21.05.2012
Etape 5 • 126 km • Cumul 676 km
Reutte > AT|DE > Schloss Neuschwanstein > Weilheim in Oberbayern > Starnberg > München Dernière étape de ce voyage-express vers ma destination intermédiaire Munich. Un petit aperçu de la vaste Bavière, le plus vaste des seize Länder allemands – de taille comparable à l’Irlande.
En quittant Reutte, je me faufile sur des chemins forestiers – vers un but bien précis qui se dévoilera plus tard. Franchissement de frontière entre Autriche et Allemagne en pleine forêt : une cabane abandonnée, une barrière, de vieux écriteaux de douane rouillés. J’ai l’impression d’être un trafiquant de contrebande qui a trouvé son point de passage. Pourtant sur la route principale en contrebas, plus rien ne s’oppose à passer d’un pays à l’autre en vertu des quatre libertés du marché unique européen (la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes), et de l’accord de Schengen qui permet le franchissement libre des frontières entre Etats membres.
Encore quelques paysages alpins en quittant Reutte, le Tyrol et l'Autriche.Poste-frontière austro-allemand en pleine forêt...!C'est ici le district de Souabe (Schwaben), l’un des sept qui découpent la Bavière - celui qui a pour chef-lieu Augsbourg. Première curiosité touristique bavaroise sur mon chemin, l’Alpsee. Beau décor d’eaux limpides sur fond de forêts alpines. Je me rends compte que c’est le premier lac que je revois depuis le suisse Walensee. Effectivement, les lacs sont une richesse naturelle plutôt rare en Autriche, en comparaison de la Suisse qui confirme ainsi sa réputation de château d’eau de l’Europe. Mais la géologie a visiblement aussi favorisé le sud de la Bavière et, par extension vers l’est, la région de Salzburg, exception autrichienne en la matière.
Alpsee, un décor très accueillant pour mon premier kilomètre en Allemagne.Deuxième point d’intérêt, le château gothique de Hohenschwangau, au bout du lac. Ancienne résidence de Maximilien II de Bavière, troisième roi de Bavière de 1848 à 1864.
Château gothique de Hohenschwangau.Mais c’est surtout la troisième attraction, juchée son éperon rocheux à 500 mètres de là à vol d’oiseau, que je visais : le célèbre château de Neuschwanstein. Construit au XIXe siècle sous les ordres du quatrième roi de Bavière Louis II (fils de Maximilien II du château voisin), qui décrivit lui-même son ambition en ces termes superlatifs à son ami (et probablement amant) le compositeur Richard Wagner : « Il est dans mon intention de reconstruire la vieille ruine du château de Hohenschwangau près de la gorge de Pöllat dans le style authentique des vieux châteaux des chevaliers allemands […] ; l'endroit est un des plus beaux qu'on puisse trouver, sacré et inaccessible, un digne temple pour l'ami divin qui a apporté le salut et la bénédiction au monde […] ; ils auront leur vengeance, les dieux profanés, et viendront vivre avec nous sur les hauteurs élevées, respirant l'air du ciel. »
Château néogothique de Neuschwanstein (photo d'illustration - le château était couvert d’échafaudages au passage de l'auteur).Retour à mon vélo : je gravis les 150 mètres de dénivelé qui mènent aux portes du château. Bain de foule parmi les archétypes du touriste, puis je repars de plus belle en sens inverse, dans le bel élan de la courte descente – que j’aimerais bien conserver jusqu’à Munich ! Mais la réalité sera un peu différente, il y a encore de quoi pédaler avant la capitale.
Paisible Souabe bavaroise, plaine verte au pied des Alpes. Dernière vue sur les deux châteaux - Neuschwanstein et Hohenschwangau - depuis la plaine.Fin de ce court passage dans le sud du district de Souabe. A peine ai-je tourné le dos aux châteaux, je me retrouve déjà dans le district de Haute-Bavière, à l'est du premier, et toujours limitrophe à l'Autriche. La Haute-Bavière, c’est aussi le district qui englobe Munich, capitale de cette puissante Bavière en plein cœur du continent, peuplée de bientôt 13 millions d’habitants. Soit plus que chacun de ses voisins indépendants que sont la Tchéquie, l’Autriche et la Suisse. Elle-même animée d’une certaine idée d’indépendance par rapport à l’État fédéral (sans comparaison toutefois avec la Catalogne ou l’Écosse), la Bavière bénéficie, depuis son intégration au Reich allemand, d’une plus grande autonomie que les Länder fédérés du Nord de l'Allemagne.
Voilà donc l’histoire de cette contrée remarquable, en accéléré. Commençons par la province romaine de Rhétie, qui se divise au IVe siècle autour de deux capitales : Coire la future helvète au sud (région qui gardera les traces de cette époque avec la langue latine rhéto-romanche encore parlée dans certaines parties des Grisons), et Augsbourg au nord. Cette dernière partie devient le duché de Bavière du VIe au VIIIe siècle. Sous Charlemagne, le duché devient royaume franc en 814, et s’étend alors sur des parties des actuelles Italie, Slovénie, Autriche et Tchéquie. Avec le déclin de la dynastie carolingienne, la Bavière intègre le Saint-Empire romain germanique en tant que duché au Xe siècle. Le royaume de Bavière lui succède dès 1806, et c’est sous Louis II – oui, celui du château de Neuschwanstein, vous avez bien suivi – qu’il intègre le Reich de Bismarck de 1871. Cet Empire allemand englobe donc la Bavière et trois autres royaumes (Prusse, Saxe, Wurtemberg) ainsi que toute une série de territoires enclavés, pour un total de vingt-cinq États membres.
La monarchie bavaroise fait place à une république en 1918, c’est le Freistaat Bayern, État libre de Bavière, encore et pour toujours.
Bon, je crois en avoir bien assez écrit sur la Bavière pour revenir à mon vélo… C’est une étape très rurale, avec quelques jolis petits bourgs coquets, comme Weilheim in Oberbayern, perdu à mi-chemin de ma journée. La région est typique de ces territoires péri-alpins qui paraissent comme des privilégiés de l’humanité : terres fertiles, paysages préservés, économie locale florissante, vie paisible…
Depuis Weilheim j’emprunte la route fédérale Bundesstraße 2, la plus longue et l’une des plus vieilles de la Fédération, qui va de la frontière de l’Autriche à celle de la Pologne en passant par Munich et Berlin. Mais le trafic y est dense et je me rétracte rapidement pour reprendre les petites routes de campagne, quitte à retarder un peu mon arrivée ce soir. Cette stratégie me mène sur les rives du lac de Starnberg. Tiens, c’est là que fût retrouvé noyé le roi Louis II en 1886 – oui, toujours ce même Louis – alors qu’il venait d’être arrêté par le gouvernement et interné pour une prétendue incapacité à régner, selon une commission d’experts très controversée. Considéré comme fou, il n’aura finalement profité de son château de Neuschwanstein que deux ans, encore que sa construction n’était même pas terminée, et ne le sera jamais. Pour réviser un peu l’histoire dans une vision plus moderniste, on imagine aujourd'hui que ce roi n’était pas si fou que ça, mais souffrait plutôt de ses différences avec le monde aristocratique qui l'entourait, mal adapté à son tempérament fantasque, solitaire, sensible, et à son homosexualité.
Lac de Starnberg et les Alpes de Haute-Bavière.Bien, il est temps de rejoindre enfin la capitale : elle est séparée du lac de Starnberg par une immense zone de forêt protégée, le Forstenrieder Park, à travers laquelle passe l’autoroute mais aussi un chemin cyclable très agréable sur lequel je file vers mon objectif du voyage.
Entrée sur le territoire municipal de Munich - objectif atteint - mais où est la ville... ?La transition est très nette entre la lisière de la forêt et les denses quartiers résidentiels du sud-ouest de cette zone urbaine de deux millions d’habitants. Encore loin du centre, je me faufile le long des avenues surchargées à l’heure de pointe du soir, mais heureusement bien dotées de pistes cyclables. Je franchis le périphérique Bundesstraße 2 R (Mittlerer Ring) qui encercle la partie centrale de l’agglomération sur 28 kilomètres. Encore une longue avenue et c’est l’arrivée à Sendlinger Tor, la porte historique d’accès à la vieille ville depuis le sud-ouest. 676 kilomètres, c’est là que je pose armes et bagages, heureux comme un pape, fier comme un coq, libre comme un bavarois, sans plus aucune autre ambition que celle de m’offrir un festin munichois. Chose faite à la très recommandable brasserie Haxnbauer im Scholastikahaus, où je me rassasie avec un demi-canard et – toute autre fin serait indigne de Munich – une bonne brassée de bière !
Petite balade du soir en ville, rebelote le lendemain matin autour des grands classiques à visiter autour de la Marienplatz : l’ancien hôtel de ville (Altes Rathaus), la cathédrale Notre-Dame (Frauenkirche), et le nouvel hôtel de ville (Neues Rathaus) inspiré de l'hôtel de ville gothique de Bruxelles.
Munich en trois bâtiments emblématiques: Altes Rathaus, Frauenkirche, Neues Rathaus.J'enfourche encore une dernière fois mon vélo et hop, à l’aéroport : du centre-ville, 37 kilomètres hors trafic le long de la rivière Isar. Retour aérien sur Genève après ces cinq journées intenses. Munich, rendez-vous pour la suite – je confirme mon intention initiale – et on verra bien où elle me mène! J’ai bien assez de temps d’ici-là pour la préparer et je m’en réjouis déjà.
A lire bientôt dans MyAtlas!
L'Isar à Munich, un havre de nature en pleine ville, pour en sortir sans s'en rendre compte en longeant les chemins sur berge.FIN de l'acte I
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