Ce matin, je suis dehors en 20 minutes, un peu tôt même pour l'ouverture de l'église San Marco. Je veux y voir les fresques de Fra Angelico, mais je découvre qu'elles se trouvent dans le couvent attenant, qui s'appelle aussi musée, et qui ferme les premier, troisième et cinquième dimanches du mois. Et aussi les deuxième et quatrième lundis du mois. Je réalise avec consternation que nous sommes aujourd'hui le troisième dimanche de janvier, et que par conséquent demain, le jour de mon départ, le quatrième lundi. Je ne verrai pas les fresques de Fra Angelico, qui pourtant étaient une de mes grandes attentes. J'aurais dû le faire hier ! Tant pis... je ne me laisse pas abattre et me dirige vers le musée Bargello, anciennement prison du même nom comme peut en témoigner l'édifice fortifié.
La cour du palais BargelloLe musée est un des musées bien connus de la ville, et il m'a été particulièrement recommandé hier par Rocco, le type du salon de thé. Puisque Rocco l'a dit... je l'ai mis à mon programme. Cela dit, j'avais déjà noté ce musée dans ma liste car il renferme des œuvres d'intérêt, en particulier la sculpture en bronze du David de Donatello. Le Bargello est bien différent de son grand frère les Offices. De plus petite taille, il abrite une collection beaucoup plus variée avec sculptures monumentales (dont Michel-Ange, Cellini, ...), plus petites aussi, de la porcelaine, des pièces de monnaie, des armes, des œuvres en terre cuite, des objets du monde oriental comme tapis, vases, et des peintures aussi évidemment. En gros, tout ce que les riches et puissants de Florence pouvaient et savaient apprécier.
Je retiendrai de ma visite le bronze de Donatello bien entendu, mais aussi, dans la même salle, deux sculptures de bronze qui furent réalisées pour la finale entre Ghiberti et Brunelleschi concernant les portes du paradis du baptistère de Florence dont j'ai déjà parlé. C'est Ghiberti qui gagna, donc, sur le thème imposé du sacrifice d'Abraham.
A gauche la proposition de Ghiberti, à droite celle de Brunelleschi Le David de Donatello Je ressors du musée grisé et me laisse traîner par mon indécision pour le repas du midi. Je tombe sur une très bonne trattoria, la Yellow, à l'ambiance d'auberge qui attire les touristes pour des bonnes raisons : pâtes (et gnocchi) fraîches, pizzas au feu de bois, prix raisonnables. Une très bonne adresse.
L'après-midi, c'est le dôme ! Les personnes ayant leur réservation pour 14h s'alignent devant l'entrée (sur le côté nord de la cathédrale) et s'engouffrent dans les escaliers étroits qui montent vers le dôme par l'intérieur. On passe par la corniche à l'intérieur du dôme. C'est le seul véritable endroit d'où on peut admirer les peintures, car au sol l'espace est fermé au public. Je me rends aussi compte de l'espace incroyable que ce dôme couvre. Quand on pense qu'au moment de construire la cathédrale il n'existait aucune technologie connue pour couvrir un si grand espace !
Le dôme est en fait deux dômes superposés l'un à l'autre, et l'on y monte dans cet espace intérieur. On remarque à quelques endroits l'agencement des briques rouges en "arêtes de poisson" qui permirent à Brunelleschi, on le pense, de monter cette structure autoportée, c'est à dire sans support en bois comme on le faisait pour les dômes contemporains. Cette technique de portage était en effet impossible à mettre en œuvre sur cette largeur et hauteur.
Ce parcours nous mène directement sur le toit de Florence. J'ai enfin accompli ma mission de monter sur le dôme ! J'en profite en prenant le soleil de l'après-midi.
Sans transition, je me dirige vers le quartier de Santa Croce et l'église du même nom. Cette église abrite les tombes de personnalités florentines telles que Michel-Ange (rapatriée de Rome par Vasari), Galilée (sa tombe était dans une chapelle attenante et a été rapatriée dans la nef), Ghiberti et d'autres. Elle fait office de Panthéon. En entrant dans l'église, on a un sentiment de sobriété car les fenêtres sont étroites et les murs unis. On a un sentiment encore plus prononcé en pénétrant dans Santa Maria del Fiore d'ailleurs. Cependant, le cœur du transept et les chapelles qui le jouxtent sont extrêmement ouvragés et colorés par des immenses fresques. L'église était recouverte entièrement de ces peintures et on ne peut que s'imaginer l'effet que l'on pouvait ressentir entouré de ces fresques géantes. L'église est très large et très haute, couverte d'une charpente en bois magnifique.
A l'extérieur et à l'intérieur de l'église Santa Croce. On aperçoit sur les côté des tombes d'illustres florentins La visite se poursuit avec les chapelles construites à côté ainsi que le réfectoires et d'autres bâtiments relatifs à la vie religieuse de cet ensemble. La chapelle Pazzi était sur ma liste car c'est un bâtiment qui forme un des premiers exemples d'édifice de la renaissance. Je suis frappé par les proportions très harmonieuses de l'édifice, qui exploite à merveille l'espace dans lequel il se trouve.
La chapelle des Pazzi, sur le flanc de Santa Croce, commencé par BrunelleschiLe réfectoire et les autres bâtiments renferment des fresques exceptionnelles. En vérité, c'est presque le plus important de cette visite. L'une de ces œuvres est le Christ de Cimabue. Il fut, comme beaucoup d’œuvres de Santa Croce, enseveli par une crue catastrophique de l'Arno en 1966. Un déferlement d'eau et de boue qui monta jusqu'à cinq mètre de haut détruisit et altéra considérablement des œuvres importantes de ce complexe religieux, situé très bas dans la ville. Le Christ fut emporté par les boues, puis repêché, et devint le symbole de cette catastrophe. Une vidéo explicative retrace la restauration d'une grande peinture : la cène de Vasari. On prend alors conscience de l'état dans lequel les peintures pouvaient se trouver, et de l'effort considérable investi pour les restaurer (parfois des dizaines d'années, avec une aide internationale, des artistes locaux, des étudiants...). Observer ces grandes fresques colorées, intactes après près de six siècles, est particulièrement touchant.
En haut à gauche : le Christ de Cimabue. Des fresques de la salle d'étude et du réfectoire. Cette visite fut bien plus longue que prévu ! Le ciel du soir projette une lumière orangée sur le cloître alors que je quitte le complexe en me dirigeant vers la rivière. Je découvre sans trop m'aventurer l'autre rive qui semble plus chic et à l'écart du centre historique qui afflue de touristes. En fait, la promenade qui longe la rivière est très fréquentée aussi. On y a une vue romantique de Florence, en particulier dans le rose pâle désespéré des derniers rayons de soleil. J'échoue dans un salon de thé tout proche du Ponte Vecchio, les jambes en feu. J'ai marché, piétiné, gravi (le dôme !) 7 heures durant.
Je retraverse la ville pour rejoindre l'auberge. Je reprends quelques forces avant de tenter ma chance dans une pizzeria voisine. En fait j'atterris dans une autre qui me paraît mieux. Elle est très tendance à vrai dire. Accompagné par un serveur, je passe devant tous les italiens et touristes qui attendent une table un Baccardi à la main, pour occuper une place libre au bar et déguster une succulente pizza faite sous mes yeux. Le restaurant s'appelle le Fuoco Matto.