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Première moitié d'un voyage à vélo entre la Suisse et l'Écosse. Jura, Bourgogne, Champagne et Picardie en 8 étapes jusqu'à Calais, la Manche en ferry, et une 9ème étape britannique jusqu'à Londres.
Du 1 au 10 juillet 2023
10 jours
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Publié le 2 juillet 2023

En attendant le whisky, et après avoir franchi le Jura aux portes de Genève, ce premier acte est marqué Bourgogne, Champagne et bière picarde. D'abord, huit jours à travers huit départements et leurs huit chefs-lieux qui ont chacun, par un hasard que j'ai un peu forcé, fait office de ville-étape de mon parcours. Ensuite, c'est la traversée de la Manche en ferry de Calais à Douvres, pour atteindre finalement la mégapole Londres au terme d'une dernière étape dans le comté de Kent.

Voilà donc mon récit de Genève - Londres à vélo, du Léman à la Tamise, sur 1'051 km en 9 étapes.

Acte I du voyage : Genève - Londres en 9 étapes et 1'051 km.
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01.07.2023

Étape 1 • 120 km

Onex > Meyrin > CH/FR > Gex > Col de la Faucille 1323m > Parc naturel régional du Haut-Jura > Morez > Lons-le-Saunier

Pas très estival pour un 1er juillet. Début des vacances scolaires à Genève. Et début de mon nouveau périple, qui comme d'habitude commence en terrain bien connu. L'inconnu, voire la terra incognita, ça viendra au fil des kilomètres. Il ne m'en faut qu'une dizaine, après avoir longé la banlieue ouest de Genève, pour entrer en France et entamer la longue traversée (8 jours) de son quart nord-est, jusqu'à Calais.

Traversée du Rhône; Genève devant les Alpes nuageuses. 
Frontière franco-suisse entre Genève et le Pays de Gex.

Incursion dans le département de l'Ain, loin de sa préfecture Bourg-en-Bresse. Ici, c'est le Pays de Gex, versant jurassien du Grand Genève. Un territoire pour ainsi dire inféodé à Genève pour sa dépendance au marché de l'emploi en Suisse, et son absence de lien géographique avec le reste de la France. C'est à Gex que les choses sérieuses commencent avec la montée au col de la Faucille. Mais rien à voir avec les cols alpins que l'on peut deviner au loin, au-delà du Léman, durant l'ascension. Pourtant, au sommet du col, 1'323 mètres, c'est déjà le toit du voyage jusqu'aux confins de l'Ecosse!

 Le Pays et la ville de Gex devant la barrière des monts Jura.
 Montée du col de la Faucille, entre Léman et sommets jurassiens.
 Dernière vue vers le Léman, Genève et les Alpes.

Peu après le col, c'est l'accueil pluvieux dans le département du Jura. La route retrouve alors son fameux indice "N5", la route nationale historique Paris-Genève. On y voit encore quelques traces napoléonniennes en bordure de route - parmi d'autres panneaux plus actuels.

L'étape se pousuit dans ce département du Jura et sa verdure. Belle succession de viaducs de chemin de fer entre Morez et Morbier. Puis pour les 20 derniers kilomètres du jour, c'est le vélo qui se prend pour un train. Me voici sur la voie verte "PLM" qui emprunte l’ancienne voie de chemin de fer exploitée par la compagnie PLM (Paris, Lyon, Méditerranée) jusqu’au XXème siècle. Un vrai bonheur, comme chaque fois - il en existe d'autres de même type et j'ai déjà eu l'occasion de m'éclater sur des tronçons en France et Espagne lors de mon voyage Genève-Lisbonne. Revêtement lisse, calme absolu, et des roues qui tournent presque toutes seules dans un décor féérique, entre forêt, tranchées, tunnels et viaducs délestés de leurs rails.

Le parcours de la voie verte "PLM".

Et puis c'est l'arrivée à Lons-le-Saunier, la petite ville préfecture (chef-lieu) de ce Jura français. La pluie fine du jour est toujours là. Le slogan qui accueille les visiteurs au centre ville prétend que "L'été sera Lons". Eh bien il faudrait d'abord qu'il amène un peu de soleil l'été, sinon il sera vraiment long... Sinon, quels sont les faits d'arme de Lons? C'est ici qu'est né en 1760 Monsieur Claude Joseph Rouget de Lisle... qui, comme tout bon suisse que je suis l'ignorait jusqu'à ce jour, est le poète auteur de La Marseillaise. Cela dit, son nom désigne aussi la bière artisanale locale. Il est l'heure de ma récompense, santé!

Lons-le-Saunier, préfecture du Jura.
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Publié le 3 juillet 2023

02.07.2023

Étape 2 • 101 km • Cumul 221 km

 Lons-le-Saunier > Tavaux > Saint-Jean-de-Losne > Dijon

Ma destination du jour est Dijon, et autant dire qu'il n'y a pas de grandes difficultés topographiques entre Lons-le-saunier, 255 mètres d'altitude, et Dijon à 210 mètres. Une étape de plaine mais non sans charme à vélo. Sur ses 100 kilomètres, j'en ai roulé presque la totalité sans croiser la moindre voiture, entre routes locales abandonnées (c'est dimanche) et surtout, une succesions de voies vertes bien adaptées à mon goût (souvent, elles font des détours improbables avec des changements de direction intempestifs qui empêchent de mouliner).

Tout a commencé, quand même, par le panneau routier le plus gag de toute la France. Je me suis demandé s'ils ont fait exprès mais oui, en arrivant dans le village sans histoire de Les Essards-Taignevaux, je venais bien du village de Rye, et au carrefour suivant, je pouvais prendre à droite pour aller à Pleure !!! Bon, pour garder le sourire, autant dire que j'ai continué tout droit... Promis, cette photo n'est pas un montage.

Première voie verte du jour, c'est la Voie de la Bresse Jurassienne. Comme la veille, sur une ancienne voie de chemin de fer. Tout droit, tout plat, en forêt donc caché du vent par les arbres. Et de temps en temps des tronçons à travers champs tout en beauté. Youpie!

Voie verte de la Bresse jurassienne.

La platitude du nord du département du Jura tranche décidemment avec ses reliefs valonnés plus proches de la frontière suisse. Pour ne pas trop galvauder cette référence géographique à une chaîne de montagne, certes modeste mais un tant soit peu escarpée quand même, on franchit enfin la limite départementale qui laisse la place à celui de la Côte d'Or. J'apprends alors que la Côte-d'Or est le seul département français qui n'est pas désigné par un nom d'origine géographique, mais par un nom "poétique". Il proviendrait des flancs dorés des vignobles de Bourgogne en automne. Sans cela, le département aurait eu, comme plus de deux-tiers des cas, le nom du/de la/des fleuve(s) et/ou rivière(s) qui le traverse(nt). Donc on serait en "Seine-et-Saône" ou en "Haute-Seine".

Je ne suis pas dans les flancs dorés des vignobles, plus à l'ouest. Donc je me contente de la poésie des cours d'eau. Et il a y en a à foison, chacun avec leur ancien chemin de halage transformé en voie cyclotouristique.

Pour commencer, le canal du Rhône au Rhin qui relie la Saône (affluent du Rhône) jusqu'au Rhin en Haute Alsace.

 Canal du Rhône au Rhin.

Puis un petit parcours le long de la Saône, qui irrigue le sud de la Côte d'Or.

Sur la Saône, à la hauteur de  Saint-Jean-de-Losne en Côte d'Or.

Et finalement une longue ligne droite le long du canal de Bourgogne, qui relie la Seine à la Saône. Et donc Paris à Lyon, puis à la Méditerranée via le Rhône. Avec une succession incroyable d'écluses historiques, tous les un ou deux kilomètres. Il y en a en tout 189 sur 242 kilomètres, en fonction depuis 1832!

Le canal de Bourgogne, sa voie cyclable et ses écluses.

Toutes ces voies d'eau m'amènent sur la voie royale en capitale du duché historique de Bourgogne. Avec ses ducs Valois de Bourgogne, le Dijon du tournant du 15e siècle dominait alors les États bourguignons qui englobaient tout ou partie de Picardie, Champagne, Flandre, Pays-Bas, Belgique, Germanie, Luxembourg, Alsace et Suisse! C'est donc un peu la ville emblématique de mon parcours Genève-Calais...

Désormais préfecture de Côte d'Or et chef-lieu de la région Bourgogne-Franche-Comté, c'est une ville de 160'000 habitants pour une agglomération de 250'000. La ville conserve de son passé prestigieux un patrimoine architectural et urbanistique assez remarquable, marqué par la "pierre de Dijon", un calcaire très dur provenant des carrières environnantes qui étaient en activité entre les 14e et 20e siècles. Cette pierre donne à la ville un aspect très clair et lumineux, des façades aux pavés, qui se marie bien avec les interventions urbaines plus récentes.

Donc je profite de cette étape plutôt courte pour faire un petit tour de ville et ses bâtiments les plus remarquables.

Eglises Notre-Dame et Saint-Michel.
Place Darcy et place Saint-Fiacre.
Maisons à pans de bois en vieille ville. 
Place de la Libération et Palais des Ducs et des Etats de Bourgogne.
Cathédrale Saint-Bénigne. 

Sans oublier de me faire plaisir sur ses terrasses, puisque Dijon a aussi la réputation de haut-lieu français de la gastronomie!

Salade bourguignonne et souris d'agneau, bon appétit.  
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J3
Publié le 4 juillet 2023

03.07.2023

Étape 3 • 113 km • Cumul 334 km

Dijon > Is-sur-Tille > Parc national de forêts > Auberive > Chaumont

Changement progressif de décor et de références pour cette troisième étape, entre la région administrative Bourgogne-Franche-Comté et celle de Grand Est. De la Bourgogne à la Champagne. Des vastes surfaces céréalières de Côte d'Or aux forêts de Haute-Marne. De Dijon à Chaumont, leurs préfectures.

Comment illustrer la transition entre les surfaces céréalières de Côte d'Or et les forêts de Haute-Marne.

Après quelques kilomètres plats dans les champs de blé au nord de Dijon, la forêt et le relief apparaissent sur le plateau de Langres. Bienvenue dans le département de Haute-Marne. Et c'est aussi le territoire du "nouveau" Parc national de forêts, fondé en 2019. Le 11ème parc national français, après les sept premiers de métropole et trois d'outre-mer (Guyane, La Réunion, Guadeloupe). C'est aussi le seul situé dans la moitié nord de la France. Il est dédié à la protection des forêts feuillues de plaine (hêtre, chêne, frêne, aulne...). Très agréable à parcourir à vélo sur des routes départementales de troisième catégorie qui relient en toute sinuosité, entre 250 et 500 mètres d'altitude, les petits villages qui occupent depuis des siècles, sans presque s'être développés, les parties moins boisées du paysage. Pas spectaculaire, mais ressourçant et apaisant.

Nouveau département, avec un parc national en prime.
Par monts et par vaux dans le Parc national de forêts. 
Au coeur du parc national de forêts, le village de Saint-Loup-sur-Aujon, avec son église et son couvent de Saint-Loup.
Sur les routes départementales de Haute-Marne.

Cette traversée d'un monde perdu se termine à l'approche de la ville de Chaumont. Préfecture du département, à peine 22'000 habitants, tendance à la baisse depuis les années '80... Quelques averses, banlieue commerciale typique et moche... Mais le (tout petit) centre ville rattrape un peu le désespoir. Pas trop mort pour un lundi soir. Ouf! il y a quand même quelques terrasses. Et un beau soleil du soir. Outre l'Hôtel-de-Ville, on peut admirer la Basilique Saint Jean-Baptiste, scrètement perdue entre des ruelles pavées d'à peine un mètre de large.

Hôtel-de-Ville et alentours à Chaumont.
Basilique Saint Jean-Baptiste de Chaumont.

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J4
Publié le 5 juillet 2023

04.07.2023

Étape 4 • 114 km • Cumul 448 km

Chaumont > Bar-sur-Aube > Parc naturel régional de la Forêt d'Orient > Troyes

Trois cent trente-trois kilomètres au compteur avant le départ ce matin, et je m'en vais vers Troyes. Promis, c'est ma première et dernière sur ce thème facile, mais là c'était vraiment un joli hasard...

En quittant Chaumont je passe sous son fabuleux pont à voûtes en maçonnerie, l'un des plus remarquables en Europe pour un ouvrage d'art des années 1850, traversé par la voie ferroviaire Pars-Mulhouse.

Le viaduc  de Chaumont. 

Après une sortie de ville compliquée et quelques kilomètres sur un axe à camions, je peux bifurquer vers la campagne sur un magnifique parcours tranquille.

Dans la campagne de Haute-Marne. 

Puis vient une nouvelle frontière départementale: voilà l'Aube. Ou plutôt l'Aube en Champagne, selon sa propre appellation touristique. Et comme il n'y a pas de panneau d'entrée officiel sur ma petite route, voici ses deux symboles en photo: l'Aube (la rivière) et le Champagne (sa route touristique).

Bienvenue en Aube en Champagne.

C'est au bord de l'Aube, justement, que je passe par un village dont rêvait Jean-Louis Aubert. Je sors mon Téléphone pour la photo... (OK, aussi facile que plus haut, j'arrête...). Il n'en faut pas plus pour que la mélodie bien connue me trotte dans le cerveau pour les prochains tours de roue!

Pour ce parcours en Aube je décide de dévier un peu ma trajectoire vers le nord pour trouver la "Voie verte des grands lacs Seine et Aube". Un itinéraire de 42 km à travers le parc naturel régional de la forêt d'Orient, de Dienville à Troyes, qui suit principalement les digues des trois lacs du site. Des lacs-réservoirs créés par dérivation de la Seine et de l'Aube pour préserver Paris des inondations, et qui abritent aujourd'hui une biodiversité lacustre protégée, et nombre d'activités touristique en et hors eau. Dont pas mal de cyclobaladeurs! Pour donner une idée du périmètre (et une référence suisse) ces trois lacs correspondent ensemble à la surface du lac de Thoune.

Outre les digues, le parcours passe aussi par des chemins ruraux, des bords de plages, une piste en forêt, un passage étroit sous une départementale dans un ancien boviduc, un ponton de bois qui enjambe des mares à batraciens... Plein de belles choses, en effet, ne serait-ce, eh oui, un peu de bonne volonté météorolgique. "Rares averses", prédisait MétéoFrance. Alors soit je n'ai pas compris la notion de "rare", soit la somme de tous les "rares" du Grand Est s'est concentrée en temps et en heure au-dessus de moi au mauvais moment. Aucune échappatoire sur les digues nues et soumises aux rafales venant des lacs, mais haureusement après quelques minutes de pédalage en mode panique-urgence, j'approchais d'un bosquet qui m'a - très mal - abrité pendant les 45 minutes de déluge, parmi les orties, les feuillus dégoulinant et les moustiques à la fête. Mais soit, une fois tout ça vraiment terminé (ça recommencera de plus belle... trois fois), place au soleil et au plaisir pour sécher dans la joie du pédalage, jusqu'à la Seine qui accompagne le final à travers les faubourgs de Troyes.

Le long de la voie verte des grands lacs Seine et Aube, dans le parc naturel régional de la forêt d'Orient.

Et enfin, Troyes! Charmante ville d'art et d'histoire, ancienne capitale de la province historique et culturelle de la Champagne au sein du Royaume de France. Les ruelles médiévales sont encore largement occupées par les maisons d'origine à pans de bois (colombages), dans une concentration quasiment unique au monde. Et malgré une nouvelle averse du soir, les terrasses sont bien occupées, à l'abri des parasols. Après une petite viste de ville je peux donc me régaler en plein air d'un croustillant au chaource, le fromage de l'Aube, au lait de vache entier, pâte molle à croûte fleurie.

 Le quartier de la Cité.
Cathédrale St-Pierre-et-St-Paul. 
Dans les rues du quartier du Bourg.
L'Hôtel-de-Ville (à gauche) et son voisin.

Et voilà mon chaource en terrasse!

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05.07.2023

Étape 5 • 104 km • Cumul 552 km

Troyes > Charmont-sous-Barbuise > Coole > Châlons-en-Champagne

Tout comme la veille depuis Chaumont, voici encore une étape 100% Grand Est. Et toujours en ancienne Champagne. Peu de reliefs à part l'ondulation topographique des grands champs de céréales. Une ondulation qui crée des effets d'optique intéressants avec la route, qui mène au ciel sur les faux-plats montants, ou qui termine en tremplin après les faux-plats descendants. Entre deux, que des petits villages, aux noms parfois improbables, loin du monde. Cent kilomètres d'une tranquilité exceptionnelle, sur des routes qui semblent construites pour trois tracteurs et deux moissonneuses-batteuses par jour. Et quand on se croise on se salue chaleureusement, contact humain éphémère entre destins solitaires. Sinon, seul le bruit du vent. Mais quel vent, à faire tourner les nombreuses éoliennes à plein régime. Des rafales de l'ouest, que j'ai pris de trois-quart dos la plupart du temps, de trois-quart face parfois aussi. A plat, la différence c'est un facile 30-35 km/h ou un pénible 20 km/h...

Dans l'Aube au nord de Troyes. 

De l'Aube je ne passe pas encore au crépuscule, mais d'abord en Marne, à mi-journée.

Transition entre Aube et Marne.
Arbres solitaires qui verticalisent de temps à autre les bords de route. 

Je suis libre comme le vent, léger comme l'air, je vole sur un vélo qui fait partie de moi. Tellement heureux de pouvoir vivre ces voyages... Je ne pense pas à Londres ou l'Ecosse, mais à l'instant présent. L'instant le plus beau du voyage, qui se répète kilomètre après kilomètre, dans des endroits où on n'aurait pourtant pas idée de venir se ressourcer. En tout cas, avec ce vent je fais le plein d'oxygène. Une thérapie pure et naturelle, jusqu'au coeur de mes cellules. Gratuit. D'autres paient des centaines d'euros pour des "méthodes d'oxygénation" bien influencées sur instagram - mdr...

Le royaume du vent. 

Dans la série des noms de villages qui méritent une mention, en Marne, c'est entre les villages de Sompuis et de Faux-Vésigneul que je tombe sur la commune la plus cool de France. Vraiment. Et un peu plus loin, entre St-Quentin-sur-Coole et Nuisement-sur-Coole, on est presque en plein délire toponomique. Sans commentaire. Décidément, cette étape qui pouvait être banale réserve son lot de surprises...

Allez, encore quelques paysages terre & ciel, j'en profite puisque les éclaircies le permettent aujourd'hui par intermittence.

Cela m'anène à bon port à Châlons-en-Champagne, préfecture du département de la Marne. Petite ville de 44'000 habitants, elle a quand même des atouts intéressants par rapport à ses consoeurs du Jura ou de Haute-Marne, pour prendre les exemples que j'ai pu aussi découvrir aux étapes 1 et 3. Elle a un proche passé de prestige puisqu'elle était chef-lieu de l'ancienne région Champagne-Ardenne jusqu'à sa fusion avec l'Alsace et la Lorraine en 2016, et la création du Grand Est avec Strasbourg comme capitale.

Une cathédrale gothique imposante, et des rues où les maisons historiques à colombages sont presqu'autant présentes qu'à Troyes.

Cathédrale St-Etienne de Châlons-en-Champagne.
 Maisons à colombages de Châlons-en-Champagne.
Mélange de styles autour de l'église Saint-Alpin.
Rues de Châlons-en-Champagne.
L'Hôtel de Ville de Châlons-en-Champagne. 
La collégiale Notre-Dame-en-Vaux. 
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J6
Publié le 7 juillet 2023

06.07.2023

Étape 6 • 117 km • Cumul 669 km

Châlons-en-Champagne > Parc naturel régional de la Montagne de Reims > Reims > Bourg-et-Comin > Laon

C'est quand même impressionnant le nombre de canaux dans ce coin de France. Pour entrer ou sortir d'une ville sans se faire prendre dans la jungle du trafic, tu cherches la jungle des roseaux et hop, voilà une voie verte sur le chemin de halage. Bon dans la pratique c'est parfois plus compliqué, il faut trouver le bon accès, c'est pas forcément indiqué, et Google Maps est TRÈS mauvais pour guider les cyclistes. Je me suis retrouvé souvent dans des chemins qui finissent contre un grillage, ou qui deviennent de moins en moins praticables mètre après mètre, pour finir dans une mare de boue... Google me vaut souvent plus de détours que de bons plans...

Mais quand même, tous ces canaux, c'est sympa et agréable. Un peu monotone à la longue, mais je ne fais que quelques tronçons intermittents, et c'est parfait pour ça. Je sors donc de Châlon-en-Champagne sur le "canal latéral à la Marne".

Voie verte du canal latéral à la Marne.

Ensuite, c'est Champagne total. Depuis deux jours que je roule dans le territoire de l'ancienne province de Champagne, c'est ici que je plonge en pein coeur des vignes, dans le secteur classé du Parc naturel régional de la Montagne de Reims. Rien de bien méchant pour un cycliste puisque le terme "Montagne" désigne ici un plateau à 288 mètres d'altitude...

Le territoire du Champagne entre mes villes-étapes de Troyes, Châlons-en-Champagne et Laon
Vignes de Champagne dans le parc naturel régional de la Montagne de Reims.

C'est l'arrivée à Reims à mi-journée. Petit break d'étape pour découvrir un peu cette grande ville, la huitième de France avec 180'000 habitants, donc la plus grande sur mon parcours hormis Genève et Londres. Et pourtant, elle est détrônée de tout titre de capitale. Peut-être punie par les parlementaires de la Révolution d'avoir joué un rôle trop en vue dans l'histoire royale... Elle est d'ailleurs surnommée «la cité des sacres» (ou «la cité des rois») pour avoir été le lieu du sacre de nombreux rois pendant plus de dix siècles jusqu'à Charles X en 1825. Quoi qu'il en soit c'est la commune française la plus peuplée à ne pas être préfecture de département - puisque je suis toujours dans la Marne dirigée depuis la modeste préfecture voisine de Châlons-en-Champagne. Voici un aperçu photographique d'une heure de visite, avec bien sûr en pièce maîtresse la cathédrale Notre-Dame, décrite ainsi par le guide Michelin: Inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco, la cathédrale est l'une des majeures du monde chrétien par son unité de style, sa statuaire et les souvenirs qui la lient à l'histoire des rois de France. L'édifice actuel fut construit du 13e au 15e s. Sa façade est l'une des plus belles de l'Hexagone. Plus de 2 300 statues ornent l'extérieur du bâtiment.

La fameuse cathédrale Notre-Dame de Reims.
La basilique Saint-Rémy du 11e siècle.
 Place Royale avec la Sous-Préfecture, et en face par la rue Colbert, place de l'Hôtel de Ville.
Autres scènes de Reims... 

La sortie de Reims se passse le long du canal de l’Aisne à la Marne, encore un! Et justement je vais entrer dans le département de l'Aisne. Nouvelle région administrative également, fini le Grand Est, voilà le Grand Nord. Pardon... les Hauts-de-France! Un terme pompeux pour un territoire qui ne dépasse par 295 mètres d'altitude... les Hauts-Savoyards du massif du Mont-Blanc doivent apprécier! Mais le débat a eu lieu, historiens et géographes ont été désavoués par la politique en 2016, c'est fait... Imaginons quand même l'agglomération de Bâle se renommer Hauts-de-Suisse pour snober le Cervin... Bref, ce qui importe, c'est ici la région historique et culturelle de Picardie, dans la moitié sud des "Hauts". La moitié nord correspond à l'ancien Nord-Pas-de-Calais.

Encore une fois, je suis sur une route trop confidentielle pour qu'elle mérite le panneau d'accueil départemental, donc voici la rivière du même nom...

Bienvenue dans le département de l'Aisne.

L'Aisne a été aux premières loges de la Première Guerre mondiale. Il y a eu notamment la bataille de l'Aisne en septembre 1914 entre l'armée allemande qui se relançait après sa retraite de la Marne, et les armées française et britannique qui tentaient de la repousser. C'était le déclenchement de la guerre des tranchées. De nombreux mémorials aux combattants franco-britanniques sont présents dans la région.

 Mémorials aux soldats de la Première Guerre mondiale, français (gauche) et britanniques (droite).

Belle route finale en approchant de Laon, dans des collines paisibles autour d'un petit lac, puis la ville qui montre la silhouette de sa cathédrale sur son promontoire visible à plus de dix kilomètres.

 Vue vers le lac de l'Ailette au sud de Laon.
Laon sur son promontoire visible à travers champs.
Et plus proche, Laon la ville haute visible depuis la ville basse. 

Et finalement, s'il est une ville des Hauts-de-France qui illustre correctement ce nom, c'est bien Laon, préfecture du département de l'Aisne, puisqu'il faut franchir une route digne des cols alpins pour les 100 mètres de dénivelés qui mènent au plateau de la cité médiévale perchée sur ce qu'on appelle sa "Montagne couronnée". Une sacrée surprise, une fois dans l'enceinte. Ce n'est pas q'un petit bourg tranquille de quelques ruelles, mais une vraie "grande" ville ancienne charmante et qu'on ne se lasse pas de parcourir, à la recherche de passages secrets et des points de vue sur le pays alentour. Superbe découverte!

Cathédrale Notre-Dame de Laon, l'une des plus anciennes cathédrales gothiques de France.
Laon, des rues pleines de surprises!
Hôtel de Ville de Laon. 
Vue vers la plaine au-delà des remparts.

C'est ici que je pose mon atirail pour la nuit, à l'hôtel historique de la Bannière de France. Ouvert depuis 1685! Un établissement en bonne place sur le parcours des pélerins de la Via Francigena, qui part de Canterbury pour franchir la Manche, jusqu'à Rome. Sur quelques étapes, je suis l'un d'eux, mais à l'envers... Mon pélerinage à moi, c'est l'Ecosse, et après 6 jours et 666 kilomètres exactement, je suis au tiers du voyage, déjà.

J7
J7
Publié le 8 juillet 2023

07.07.2023

Étape 7 • 133 km • Cumul 802 km

Laon > Tergnier > Ham > Péronne > Arras

Discussion sympathique ce matin à Laon avec le tenancier de l'Hôtel de la Bannière de France, qui a fait l'école hôtelière à Lausanne et a travaillé au Schweizerhof de Berne, à Lucerne, au Tessin... Cette nuit dans la cité médiévale haut perchée me permet ensuite de refaire un petit tour de ville pour quelques photos sous le soleil d'orient. Juste quelques points de vues sur la cathédrale sous des angles différents de la veille.

La cathédrale Notre-Dame de Laon.

Longue étape aujourd'hui entre trois départements des Hauts-de-France, sur un parcours assez sinueux pour éviter les routes à fort trafic. Ca commence dans l'Aisne par la route du "Pays de Laon par monts et merveilles", une invitation à l'évasion qui ne se refuse pas!

Paysages de l'Aisne entre champs de blé et fermes picardes.

Ensuite c'est un passage d'environ 40 kilomètres dans la Somme, via deux de ses petites villes les plus orientales, Ham et Péronne, loin de la préfecture Amiens.

Passage dans la Somme avec toutes ses nuances de vert et de jaune. 
Villes de Somme: Ham (en haut) et Péronne (en bas). 

Et finalement, la denière frontière départementale avant la mer: voilà le Pas-de-Calais! Neuvième département depuis la frontière franco-suisse, dont deux traversés "en transit" et sans passer par leur préfecture (Ain et Somme), et les sept autres (Jura, Côte d'Or, Haute-Marne, Aube, Marne, Aisne, Pas-de-Calais) parcourus en long ou en large, avec escale systématique dans leur préfecture. Parce que oui, ce soir je vais atteindre Arras, préfecture du Pas-de-Calais, pour bien compléter ma série. On s'en fout mais ça me fait plaisir...!

C'est une belle journée, les routes sont tranquilles, pas de vent de face, il fait chaud, passé 30 degrés, mais à vélo il y a toujours une aération naturelle qui rafraichit. Seule l'eau des gourdes devient vite limite imbuvable. Et dans ces contrées les fontaines n'existent pas. Mais les frigos des épiceries ont toujours quelques bouteilles d'eau à disposition...

La route est finalement assez variée dans son relief, avec plusieurs petites montées ou descentes. Je suis étonné d'atteindre presque 1'000 mètres de dénivelé sur la journée! Comme quoi les Hauts-de-France ne sont pas qu'une morne plaine. Et il y a quelques tronçons de route arborisés très photogéniques.

Routes départementales du Pas-de-Calais, en approchant d'Arras. 

Et finalement au bout des 133 kilomètres, Arras! Ville discrète de seulement 42'000 habitants, elle est une surprise monumentale pour le visiteur qui ne s'y est pas préparé. Contrairement à la plupart des villes moyennes que j'ai visitées jusque-là, celle-ci réussi à relancer sa démographie, après une période de déclin certes, mais elle rajeunit et reprend une courbe positive. Mais c'est son urbanisme qui surprend. Arras ne possède pas seulement une vaste place historique, de style baroque flamand, qui joue le rôle de poumon de la ville. Non, pas une, puisqu'il y en a deux! Un véritable décor unique au monde: la place des Héros et la Grand'Place. La première, la plus "petite" (123x61m) et la plus belle aussi avec l'hôtel de ville et son beffroi, dédiée aux piétons et aux terrasses, qui sont compètement remplies en ce vendredi soir estival. Quelle belle ambiance! La seconde, énorme (184x96m), est un parking géant en plein air, qui est entouré de 155 magnifiques maisons à arcades, avec quelques restaurants bien plus calmes que les terrasses bruyantes de sa voisine.

Côté gastronomie, l'influence flamande est flagrante, entre plats classiques de brasserie (joue de porc pour ma gouverne) et bières belges ou artisanales de la région. Un régal dans un véritable théâtre urbain.

Centre ville d'Arras et ses deux places. 
Hôtel de ville et son beffroi. 
 La place des Héros.
La Grand'Place. 

Et demain, c'est Calais, la mer!

J8
J8
Publié le 9 juillet 2023

08.07.2023

Étape 8 • 113 km • Cumul 915 km

Arras > Thérouanne > Lumbres > Parc naturel régional des caps et marais d'Opale > Guines > Calais

Réveil à Arras ce samedi matin, jour de marché. Les deux places, découvertes la veille sous leurs habits de lumières pour attirer les foules du vendredi soir, ont radicalement changé de décor. J'en profite pour me concocter un petit pique-nique pour la route.

Arras, le marché du samedi sur les deux grandes places. 

Pour sortir d'Arras, je décide de suivre une « chaussée Brunehaut ». Une quoi? C'est le nom donné au Moyen Âge à des routes longues et rectilignes, héritées probablement des voies romaines qui reliaient les cités de la Gaule belgique - l'une des quatre provinces (avec les Gaules aquitaine, lyonnaise et narbonnaise) créées par Auguste à partir des conquêtes de Jules César en Gaule vers 50 av. J.-C. Mais il subsiste un certain mystère là-dessus, elles sont peut-être antérieures, rien n'a pu être attesté. Toujours est-il que j'en ai déniché une belle pièce, sur 60 kilomètres depuis Arras, en ligne droite en direction de Calais. Azimut nord-ouest pile à -45 degrés. La direction "exacte" que mon voyage actuel a prévu de suivre.

Cette voie-ci porte en grande partie la numérotation départementale D341 et est encore officiellement nommée chaussée Brunehaut. Sur la carte à petite échelle le tracé semble rigoureusement rectiligne, mais dans la réalité plus locale il s'en écarte allègrement. Il s'adapte aux aléas de la topographie avec la sinuosité nécessaire pour franchir des vallons, ou alors pour des corrections de tracé routier plus récentes. Parfois la D241 quitte carrément sa ligne, et dans ce cas il subsiste des rues résidentielles en cul-de-sac qui correspondent au tracé historique, qui se prolongent par des sentiers ou des chemins agricoles, qui se reconnectent plus loin à la "ligne". Pas toujours droit au cordeau, mais malgré tous ces petits écarts, la route retrouve tôt ou tard son cap immuable, encore et toujours, pile nord-ouest.

Ma trace GPS sur la chaussée Brunehaut, d'Arras au cap nord-ouest. 

Voilà, c'est la passion de l'ingénieur en transport qui m'a donné l'envie de ce trip, comprenne qui pourra... Mais c'était une belle expérience qui m'a fait vivre, sur la même ligne droite, toutes les variantes de "voie" qui peuvent exister, de route de grand transit à sentier caillouteux. Et au bout des 60 kilomètres, un carrefour en Y. Une villa bloque la poursuite de l'exercice... La voie historique se meurt dans un jardin. Changement d'orientation obligatoire, mais au final, j'arriverai à Calais, cap nord-ouest, quoi qu'il en soit!

Aperçu de quelques tronçons de cette chaussée Brunehaut:

Traversée de villages.
Variations topographiques d'une "ligne droite".
Variations de revêtement ou de confort de roulement... 
 Le "standard départemental" en 2x1 voie avec accotements arborisés.
Idem - en mode selfie sans arrêter de pédaler. Salut!
Quand le regard quitte la ligne droite. Paysages du Pas-de-Calais. 
Les passages "à haut risque". Dans mon vocabulaire ça veut dire "tu vas t'éclater".
 Traversée de village avec la chaussée visible avant et après, toujours dans sa ligne.
Et la fin, rien à faire, ici tout s'arrête, gauche ou droite il faut choisir, mais "tout droit" n'existe pas. Après 60 km.

Et ensuite...? Je reprends les routes départementales secondaires, par des villes aux noms pluriels (Lumbres, Licques, Guînes) qui mènent vers la mer. Et des villages aux noms très recherchés dont les panneaux égaient le paysage (Acquin-Westbécourt, Fouquesolles, Landrethun-lès-Ardres, Mentque-Nortbécourt, Rodelinghem, Tournehem-sur-la-Hem, Zudausques...).

En approchant de Calais. 

A une quinzaine de kilomètres de Calais, une dernière butte. Enfin! Que ce parcours a été vallonné... Je n'ai cessé de faire le yoyo entre 150 et 50 mètres d'altitude depuis ce matin. Un dénivelé de 1'300 mètres sur 112 km, c'est presque celui de ma première étape, avec pourtant un col jurassien au programme. Décidément, encore plus que la veille, le Pas-de-Calais est une région accidentée! Journée fatiguante, constamment sur un faux rythme: à peine avais-je trouvé mon "flow" pour progresser dans une parfaite fusion homme-machine-route (ce qui arrive sur des tronçons homogènes en pente & vent et d'une certaine distance), voilà les jambes coupées par une nouvelle donne. Jamais plus d'un kilomètre dans les mêmes conditions! Une belle épreuve qui me démontre peut-être pourquoi les populations d'ici et au-delà (Belgique et Pays-Bas) font de si bons cyclistes! Le plus dur n'est peut-être pas de monter un col alpin de 30 kilomètres, mais de cumuler un dénivelé équivalent en changeant constamment de rythme... Il n'y a pas mieux comme entraînement!

Et voilà Calais, cité côtière avec plage et port, la plus grande ville du département (près de 70'000 habitants) devant Arras, mais nettement "isolée" des zones les plus urbanisées du bassin minier, autour de Lens. En entrant on ne peut pas rater son impressionnant Hôtel de ville dans la partie de ville périphérique. Puis voilà son centre touristique qui occupe une "île" entourée de canaux. Je fonce à travers ville sans m'arrêter devant l'hôtel déjà réservé. Rien ne m'arrêtera avant la mer! A fond jusqu'à la plage! A huit jours de Genève, 911 kilomètres (dont quelques détours...), me voilà à 19h dans le sable de la mer du Nord! Et hop, un petit bain de jambes qui fait tellement de bien! C'est une première fin de voyage. Suite dès demain de l'autre côté de la Manche, et surtout, plus tard, pour une vraie fin, sur les côtes du nord de l'Ecosse cette fois-ci.

 Hôtel de ville de Calais.
Un homme heureux en bord de mer...
Impressions de Calais. 
Publié le 13 juillet 2023

09.07.2023

Transition entre étape 8 et étape 9

Place à la "grande" traversée de la Manche, "The English Channel"!

C'est ici l'extrémité orientale de la Manche, à son point le plus étroit, formé par le détroit nommé le pas de Calais en français (sans majuscule ni trait d'union, contrairement au Département auquel le pas a donné son nom, le Pas-de-Calais) et Strait of Dover en anglais. A l'est, c'est la mer du Nord qui commence.

L'accès à vélo au vaste port de Calais n'est pas des plus agréables à vélo. On se retrouve sur le même itinéraire que les voitures, camping-cars et poids lourds sur des aires successives qui ressemble à des gares de péages autoroutiers pour faire le check-in, passer la douane française, puis la douane britannique, puis enfin arriver à la ligne de stop sur la voie du numéro qui a été attribué à chaque véhicule, devant le ferry qui va bientôt ouvrir son ventre pour laisser entrer tous ces véhicules un à un.

Mais une fois dans le bateau, tout va bien, fauteuils pour le confort à l'intérieur, ou pont pour les vues sur les côtes à l'extérieur. Le temps n'est pas au beau fixe mais je peux quand même admirer la particularité géologique du détroit, les falaises blanches de Douvres. Hautes de 110 mètres, elles ont dissuadé ou ruiné pas mal de tentatives d'invasions de l'île venues du continent, ce qui leur confère un rôle symbolique fort dans l'histoire britannique.

Embarquement à Calais.
Les falaises blanches de Douvres.
Arrivée à Douvres. 

Après une heure et demie de traversée, débarquement un par un, et pour des raisons de sécurité je dois laisser passer avant moi tous les plus gros véhicules que le mien. Ce qui ne laisse pas grand monde derrière moi… Et me voilà en Angleterre, terre d'un nouvel épisode à cette aventure!

J9
J9
Publié le 13 juillet 2023

09.07.2023

Étape 9 • 136 km • Cumul 1051 km

Dover > Canterbury > Faversham > Sittingbourne > Rainham > Gillingham > Chatham > Rochester > Dartford > Welling > London

Après la traversée en ferry, me voilà tout penaud en voyant la pluie qui commence à arroser Douvres. Attendre à l'abri ou y aller? Je ne me suis pas levé à 6 heures à Calais pour regarder un port pluvieux pendant une heure à Douvres… Et la route est longue jusqu'à Londres. Alors on s'équipe et on se lance. J'ai tout ce qu'il faut pour me protéger. Et ça fait quand même partie du paysage british, alors tant qu'à faire!

Dover, welcome to England!
Douvres et son château qui surplombe le détroit.

C'est parti pour une immersion dans le conté de Kent. Ma première visite est prévue à Canterbury (Cantorbéry en français). Je l'évoquais dans l'étape du sixième jour à Laon. C'est la ville de départ de la Via Francigena, le chemin de pèlerinage qui mène jusqu'à Rome en passant par la France et la Suisse, relevée minutieusement étape par étape dans le carnet de voyage de Sigéric de Cantorbéry, archevêque de Cantorbéry, qui réalisa le parcours en 990 pour y rencontrer le pape Jean XV. Son récit est conservé à la bibliothèque de Londres.

Canterbury est recommandée pour son centre ancien typique et sa cathédrale. Mais pour y arriver, c'est une sacrée épopée. Pas de route adaptée au vélo, la liaison directe par la "A2" Dover-London est ici aménagée en freeway (une sorte d'autoroute de seconde classe). Pour le reste, l'organisation des routes et chemins locaux semble totalement aléatoire. Heureusement il y a un parcours balisé pour les vélos, la Regional Cycle Route 16, qui est tant que faire se peut, plus ou moins directe. Sous une pluie presque incessante, je serai au moins guidé par les petits panneaux de signalisation pour vélo - sans devoir laisser mon smartphone prendre l'eau accroché au guidon - dans ces charmantes campagnes. Voilà la ruralité anglaise dans toute son authenticité! Il y a des passages où même le croisement entre un cycliste et une (grosse) voiture des habitants des cottages locaux est rendu difficile par les "murs" de végétation ou les talus presque verticaux des tranchées creusées pour y frayer ces chemins.

Chemins ruraux entre Douvres et Canterbury.

L'arrivée à Canterbury est une déception… Peut-être est-ce la pluie qui m'empêche d'être bien inspiré. Les bâtiments de la cité sont témoins de sa longue histoire, puisqu'il s'agit d'une des plus anciennes villes britanniques. Mais les rues sont saturées des mêmes enseignes commerciales et touristiques qu'on trouve partout ailleurs. C'est un Disneyland de l'histoire anglaise. Et si on y vient pour sa pièce maîtresse, la cathédrale Christ Church, classée au patrimoine mondial Unesco, mieux vaut avoir prévu le coup à l'avance: il faut faire la queue et payer pour accéder au périmètre bien gardé du site! Tant pis pour la cathédrale, je fais mon petit tour de ville sur les pavés en poussant le vélo dans une foule internationale qui se frotte les parapluies.

Le portique d'entrée "payant" vers la cathédrale de Canterbury, et à droite l'une des seules vues "gratuite" vers les clochers.
Dans la cité de Canterbury.
Entrée de l'abbaye Saint-Augustin, l'autre édifice classé Unesco de Canterbury, en dehors du centre ville.

Comme la pluie commence à s'estomper, je repars, plein d'espoir. Et ça se confirme, le ciel va peu à peu virer au bleu! Je change aussi de stratégie de route: la route "A2" est désormais doublée par une vraie autoroute, la motorway "M2" qui reprend le gros du trafic. Je peux donc assez sereinement tenter cette A2 qui est accessible aux cyclistes. Comme c'est dimanche, les conditions de circulation sont tout à fait acceptables. Rouler à gauche n'est pas compliqué, je dois juste m'habituer à me faire dépasser par la droite, ça semble anodin, mais ça demande une inversion des réflexes habituels. Ces réflexes de survie du cycliste, avec le regard qui doit toujours tout anticiper à 360°, le coup de guidon à faire du bon côté s'il faut éviter un obstacle, les mains toujours prêtes à activer les freins par automatisme… Mais ça va, j'ai encore le temps de m'y faire avant d'arriver dans la jungle motorisée du Grand Londres.

Culture de houblon et même des vignes anglaises!

Outre la météo plus clémente, cette deuxième partie du parcours est aussi intéressante avec les villes inconnues traversées par cette route principale A2: Faversham, Sittingbourne, et finalement l'agglomération du "Medway", le nom donné à l'entité qui a le statut d'autorité unitaire d'une conurbation centrée sur les trois villes voisines de Rochester, Chatham et Gillingham. Ça peut paraître du charabia, mais l'organisation territoriale britannique est d'une si grande complexité, avec des niveaux variables au cas par cas… (le pays est divisé en comtés, districts et paroisses, mais dans certaines zones comté & district sont fusionnés en autorités unitaires - c'est le cas du Medway).

Bref, ces villes ont toutes leur part terne d'une ville de province, mais aussi, et surtout, leur charme de la british town où il semble faire bon vivre - sans le côté surfait de Canterbury.

Sittingbourne.
Gillingham et Chatham.
Rochester.
Le château de Rochester.
La cathédrale de Rochester.

Troisième partie de la journée: je m'approche gentiment du Greater London. La route A2 redevient une freeway, donc exit les vélos. Et là il existe la National Cycle Route 177 qui longe cette autoroute sur une voie parallèle. Tout le charme de la nature et des villages & towns traversés jusque-là s'est complètement évaporé… mais c'est diablement efficace pour avancer vite et droit vers la City!

La voie verte "National Cycle Route 177" le long de l'autoroute A2.

Et finalement, place à la tant attendue quatrième partie de cette dernière étape! J'ai retrouvé une route principale qui file en ligne droite vers Londres. Symboliquement, je franchis le cordon de l'autoroute M25, le périphérique London Orbital Motorway qui entoure toute la capitale sur un diamètre d'environ 50 kilomètres. De là, c'est donc encore 25 kilomètres jusqu'au centre. Il y a de quoi passer par tous les stades d'urbanisation de la mégapole, et j'adore cette manière de découvrir une ville, des quartiers périphériques jusqu'à son cœur! La M25 correspond à peu près aux limites administratives de la Greater London Authority, encore une subdivision territoriale différente, qui englobe 9 millions d'habitants. Avec les zones urbaines attenantes hors de ce périmètre administratif, l'aire métropolitaine compte en 2023, selon les sources et les différentes définitions existantes, entre 11.3 et 14.8 millions de têtes.

Passage symbolique pour l'entrée dans le Greater London: le franchissement de l'autoroute circulaire M25, à 25 km du centre.

Pour ces 25 derniers kilomètres, je m'offre un timelapse en temps réel de toute ce gigantisme urbain et ce que ça implique en organisation ou désorganisation du territoire, réseaux de transports, logistique… passionnant! Et il y aura aussi plusieurs surprises topographiques, avec notamment la butte de Shooters Hill qui présente soudain un magnifique panorama sur la City.

La City vue depuis Shooters Hill.
Traversée d'une des nombreuses Towns de Grand Londres, ici Welling.

Le Londres tel qu'on le connait finit fatalement par arriver. Et quel plaisir d'y être parvenu à vélo! Ce n'est pas une mission si impossible. Il y a quand même des bandes cyclables, et quand ce n'est pas le cas, les voies des fameux bus à impériale sont officiellement accessibles aux cyclistes. Londres aussi est devenue une ville qui a fait de la place à cette catégorie de mobilité. Et plus j'approche du centre, moins je me sens "seul au monde" sur un vélo. Me voilà avec des compagnons de route locaux. Quel changement par rapport à tout le reste du voyage où j'étais cycliste solitaire quasiment depuis le premier kilomètre.

Extraits de la vue d'un cycliste en plein Londres…

Je vise le pont de Blackfriars, qui traverse la Tamise à peu près au centre de gravité des attractivités de la ville. Voie libre pour le sprint final jusqu'au milieu du pont et fin d'étape à 21h30. Il est tard, avec le temps perdu dans mes hésitations sous la pluie du matin, les visites en route, et surtout l'étape reine de ce voyage, la plus longue avec 136 km. Mais voilà, l'heure n'a pas d'importance, je trouverai encore un pub pour me servir le festin final, beer & burger.

C''était une magnifique journée dans un environnement très différent des huit premières, assez dépaysant, à la découverte de ce 18ème pays d'Europe que j'ai rejoint à vélo depuis Genève. Un bel avant-goût de la suite qui m'attend jusqu'en Ecosse - et ce n'est qu'à ce moment-là que je franchirai la deuxième moitié de la Tamise à vélo, pour reprendre le voyage là où il s'arrête maintenant au kilomètre 1'051.

Londres, Blackfriars Bridge, 9 juillet 2023 à 21h30, à 1051 km de Genève.

Place à la récompense et à une petite visite nocturne!