Cordillère blanche péruvienne : horizon Chavin

Après une première partie de voyage dans la Nord du Pérou, ,où nous avons découvert la civilisation Mochica, nous voici dans la Cordillère Blanche.
Juillet 2018
4 semaines
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Après avoir découvert le Nord du Pérou et les civilisations Mochica, Lambayeque et Chimu, nous avons longé les paysages désertiques de la Panaméricaine, en direction du Sud. Nous avons ensuite bifurqué vers l'Est et nous avons commencé à prendre un peu d'altitude. Les cultures sont revenues : maïs, courges, pommiers... Nous nous sommes arrêtés le long de la route pour déjeuner. Nous avions commandé des sandwichs à l'hôtel la veille et nous avons complété par des clémentines et du maïs soufflé, acheté à une femme dans un village. Le soir, nous arrivons à Huaraz. En une journée, nous sommes passés du niveau de la mer à 3 800 mètres d'altitude. A l'hôtel, à notre arrivée, le personnel nous sert un maté de coca.

Nous sommes dans la cordillère blanche, où se trouvent les plus hauts sommets du Pérou comme le Huascaran avec ses 6848 mètres. Notre guide est un restaurateur français installé ici depuis 27 ans. Il est également guide de haute montagne et a escaladé plusieurs fois le Huascaran que l'on voit sur la photo en haut.

En cette saison : l'hiver au Pérou, le soleil resplendit souvent sur les Andes. C'est la meilleure période de l'année pour profiter des paysages de montagne. Notre ville étape s'appelle Huaraz. Elle ne vaut pas le détour pour ses beautés architecturales, mais c'est le point de départ de nombreux treks. Il y a peu de touristes par ici : environ 10 000 par an, la plupart européens et venus défier les hauts sommets à plus de 6 000 mètres.

Pour moi, l'acclimatation fut difficile. J'ai souffert du "soroche" : le mal des montagnes qui se traduit par de fortes migraines, des nausées et le souffle court. On perd 10% d'oxygène tous les 1 000 mètres et le corps cherche à s'adapter en produisant des globules rouges, ce qui explique la fatigue. Il faut manger peu pour éviter la concentration du sang au niveau de l'estomac, la digestion se faisant plus lentement à cette altitude, et boire du maté de coca qui permet d'atténuer les maux liés à l'altitude.

En cette première journée, notre guide nous emmène dans l'auberge dont il est propriétaire. En plus d'un restaurant à Huaraz, il a en effet fait construire cette auberge deux ans auparavant pour accueillir les touristes. Le site est splendide. Après un maté de coca servi sur la terrasse, nous prenons la route du lac Paron.

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Arrivés sur place, nous découvrons un joyau : un lac aux eaux turquoises serti entre les montagnes.

A la vue des sommets enneigés et des glaciers, on comprend mieux le surnom de la cordillère blanche. Tout autour du lac se situent le Huandoy : 6395 mètres, le Pisco : 5747 mètres, le Caraz : 6025 mètres. Le lac quant à lui est situé à 4100 mètres d'altitude et nous l'avons longé un peu à pied sous un souffle d'air glacial.

Notre guide nous entraîne à l'assaut d'une moraine glaciaire, du haut de laquelle, paraît-il, nous avons une vue magnifique sur le cirque glaciaire. Nous marchons lentement, mais le manque d'oxygène se fait vite ressentir, d'autant que l'escalade du pierrier s'avère raide. Maël avec sagesse préfère rebrousser chemin et prend la route du retour en compagnie de notre guide alors que ses parents continuent, mais que c'est dur !

Arrivé sur la moraine, je ne vais pas plus loin, mais Isabelle prend encore un peu de hauteur pour faire quelques photos.

Les paysages sont d'une pureté incroyable, tout comme l'air même s'il manque d'oxygène. On se fait tout petit face à la force de la nature.

Sur le chemin du retour, notre guide nous explique la vie dans sa vallée, coincée entre la cordillère blanche et la cordillère noire. Ici, les fruits poussent en toute saison. Le rythme des saisons n'est d'ailleurs pas marqué comme en Europe, le climat est constant. Ainsi, si l'on plante des pêchers en janvier, mars et septembre, les arbres vont suivre leur cycle végétatif et l'on pourra récolter des fruits toute l'année. Nous aurons d'ailleurs l'occasion de voir les mêmes essences d'arbres avec leurs bourgeons, leurs fleurs et leurs bois d'hiver. Sur le chemin du retour, il nous montre également une grotte (photo du haut) où la plus ancienne trace de vie humaine (-12 000 avants JC) a été trouvée au Pérou. On en a trouvé d'encore plus anciennes au Sud du Chili qui posent d'ailleurs beaucoup de questions sur l'origine des hommes ayant laissé ces empreintes et la diffusion de l'occupation humaine que l'on pense souvent du Nord vers le Sud.

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Le lendemain, nous retraversons la Cordillère en voiture.

Nous passons devant le lac Querococha. Nous passons un col à 4500 mètres d'altitude et basculons dans la vallée de Pukcha, qui fait le lien entre le bassin Pacifique et le bassin amazonien.

Notre destination en cette journée ensoleillée est le site de Chavin de Huantar : site précolombien majeur au Pérou pour comprendre la cosmogonie andine. Sous la férule d'un clergé omnipotent, la culture de Chavin est devenue hégémonique au Pérou, d'un point de vue politique, culturel et religieux. On parle d'horizon de Chavin plus que de culture puisque Chavin a réussi à homogénéiser des cultures et des croyances de populations éloignées les unes des autres. Cet horizon s'étend de 1300 à 800 avant JC. Elle fait suite à celle de Caral qui date de 2600 avant JC, contemporaine de Snéfrou en Egypte qui précéda Kheops ou encore de la civilisation de Sumer en Mésopotamie. Caral elle même correspond à des stades de développement de l'architecture et de civilisation très avancés qui supposent des stades antérieurs qui n'ont pas encore été découverts.

Le temple domine une cour surbaissée où les pélerins devaient se rassembler à différentes occasions de l'année pour des célébrations. Les officiants du culte de Chavin ont en effet été des prosélytes très dynamiques. Ils ont envoyé des émissaires dans toute l'Amérique du Sud pour convertir de nouveaux fidèles, qui à leur tour faisaient le voyage à Chavin pour y être initiés.

Un portique formé de deux hautes colonnes marque l'entrée du site le plus récent. A Chavin, 20 structures en pierre ont été mises au jour, révélant 6 pyramides, des places, des canaux d'irrigation.

Les Chavin, en hydrauliciens chevronnés, ont creusé des canaux de drainage sous la structure pour que celle-ci ne s'effondre pas.

Tous les temples précolombiens étaient avant tout des observatoires astronomiques, comme en témoigne cette énorme pierre dont les trous remplis d'eau servaient de miroir pour observer les étoiles. Le prêtre devait caler ses pieds le long de l'encoche rectangulaire pour stabiliser l'angle de vue pour mesurer le mouvement des astres.

Le temple est un impressionnant exemple de construction en pierres sèches.

Les piliers du portique d'entrée portent des glyphes représentant des félins, des aigles, des anacondas. L'iconographie est inspirée autant par la faune amazonienne que par celle des Andes.

Le cérémoniel servait à impressionner les fidèles autrefois rassemblés dans la cour circulaire ci-dessus, face à l'ancien temple. Des canaux souterrains laissaient s'écouler un cours d'eau alors que d'autres canaux à proximité servaient de caisse de résonance et les trous le long de ceux-ci (photo du haut à droite) lorsqu'ils étaient bouchés, permettaient de moduler le son pour imiter le feulement du jaguar. Les initiés étaient drogués à la mescaline, issue du cactus San Pedro, encore présent sur le site.

Cette drogue provoquait une sorte de torpeur avant d'exacerber tous les sens.

Les initiés étaient ensuite conduits dans la partie souterraine du temple et soumis par les prêtres à toutes sortes de stimuli visuels et sonores pour générer des visions. Ils soufflaient par exemple dans des conques retrouvées sur place en imitant ainsi le feulement du jaguar. En fin d'initiation, ils étaient conduit devant le Lanzon.

Ce monolithe anthropomorphe à tête de félin avait une rainure au dessus de la tête qui permettait au sang du sacrifice versé par les prêtres de s'écouler le long de la pierre. Une trappe dans le plafond du temple, au dessus du Lanzon était ouverte pour verser ce sang. Le Lanzon était un Dieu de la fertilité.

Drogués, plongés dans le noir puis éblouis avec le son des conques, les initiés devaient être en état second lorsqu'ils paraissaient devant le Lanzon. La structure du temple était creusée de couloirs permettant aux prêtres d'apparaître et de disparaître des plate-formes situées sur la façade extérieure et visibles depuis la place centrale. Là encore, tout est fait pour impressionner les dévôts et leur laisser croire aux pouvoirs surnaturels des prêtres. En fait, le véritable secret des prêtres de Chavin était de pouvoir deviner l'apparition d'El Nino par l'avancée du spondyle le long des côtes. Ils demandaient aux pélerins de leur rapporter ces coquillages et de leur indiquer où ils les avaient trouvés. Passés un certain point au Sud sur la côte, les prêtres savaient que El Nino ne tarderait pas à faire son apparition.

Des niches aménagées dans les murs extérieurs du temple accueillaient jadis des sculptures représentant des têtes humaines dotées de crocs de félins. Selon certains, les orbites étaient ornés de cristaux. Il ne reste plus qu'un seul exemplaire de ces "têtes clous" encore en place. Elles représentent en fait la transe sous l'effet de la drogue qui permettait au chamane de se transformer. Les nez sont représentés coulant sous l'effet de la mescaline et les yeux exorbités.

Sur le site, un autre obélisque a été mis au jour. On l'appelle l'obélisque de Tello, du nom de l'archéologue qui l'a découvert. Il est orné de sculptures qui mettent également en scène des félins, mais aussi un caïman, animal inconnu des peuples de la sierra et qui illustre les échanges à grande échelle, y compris avec les peuples du bassin amazonien.

Autre monolithe réputé du site : la estela Raimondi tire également son nom de l'archéologue qui l'a découverte alors que cette dernière servait de table chez un habitant de la région. Sa surface représente un Dieu monstrueux : mi-homme, mi-félin, les bras écartés, les pieds munis de griffes et coiffé d'enchevêtrements de serpents en guise de chevelure. C'est le Dieu aux bâtons : déité de la fertilité.

Après la visite, notre guide nous mène dans un petit restaurant où je commande un picanto de Cuy : un cochon d'Inde cuit à la broche. Les restaurants ont dans des cages des cochons d'Inde vivants. Le client peut ainsi choisir de visu celui qu'il va déguster. Isabelle et Maël préfèrent prendre des beignets de truite. Le tout est accompagné de pommes de terre locales. Le Pérou ne cultive pas moins de 1800 variétés de pommes de terre...

Le retour se fait dans ces mêmes paysages andins baignés d'une lumière cristalline.

Ces vastes étendues se prêtent à tous les jeux de lumière et de nuages.

La cordillère Huayhuash, longtemps inaccessible est considérée aujourd'hui comme l'un des plus beaux terrain de randonnée du monde. Les étendues restent vertes et piquetées de fleurs sauvages entre avril et début juin, avant de virer au jaune en juillet et août, saison la plus froide, mais qui offre des cieux limpides.

Nous rentrons à l'hôtel, les yeux encore imprégnés de cette lumière andine.

Notre hôtel est le point de départ de nombreux alpinistes de haute montagne, qui partent escalader les sommets alentour de plus de 6 000 mètres. C'est amusant se se retrouver avec eux au petit déjeuner, qui avalent un copieux repas avant de partir en expédition avec des sacs énormes d'où sortent cordes et piolets.

Le lendemain, c'est grasse matinée, nous ne prenons le bus qu'à 10 H 15 en direction de Lima.

La route est sinueuse et peut donner le mal des transports.

Par endroit, les paysans ont mis les récoltes à sécher. Les maïs et autres céréales sont multicolores.

En fin de journée, nous sommes de nouveau à Lima, au niveau de la mer. Nous dormons à l'hôtel où nous étions descendus en arrivant, mais l'étape sera courte.

A suivre...