10.07.2023
London City Walking Tour • 8 km
Arrivé la veille à vélo au terme du neuvième jour de voyage, et déjà prêt à rentrer au bercail après une nuit au cœur de Londres. Enfin, pas tout à fait: il me reste quelques heures avant de rejoindre l'aéroport. Alors voici quelques impressions de la City au cours d'un tour pédestre express.
Juste quelques mots sur la City… C'est quoi exactement? Selon le principe des poupées russes, il y a, loin à la ronde, l'aire métropolitaine londonienne et ses près de 15 millions d'habitants, qui débordent sur les comtés voisins nommés Home Counties. Pour la deuxième poupée, on ressert un peu le périmètre pour former le Grand Londres administratif, nommé Greater London Authority, la subdivision territoriale qui englobe 9 millions d'habitants véritablement "londoniens". Contrairement au reste du territoire britannique, ce périmètre n'est ni un comté, ni un district, c'est juste… Londres. La capitale, la ville référence, La Ville, seule et unique. À l'intérieur, on trouve 32 arrondissements, les London boroughs. Les vingt arrondissements situés en ceinture extérieure forment l’Outer London, et les douze centraux sont appelés l’Inner London. La troisième poupée, donc. C'est là qu'on trouve par exemple Greenwich, Southwark, Westminster, Kensington et Chelsea, avec une population de 3.5 millions d'habitants. Mais il nous reste encore la quatrième et dernière poupée. C'est en quelque sorte le 33ème arrondissement, avec un statut sui generis particulier et unique de « Cité & comté cérémoniel » qui a sa propre autonomie et son propre lord-maire: voilà the City of London. Surnommé le « Square Mile » de par sa superficie d'à peine plus d'un mile carré, cette City ne compte que 8'500 habitants. Equivalent à des cités comme Morat ou Stans (CH), Chamonix ou Aigues-Mortes (F)…!
Située sur la rive gauche de la Tamise, la City correspond assez fidèlement au périmètre des remparts de Londinium, le campement romain bâti au 1er siècle sur les bords du fleuve. Le centre originel, le cœur historique de la future ville de Londres, qui y construira ses fleurons. Citons la forteresse de Tower of London au 11e siècle, la cathédrale Saint-Paul au 17e, Tower Bridge au 19e... et tous ses gratte-ciels du 21e siècle, qui ne cessent de sortir de terre encore et encore, pour accueillir aujourd'hui quelques 20'000 entreprises et plus de 300'000 travailleurs pendulaires chaque jour.
Je me lance dans un parcours-découverte passionnant sur 2000 ans d'histoire urbaine, probablement l'une des plus fabuleuses de notre planète. Alors oui, on ne trouve plus grand chose du premier millénaire de cette histoire… mais elle reste ancrée dans le sol et la topographie de ce site prospère du nord de la Tamise. Comme par exemple pour la cathédrale Saint-Paul: l'édifice actuel n'est rien que le cinquième du nom à cet endroit depuis l'an 600, après les incendies ou une attaque des Vikings qui ont ravagé ses prédécesseurs! Construite de 1675 à 1710, son dôme s’élève à 111 mètres, et il aura fallu attendre quand même plus de 250 ans pour qu'un gratte-ciel la surpasse, en 1961.
Un peu plus loin, on remonte le temps pour trouver l'ancien hôtel de ville, le Guildhall, un bâtiment médiéval (rare de nos jours à Londres) de l'an 1440 où siégeaient les assemblées des guildes pour diriger la cité.
Retour vers le futur en passant dans le quartier des banques, simplement nommé Bank. La première bourse de Londres, le Royal Exchange, y a été fondée en 1565, avant la Banque d'Angleterre qui arriva juste à côté en 1694. Le bâtiment du Royal Exchange a brûlé deux fois, et la version néoclassique actuelle date de l'époque de la reine Victoria (1844). Mais ce quartier est surtout marqué par la prolifération de gratte-ciels en arrière-plan desdits bâtiments historiques. The Twentytwo, The Scalpel, The Gherkhin, The Walkie-Talkie… il y en a en tout vingt-cinq rien que dans ce quartier, sur le total de 121 tours de plus de 100 mètres de haut dans tout le Grand Londres.
Retour au 17e siècle: l'année 1666 est marquée par le grand incendie de Londres, le plus dévastateur de l’histoire de la capitale, qui détruit la quasi-totalité de la ville en cinq jours. Mais un mal pour un bien, cet incendie met fin à l'épidémie de peste qui avait commencé l'année précédente. Et qui plus est, la destruction encouragea le roi Charles II à rebâtir la ville avec intelligence, sans la magnificence choisie par Paris, mais avec résilience face aux enjeux de l'hygiène et du feu. Une formule gagnante puisque moins de deux siècles plus tard, Londres devient la ville la plus peuplée au monde, titre qu'elle détiendra de 1825 à 1925. Elle sera pionnière mondiale de l'urbanisation, avec l'arrivée du chemin de fer qui permet un essor boursier phénoménal, puis l'apparition des premiers embouteillages, la mise en service du premier métro du monde en 1863, l'expansion galopante des banlieues… Londres rejoint vite les rares villes de plus d'un million d'habitants, et sera la première à dépasser les cinq millions.
Cela m'amène au Monument, la colonne de style romain construite pour commémorer l'incendie, mais surtout pour célébrer la reconstruction de la City après l'incendie - quand on parle de résilience! Autrefois édifice majeur dominant toute la ville, aujourd'hui coincée entre des bâtiments presque aussi hauts que ses 61 mètres, voir plus… Mais elle reste ouverte au public, qui peut gravir ses 311 marches en colimaçon pour une vue inédite sur les environs. Aussitôt dit, aussitôt fait.
Et voici les différents clusters de gratte-ciels du Grand Londres vus depuis The Monument.
Gros saut temporel vers le passé, et fin de la visite de la City à proprement parler, puisque me voilà auprès de la forteresse de Tower of London qui se situe dans le borough voisin de Tower Hamlets. La construction de ce complexe médiéval constitué de palais, tours et double rempart a commencé en l'an 1066.
Et voilà finalement celui qu'on ne présente plus… Le Tower Bridge, pont suspendu de granit et d'acier, dont le tablier peut basculer pour laisser passer les navires entre les deux tours de 65 mètres de haut. Il relie les boroughs de Southwark et de Tower Hamlets depuis 1894. C'est aussi le dernier des 35 ponts sous lequel coulent les eaux de la Tamise sur les 65 km qu'elle parcourt d'un bout à l'autre du territoire du Grand Londres, d'ouest en est. Au-delà, la Tamise devenant de plus en plus large, on ne trouve plus que quelques tunnels sous le fleuve. A l'exception du pont à haubans Queen Elizabeth II qui boucle l'autoroute M25 du London Orbital. Mais cet endroit se situe juste en dehors des limites administratives du Grand Londres.
De l'autre côté du Tower Bridge, me voilà dans Southwark. Vue imprenable au nord sur la City et ses vingt-cinq gratte-ciels. Mais c'est bien au sud de la Tamise que sied the highest of them all, The Shard de l'architecte-star génois Renzo Piano (centre Pompidou à Paris, centre Paul Klee à Berne, nouveau viaduc de Gênes, portail de la science du CERN à Genève…). La plus haute tour d'Europe de l'Ouest, qui culmine à 310 mètres.
Et voilà, cette petite balade urbaine à travers les siècles de l'histoire londonienne met fin à mon voyage du Rhône à la Tamise. Un vrai bonheur sur deux roues dans des campagnes apaisantes, avec de passionnantes découvertes urbaines le soir venu dans les différentes villes-étapes. Tout a été écrit dans les chapitres précédents, plus rien à raconter… Plus rien? Allez, oui, une dernière histoire! Celle où je me retrouve littéralement plaqué au sol par le tourniquet récalcitrant d'une station de train…
C'était un voyage sans encombre, pas un seul incident, pas une seule crevaison ni même un déraillement. Il fallait bien que quelque chose tourne mal à un moment donné… Après ce dernier parcours piéton londonien, retour à l'hôtel, j'empaquète mes affaires (sacoches vélo, gourdes, casque etc.) dans un grand sac de voyage léger qui me sert de fourre-tout quand je ne suis pas sur mon vélo. J'ai un vol de retour réservé, avec vélo en bagage spécial, à l'aéroport de London Gatwick. Je me suis bien renseigné à l'avance pour le transport du vélo dans le train Gatwick-Express, j'ai réservé mon billet électronique, vérifié les horaires, tout est parfaitement clair et organisé. Je rejoins la gare de Blackfriars. Petit moment d'inattention, affairé à transporter mon vélo et mon gros sac en bandoulière, je ne le sais pas encore, mais je me trompe d'escalator pour monter sur le quai. Devant le portique des tourniquets, je valide mon le code QR de mon billet électronique pour passer. Je fais passer le vélo devant, et je le suis avec une jambe. Le tourniquet se bloque, évidemment. Ma deuxième jambe et mon sac restent derrière… Je force pour passer ce qu'il manque, le vélo tenu par le guidon avec une main devant, le smartphone et son code QR dans l'autre main, le sac en bandoulière coincé dans le tourniquet. Et un, et deux, et trois, en force, ça va bien finir par passer! Et voilà que le tourniquet se libère et laisse passer ma jambe et le sac coincés. Mais avec un peu trop d'élan, ce qui me fait trébucher. Me voilà couché sur le vélo à terre, écrasé par mon sac, et le smartphone catapulté à trois mètres. Gênant de se retrouver comme ça dans une station londonienne… Bon je ne connais personne, ne perds par mon sang-froid, me relève tant bien que mal, le tibia ensanglanté d'avoir râpé une partie saillante du vélo. Mon téléphone est indemne, ouf. Je reprends mes esprits, titube sur le quai. Et me rends compte que le train qui arrive à ce moment sur le quai d'en face, c'est le mien. Trop tard. L'échec total. Jusqu'au bout.
Mais… tout est bien qui finit bien. Il y aura un train suivant. Arrivée à l'aéroport juste à temps pour préparer le vélo au transport "EasyJet-compatible". Carton de transport à 35 GBP, démontage des pédales, guidon, roue avant, et on emballe tout ça pour la soute. En piste!
Et voilà, back home, mais… ce n'est pas fini! À suivre dans le prochain épisode, objectif Écosse.
FIN de l'acte I