand on n'est pas dessus et que l'on observe, incrédule, la longévité de ces maisonnettes accrochées avec détermination sur les parois du pont, soutenues par des poutres en bois qui semblent vouloir céder à la prochaine minute.

Ses boutiques étaient initialement occupées par des bouchers, des tripiers et des tanneurs, bientôt remplacées, en 1593, par la volonté de Ferdinand Ier de Médicis qui n'en supportait pas les odeurs fétides, par celles des joailliers et bijoutiers. Les sporti sont les supports qui ont permis la construction en surplomb des arrière-boutiques.

Pour la visite d'Adolf Hitler, en 1939, à l'occasion d'un voyage des dirigeants allemands venus voir Mussolini pour conclure l'alliance des nazis et des fascistes en 1939, trois fenêtres panoramiques furent ouvertes au centre du Corridor de Vasari. Contrairement à tous les autres ponts de Florence, le Ponte Vecchio échappa à la destruction en août 1944, lors de la retraite des troupes allemandes : sa largeur limitée ne pouvait en effet livrer passage aux chars alliés. Le consul de Suisse, Karl Steinhauslin, a œuvré pour que le pont ne soit pas détruit.

Pour visiter le dôme, il faut acheter un ticket qui donne ensuite un accès libre au campanile, au baptistère, aux vestiges de la cathédrale (la cathédrale même est gratuite)... mais pas au dôme ! Pour ce dernier il faut en plus faire une réservation. Et il n'y a plus de places pour aujourd'hui ! La prochaine visite disponible est le lendemain de 14h à 15h30. Le ticket global vaut 15€, ce qui est franchement un bon prix pour ce qu'il couvre.

Lors de mes visites, je découvre que la cathédrale est construite sur une ancienne église : Santa Maria Reparata, qui était plus basse au niveau du sol, et surtout beaucoup plus petite. Les mosaïques de l'ancienne église sont particulièrement belles. On les découvre via un parcours interprétatif, à quelques mètres au-dessous de l'actuelle cathédrale.

A gauche, on prend conscience de l'échelle de la cathédrale actuelle par rapport à l'église d'origine. 

Pour le campanile, il y a une file d'attente qui est particulièrement lente. On prend notre mal en patience. Certains sortent furtivement de la queue pour acheter rapidement une glace ou une bouteille d'eau avant de venir se réinsérer. J'attends tranquillement car je sais que de là-haut on a une vue imprenable sur le dôme. Finalement je me retrouve dans les escaliers qui mènent au toit. Croiser les autres touristes demande un peu d'adresse. En plus du vertige, il vaut mieux aussi ne pas être claustrophobe.

La vue d'en-haut tient ses promesses. A peine en dessous du dôme, la vue sur Florence et les montagnes de la Toscane qui la gardent, est incomparable. Je reste longtemps là-haut à reconnaître les lieux de Florence que je connais déjà, prendre des photos et profiter de l'air doux qui souffle un peu plus d'ici.

Après cette ascension, un petit goûter ne serait pas de refus, surtout après seulement un petit panini du midi (pain rond coupé en deux et garni). Je déguste une délicieuse glace que je mange tout en me dirigeant vers un salon de thé que j'avais repéré en marchant la veille. Je fais une escale à la bibliothèque publique Oblate et constate qu'elle est remplie à ras bord d'étudiants, jusqu'aux terrasses extérieures. Je m'y pose aussi en me faisant la réflexion que c'est assez insolite de pouvoir travailler et lire dehors un 20 janvier.

Je finis par pénétrer dans le mystérieux salon de thé. Avec une porte en renfoncement, je sonne pour faire ouvrir le lieu 30 minutes après l'heure officielle. Dans une ambiance toute marocaine le propriétaire me demande ce que je fais ici tout seul ! Parbleu, me dis-je, boire un thé ! Je lui répond avec un "Buongiorno" qui ne l'a pas convaincu des masses vu qu'il me demande si je suis espagnol. Raté, mais je découvre vite qu'il a plutôt un bon français. Malgré cet accueil inhabituel, je me sens tout de suite à l'aise dans son salon et commande un thé préparé au miel et à la fleur d'oranger. Il me prie de l'excuser des "travaux en cours" qui consistent en deux personnes qui appliquent consciencieusement de la feuille d'or sur l'âtre d'une porte et un pan de mur. Les observer est une activité tout à fait compatible avec le fait de boire un thé. De fil en aiguille, et en langue française, j'apprends qu'une des deux femmes est une artiste qui vit à Paris et vend des aquarelles. Je joue un peu de piano à leur grand ravissement sur un très vieux piano toujours en bon état et finis par repartir dans la nuit déjà noire, toute aussi douce que le jour.

A l'intérieur du salon de thé Mago Merlino

Le soir je découvre les lieux actifs autour de la place de la République qui attire des grands groupes d'adolescents qui doivent s'abriter de la pluie sous la grande arche et les arcades de la nuit. Il n'y a guère d'endroits où sortir passé 21h à cette époque de l'année. C'est un temps idéal pour finir la journée devant un match de PES sur la Playstation de l'auberge. En rentrant je reconnais les trois autres qui y jouent et les rejoins. On dirait qu'il n'y a que nous dans cette auberge !

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Ce matin, je suis dehors en 20 minutes, un peu tôt même pour l'ouverture de l'église San Marco. Je veux y voir les fresques de Fra Angelico, mais je découvre qu'elles se trouvent dans le couvent attenant, qui s'appelle aussi musée, et qui ferme les premier, troisième et cinquième dimanches du mois. Et aussi les deuxième et quatrième lundis du mois. Je réalise avec consternation que nous sommes aujourd'hui le troisième dimanche de janvier, et que par conséquent demain, le jour de mon départ, le quatrième lundi. Je ne verrai pas les fresques de Fra Angelico, qui pourtant étaient une de mes grandes attentes. J'aurais dû le faire hier ! Tant pis... je ne me laisse pas abattre et me dirige vers le musée Bargello, anciennement prison du même nom comme peut en témoigner l'édifice fortifié.

La cour du palais Bargello

Le Bargello est un palais de Florence construit en 1255, qui fut au Moyen Âge et à la Renaissance le siège de la police de la ville et de son capitaine du peuple.

Il est ensuite agrandi. Au XVe siècle, Cosme l'Ancien exige qu'on peigne sur sa façade le portrait des nobles pendus pour s'être opposés à lui. De 1502 à 1574, il abrite le Conseil de justice et les juges de la Ruota. Par la suite, il est transformé en prison publique.

En 1840, on découvre dans la chapelle du palais un portrait de Dante peint par Giotto, ce qui relance l'intérêt pour le bâtiment, qui est restauré. En 1859, un décret royal voue le palais à accueillir un musée sur la civilisation toscane. Le 22 juin 1865, le musée est inauguré sous le nom de Musée national du Bargello, qu'il a conservé de nos jours.

Le musée est un des musées bien connus de la ville, et il m'a été particulièrement recommandé hier par Rocco, le type du salon de thé. Puisque Rocco l'a dit... je l'ai mis à mon programme. Cela dit, j'avais déjà noté ce musée dans ma liste car il renferme des œuvres d'intérêt, en particulier la sculpture en bronze du David de Donatello. Le Bargello est bien différent de son grand frère les Offices. De plus petite taille, il abrite une collection beaucoup plus variée avec sculptures monumentales (dont Michel-Ange, Cellini, ...), plus petites aussi, de la porcelaine, des pièces de monnaie, des armes, des œuvres en terre cuite, des objets du monde oriental comme tapis, vases, et des peintures aussi évidemment. En gros, tout ce que les riches et puissants de Florence pouvaient et savaient apprécier.

Je retiendrai de ma visite le bronze de Donatello bien entendu, mais aussi, dans la même salle, deux sculptures de bronze qui furent réalisées pour la finale entre Ghiberti et Brunelleschi concernant les portes du paradis du baptistère de Florence dont j'ai déjà parlé. C'est Ghiberti qui gagna, donc, sur le thème imposé du sacrifice d'Abraham.

A gauche la proposition de Ghiberti, à droite celle de Brunelleschi 

Sept sculpteurs plus ou moins célèbres et plus ou moins expérimentés y participent : Filippo Brunelleschi, Niccolò di Piero Lamberti, Jacopo della Quercia, Lorenzo Ghiberti, Francesco di Valdambrino, Simone da Colle et Niccolò di Luca Spinelli. Ghiberti, natif de Florence, âgé de 20 ans, travaillait alors à Pesaro, qu'il décide de quitter pour se consacrer à sa participation. Le jury élimine cinq propositions rapidement pour ne retenir que celles de Brunelleschi et de Ghiberti. Le panneau de Ghiberti est plus abouti stylistiquement, plus léger de sept kilos, et moulé en une seule pièce à l'exception de la figure d'Isaac. C'est donc lui qui se voit attribuer le chantier de 28 panneaux.

Le David de Donatello 

C’est une statue de grandeur nature de 1,58 m1 en bronze sur un piédestal en marbre pour une hauteur totale de 1,80 m, elle est figurée en ronde-bosse, et a produit un choc la première fois qu’elle a été vue, par sa représentation d’un jeune homme nu.

La pose maniérée, l’attitude précieuse et recherchée, les exagérations anatomiques, le regard plongé dans l’ombre du casque, mais plus encore la trop grande élégance de cette figure ajoute une riche psychologie à l’épisode biblique. La complexité intellectuelle de ce jeune guerrier, combattant nu, mais coiffé paradoxalement d'un casque élégant2, a toujours fasciné les spectateurs de ce chef-d’œuvre de la sculpture de la Renaissance italienne. La vulnérabilité du personnage accroît la sensualité de cette figure allégorique maniérée d’une certaine préciosité florentine qui séduira tous les sculpteurs français de la seconde moitié du XIXe siècle.

Je ressors du musée grisé et me laisse traîner par mon indécision pour le repas du midi. Je tombe sur une très bonne trattoria, la Yellow, à l'ambiance d'auberge qui attire les touristes pour des bonnes raisons : pâtes (et gnocchi) fraîches, pizzas au feu de bois, prix raisonnables. Une très bonne adresse.

L'après-midi, c'est le dôme ! Les personnes ayant leur réservation pour 14h s'alignent devant l'entrée (sur le côté nord de la cathédrale) et s'engouffrent dans les escaliers étroits qui montent vers le dôme par l'intérieur. On passe par la corniche à l'intérieur du dôme. C'est le seul véritable endroit d'où on peut admirer les peintures, car au sol l'espace est fermé au public. Je me rends aussi compte de l'espace incroyable que ce dôme couvre. Quand on pense qu'au moment de construire la cathédrale il n'existait aucune technologie connue pour couvrir un si grand espace !

Le dôme est en fait deux dômes superposés l'un à l'autre, et l'on y monte dans cet espace intérieur. On remarque à quelques endroits l'agencement des briques rouges en "arêtes de poisson" qui permirent à Brunelleschi, on le pense, de monter cette structure autoportée, c'est à dire sans support en bois comme on le faisait pour les dômes contemporains. Cette technique de portage était en effet impossible à mettre en œuvre sur cette largeur et hauteur.

Ce parcours nous mène directement sur le toit de Florence. J'ai enfin accompli ma mission de monter sur le dôme ! J'en profite en prenant le soleil de l'après-midi.

Sans transition, je me dirige vers le quartier de Santa Croce et l'église du même nom. Cette église abrite les tombes de personnalités florentines telles que Michel-Ange (rapatriée de Rome par Vasari), Galilée (sa tombe était dans une chapelle attenante et a été rapatriée dans la nef), Ghiberti et d'autres. Elle fait office de Panthéon. En entrant dans l'église, on a un sentiment de sobriété car les fenêtres sont étroites et les murs unis. On a un sentiment encore plus prononcé en pénétrant dans Santa Maria del Fiore d'ailleurs. Cependant, le cœur du transept et les chapelles qui le jouxtent sont extrêmement ouvragés et colorés par des immenses fresques. L'église était recouverte entièrement de ces peintures et on ne peut que s'imaginer l'effet que l'on pouvait ressentir entouré de ces fresques géantes. L'église est très large et très haute, couverte d'une charpente en bois magnifique.

A l'extérieur et à l'intérieur de l'église Santa Croce. On aperçoit sur les côté des tombes d'illustres florentins

La visite se poursuit avec les chapelles construites à côté ainsi que le réfectoires et d'autres bâtiments relatifs à la vie religieuse de cet ensemble. La chapelle Pazzi était sur ma liste car c'est un bâtiment qui forme un des premiers exemples d'édifice de la renaissance. Je suis frappé par les proportions très harmonieuses de l'édifice, qui exploite à merveille l'espace dans lequel il se trouve.

La chapelle des Pazzi, sur le flanc de Santa Croce, commencé par Brunelleschi

Le réfectoire et les autres bâtiments renferment des fresques exceptionnelles. En vérité, c'est presque le plus important de cette visite. L'une de ces œuvres est le Christ de Cimabue. Il fut, comme beaucoup d’œuvres de Santa Croce, enseveli par une crue catastrophique de l'Arno en 1966. Un déferlement d'eau et de boue qui monta jusqu'à cinq mètre de haut détruisit et altéra considérablement des œuvres importantes de ce complexe religieux, situé très bas dans la ville. Le Christ fut emporté par les boues, puis repêché, et devint le symbole de cette catastrophe. Une vidéo explicative retrace la restauration d'une grande peinture : la cène de Vasari. On prend alors conscience de l'état dans lequel les peintures pouvaient se trouver, et de l'effort considérable investi pour les restaurer (parfois des dizaines d'années, avec une aide internationale, des artistes locaux, des étudiants...). Observer ces grandes fresques colorées, intactes après près de six siècles, est particulièrement touchant.

En haut à gauche : le Christ de Cimabue. Des fresques de la salle d'étude et du réfectoire. 

Cette visite fut bien plus longue que prévu ! Le ciel du soir projette une lumière orangée sur le cloître alors que je quitte le complexe en me dirigeant vers la rivière. Je découvre sans trop m'aventurer l'autre rive qui semble plus chic et à l'écart du centre historique qui afflue de touristes. En fait, la promenade qui longe la rivière est très fréquentée aussi. On y a une vue romantique de Florence, en particulier dans le rose pâle désespéré des derniers rayons de soleil. J'échoue dans un salon de thé tout proche du Ponte Vecchio, les jambes en feu. J'ai marché, piétiné, gravi (le dôme !) 7 heures durant.

Je retraverse la ville pour rejoindre l'auberge. Je reprends quelques forces avant de tenter ma chance dans une pizzeria voisine. En fait j'atterris dans une autre qui me paraît mieux. Elle est très tendance à vrai dire. Accompagné par un serveur, je passe devant tous les italiens et touristes qui attendent une table un Baccardi à la main, pour occuper une place libre au bar et déguster une succulente pizza faite sous mes yeux. Le restaurant s'appelle le Fuoco Matto.

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La chambre s'est beaucoup vidée de ses occupants suite à la fin du week-end. Nous ne sommes plus que deux. Je quitte définitivement les lieux tôt le matin et commence mon semblant de programme pour la journée, avec moins de visites mais aussi moins de temps. Je dois prendre l'avion à 15 heures.

Dans mon quartier, j'avais été intrigué par la bibliothèque Marcellana, du coup je tente une petite visite et me retrouve dans une énorme salle historique, occupée pour l'instant que par deux étudiantes matinales.

Dans la bibliothèque Marcellana

Je me dirige vers l'église San Lorenzo, le premier grand ouvrage de Brunelleschi, sans en faire véritablement la visite car je me garde du temps pour l'église Santa Maria di Carmine qui héberge la célèbre chapelle Brancacci. Je vous donne quand même quelques éléments sur San Lorenzo :

La basilique visible aujourd'hui a été édifiée à l'emplacement d'une église consacrée en 393 par Ambroise de Milan, celle-ci étant considérée comme le plus ancien édifice religieux de la ville. La construction de l'édifice actuel a été entamée en 1424 par Filippo Brunelleschi et poursuivie par Antonio Manetti après la mort de Brunelleschi en 1446. L'intérieur de sa façade est de Michel-Ange ; celle-ci, malgré les plans de celui-ci, reste inachevée.

La chapelle Brancacci est célèbre car elle héberge une série de fresques réalisées par Masaccio (en fait Masolino, Masaccio et Lippi) qui ont survécu aux moultes péripéties de cette église, des incendies au destructions pour restauration. Quel spectacle aujourd'hui. Peintes au quattrocento, elles représentent l'excellence de la première renaissance à son plus pur. En fait, la teinte générale est une sorte de rôse pâle, qui n'apparaît pas vraiment dans les reproductions. Les rares touristes du lundi matin y baignent incrédules le nez en l'air. Les fresques représentent les divers moments de la vie du Christ en suivant une narration qui se lit de gauche à droite.

Fresques de Masaccio dans la chapelle Brancacci 

Je termine la matinée sur la place de la basilique Santo Spirito. Elle aussi construite par Brunelleschi, elle a la particularité d'accueillir 38 alcôves dédiées à des saints ou commandées par certaines grandes familles florentines. Chacun de ces chapelles présente une peinture de grand format, dont un Ghirlandaio remarquable. Après la construction de l'église, un énorme autel (vraiment ridiculement énorme) fut construit dans le cœur. Il perturbe un peu l'équilibre de l'édifice, cher à l'art de Brunelleschi.

Je déjeune tôt dans un petit restaurant de la place Santo Spirito, simple et authentique. Le serveur ne parle pas trop anglais. Un russe peu proactif, à une table voisine, se fait joyeusement gronder alors qu'il choisit la basique Margarita après une lecture pourtant minutieuse du menu. Le serveur arrivera à le convaincre d'y ajouter des champignons ! J'observe les dernières tranches de vie à Florance avec nostalgie. Je rejoins mon bus pour l'aéroport et quitte définitivement Florence et ses trésors bien gardés.

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J'ai trouvé la ville de Florence très agréable à arpenter. Tout peut se faire à pied et l'art est omniprésent. J'ai beaucoup été marqué par les proportions harmonieuses des places, des bâtiments, des églises, des arches et des sculptures dans la ville.

Je conseille aux voyageurs de préparer un minimum leur voyage comme par exemple en lisant ce récit 😉 mais aussi en visionnant ces deux vidéos qui sont indispensables pour avoir envie d'aller à Florence et l'apprécier à sa juste valeur lorsqu'on n'est pas familier à l'histoire de cette ville et son rayonnement :