Tous les touristes ayant fait étape à Stockholm vous le diront, s'il y a une chose à voir c'est le Vasa ! Avant notre séjour, nombreuses furent les recommandations sur cet incontournable musée. Vasa par-ci, Vasa par-là, mais qu'est-ce que le Vasa ?
Le Vasa (ou Wasa selon l'humeur) est un navire de guerre construit pour le roi Gustave II Adolphe de Suède, de la dynastie Vasa, entre 1626 et 1628. Le Vasa peut être défini comme un trois-mâts de type hybride entre le galion et la caraque. Sa voilure – en tout, dix voiles – se composait de trois étages de voiles carrées sur le mât de misaine et sur le grand mât, deux voiles carrées sur le beaupré, et une voile latine et une voile carrée sur le mât d'artimon (je cite wikipedia, j'aime bien le vocabulaire marin). Flamboyant et particulièrement bien ouvragé, il sombra à peine à un mille marin de son départ (moins de 2 km) dans les eaux paisibles du dédale des canaux naturels de la zone de Stockholm. Il coula au fond de l'eau, s'incrustant dans la vase pour toujours (ou presque). On y récupéra les canons, mais le navire fut oublié avant sa redécouverte à la fin des années 50.
Le renflouage de l'épave fut une affaire en soit, de plusieurs décennies, et contribue tout autant à la légende de ce navire hors normes. Après être passé 333 ans sous l'eau, il fut sorti de l'eau progressivement (c'est à dire en plusieurs années) puis aspergé de polyéthylène glycol pendant 17 ans. Ce produit eut pour but de limiter les réactions chimiques dues au contact des sulfures contenues dans l'eau des sédiments entourant le Vasa qui s'infiltrèrent dans le bois, avec ce nouvel environnement auquel le Vasa fut si peu habitué : l'oxygène. On laissa sécher l'ensemble pendant 9 ans. Au contact de l'air cependant, le Vasa est condamné à se détériorer, peut-être encore plus que s'il était resté dans son lit de vase.
Au-delà de cette découverte historique, le renflouement du Vasa a permit aux chercheurs et archéologues suédois de travailler sur un ensemble de pièces - 40000 remontées au total - d'une richesse inégalée. Le Vasa est simplement le seul navire du XVIIème siècle que vous pouvez observer dans le monde. Et si cela ne suffisait pas, il est dans un état de conservation exceptionnel, accessible au grand public et très bien mis en valeur dans un écrin géant dont la fonction est exclusive au Vasa : le protéger et le partager.
Vous comprendrez avec tout ça que malgré notre dilettantisme nous ne voulions pas passer à côté du Vasa. C'est pourquoi ce samedi matin nous sautons dans le métro puis le tram pour rejoindre l'île de Djurgården où il se trouve. Du tram on est à deux pas, et on profite de la faible fréquentation de l'ouverture (10h) pour débuter notre visite.
Dans la pénombre, sans doute pour le protéger encore, le navire nous fait face d'un bloc. Ses mats ont été tronqués mais tout est bien là. Le musée, par petites expositions successives, est bâti tout autour. On monte peut à peu dans les étages, en se rapprochant progressivement de la structure. Sur les derniers étages, on peut presque le toucher.
Le musée se remplit bien tout au long de la matinée, et nous le quittons alors qu'il est bondé. De retour dans la ville nous rejoignons un ancien collègue qui s'évertue à nous trouver un bon restaurant. Face à une devanture fermée sur ce qui lui semblait la meilleure idée, nous nous rabattons sur un food court central où des restaurants aux spécialités diverses (non suédoises) se partagent les tables et la clientèle. Nous choisissons un thaï qui se révèle absolument délicieux.
L'après-midi, nous profitons du temps particulièrement doux et ensoleillé pour marcher dans les alentours et rendre visite à la bibliothèque centrale. L'édifice, plutôt laid de l'extérieur, est marqué par une très large tour qui abrite la salle principale de la bibliothèque. Cette dernière est par contre très réussie. Les murs circulaires sont couverts de milliers de livres dans toutes les langues. Les autres salles plus spécialisées abritent des rayons entiers dont la langue anglaise et souvent bien représentée. A l'heure de partir, une femme passe dans les salles en faisant sonner un petit gong tibétain informant les usagers qu'il faudrait songer à partir. Une bien bonne idée, évitant les messages automatisés d'usage.
Les rayons rasant la ville nous invitent à songer sérieusement au dîner. Jusque là nous n'avons pas vraiment goûté à la cuisine locale. Le restaurant fermé du midi nous a laissé un petit goût de frustration, aussi nous comptons bien le tenter le soir. Nous sillonnons les rues en tentant de retomber dessus par hasard (notre géo-marquage GPS du midi nous y aide bien, il faut le dire). Le restaurant Nolen est bien là, et qui plus est ouvert ! Nous nous engouffrons dans l'entrée fort accueillante. Nous nous exprimons en anglais, après quelques tak d'usage, pour nous voir refuser l'accès à la salle principale, presque vide mais réservée. Heureusement, une table de repêchage est prévue à l'entrée, que nous partageons avec un autre couple infortuné.
Il s'agit d'un couple de suédois, d'âge mûr et fort apprêtés, qui après quelques regards curieux nous adressent la parole. Ils nous demandent d'où nous venons, ce à quoi je les invite à deviner. Ils ne s'y trompent pas, la langue française leur étant familière. Très sympathiques, nous échangeons avec eux quelques banalités et compliments réciproques sur nos villes respectives. "Paris est tellement belle", "oui mais elle manque d'îles. Stockholm est si paisible", "oui mais si minuscule !". Nous suivons leurs recommandations culinaires, même si les plats principaux sont déjà commandés. En l’occurrence des boulettes traditionnelles et des lasagnes végétariennes. Ils refusent de nous voir partir sans goûter à l'un de ces amuse-bouche qu'ils trouvent particulièrement succulent, déterminants semble-t-il dans leur choix ce soir de ce restaurant. Nous en commandons, à leur ravissement, et entamons la délicate opération de goûter devant eux la spécialité vantée. Il s'agit d'une minuscule tartine ronde recouverte d'un mélange d'anchois en petit morceaux dans une sauce claire. Les autres amuses-bouches nous ont particulièrement plu (dont du chorizo d'orignal), mais là la pression est toute autre. C'est sous deux paries d'yeux joyeuses et appréhensives à la fois que je coupe la tartinette en deux. La suite des événements est presque écrite : je goûte, je dis que c'est succulent, et tous s'extasient. Mais il s'agit de ne pas hésiter dans l'enchaînement des actes : une réaction trop hâtive la rendrait peu crédible, trop tardive, suspecte. A la première bouchée, je suis conquis. Ils s'extasient. Les saveurs se mélangent particulièrement bien, la sauce complétant sans trop inhiber le goût prononcé du poisson, et la tartine - quoiqu'un peu molle à mon goût - soutien finement le tout. Stockholm continue de rimer avec bonne cuisine. Cet épisode clos notre relation éphémère, et après une demande d'avis sur un petit club de jazz alentour, ils nous quittent à grand renfort de tak. Les boulettes et la purée confirment la bonne cuisine du lieu qui en font une adresse à mon avis incontournable. J'en remercie notre ami qui nous l'a recommandée. (l'adresse est jointe à cette étape, il s'agit apparemment du restaurant de la salle de spectacle qui la jouxte : Nolen).
En plein festival de jazz, nous avions repéré un petit bar non loin qui accueille ce soir un groupe. Nous sommes bien en avance, ayant fini notre repas à 19h30 et le concert commençant à 20h30 seulement. Je crois que nous nous sommes un peu emballés sur les horaires des suédois. Ils semblent fonctionner à deux vitesses bien distinctes entre la semaine et le week-end. A l'approche de l'heure venue, nous nous faufilons dans ce bar minuscule. Nous nous glissons l'un après l'autre sur la banquette d'une table vide avant qu'on nous informe qu'elle est réservée. Mince. Avant de commander je passe aux toilettes, ce qui s'avère être une mission à part entière tant la promiscuité a atteint ici une dimension jusque là inexplorée, même à Paris qui pourtant est spécialisée en la matière. La serveuse se trimbale les plats à bout de bras, forcée de déranger ou d'être dérangée à chaque mouvement, s'excusant dans un suédois qui sonne curieusement franchouillard. Dans l'effervescence on arrive à lui échanger deux mots... en français ! On aurait bien discuté un peu mais l'échange fut de courte durée puisque la voilà immédiatement appelée à l'autre bout de la salle, c'est à dire deux mètres plus loin. Le concert est censé commencer dans quelques minutes, mais nos efforts pour garer nos deux personnes dans cette boîte à sardine nous force à quitter les lieux alors même que les musiciens s'installent - lentement il faut dire. Le plan tombe à l'eau ! Quel dommage. Un peu de musique aurait parfaitement terminée notre journée mais, victime de notre non-organisation, nous nous contentons de rentrer tranquillement à l'hôtel. Et puis, entre le Vasa et les heures de marche de la journée, nous sommes exténués.