"Le toit du monde"? Ne serait-ce pas l'Everest? Et bien oui et non, en fait tout est une histoire de référentielle... Je m'explique, sans trop rentrer dans les détails 😉
La Terre, bien qu'ayant l'air d'une sphère parfaite, ne l'est pas exactement... En effet à cause de la force centrifuge, elle est un peu aplatie aux niveaux des pôles et un peu "potelée" au niveau de l'équateur.
Le point culminant de l'Équateur (pays qui porte bien évidemment son nom car l'équateur passe en plein dessus) est le Chimborazo à 6268m. Sa distance du centre de la Terre est de 6384,687km.
Le plus haut sommet de la Terre est le Chomolungma, plus connu sous le nom d'Everest, qui culmine à 8848m au-dessus du niveau de la mer. Sa distance avec le centre de la Terre est de 6382,467km. Et oui, si vous avez bien suivi, le Chimborazo est plus éloigné du centre de la Terre que ne l'est l'Everest! Autrement dit, le point de la Terre le plus près des étoiles est non pas l'Everest, mais le Chimborazo!
Alors l'Everest demeure le sommet le plus haut par rapport au niveau de la mer, et donc l'un des sommets les plus durs à accéder dû au manque d'oxygène, mais il n'est pas le "toit du monde" par rapport au centre de la Terre!
C'est ce sommet que Jérôme et moi avions comme objectif... Mais avant ça, il va falloir se préparer un minimum et faire une acclimatation sérieuse...
Nous avons donc commencé par le trek de la laguna Quilotoa qui se fait en 3 jours! La première étape commence à 3000m d'altitude et la dernière étape se finit à quasi 4000m. Idéal pour s'acclimater, on commence bas et on monte doucement en altitude. 🙂
Ce fut un trek assez joli, étant très rural nous avons traversé plusieurs villages. Le dernier bivouac, au bord du fameux cratère, fut un des grands moments de ce trek! Le cratère de Quilotoa est un cratère de volcan rempli d'eau, c'est assez incroyable comme paysage... Je vous laisse le découvrir 🙂
Trek de QuilotoaAprès ce chouette trek, nous nous sommes dirigés dans le parc du Cotopaxi (volcan culminant à 5897m) afin de continuer notre acclimatation. L'immense plaine au pieds du fameux volcan culmine déjà à 4000m! Après avoir dormis dans la tente près d'un lodge, nous avons randonné pour monter jusqu'au refuge du Cotopaxi (4856m)! Refuge le plus près de la lune (et où il y a un petit pan d'escalade! 😋). Nous y avons donc passé une nuit qui a été bien frisquet mais l'ambiance très haute montagne nous réchauffait bien! 🙂
Réserve nationale du CotopaxiEnsuite nous nous sommes dirigés vers Riobamba situé dans la province de Chimborazo (et oui, nous sommes tout près du fameux "toit du monde"). Là nous avons été pris en charge par l'agence par laquelle nous sommes passés pour tenter ce sommet.
Pour continuer notre acclimatation, l'agence nous a emmené dans un lodge situé sur les flancs du Chimborazo à 4000m d'altitude. Là, nous nous sommes un peu balladés dans les alentours, en compagnie de vicuñas! 🙂
Sur les flancs du fameux Chimborazo!Après cette nuit passée à 4000m d'altitude, l'agence nous a déposé à l'entrée de la réserve nationale du Chimborazo.
Après 3h de marche nous avons atteint le refuge Carrel situé à 4800m. L'idée étant de passer le reste de la journée et la nuit à cette altitude pour continuer notre acclimatation!Ensuite, avec le guide, nous atteindrons le camp d'altitude (5300m) d'où nous commencerons l'ascension!
La plupart des personnes qui tentent de grimper le Chimborazo, partent du refuge Carrel: ça fait quand même quasi 1500m de dénivelé! Afin d'augmenter nos chances, nous avons décidé de monter la veille à un camp d'altitude afin de réduire le dénivelé le jour de l'ascension: "que" d'environ 1000m!
Vous le constaterez sur les photos ci-dessous, le Chimborazo est constitué de 2 sommets: un situé à 6234 (Cumbre Ventimilla) et un autre situé à 6268m (Cumbre Whymper). Afin d'atteindre la cumbre Whymper, le "vrai" sommet du Chimborazo, il faut atteindre la cumbre Ventimilla, redescendre de 20m et remonter d'une cinquantaine de mètres...
Afin de me dégourdir les jambes, j'ai décidé de monter au refuge Whymper (5000m), refuge fermé, mais ça fait une jolie balade. En montant je suis passé devant des stèles funéraires des personnes décédées sur cette montagne... L'appréhension est alors soudainement montée d'un cran... C'est la première fois que je vais tenter de gravir une montagne avec des stèles funéraires situées à sa base...
C'est avec cette réflexion en tête, concernant les risques liés à une telle ascension, que je me suis endormi au refuge le soir...
Réserve du ChimborazoAprès avoir passé cette nuit au refuge Carrel nous avons fait nos sacs et avons attendu l'arrivée du guide...
Extrait de mon carnet de voyage:
23/07/19
11h30 - On passe le temps en jouant aux cartes avec Jérôme, je déteste être dans l'attente: le sac est prêt, les jambes aussi, je veux y aller! Heureusement, Paúlo (à prononcer [PAOULO]) notre guide, arrive à ce moment là! On fait rapidement connaissance! Il nous explique l'itinéraire avec un poster présent dans le refuge, on signe quelques papiers (décharge de non responsabilité... pas trop funky...) et on y va, enfin non... il a encore fallu attendre que la pluie/neige cesse...
13h33 - Ça y est, on part enfin: il était temps! Même si la météo n'est clairement pas avec nous, le plaisir d'enfin marcher prends le dessus!
Au fur et à mesure qu'on monte vers le camps d'altitude, la neige s'amplifie ainsi que les rafales de vents qui montent en puissance...
15h21 - On arrive au camp d'altitude (5300m)! Le camp se compose d'une tente d'expédition en forme de dôme! Il était temps d'arriver, le vent lors de la montée commençait vraiment à être fort...
A l'intérieur on rencontre José notre cuisinier qui nous accueille avec un bon thé chaud et des biscuits! Nous découvrons l'intérieur de ce dôme: à gauche se trouve une table avec des chaises, au fond il y a une genre de cuisinière et à droite des matelas et duvets! Ces derniers sont vite déplacés pour la mise en place d'une tente (plus traditionnelle) dans laquelle nous dormirons, Jérôme et moi.
17h45 - C'est l'heure du miam miam! Paúlo nous indique l'heure du levée (minuit) et l'heure à laquelle nous commencerons (1h). Pour l'instant la motivation est toujours là! Paúlo m'indique les dernières prévisions météo qui sont plutôt bonnes!
18h40 - Avant d'aller m'endormir, je sors pour observer le soleil se coucher et dire "À demain" au sommet du Chimborazo (en croisant les doigts pour que la météo soit clémente)
23h50 - Ça y est, on y est à ce fameux jour d'ascension! Paúlo, José, Jérôme et moi demeurons tous silencieux... On mange un bout, on boit un bon thé et on finit de se préparer. Un allemand, parti du refuge plus bas, arrive dans notre tente avec son guide. Il boit un petit thé et repart à l'assaut du Chimborazo (bizarre de se dire que pour lui l'ascension a déjà commencé et pas pour nous...).
Puis c'est au tour d'un des 2 américains rencontrés la veille qui arrive dans la tente, se sentant trop mal il décide d'arrêter... Son compagnon repart avec le guide...
24/07/19
1h20 - Cette fois-ci c'est à nous d'affronter les éléments! On s'encorde, piolet à la main, crampons aux pieds et on se lance dans la batailles! Les sensations sont bonnes, il faut se concentrer dés le départ: il y a tout de suite une longue traversée où la glissade est strictement interdite! Heureusement avec nos frontales on ne voit pas ce qu'il y a dessous... Jérôme est devant moi, je m'inquiéte un peu: bien qu'étant un ancien grimpeur, c'est la première fois qu'il mets des crampons... Mais il s'en sort très bien: tous les voyants sont aux verts!
Après cette traversée, un passage sur de la roche et un petit passage d'escalade (avec crampons et piolets), nous attaquons l'interminable montée sur le glacier... C'est là que ça a commencé à se gâter...
N'étant plus protégés par le relief, nous sommes complètement à la merci du vent qui est bien plus violent que la veille... Au fur et à mesure que nous gagnons en altitude, les bourrasques sont de plus en plus violentes... Ces bourrasques projettent sur nous de la neige/glace qui fouettent la petite partie du visage qui reste à découvert... Inutile de dire que niveau visibilité, on ne voyait pas à plus de 4 mètres...
De la glace se forme sur nous, ma veste et mon pantalon blanchissent vite...Mon Buff se durcit, mon piolet se fait petit à petit recouvrir d'une couche de glace, ainsi que la corde nous reliant, le baudrier aussi... enfin bref, nous nous transformons doucement mais sûrement en "homme de glace"!
La fatigue ajoutée à tout ça: l'ascension est d'un tout autre registre comparée au Huayna Potosi grimpé en Bolivie!
Nous croisons le 2ème américain qui redescends avec son guide: "I'm too tired and it's too windy to go up!" Ça ne me rassure pas tout ça, je veux y arriver, quelque chose me pousse à ne pas faire demi-tour! Si pour Paúlo ces conditions sont "passables" alors soit: on grimpe! Même si la fatigue et le froid sont omniprésents: on serre les dents et on continue!
Au loin, l'obscurité laisse petit à petit sa place au jour qui semble se lever doucement! Donc il ne doit pas être loin des 6h du matin, donc on ne devrait plus être bien loin... Je me refuse à regarder mon altimètre...
6h05 - Les zigs zags de la trace de montée laissent place à une belle ligne droite... La pente diminue jusqu'à devenir quasi nulle... Au loin je vois 2 personnes, sans doute l'allemand et son guide, ils se sont arrêtés, est ce que ça veut dire qu'on est arrivé au premier sommet? Les gens se congratulent... YES nous sommes arrivés au premier sommet du Chimborazo, à la cumbre Ventimilla situé à 6234m!
Je suis à la fois heureux et triste! Heureux car on a réussi à arriver jusqu'ici, mais triste car je prends conscience que si tout le monde se congratule maintenant, c'est qu'on ne va pas continuer pour essayer d'atteindre le vrai sommet, situé à peine 34 mètres plus haut... Le guide nous prends en photo et on se mets vite à redescendre... Le vent ne nous a pas laissé le temps de trop apprécier l'instant...
C'est bien fatigués que nous attaquons la descente, toujours avec le vent en guise de 4ème compagnon...
Je suis triste au fond de moi car je sais que je n'atteindrais pas le point le plus proche des étoiles... Mais je relativise, c'est déjà bien ce qu'on ait parvenu à faire pour monter jusqu'à ce premier sommet. Il faut parfois savoir mettre ses ambitions de côté en montagne: ce sont les conditions qui dictent la loi là-haut, pas les objectifs!
On fait une pause un peu plus longue que les autres, j'en profite pour changer de lunettes (du givre s'est formé sur les miennes, impossible de l'enlever), pour enlever la glace présente sur moi (il doit bien y avoir 2kg de glace sur ma veste, pantalon, piolet, sac, casque...), j'essaye d'éteindre ma frontale mais la glace l'entourant m'empêche d'accéder au bouton...
J'en profite aussi pour boire un coups! La descente est assez longue et très fatiguante... Il faut reprendre des forces avant d'attaquer les parties techniques: désescalade de la partie grimpante et la traversée où il ne faut surtout pas riper...
8h15 - Ça y est, nous sommes de retour au camp d'altitude où nous retrouvons José! Il nous congratule, ainsi que Paúlo!
Après avoir retiré crampons, casque et autre équipement, on mange le délicieux petit déjeuner préparé par José et on prépare le sac pour redescendre au refuge...
Ascension du ChimborazoEt voilà, l'ascension s'est terminée sur cet air bien fatigué qu'on peut voir sur mon visage! 😋
Avec le recul, je ne peux qu'être satisfait de cette ascension! Même si je voulais atteindre la cumbre Whymper, je suis très satisfait d'avoir au moins pu aller jusqu'à la cumbre Ventimilla! Avec les conditions météo, on aurait très bien pu faire demi-tour avant d'atteindre cette cumbre Ventimilla! Merci à notre guide Paúlo de nous avoir emmené aussi haut avec ces conditions. Et merci à Jérôme d'avoir serré les dents dans cette interminable montée, et d'avoir été mon compagnon de cordée pour cette ascension! 🙂
La suite du programme: du repos bien mérité dans la capitale Quito! 😋
A bientôt 🙂