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9 jours pour atteindre la ville espagnole à mi-chemin entre Genève et Lisbonne, via Massif central et Pyrénées. Une alternance entre voyage-découverte et test de résistance contre une météo déchaînée.
Mai 2018
9 jours
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Un récit de voyage

par Emmanuel Fankhauser, alias manubybike

Cyclovoyageur intermittent, je pars à la (re)découverte de l'Europe, pour cerner son actualité, traquer son histoire et fouiller sa géographie au gré du pédalage. Voici mon quatrième voyage à vélo de la Suisse jusqu'aux confins du continent. Genève - Lisbonne, du Léman à l'Atlantique, 2'298 km en 18 étapes, réparties en deux voyages de 9 étapes chacun et réalisés en 2018 et 2021.

Acte I, 2018 : Genève - Saragosse, 9 jours, 1'182 km

Du Léman et la vallée du Rhône, via le Massif central et les Pyrénées, une alternance entre voyage-découverte et test de résistance contre une météo déchaînée, jusqu'à cette ville épatante située dans la vallée de l'Èbre à mi-chemin entre Genève et Lisbonne.

Ce voyage est présenté dans le présent carnet dès le prochain chapitre, jour après jour.

Acte II, 2021 : Saragosse - Lisbonne, 9 jours, 1'116 km

Au-delà des Pyrénées, la traversée de la péninsule ibérique entre ses grands fleuves Èbre, Douro et Tage, par de grandes plaines arides dépeuplées, des hautes cordillères, des vallées fertiles et des villes secrètes, jusqu'à la façade Atlantique, pour tomber sur la fière capitale portugaise.

Ce voyage est présenté dans le carnet Genève - Lisbonne à vélo, acte 2 depuis Saragosse.

Suisse - France - Andorre - Espagne - Portugal
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>>> Accès direct à la carte du parcours sur Google Maps <<<

Genève - Lisbonne en 18 étapes et 2'298 km.
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Genève - Saragosse à vélo, 9 jours, 1'182 km

Genève.ch 0 km

> CH / FR >

Lyon.fr 172 km

Le Puy-en-Velay.fr 323 km

Mende.fr 439 km

Millau.fr 523 km

Castres.fr 649 km

Foix.fr 767 km

> FR / AD >

Andorra la Vella.ad 877 km

> AD / ES >

Lleida.es 1'032 km

Zaragoza.es 1'182 km

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>>> Accès direct à la carte du parcours sur Google Maps <<<

Acte I du voyage : Genève - Saragosse en 9 étapes et 1'182 km.
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Introduction

Me voilà reparti pour un "objectif mer" depuis Genève. Après l'est (Istanbul), le sud (Cagliari) puis le nord (Gdansk), je pars vers l'ouest et vise l'océan cette fois, la côte Atlantique portugaise. Je m'y prendrai en deux fois. Cette première partie consiste en 9 jours que je me suis octroyés pour atteindre la ville espagnole située à mi-chemin entre Genève et Lisbonne. Saragosse / Zaragoza je me réjouis de te voir!

Depuis le Léman je vais suivre la vallée du Rhône, franchir le Massif central et ses causses, traverser la plaine du Lauragais, m'attaquer au plus haut col des Pyrénées et finir de l'autre côté dans la vallée de l'Èbre.

En passant par 10 départements français de la Haute-Savoie à l'Ariège, puis Andorre, la Catalogne et enfin la communauté autonome d'Aragon.

Allons-y étape par étape!

J1

10.05.2018

Étape 1 • 172 km • Cumul 172 km

Onex > Soral > CH/FR > Seyssel > Culoz > Ambérieu-en-Bugey > Pérouges > Lyon
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Enfin le jour du départ! Pluvieux comme annoncé mais moins pire que prévu. Je retarde mon départ en attendant l'accalmie et me lance à 11h après les adieux à toute la famille.

Suisse, Canton de Genève, Soral : derniers paysages suisses.

A Soral je quitte la Suisse pour le département de Haute-Savoie.

 France, département de la Haute-Savoie, Chaumont.

Route tranquille jusqu'à Seyssel pour entrer dans celui de l'Ain.

France, départements de la Haute-Savoie & de l'Ain, Seyssel : le Rhône.

Quelques épisodes de pluie fine ponctuent ma progression à travers le Bugey, de Culoz à Ambérieu. Une belle route sinueuse qui passe par des villages loin de tout. Puis je me retrouve dans la plaine des Dombes au sud de ses mille étangs.

 France, département de l'Ain, Anglefort.
  France, département de l'Ain, au cœur du Bas-Bugey.
  France, département de l'Ain, au cœur du Bas-Bugey.
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J'improvise un détour par la colline de la cité médiévale de Pérouges, listée dans le club select des Plus Beaux Villages de France. J'y déguste la fameuse galette de Pérouges, tarte au sucre qui me donne l'énergie pour finir l'étape.

France, département de l'Ain, cité médiévale de Pérouges ; à gauche, photo d'illustration [webtournaire.com].

Ensuite il me reste à rejoindre la Via Rhona, voie cyclable Euro17 du Valais à la Camargue, pour entrer dans l'agglomération lyonnaise hors des grands axes routiers. Chemin très agréable au soleil couchant.

France, département du Rhône, Meyzieu : Via Rhona dans le parc naturel Miribel Jonage.

Et finalement c'est dans un état de fatigue avancé que je parcours encore 10km en pleine ville pour gagner un hôtel dans le 7e arrondissement. Heureux d'arriver et de constater que je suis toujours capable de faire une étape "iron man" (bon il me manque 10 km pour la distance officielle et je n'ai pas un marathon à faire dans la foulée, mais avec la charge des bagages c'est pas mal...), 3 ans après mon dernier voyage et en étant passé par un genou en état de décomposition par les staphylocoques dorés entre-temps. Il reste 8 étapes pour confirmer mon état de forme, je suis confiant et au top!

J2

11.05.2018

Étape 2 • 151 km • Cumul 323 km

Lyon > Rive-de-Gier > Saint-Étienne > Aurec-sur-Loire > Lavoûte-sur-Loire > Le Puy-en-Velay
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Ce matin à Lyon je parcours la presqu'île à vélo avant de me lancer sur la sortie de ville par Confluence et la rive du Rhône.

France, département du Rhône, Lyon. 
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A Givors je quitte le Rhône définitivement pour suivre un chemin tranquille sur la rive du Gier, jusqu'à la ville de... Rive-de-Gier. J'ai alors quitté le département du Rhône pour celui de la Loire.

France, département du Rhône, Givors : le long du Gier.
France, département de la Loire, Saint-Jean-Bonnefonds : paysage juste avant St-Etienne.

J'arrive à St-Etienne, ville "d'altitude" (700m) par rapport à Lyon, après une belle montée. Je me repose au cœur de cette aire urbaine de plus de 500'000 habitants et ses célèbres trams: le plus ancien réseau de France et jamais démantelé!

 France, département de la Loire, Saint-Étienne.

Après ça je gagne le département de Haute-Loire et vais effectivement remonter la Loire et ses gorges spectaculaires.

France, département de la Loire, Saint-Paul-en-Cornillon : le long de la Loire.
France, départements de la Loire et de la Haute-Loire, près d'Aurec-sur-Loire.

Pour éviter la départementale je coupe ensuite à travers les collines, d'une tranquillité absolue (Beaux, Rosières).

France, département de la Haute-Loire, Beaux : les collines et le village.
 France, département de la Haute-Loire, Lavoûte-sur-Loire.

Fin d'étape à nouveau sur la rive de la Loire, de Lavoûte au Puy-en-Velay. J'arrive à 21h dans cette capitale des pèlerins de St-Jacques. Il n'y en a pas tant que ça, trop tôt dans la saison je pense. Qu'on se le dise, je ne fais pas St-Jacques, mais cette ville a du charme et je vais aussi en profiter! Visite prévue au réveil!

J3

12.05.2018

Étape 3 • 116 km • Cumul 439 km

Le Puy-en-Velay > Costaros > Grandrieu > Auroux > Mende
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Je me réveille tôt au Puy, et j'en profite pour faire le tour de ville avant le (petit-) déjeuner.

France, département de la Haute-Loire, Le Puy-en-Velay : la cathédrale Notre-Dame et le rocher de la Vierge à l'Enfant.
Le Puy-en-Velay : vue depuis la Voie Verte de l'ancienne ligne de chemin de fer Le Puy-en-Velay - Langogne.

Les pèlerins partent vers l'ouest, moi je prends plein sud. Destination Mende, à 90 km par la nationale 88, mais je ne l'emprunterai que par bribes. Il me faudra 26 km de plus pour rester hors du trafic. Pour les 25 premiers kilomètres, je suis la voie verte de l'ancienne voie de chemin de fer: un parcours génial, hors civilisation, sur une piste de gravillons qui passe par 5 tunnels: seul dans des tubes de plus de 1'000 mètres! Dans les plus longs, en courbe, on ne voit pas les issues!

 France, département de la Haute-Loire, Voie Verte de l'ancienne ligne de chemin de fer Le Puy-en-Velay - Langogne.

Ensuite je prends la route de la vallée du Chapeauroux (D988). J'entre alors en Lozère - et donc en Région Occitanie! Le soleil timide de Haute-Loire a cédé sa place à la grisaille. Mais le parcours est splendide! Une montée très douce, régulière et solitaire le long de la rivière, par Auroux, jusqu'au col de la Pierre Plantée à 1'264m.

 France, département de la Haute-Loire : descentes des gorges de l'Allier.
France, département de la Lozère : en remontant le Chapeauroux.  

Après 100 km il me reste encore une longue descente pour évacuer tous mes efforts du jour: grandes sensations d'adrénaline jusqu'à Mende. Me voilà arrivé dans ce petit chef-lieu, au coeur de la région des Grands Causses, l'ensemble de hauts plateaux calcaires, de vallées et de gorges de la partie sud du Massif central. Le déluge s'abat sur la ville au moment où j'entre à l'hôtel!

France, département de la Lozère, Mende : Cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Priva. 

Ce soir, alors que je me refais une santé au resto sur le parvis de la cathédrale, tout le monde parle de la neige attendue le lendemain... Je suis prêt à vivre une journée dantesque!

Mende: entrée plat dessert et la bière locale "48".
J4

13.05.2018

Étape 4 • 84 km • Cumul 523 km

Mende > Sainte-Énimie > Millau
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Dimanche du week-end de l'Ascension: il y a ceux qui ont fait le pont vendredi, moi je fais le viaduc jusqu'à Pentecôte. Destination Millau évidemment!

Chose promise chose due: je pars sous la pluie, équipé au maximum de ce que j'avais dans mes bagages. Suffisant pour affronter une bonne "ascension", au sens topographique cette fois. Dès 900m d'altitude, l'irréel devient réel. Les saints de glace sont à la fête!!!

La situation est pour moi tellement rocambolesque et inattendue que je trouve ça excitant! Je m'éclate seul au monde sur les hauts plateaux des Cévennes!

France, département de la Lozère, Causse de Sauveterre / Parc national des Cévennes : neige le 13 mai !

L'effort m'empêche d'avoir froid. Je suis bien abrité sous mes couches thermiques et imperméables, des poignets aux genoux. Les mains et les pieds sont bien au frais quand même... par contre les mollets, à l'air libre avec mes shorts 3/4, sont définitivement plus résistants au froid que le reste du corps!

Le soir, je découvrirai que Météofrance a officiellement relevé une "anomalie" qui a touché tout le Massif central et a valu de nombreux records météorologiques pour un mois de mai dans les départements concernés.

Chutes de neige du 13.05.2018 dans les Cévennes. Cartographie © Météofrance.
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La descente me glace avant que je puisse me "réchauffer" en atteignant les 6-7 degrés qui règnent plus bas, dans les Gorges du Tarn. Le village de Sainte-Enimie vaut le détour même par ce temps!

 France, département de la Lozère, Sainte-Énimie : lieu de villégiature au cœur des gorges du Tarn.

Je continue en descendant la rivière le long des falaises vertigineuses, taillées pour y frayer une route, et qui par endroits font office d'abri contre la pluie. J'essaye tant bien que mal de faire quelques photos mais seul le mouvement me maintient au chaud, donc je ne pense qu'à pédaler.

Les gorges du Tarn pluvieuses. 

Par chance l'étape du jour est courte. Après 3 grosses journées et par cette météo, ça m'arrange quand même… Mais au moins je me dis que je l'aurai faite, cette expérience que tout cyclovoyageur redoute comme la peste. Et finalement avec un bon équipement et beaucoup de bonne volonté j'y vois du positif!

 France, département de la Lozère, Gorges du Tarn / Parc national des Cévennes.
France, département de L'Aveyron, Mostuéjouls. 

Étonnamment quand je quitte la Lozère pour entrer en Aveyron, la pluie cesse! J'arrive presque sec à Millau, sauf les chaussettes toujours trempées, et je précipite mes pieds glacés dans un bon bain chaud à l'hôtel du Commerce. Millau, un dimanche pluvieux de mai, c'est pas franchement la fête... Et comme Gault n'est pas là, je me rabats sur un pub moderne british style. Bon choix quand même, si on peut parler de choix parmi les rares établissements ouverts ce soir. Je peux même y tester le très local aligot-saucisse.

 France, département de L'Aveyron, Millau.
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Bien sûr la ville est surtout connue pour cette prouesse de l'ingénierie civile, présentée en ces termes par Wikipedia: Le viaduc de Millau est un pont à haubans franchissant la vallée du Tarn, dans le département de l'Aveyron, en France. Portant l’autoroute A75, il assure la jonction entre le Causse Rouge et le Causse du Larzac en franchissant une brèche de 2 460 mètres de longueur et de 343 mètres de profondeur au point le plus haut, dans un panorama de grande qualité et avec des vents susceptibles de souffler à plus de 200 km/h.

Alors le voici!

France, département de L'Aveyron, Millau : le viaduc de Millau. 
J5

14.05.2018

Étape 5 • 126 km • Cumul 649 km

Millau > Saint-Affrique > Lacaune > Castres
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Autant le dire d'entrée: je pensais avoir connu le pire hier, mais ce lundi a été l'épreuve ultime.

Pluie fine en quittant Millau, je peux encore sortir mon Canon reflex pour immortaliser ce viaduc. Il est encore plus impressionnant de près, notamment par la finesse du tablier et des 7 piles. La plus longue, 343 mètres de haut, dépasse la tour Eiffel de 19 mètres!

Viaduc de Millau: le tablier de 32 mètres de large à 270 mètres de fond de vallée.
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Voilà pour la partie oisive du jour. La suite n'est plus que pluie, neige, vent, tempête, brouillard, froid.

Je file sur la D999 via St-Affrique. Alors que ma nature optimiste me fait penser que les choses s'amélioreront d'heure en heure, c'est le contraire qui se produit. Chaque kilomètre qui me rapproche du sud amène son lot de surprises du ciel. Je n'ai jamais vu ça, personne ne sort par ce temps! Et pourtant j'avance, je lutte, je n'ai que mon objectif en tête - pas de plan B.

Encore deux photos avant de monter vers l'enfer… avec la bénédiction de Notre-Dame de l'Aveyron - et plutôt deux fois qu'une!

  France, département de L'Aveyron : Saint-Affrique et son église Notre-Dame, puis Belmont-sur-Rance et sa collégiale Notre-Dame.

Je ne m'arrête quasiment pas, ce serait trop dur de repartir… C'est donc un parcours du combattant qui s'intensifie sur la montée du Col de Sié, 999 mètres, où je passe de l'Aveyron au département du Tarn, dans le Parc Naturel Régional du Haut Languedoc. Descente horrible, je suis forcé de m'arrêter cette fois-ci pour me réchauffer au bistrot de Lacaune. Les bourrasques qui infiltrent l'eau partout ont eu raison de mes survêts imperméables.

Paysages du col de Sié.

Je repars encore tremblotant. Il reste 45 km sur la D622 via Brassac. Je veux et dois réussir!

Une belle rencontre en route me motive pour la fin: je suis arrêté pour grignoter sous un abribus en pleine nature, une automobiliste s'arrête net et vient vers moi avec un grand sourire. C'est la solidarité des cyclovoyageurs: elle me parle de son périple de 2 ans Paris-Asie et est prête à m'héberger. Mais elle est a contresens de ma route…

 Quelques minutes à l'abri de la tempête. 

Encore quelques bosses en pilote automatique pour oublier l'inconfort et me voilà à 18 heures à Castres. Toujours sous la pluie. Tout le reste de la soirée d'ailleurs.

Après ça je rigole à l'idée de faire une fois l'Ecosse à vélo en décembre, what else? Même pas peur! Et j'espère que vous êtes bien au chaud. Merci de votre lecture!

Demain, "averses éparses": quel progrès!

J6

15.05.2018

Étape 6 • 118 km • Cumul 767 km

 Castres > Revel > Castelnaudary > Belpech > Pamiers > Foix
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Castres se réveille sous la pluie, régulière et inarrêtable depuis plus de 2 jours. Je ne suis pas pressé, on annonce un après-midi plus sec, enfin. Je me résigne quand même à sortir de l'hôtel sous l'eau, check-out de 11 heures oblige.

Et c'est parti pour une étape de transitions. Transition de plaine entre deux massifs (le central et les Pyrénées), transition de météo, a mi-chemin entre le déluge de la veille et le soleil espéré pour le lendemain. Pas de paysages spectaculaires à attendre, plutôt des routes très banales bordées d'enseignes commerciales en tout genre, et le gros trafic qui va avec. Mais j'aurai quelques belles surprises en route!

Petit tour de Castres pour commencer, là où Jean Jaurès a droit à sa statue et sa grande place. Entre rues, monuments, écoles, il en a des milliers partout en France. Mais ici c'est particulier, c'est la ville natale de cet homme politique apôtre du pacifisme et assassiné en 1914. La vieille ville est agréable avec ses ruelles piétonnes, où le calcaire des façades et des pavés donne une ambiance claire et gaie même par ciel gris.

France, département du Tarn, Castres.
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Je prends alors la route et après un parcours sans intérêt, première halte à Revel. C'est une brève incursion en Haute-Garonne, plus connue pour sa préfecture Toulouse. Revel est construite selon un plan régulier autour d'une halle centrale surmontée d'un beffroi qui trône sur une vaste place carrée bordée d'arcades. Belle découverte! Et la pluie cesse!

France, département de la Haute-Garonne, Revel : Place Philippe VI de Valois.
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Ensuite je refais une bonne vingtaine de kilomètres sans intérêt qui me font passer dans le département de l'Aude et atteins Castelnaudary. L'intérêt est ici culinaire puisque la ville est connue pour son cassoulet dont elle se proclame la capitale. Allez, il faut que j'en profite! Tous les restaurants servent le leur, fait maison, mais il est passé 14 heures et les cuisines sont fermées. Sauf dans un établissement que j'ai déniché avec persévérance, comme le prouve mon parcours gps...

A gauche le parcours dans Castelnaudary pour trouver le délicieux cassoulet de droite.

Bien calé mais heureux de cette expérience ("ça c'est fait") je prends des petites routes qui me sont vite fort sympathiques. Il y a ici, autour de la route vers Belpech, une ressemblance frappante avec la Toscane, collines rondes, terre ocre, fermes de pierre. Et pas une voiture, un moment de bonheur.

France, département de l'Aude, Payra-sur-l'Hers : un air de Toscane, le soleil en moins.  

Toujours au sec, je retrouve une partie de plaine et je dois cette fois lutter contre un terrible vent de face. C'est l'entrée en Ariège, dixième et dernier département sur ma route. Je rejoins justement la rivière Ariège à Pamiers, fais un rapide détour vers son imposante cathédrale en brique toulousaine. Me reste alors à remonter la vallée jusqu'au chef-lieu, Foix, pour m'installer au cœur de ce bourg adorable. Ses ruelles entrelacées, désertes à la nuit tombée, permettent un voyage dans le temps mille ans en arrière, quand les maîtres du Comté de Foix veillaient sur leur territoire depuis le château en surplomb.

France, département de l'Ariège, Foix avec son château aux trois tours sur les berges de l'Ariège.
France, département de l'Ariège, Foix et ses ruelles intemporelles.

Je suis au pied des Pyrénées, et pour bien compléter mes expériences culinaires du jour je savoure une truite de l'Ariège aux amandes dans un hôtel-restaurant du vieux Foix.

La bonne truite de l'Ariège.
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Petit spectacle nocturne de lumières dans une ville endormie.
J7

16.05.2018

Étape 7 • 110 km • Cumul 877 km

Foix > Tarascon-sur-Ariège > Ax-les-Thermes > FR/AD > Pas de la Casa > Andorra la Vella
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Cette journée va être monumentale! Je le sens déjà dès le réveil: la pluie sur Foix que j'aperçois depuis ma chambre de l'hôtel "Lons" ne me perturbe même pas. D'ailleurs elle s'arrête au moment où je sors! Plein d'entrain pour cette journée "grand prix de la montagne" je monte encore vite au château avant de reprendre la route des rives de l'Ariège, destination les versants sud des Pyrénées.

Foix de son château. Au fond, les Pyrénées. 

Parti à 370 mètres, je monte tranquillement sur la petite route de la rive droite (la 2x2 voies est rive gauche). Passe à Tarascon-sur-Ariège, 470 mètres.

Tarascon-sur-Ariège et sa Tour du Castella.
France, département de l'Ariège, Haute vallée de l'Ariège.

Puis vient Ax-les-Thermes, 720 mètres. J'ai passé la moitié des kilomètres d'ascension avant le col mais n'ai fait qu'un sixième du dénivelé. Mais tout va bien! Surtout après un bain de pied tellement agréable dans les eaux thermales qui alimentent une fontaine publique, bancs inclus!

 Ax-les-Thermes et sa fontaine thermale.

Après Ax, je ne sais pas si je sens bon, mais je reste fidèle à l'Ariège. Elle s'engouffre dans une vallée encaissée, la pente augmente.

L'Ariège en amont d'Ax-les-Thermes.

Et finalement le spectacle montagnard des Pyrénées se dévoile! Toujours au sec, et étonnamment la température augmente avec l'altitude! Je me rapproche du soleil…

L'Hospitalet-près-l'Andorre, 1'440 mètres, dernier village français avant la frontière. Les éclaircies commencent juste après, quand la route s'étale dans ses larges lacets où les 40 tonnes portugais descendant croisent sans problème les roumains et hongrois montant. Non, là il n'y a plus d'échappatoire à la nationale 22. Mais le trafic est raisonnable. En passant je me rends compte m'être fait dépassé par mon propre jeu: ces quelques kilomètres se font sur territoire du département des Pyrénées-Orientales, qui s'incruste ici juste pour piquer sa source à l'Ariège… 11 départements donc depuis la douane de Soral!

France, département des Pyrénées-Orientales, route du Port d'Envalira : entre L'Hospitalet-près-l'Andorre et la douane FR/AD.

Et c'est tout naturellement que je passe la douane, située vers 2'000 mètres, en pleine montée. Le soleil est vraiment là maintenant, mais je me réjouis aussi en même temps de mes statistiques: 44e pays visité dans ma vie, beau chiffre pour ceux qui me connaissent bien, un par année en plus! Et le 15e pays atteint au cours d'un voyage à vélo au départ de Genève. Bon le champagne sera pour plus tard, il y a encore du travail.

Notons aussi que si j'ai bien quitté la France, je suis toujours en Macronie! Andorre est une coprincipauté parlementaire dont les princes sont étrangers: l'un est l'évêque de la ville espagnole voisine d'Urgell, l'autre est le président en fonction de la République française! Quant à la langue, je quitte l'accent chantant teinté d'occitan pour trouver le catalan, seule langue officielle ici, lui aussi d'ailleurs affilié aux langues d'oc.

Me voilà à El Pas de la Casa, la station d'entrée dans la principauté, toujours sur le versant nord. Assez moche, c'est une débauche de commerces d'alcool, cigarettes, essence et pneus hors taxe. Sur fond de belles montagnes enneigées et des télésièges du domaine.

Andorre, El Pas de la  Casa, lieu de shopping détaxé pour les français. 

C'est ici le départ du col à proprement parler, le fameux "Port d'Envalira", plus haut col routier des Pyrénées. Il y'a aussi un tunnel, tellement moins excitant et de toutes façons interdit aux cyclistes. Je m'étonne d'arriver finalement sans peine aux 2'408 mètres du sommet, après 80 km de montée.

Andorre, Le toit du voyage, Port d'Envalira, 2'408 m. 
Andorre, dans la descente, versant sud au-dessus de Soldeu.
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La capitale Andorre-la-Vieille est à 30 km, de descente bien sûr. Même si elle est encore à 1'013 mètres ce qui en fait la capitale la plus haute d'Europe! Belle descente, vues grandioses, et des grosses stations de ski ultra modernes mais très bien intégrées dans le paysage. Sur ce versant, Andorre séduit.

Andorre, les villages de Soldeu et Encamp.
Après avoir traversé les stations de Soldeu et suivantes, voici Andorre-la-Vieille en fond de vallée.

Quand je débarque à Andorre-la-Vieille je suis carrément stupéfait: m'attendant à un petit bourg tranquille avec quelques halles hors taxes, je me retrouve à Hong-Kong-by-the-Moutain! Un trafic d'enfer (mais bien canalisé hors du centre), une grosse artère piétonne débordante d'enseignes de boutiques, restaurants, hôtels... alors je joue le jeu et passe la soirée au tout nouveau Hard Rock Café. C'est vrai, j'aime bien la tranquillité et la solitude du cycliste, les bruits de la nature omniprésents qu'on n'entend plus dans nos vies de pendulaires, oiseaux crapauds criquets ruisseaux cascades bruissements du vent, et tout ça j'en profite à fond. Mais j'aime aussi les contrastes et ce soir je ne suis pas mécontent de ne pas finir dans un resto avec 27 tables vides et 2-3 occupées dont la mienne, dans une ville de province endormie, mal éclairée, sous une pluie glauque... Alors ce soir Andorre déjoue son homonymie et réveille cet autre côté qui est en moi: un bon burger avec du puissant rock immortel et la finale d'Europa League sur écran géant, yeah!

J8

17.05.2018

Étape 8 • 155 km • Cumul 1032 km

Andorra la Vella > AD/ES > La Seu d'Urgell > Oliana > Ponts > Cubells > Lleida
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Il m'avait fallu moins d'une heure pour traverser le Liechtenstein il y a trois ans entre Genève et Gdansk. Certes, bien que figurant aussi parmi les tout-petits d'Europe, Andorre est quand même trois fois plus grand en superficie (et deux fois plus peuplé)... Vu que Andorre m'a accueilli pour la nuit je vais en profiter un peu plus! Petite balade en ville donc, pour quelques photos, avec ciel bleu si us plau!

Andorre-la-Vieille et ses différentes facettes.
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Chaud ce matin, pas tropical car je suis encore à 1'000 mètres mais je peux quand même enfiler les vêtements plus légers qui restaient depuis des jours au fond des sacoches en attendant leur tour! En route donc, pour une "descente" de 150 km mais en réalité il y aura quand même pas mal de bosses.

Entrée en Espagne, communauté autonome de Catalogne - pour l'instant c'est comme ça, je ne vais pas polémiquer sur ce sujet sensible… Juste faire un peu d'Histoire, mais pas d'actualité: ce territoire a été sous souveraineté ibère, romaine, wisigoth, arabe, carolingienne, aragonaise, napoléonienne, castillane… Avec des frontières élastiques au fil des siècles, ce n'est que petit à petit que la notion d'un État catalan s'est construite autour du Comté de Barcelone. Brisée par la guerre de succession d'Espagne (la Catalogne était du côté des Habsbourg défaits par les Bourbons, qui sont depuis sur le trône du Royaume d'Espagne); confédérée au Royaume en 1931; puis anéantie par le régime franquiste qui interdisait le moindre symbole catalan, à commencer par la langue. Voilà… et pour rester neutre et suisse je mettrai les deux photos, prises à 100 mètres l'une de l'autre.

 Sortie de la Principauté d'Andorre. 

Ensuite, longue route via les Pré-Pyrénées (comme on a nos Préalpes) avec des belles vues le long de la vallée du Riu Segre.

 Espagne, Catalogne, Province de Lérida, Pré-Pyrénées de la vallée du Sègre vers Organyà.
Espagne, Catalogne, Province de Lérida, vers Ponts et Cubells. 

En arrivant lentement dans la dépression centrale catalane, très longue route sans grand chose à raconter car je suis fatigué (pas en route, mais maintenant au moment d'écrire…). Arrivée dans la ville de Lleida, Lérida en français, vers 21 heures. Cité universitaire, animée, vaut le détour. Son monument emblématique est la cathédrale de la Seu Vella, qui dévoile son architecture romane et gothique sur sa colline au cœur de la ville.

Lérida, le Riu Segre qui déborde de son lit.
Lérida, La cathédrale de la Seu Vella.
J9

18.05.2018

Étape 9 • 150 km • Cumul 1182 km

Lleida > Fraga > Candasnos > Bujaraloz > Monegrillo > Villamayor de Gállego > Zaragoza 

Saragosse au neuvième jour, tel était l'objectif. Ce matin il est devant moi, à environ 150 kilomètres. Chaque étape est un nouveau défi, celle-là est un nouveau gros morceau. Depuis Genève il y a huit jours j'avance kilomètre par kilomètre sans me poser de questions, mais en écoutant mon corps qui a appris à mouliner au rythme qui lui convient. Ma gestion des forces doit viser la durée, l'objectif final, mais pas des records ponctuels qui pourraient me griller pour le reste de la journée. Je me rends compte que tout cet apprentissage est venu naturellement au fil de mes expériences à vélo. C'est agréable de pouvoir sentir cette symbiose parfaite entre corps et esprit. A part quelques épisodes qui demandent d'aller puiser au fond de mes ressources, je n'ai pas l'impression de vivre mes journées de pédalage dans l'effort, je suis plus simplement dans le mouvement, la fluidité, et c'est du bonheur.

Aujourd'hui, ces sensations sont amplifiées par le statut de "dernière étape" (avant la suite...), que je veux vivre à fond. Je veux m'imprégner de ce bonheur pour qu'il perdure au-delà de l'arrivée! La météo s'annonce bonne, je quitte donc Lérida prêt à vivre une grande journée. Le premier quart de l'étape, sans surprise, est monotone: c'est un long cordon industrialisé où je passe d'un côté à l'autre de l'autoroute A2 Autovía del Nordeste Barcelone-Madrid, selon les possibilités que donnent les routes de liaison et les voies de service. Mais c'est roulant, donc pas si désagréable du moment que je progresse à bon rythme. Au deuxième quart, je quitte la province catalane de Lérida pour entrer dans l'aragonaise de Huesca. Une petite ville à traverser, Fraga, un col, puis je me retrouve dans des reliefs de steppe semi-désertique, la région des Monegros. Je suis sur la route principale Lérida-Saragosse, qui fait défiler énormément de poids-lourds, malgré l’autoroute (payante) qui propose la même liaison. J'ai droit à un peu de répit dans les villages que la route contourne, puisque je passe par l'intérieur: déjà l'heure de la sieste espagnole, je ne vois absolument personne dehors, c'est d'un calme impressionnant!

 A 20 km de Lérida, un tunnel qui symbolise le passage de la Catalogne à l'Aragon. Et le taureau ibérique marque son territoire.
Espagne, Aragon, Province de Huesca : la ville de Fraga et les prairies paisibles de la province.
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Entrée dans la Province de Saragosse, à La Almolda.

C'est finalement à partir de la moitié de l'étape que tout devient bien plus intéressant. Au moment d'entrer dans la province de Saragosse, il existe une petite route qui s'écarte par le nord et pénètre au coeur des collines arides des Monegros. A partir de là je ne verrai quasiment plus une seule voiture. Je me délecte, du paysage bien sûr, mais de tout en fait, de cet ensemble de combinaisons qui transcendent le moment. C'est pur, c'est brut, c'est simple: la terre et le ciel, une route, un cycliste, tout ne fait plus qu'un, les quatre éléments du voyage sont réunis. A propos du ciel, le bleu du matin s'est assombri devant moi. Le tonnerre gronde au loin. Mais je n'aurai pas une goutte aujourd'hui. Juste une route mouillée, témoin d'un déluge qui m'a précédé. Ouf! L'orage a même fait tourner le vent qui va pouvoir me pousser en direction du soleil couchant pour une fin de toute beauté.

A travers la région aride des Monegros dans la province de Saragosse. 
Sous l'éclaircie post-orage, quelques couleurs bien printanières pour égayer la route dans ces steppes semi-désertiques.

C'est dans ces conditions enchanteresses que je vais pouvoir arriver au but. A une vingtaine de kilomètres du centre ville de Saragosse, bien que je sois toujours hors toute civilisation, l’imminence de l'arrivée est trahie par le panneau d'entrée dans le territoire de la comarque de Saragosse. Il s'agit des divisions territoriales intercommunales, correspondant souvent aux anciens comtés médiévaux, qui sont peu à peu réhabilitées dans le but de concrétiser la décentralisation voulue par Madrid. Cette autonomie régionale est garantie par la Constitution espagnole post-franquiste de 1978. Je m'approche donc bien de Saragosse, capitale de la communauté autonome d'Aragon, région une fois et demie plus vaste que la Catalogne, plus grande que la Suisse même, mais peuplée de seulement 1.3 millions d'habitants - dont la moitié à Saragosse même! Trois pour-cent de la population espagnole actuelle, et pourtant un nom, Aragon, dont l'histoire a marqué l'évolution de la péninsule ibérique au fil des siècles.

Entrée dans le territoire du "Grand Saragosse", je sens que la fin est proche!

L'Aragon donc, ça commence avec les Romains qui fondent des cités pour asseoir leur domination dans ce qui est la province de Tarraconaise: l'empereur Auguste, petit-neveu et fils adoptif de Jules César, fonde ainsi Colonia Caesar Augusta. L'histoire de Caesaraugusta, Saragosse, est ainsi lancée en 14 avant J.-C. Elle passe au Moyen Âge par la longue période musulmane d'Al-Andalus sous le nom de Saraqusta, alors qu'un petit comté franc voisin, traversé par la rivière Aragon, est resté sous l'influence de Charlemagne. C'est de là que va s'étendre le royaume d'Aragon, jusqu'à prendre la ville et faire de la désormais nommée Saragosse, la capitale d'une puissance qui se déploie alors en Méditerranée, incluant la Catalogne, Majorque, Valence, la Sicile et Naples.

Alors que le royaume de Castille dominait la partie centrale de la péninsule ibérique, c'est l'union de Ferdinand II d'Aragon avec Isabelle de Castille en 1469, qui pose les bases de l'Espagne moderne "unifiée".

Vous suivez? Bien, je reviens à ma route, vers la Saragosse du XXIe siècle, cinquième ville d'Espagne et quatrième puissance économique du pays : entrée en ville par la longue Avenida de Cataluña, évidemment! Une expérience agréable à vélo, en ligne droite des faubourgs jusqu'au centre. Je traverse le fleuve de l'Èbre sur le monumental Pont de pierre qui aboutit au cœur de la vieille ville, rive droite. L'air encore chaud de 20 heures m'invite à descendre du vélo pour me poser sur une terrasse de la gigantesque Plaza del Pilar, juste en face de la basilique de Nuestra Señora del Pilar. Un décor magistral pour savourer la bière la plus convoitée de l'année, tellement rafraîchissante, qui donne encore plus d'intensité à ce moment magique - ¡Zaragoza aquí estoy!

Saragosse: basilique de Nuestra Señora del Pilar et son reflet du soir dans l'Èbre.
Au km 1'182, Plaza del Pilar, fin du périple.

Que d'émotions pour cette journée, que j'aurai la chance de partager avec des "locaux": je passe la soirée avec un ami installé, à ma grande surprise, à Saragosse (et ses propres amis), rencontre improvisée qui s'est annoncée en cours de route grâce à mon blog - merci JJ de m'avoir mis sur cette piste et merci BS de cet accueil chaleureux à Saragosse!

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Visite express de Saragosse

19.05.2018

Le lendemain, redevenu simple piéton, j'ai encore le temps de visiter les principales attractions de la ville. Puis il reste à me préparer pour le retour: vélo démonté pour permettre son transport dans une housse spéciale. Taxi pour la gare de Zaragoza-Delicias, édifice moderne qui a accueilli des millions de visiteurs venus découvrir l'Exposition internationale de 2008. J'y embarque pour l'AVE (TGV) direction Madrid, à 300 km/h sur une des portions les plus fréquentées du réseau national à grande vitesse, qui est d'ailleurs le plus étendu d'Europe. Et le vol final Madrid-Genève.

Fin du voyage pour cette année, mais cette neuvième étape n'est qu'une étape de plus vers mon objectif ultime! Me voilà à mi-chemin vers l'Atlantique. Saragosse-Lisbonne, ce sera une nouvelle aventure que j'aurai encore le temps de préparer tranquillement, et que je me réjouis de raconter le jour venu.

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FIN de l'acte I

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