Dès le lendemain matin, nous nous rendons sur le site de Delphes, lieu mythique de la Grèce antique. Nous avons finalement choisi d'utiliser un téléphone portable et googlemaps pour trouver notre route.
L'endroit est sublime. Le panorama moutonne en oliveraies qui glissent vers la mer. Durant les temps préhistoriques, se dressait ici un lieu de culte dédié à la terre mère , avant qu'Apollon ne devint maître du temple en tuant un serpent monstrueux : Python : fils de la terre et gardien de son temple. Le village occupait autrefois l'emplacement du site archéologique. Les français ont financé sa reconstruction un peu plus loin afin de pouvoir mener les fouilles.
Nous pénétrons sur le site par la voie sacrée et plus exactement par l'agora romaine dans laquelle on peut encore voir les niches dans lesquelles étaient autrefois installées des échoppes dans lesquelles les pèlerins pouvaient autrefois acheter des souvenirs ou des offrandes. Des stèles votives inscrites en grec montrent l'importance que revêtait le site durant l'antiquité.
Face à la vallée, différents monuments autrefois érigés commémoraient des évènements importants. Sur l'emplacement carré de la photo de gauche ou trouvait autrefois l'offrande de Lysandre et des navarques. A côté, on trouvait celle faite après la bataille de Marathon. Venait ensuite une reconstitution du cheval de Troie.
Ces premières offrandes faisaient face à l'hémicycle des rois d'Argos. C'est l'ensemble de la voie sacrée qui était jalonnée d'offrandes et de trésors. Ces constructions édifiées par les différentes cités-Etats étaient destinées à recueillir les dons de leurs concitoyens tirés des guerres et des pillages si l'on en croit Plutarque.
Nous continuons sur la voie sacrée et passons devant le trésor de Sicyone : ville du Nord du Péloponnèse, composé à partir de réemplois de deux bâtiments plus anciens : une ancienne tholos et un monoptère : une colonnade sur plan rectangulaire. Dans l'alignement, se trouve le trésor de Siphnos (île de Grèce) qui comportait une frise représentant des épisodes de la guerre de Troie. Vient ensuite le trésor des Thébains, d'allure sobre comme le montre la reconstitution. Ce dernier fut bâti à l'occasion de la victoire lors de la bataille de Leuctres.
Dans le virage, nous atteignons le trésor des Athéniens, édifié vers 490 avant JC, après la bataille de Marathon. Les sculptures de métopes représentent des batailles contre les amazones ou encore des scènes représentant les travaux d'Hercule ou de Thésée.
L'omphalos : le nombril se trouvait un peu en contrebas de ce trésor. Cette pierre rappelait la légende selon laquelle Zeus aurait lâché deux aigles aux extrêmités du monde qui se seraient retrouvés à Delphes. tout naturellement, Delphes représentait donc pour les grecs le centre du monde symbolisé par cette pierre.
Un peu plus loin, nous passons devant le rocher de la Sybille. C'est là que la première prophétesse du site aurait rendu ses oracles.
Nous poursuivons le long du portique des Athéniens qui abritait les trophées pris aux perses lors de batailles navales. Le mur de soutènement du temple d'apollon, réalisé en grosses pierres polygonales a résisté à tous les tremblements de terre.
Nous parvenons enfin au temple d'Apollon.
L'édifice que nous pouvons observer date du IVème siècle avant JC, les bâtiments antérieurs dont le plus ancien datait du VIIème siècle avant JC ayant été détruits par les incendies et les tremblements de terre. C'est là que la Pythie rendait ses oracles. elle était choisie parmi les jeunes paysannes vierges de Delphes jusqu'en 217 avant JC, date à laquelle l'une d'entre elle s'enfuit avec un consultant. On finit donc par prendre des femmes de 50 ans pour jouer ce rôle.
A droite du temple, une colonne torsadée représente les restes du trépied de Platées, offert par les athéniens après leur victoire sur les Perses commandés par Mardionos. Il représentait trois corps de serpents entrelacés dont les têtes supportaient un trépied en or. Ce dernier fut fondu par les Phocidiens lors de la troisième guerre sacrée. Autre pilier caractéristique : celui de Prusias, à base carré, qui fut offert par le roi de Bythinie au IIème siècle avant JC et qui portait une statue équestre de ce roi.
Le fronton du temple d'Appollon portait autrefois la devise "Connais toi toi-même". D'autres inscriptions du type : "supporte et abstiens toi" ou encore "Rien de trop" invitaient à une morale pragmatique.
La Pythie officiait dans une salle sous le temple. Après s'être purifiée en buvant de l'eau de la source sacrée et en mâchant des feuilles de laurier (arbre d'Apollon), elle attendait derrière son voile, juchée sur un trépied. Entraient alors un prêtre et deux officiants qui l'aspergeaient d'eau froide. Si la Pythie tréssaillait, la consultation était annulée, sinon, le consultant pouvait poser sa question. La Pythie entrait alors en transe. Le prêtre interprétait l'oracle souvent sybillin, tel celui rendu au roi Sardes Crésus, avant son entrée en guerre contre les perses, indiquant que s'il menait cette guerre, un grand royaume serait détruit. En fait , l'oracle l'informait de la destruction de son propre royaume et non de celui des perses. Une fois l'oracle rendu, le consultant devait verser une taxe reversée à la confédération des cités. Vu la liste d'attente, le paiement d'une surtaxe permettait même d'être prioritaire pour les consultations. Ces consultations avaient lieu à l'origine une fois par an. Elles eurent ensuite lieu une fois par mois, sauf les mois d'hiver durant lesquels, Apollon, dieu solaire s'éclipsait. Les oracles étaient manipulés par les prêtres et les politiciens. Au final, les romains, peu en accord avec cette manière de faire de la politique mirent fin à cette pratique. On sait aujourd'hui que la Pythie était installée sur une faille qui libérait de l'éthylène : gaz aux effets hilarants et euphoriques.
Les anciens considéraient l'ayton comme la tombe de Python : fils de la terre. Ce lieu aurait aussi abrité la tombe de Dionysos qui occupait le temple d'Apollon durant les mois d'hiver.
En Grèce, Dionysos est aussi le dieu du théâtre. Il n'est donc pas surprenant de trouver, sur le site de Delphes, un magnifique théâtre antique, construit au IVème siècle avant JC et restauré par Eumène II, roi de Pergame en 159. Ce théâtre pouvait accueillir 5 000 spectateurs lors des célébrations delphiques commémorant la victoire d'Apollon sur Python.
Le stade quant à lui, date du IIIème siècle avant JC, même si les gradins que l'on peut voir aujourd'hui datent de l'époque romaine. Auparavant, les spectateurs s'asseyaient dans l'herbe.
Il pouvait contenir 7 000 spectateurs. Les 3 arcs de triomphe qui lui donnaient en partie sa grandeur sont aujourd'hui ruinés. Il servait pour les jeux pythiques organisés tous les 4 ans.
Selon Aristote, le théâtre serait né des dithyrambes : processions, chants et danses liés au culte de Dionysos et effectués en souvenirs des hauts faits des héros grecs. Dionysos était par ailleurs non seulement le dieu du vin, mais aussi celui de la fête. Les spectateurs participaient avec enthousiasme aux représentations. Les premières eurent lieu à proximité des lieux de culte, avant qu'elles n'intègrent un lieu spécifique pour le théâtre. Reconnaissons qu'à Delphes, le spectacle devait être autant sur la scène que dans les paysages environnant.
Nous poursuivons notre exploration du site et redescendons vers le temple, où les constructions restantes montrent le système d'évacuation des eaux.
Delphes est un lieu magique, emprunt de quiétude, mais aussi de grandeur et de religiosité. Ce sanctuaire serti dans son écrin de verdure marque les esprits.
Les constructions en pierres jointives sans aucun liant sont superbes et montrent l'art des tailleurs de pierres et des architectes de ce site, qui dans l'Antiquité, était l'un des principaux sites religieux de la Grèce.
En contrebas se dressait le gymnase dont on peut encore observer la piscine ronde et la palestre des lutteurs.
A côté du gymnase se situait le temple d'Athéna Pronaia, aujourd'hui très ruiné, dont il ne reste que trois des colonnes de la tholos. Le temple faisait face à la vallée du Pleistos et côtoyait deux trésors.
Parmi ces trésors, figurait celui des Massaliotes, fondateurs de la ville de Marseille. On a retrouvé sur le site des statuettes mycéniennes qui témoignent d'un culte antérieur à celui d'Athéna.
Après cette visite du site, nous nous rendons vers le musée qui conserve quelques très belles pièces comme ces statues mycéniennes ou encore des têtes de griffons en bronze.
Le musée conserve quelques pièces très connues comme ces kouroi (jeunes hommes en grec) représentant Cléobis et biton : deux héros semi-mythiques d'Argos. La légende dit que chaque année, les argiens organisaient une fête en l'honneur d'Héra. La mère des jumeaux devait arriver à cette fête sur un charriot tiré par des boeufs. Les boeufs étant dans la campagne et tardant à venir, les jumeaux s'attelèrent sous le joug et traînèrent le charriot. Leur mère demanda alors à la déesse qu'elle leur donne le meilleur pour des mortels. Après la fête, les deux jumeaux s'endormirent et ne se réveillèrent jamais. Héra venait de montrer que la mort valait mieux que la vie pour des mortels. Le sphinx des naxiens est une autre oeuvre majeure. Le sphinx était lié à la divination et était le gardien des tombes. On ne sait pas si celui ci gardait la tombe de Python ou celle de Dionysos.
Les fresques du trésor de Siphnos montrent des lions tirant le char de Cybèle et dévorant des géants habillés en hoplites.
Plus loin sont exposés des casques, ainsi qu'une statue chryséléphantine retrouvée dans les fosses de l'Aire. Cette dernière réalisée en or et en ivoire représente sans doute apollon. Le site comporte également des statues d'Artémis et de Léto. On voit encore sur celle d'apollon les arcs où devaient s'incruster les faux sourcils.
De petites plaques en os très abimées représentaient des épisodes du récit des argonautes.
On a également retrouvé un taureau en argent grandeur nature...!
Cette statue d'une victoire (Niké en grec) date des environs de 515 à 510 avant JC et ornait donc l'un des temples ayant précédé celui d'Apollon. Plus loin, une magnifique coupe représente le Dieu offrant une libation de vin et jouant de la lyre de la main gauche. En face de lui est perchée une corneille (Coronis en grec). Coronis était cette jeune femme dont le dieu s'était épris et qu'à sa demande, sa soeur, Artémis tua d'une flèche, cette dernière ayant eu des relations avec Ischys, un mortel. Lorsque son corps fut sur le bucher funéraire, Apollon en a extrait Asclépios, son fils, devenu dieu de la médecine.
Vient ensuite un superbe brûle parfum de Paros, en bronze, représentant une jeune femme tenant un chaudron sur sa tête. Plus loin, devant une copie de l'omphalos, se dresse la colonne des danseuses. On a identifié ces trois jeunes femmes aux ménades de la suite dionysiaque dont on sait qu'elles dansaient sur le Parnasse qui surplombe le sanctuaire. se succèdent ensuite des statues d'un philosophe, puis d'Agias, poète grec et d'Antinous, favori de l'empereur Hadrien.
La pièce la plus célèbre reste cependant l'aurige : le conducteur de char. Cette pièce grandeur nature (1.8 m) a été retrouvée en 3 morceaux. Elle faisait partie d'un ensemble plus vaste comprenant la statue du char à 4 ou 6 chevaux et d'un serviteur. Des fragments du char, de queues et de jambes de chevaux ont été retrouvés près de la statue. Cet aurige est coiffé du bandeau de la victoire et présente les caractéristiques de la statuaire archaïque. Cette statue date de 478 ou 474 avant JC et a été consacrée par Polyzalos, frère de Géla, tyran de Syracuse pour fêter la victoire de son char aux jeux pythiques.
C'est sous les rayons du soleil couchant sur la vallée du Plélios que s'achève notre journée de visite à Delphes.