Tadaaaam : je vous promettais un article "surprise" pour compléter celui sur le wwoofing en Toscane au Pianore : le voici. Quelques questions posées à l'agriculteur avec lequel j'ai bossé ! Filippo Micillo est le fils d’Elena, qui a créé Le Pianore, lieu d’agro-tourisme à Monticello Amiata, en Toscane. Il a 31 ans, et gère la partie agricole du lieu. *english version below*
Filippo, comment tout cela a débuté pour toi ?
Quand mes parents sont arrivés ici, j’avais 2 ans. J’ai passé une partie de mon adolescence ici, passant tout mon temps libre dans la nature, ce qui m’allait très bien. Après avoir étudié le cirque, à l’âge de 13 ans je suis parti à Naples. Après mon lycée là-bas, j’ai étudié le design d’intérieur à Milan. J’ai travaillé un an dans un cabinet d’architectes mais je m’en suis lassé et je suis revenu ici.
A l’époque, je travaillais à mi-temps à la ferme, et à mi-temps dans un cabinet d’architectes dans un village local, Montalcino. Après un an, j’avais beaucoup appris, mais j’ai aussi eu une sorte de burn-out. Je ne m’entendais pas avec le salarié agricole de la ferme, et j’ai tout quitté pour voyager.
Tout en faisant le tour de l’Italie pendant 3 mois avec mon Vespa, j’envoyais des candidatures à des employeurs. J’ai été recruté par un très grand cabinet à Naples. J’y suis resté 3 ans, pendant lesquels j’ai progressé rapidement jusqu’à me retrouver à la tête du département R & D. C’était un très très bon job.
Mais j’ai à nouveau eu besoin de changement. Je n’étais pas lassé du travail, mais de l’ambiance et de mes collègues perpétuellement insatisfaits. Le jour où j’ai réalisé que je n’étais pas heureux en me levant pour travailler, j’ai donné mon préavis de départ. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire. Mais j’avais suffisamment d’argent pour voyager.
J’étais en Sicile, prêt à embarquer dans un bateau pour l’Afrique, quand ma mère m’a appelé à la rescousse car le salarié agricole de la ferme venait de partir. Je suis revenu au Pianore. J’ai travaillé en tant que salarié, je ne voulais pas être associé davantage. Je voulais pouvoir reprendre un job, voyager, garder ma liberté. Mais après une paire d’années, j’ai compris que c’est ici que je voulais vivre ma vie et concentrer mon énergie.
Quelles étaient les activités de la ferme à cette époque ?
J’ai beaucoup appris, sur les outils, la vigne etc… J’ai fait un énorme travail de nettoyage et d’organisation de la charge de travail. Par exemple, avant l’hiver tout doit être nettoyé, rangé etc.. J’ai aussi fait les plans de la maison en paille. A cette époque, j’utilisais ce que j’avais appris à l’université et dans mes emplois pour améliorer le fonctionnement de cette ferme.
J’ai compris la dynamique de ce métier : aucun jour ne se ressemble, mais il y a toujours des projets. Zéro routine ! Bien sûr, il y a les récoltes, les vendanges, mais cela ressemble à une « vague continuelle ». Ça dépend surtout de la météo. Notre prochaine « vague » sera de faire les foins et nettoyer la vigne.
Qu’est-ce que produit la ferme aujourd’hui ?
Au-delà de notre production, notre premier objectif est d’être en harmonie avec la nature, et à 100% auto-suffisants. On est déjà autonomes en énergie à 80% avec les panneaux solaires et le bois (On produit même plus d’électricité que notre conso) On est autonomes en eau, avec la rivière Zancona.
On produit environ 7 000 bouteilles de vin et 300 L d’huile d’olive (seuls 1/5 eme nos oliviers produisent. Pour les autres, il va falloir être patients) Le reste de la production est pour la famille et les hôtes de notre partie tourisme : miel, fruits et légumes, herbes aromatiques, produits transformés comme des confitures etc…
Pourquoi est-ce que tu travailles en biodynamie ?
Pour moi c’est une belle façon de travailler, surtout le sol. On ne pense pas assez aux racines, qui sont les bases de la vie d’une plante. J’aime aussi le côté « simple » et « vrai » de la biodynamie. Tu vois tout de suite que ça fonctionne, et non seulement tu le vois, mais tu le sens aussi. J’ai commencé il y a 4 ans, et je peux observer que le sol ici est très riche. Les voisins et les professionnels qui viennent sont impressionnés.
Avant nous ici, il y a eu une ferme de moutons pendant 50 ans, et avant cela il n’y avait rien. Nous, on a commencé à cultiver en bio. Donc cette terre est vraiment 100% naturelle et n’a jamais reçu de traitements chimiques. Le bon côté c’est qu’en voisinage, on n’a que la forêt et la rivière. Aucun voisin qui ferait de la m*****
Pourquoi es-tu passé de l’agriculture bio à la biodynamie ?
Je n’ai pas la certification biodynamique et je m’en fiche, elle est chère et je n’en ai pas besoin. On est certifiés bio, mais je me passerai sûrement un jour de cette étiquette aussi. Je n’ai jamais vu de plus belle biodiversité qu’ici : c’est rempli d’animaux et d’abeilles sauvages, et de plantes, dont certaines ne poussent qu’ici.
Pendant qu’on discute, on entend des dizaines d’oiseaux, et on est littéralement entourés par des centaines d’insectes, de plantes et de couleurs. Cette vallée est incroyablement riche en biodiversité.
Comment as-tu appris la biodynamie ?
J’ai suivi quelques cours, et j’ai tout de suite senti que je pouvais « parler » à la nature de cette façon. Je crois que nous sommes la nature. La nature où je vis est heureuse, et je suis aussi heureux quand je fais ces choses. Quand on a fait la « dynamisation » de 500K pendant une heure, à créer des tourbillons, à sentir l’eau se mélanger à la bouse de vache, puis pendant l’épandage, je me disais « Aaah, oui, moi aussi je veux de ce truc ! » Quand je fais ça, je sais que je fais quelque chose de bien. Ça me plait aussi beaucoup travailler avec la lune et les étoiles car elles ont une grande influence. C’est l’une des bases de la biodynamie. J’aime utiliser les produits de la biodynamie pour enrichir le sol, même si ici on a la chance d’avoir un sol déjà riche.
Mais, quand on fait de l’agriculture, on change le sol. L’agriculture est un dérangement pour la nature, c’est une activité humaine. Donc on doit trouver un équilibre entre la nature et nos besoins, sans détruire, en essayant de « danser » avec elle. SI je prends quelque chose du sol, je dois rendre quelque chose, et bien sûr pas des produits chimiques. Garde le sol en bonne santé. Comme ton corps ; tu n’as pas besoin de médicaments si ton corps est fort. Même chose pour les racines.
Un mot pour décrire Le Pianore ?
Un paradis !
Tu m’as aussi parlé du projet de géothermie qui se prépare dans la vallée d’Amiata…
On lutte contre un grand groupe énergétique ; ENEL. Ils veulent construire 18 centrales géothermiques dans la vallée, qui consommeraient beaucoup d’eau. La vapeur rejetterai aussi des métaux lourds dans l’air. Le projet a le soutien du gouvernement, mais on a des chances de gagner car la population ici est à majorité contre, avec le soutien de l’administration et des politiques locaux. Ça fait 3 ans déjà. On a pris un avocat et notre association organise beaucoup de manifestations, de marches et communique beaucoup.
Tout le monde peut aider. Déjà en prenant connaissance du projet, et bien sûr en venant au moment de la « bataille » finale, qui aura lieu avec les autorités ! La Vallée d’Amiata m’apparait comme l’une des dernières vallées protégées et secrètes au monde.
Autre chose à rajouter ?
On doit prendre soin de notre planète, pas pour l’effet de mode ou la tendance “verte écolo”. On doit essayer de vivre plus en contact avec la Terre, notre « mère ». On vient de la Terre, on ne peut pas la détruire, on doit s’en occuper. Ça n’a aucun sens de détruire celle qui nous donne la vie, et celle à laquelle on retournera à notre mort. On sera à nouveau de la terre. Il n’y a aucun sens à s’en détacher. On doit s’y reconnecter, et le rester. Toujours, et profondément.
Et aussi, ressentir de la gratitude. On a de la chance d’être sur cette planète magnifique. D’être ici au Pianore, mais aussi sur cette planète.
Filippo Micillo is the son of Elena, founder of Le Pianore agri-turismo in Monticello Amiata, Tuscany, Italy. He’s 31 and in charge of the agricultural activities of the place.
How did it start for you ?
I moved here when I was 2. I spend part of my teenage years here, with a lot of freedom in nature, which was perfect at that time. I went to study at a circus academy, came back and at 13 I needed a new energy – and moved to Naples. After high school there, I studied interior design in Milano. I worked 1 year in an architect studio in Milano, then got sick and came back here.
Back then, I was working half- time in the farm, and half-time in an architecture studio in Montalcino. After one year, I had understood many things, but also had a sort of burn-out. I didn’t get along with the employee taking care of the farm and decided to quit everything to travel.
I travelled 3 months with my Vespa around Italy. I had also sent my designer portfolio to companies. A major corporation in Napoli hired me. I quickly made my way up, and within 3 years I was manager of R & D department. It was a very, very good job.
But then, I got sick again ! Not of my job but of people’s continuous “insatisfaction” and complaining. The day where I woke up and realized that I wasn’t happy to go working, I spoke with my boss and said “In 3 months I will leave.” I didn’t know at all what I was going to do. But I had some money and started to travel.
I was in Sicily, ready to go to Africa by boat. I had my tickets, when my mother called to say that the employee for the farm had left, and she needed my help. I came back, worked as a regular “employee”, and not as a business partner. I didn’t want to be in the business, to keep my freedom, and go back to my job or whatever.But after a couple of years, I really understood that Le Pianore is where I want to spend my life and my energy.
What was your work on the farm at that time ?
I was learning a lot, on the machines, the grapevine etc. I did a huge work of cleaning & organizing the workflow. Before the winter, everything must be clean: machines should be covered etc…
I also planned for the strawball house and build the first yurt. At that time I was using my knowledge & studies & work experience for the benefit of this farm.
I started understanding the dynamics of this job: a day is never the same as the other, but there are always projects. No routine ! Of course there’s olive-picking or grape-picking season, but in any case it’s a wave. It only depends on the weather. Now, our next project is cutting grass to make the straw & cleaning the grapevine.
Today, what does the farm produce ?
More then what we produce, our first goal is to be in balance with nature, and 100% self-sufficient. We’re already 80% self-sufficient for energy with solar panels and wood. We are self-sufficient in water, with the Zancona river. We actually produce more electricity than we need.
We produce wine, around 7 000 bottles and 300 liters of olive oil (only 1/5 of the trees on the farm are in production, the rest is growing and we have to be patient) All the rest is production for family & guests consumption: honey, vegetables and fruits, and jams or other natural products – herbs etc…
Why do you work in biodynamic?
For me it’s a good way to work especially on the soil. We don’t think enough about the roots, which are basis of life for a plant. I also like the fact that biodynamics is simple and real. You immediately feel that it’s working, and not only you feel it but you see it. I’ve started 4 years ago, and I can see that my soil is really rich, and neighbors & teachers are impressed.
Actually, before us, this place had been a sheep farm for fifty years, and before that nothing. Then we started cultivating organically. So, this land is 100% untouched and never ever had a chemical treatment. The beauty here is also that our neighbors are forest & river. We don’t have neighbors who would do shit.
Why did you go from organic to biodynamics ?
I’m not certified biodynamic and I don’t care, it’s expensive and I don’t need it. We are certified organic, but I will probably one day also leave this certification. I’ve never found better biodiversity then here. It’s full of wild animals, wild bees, thousands and thousands of plants, some of which grow only in this area.
Now while we’re talking, we can hear dozens of different birds, we are literally surrounded by hundreds of insects and plants and colors. This valley is incredibly rich.
How did you learn about biodynamics?
I did some courses and immediately felt that I could talk to nature in that way. I believe that we are nature. The nature where I live is happy and I’m also happy when I do this stuff. When we did dynamization of 500 K for one hour, making and breaking spirals, feeling the water mixed with the cow manure, and then spraying it, I was like “ Ahhh yeah, I also want to get this stuff !!” When I feel like this, I feel like I’m doing something good.
Also, I really like working a lot with the moon and stars because they have a big influence. It’s one of the basis of biodynamics. What I like is using biodynamic products to have a very fertilized soil, although here, we’re very lucky that the soil is already rich.
Yet, doing farming activities, I’m also changing the soil. Agriculture isn’t an expression of nature; it’s an expression of Humans. So what we can do is finding a balance between nature and our needs, without destroying, and trying to “dance” with nature. If I take something from the soil, I have to give something back, and obviously not chemicals.
Keep the soil healthy.It’s like your body, you don’t need to get medicine if you have a strong body. Same thing with the roots.
One word to describe Le Pianore?
A paradise
You also told me about the geothermia project going on in the Amiata valley, tell me more …
We’re fighting against a big power company, called ENEL. They want to build 18 geothermia centrals in the Amiata, which would take a lot of natural water. Also, the steam mean air-pollution with heavy metals. The project is supported by government, but we have high chances of winning because a majority of locals are against, together with the local administration & politics. It’s been going on for three years. We have a lawyer; do a lot of events & protest and communication.
Everyone can help, just by knowing about this project, and of course coming for the last big “fight” with authorities which is going to happen. Amiata is one of the last secret & preserved mountains in the world I think
Anything else that you want to add?
Not because of media or public green hype, but we really have to take care of our planet, and try to live more in contact with the Earth, our “mum”. We come from the Earth, we can’t destroy her, we have to take care of her. It’s insane to destroy and kill the one who gave us life and the one we will go back to when we die. We will be part of the Earth again. There’s no sense in being disconnected, we should be connected. Always and deeply.
And also, be grateful. We’re lucky to live on this beautiful planet. This place, but also the planet.