20.07.2022
Étape 2 • 109 km • Cumul 224 km
Villingen-Schwenningen > Alpirsbach > Freudenstadt > Wolfach > Haslach im KinzigtalMise en jambes avec un tour des remparts de Villingen le long des 2.2 km du ring de verdure qui encercle le bourg historique. Puis mise en route du chrono pour l'étape du jour devant l'horloge fleurie de la cité, moins connue que celle de Genève, et déréglée, comme pour me rappeler que l'heure n'a pas tant d'importance… il n'y a qu'à pédaler, je mesure mon avancée dans la journée en kilomètres plutôt qu'en minutes.
Tours de garde du mur d'enceinte du bourg historique de Villingen, cité des Zähringen.Horloge fleurie de Villingen-Schwenningen.Je prends le cap plein nord, en lisière orientale de la Forêt-Noire. Sur la ligne de démarcation entre deux systèmes naturels bien distincts. Plaines de champs de blé à perte de vue à ma droite, reliefs de forêts de hauts conifères sans branches, bordés de quelques feuillus, à ma gauche. Mais comme le plat me lasse vite, je finis par me faire happer dans les reliefs boisés du massif. C'est la région du centre, le Mittlerer Schwarzwald, avec des sommets un peu moins hauts qu'au sud.
Champs de blé à l'est de la Forêt-Noire.Paysages en bordure de la Forêt-Noire centrale.Première halte dans un bourg de la région de Forêt-Noire centrale: Alpirsbach. Ce n'est pas de l'improvisation. J'avais repéré cette petite ville, nichée dans une vallée, pour la simple et bonne raison qu'elle héberge une ancienne abbaye bénédictine fondée en 1905 - mais surtout parce que cette abbaye a laissé en héritage son art brassicole, récupéré en 1877 par un entrepreneur local qui créa la bière d'abbaye Alpirsbacher Klosterbräu. Le site est très accueillant, avec les bâtiments historiques reconvertis en musée, centre de visites et magasin de produits locaux. Fait particulier: la brasserie a dû s'agrandir il y a cinquante ans et une usine a été construite à 1 km en aval. Le moût d'orge malté, qui reste fabriqué sur le site de l'abbaye, y est envoyé dans un pipeline souterrain pour aller faire sa fermentation dans les nouvelles cuves!
Il fait chaud, très chaud, et je ne résiste pas à l'odeur du malt qui m'appelle pour déguster la bière sur place avant de reprendre la route, non sans quelques souvenirs dans mes sacoches.
Le site de l'abbaye et brasserie d'Alpirsbach. La journée, et la prochaine dégustation, se poursuivent ensuite dans la ville de Freudenstadt. Centre régional de 24'000 habitants, à mi-chemin entre Fribourg-en-Brisgau et Stuttgart, elle est la porte d'entrée à la région de Nordschwarzwald depuis l'Est. Cité originale à plus d'un titre: notons sa réputation de "station thermale et climatique" dont on ne loue pas que les qualités bienfaisantes de son eau, mais aussi celles de son air pur. De nombreux voyageurs y viennent depuis le 19e siècle pour y respirer peut-être… la joie que l'on retrouve dans son nom (Freude)? Mais elle a aussi une autre curiosité: ici se trouve la plus grande place du marché d'Allemagne. Un carré de plus de 200 mètres de côté, autour duquel la ville a été construite selon un quadrillage semblable au jeu du moulin. Une planification urbaine unique en son genre qui détonne du modèle Zähringen appliqué à Villingen quatre siècles plus tôt! Ces deux villes à 60 kilomètres l'une de l'autre sont assurément des cas d'école de planification urbaine parmi les plus intéressants de tout le Bade-Wurtemberg. J'apprécie!
Centres de Villingen (g., modèle "Zähringen" du 12e s) et Freudenstadt (d., modèle "jeu du moulin" du 16e s.) à la même échelle. *La grande place centrale accueille cafés, parcs, fontaines, arcades, quelques bâtiments emblématiques, et aussi une brasserie et son Biergarten ombragé. Alors hop, ma première bière du jour un peu plus tôt ne m'a pas perturbé pour franchir les 18 km de montée pour arriver ici, je me permets donc une deuxième dégustation. Fraîcheur garantie et bienvenue, alors que l'eau de mes deux gourdes, même remplies à chaque fontaine, atteint inévitablement la température ambiante de 35°C après quelques kilomètres. La brasserie Turm-Bräu - Freudenstädter Brauhaus am Markt occupe l'ancien bâtiment de la poste au milieu de la place, et brasse sa bière ici-même. Une belle activité pour honorer le statut de cette place de marché championne nationale!
Freudenstadt, et sa Marktplatz gigantesque, entourée par la Forêt-Noire [photo d'illustration].Place du Marché, angle nord et angle sud.Ainsi bien rafraîchi je repars en changeant complètement de cap. Je n'irai pas plus loin vers le nord mais reprends la route vers le sud-ouest, déjà sur le chemin du retour vers Bâle. Incursion totale dans la nature de la Forêt-Noire centrale et ses vallées reculées. Forêts, pâturages, grandes fermes typiques... et au milieu coule une rivière. D'abord la Wolf, puis la Kinzig. Qui servait autrefois au flottage du bois pour acheminer les longs troncs de pin droits, ressource infinie par ici, vers le Rhin puis jusqu'aux Pays-Bas, pour la construction navale ou comme pilotis pour bâtir des maison dans le sol instable. Belle nature qui, malgré les siècles de sylviculture intensive, garde - ou a retrouvé? - un aspect de forêt vierge.
Vallée de la rivière Wolf.Plus bas dans le Kinzigtal, l'une des vallées les plus emblématiques de la Forêt-Noire, la civilisation réapparait. Toujours très typique, mais sous une forme qui détonne dans ce paradis de verdure. Oui, une ville, comme dans un rêve, sort de terre au détour d'un coude de la rivière. Wolfach tout d'abord, adorable petit bourg historique doté d'une rue centrale surdimensionnée de 20 mètres de large et 300 mètres de long - rien envier à bien des grandes villes, alors que cette cité ne compte même pas 6'000 habitants!
La ville de Wolfach, quais de la rivière Kinzig et rue centrale.Cette journée aux décors enchanteurs me mènera encore un peu plus bas dans la même vallée, dans un autre bourg improbable sorti de nulle part: Haslach im Kinzigtal, 7'000 habitants. Ville de marché prospère au Moyen Âge en tant que centre régional pour l'exploitation de mines d'argent, elle fait aussi partie des villes fondées par les ducs de Zähringen, au même titre que Villingen au départ de l'étape. Et on retrouve donc ce plan typique de ville avec rues en blocs irréguliers encerclés par un chemin de ronde. Ici, c'est un modèle miniature du concept. Le tour complet de la ville intramuros mesure 700 mètres le long du chemin de ronde. Sa forme ovale me fait penser à un stade de football - vérification faite, ça correspond exactement au périmètre extérieur du stade de Stuttgart, capitale du Land à 125 km de là, avec sa Mercedes-Benz Arena de 60'000 places. Toute une ville dans un stade!
Le bourg intramuros de Haslach im Kinzigtal tiendrait dans la gigantesque Mercedes-Benz Arena de Stuttgart. *Depuis Wolfach, je vis l'arrivée à Haslach comme un contre-la-montre, le ciel caniculaire ayant dangereusement changé de look pour se parer de teintes sombres, de vent et de sérieuses menaces de tempête orageuse. La pluie ne m'épargne finalement pas, mais reste brève. Par contre le vent fait des siennes, dans une ville habituée à de longues et tranquilles soirées-terrasses depuis plusieurs semaines. Tout ce qui est resté dehors se met en mouvement, tables, chaises ou poubelles. Je suis presque attaqué par un container à cartons qui traverse la route juste devant moi, poussé par une bourrasque au mépris de toute règle de priorité routière… Me voilà bien averti, je reste sur mes gardes.
Le temps de trouver l'hôtel que j'ai réservé dans la journée et de passer à la douche, le calme est revenu en ville et je peux sortir sereinement pour profiter de son hospitalité et son charme. A l'intérieur du bourg, rues pavées et maisons à colombages à profusion. Un véritable musée vivant de l'art du colombage. J'en avais déjà vu, après ces 224 kilomètres, quelques échantillons par-ci par-là. Mais une telle densité, c'est inédit! Haslach figure en bonne et due place sur la Deutsche Fachwerkstraße, la route thématique culturo-touristique du colombage, qui visite à travers huit Länder une centaine de villes allemandes (dont un tiers sont ici en Bade-Wurtemberg) sur 3'500 kilomètres. Encore une belle découverte!
Dans les ruelles de Haslach im Kinzigtal... … et ses maisons à colombages.Quant à la bière locale, elle nous vient d'une petite ville à 20 km de là, Hornberg. C'est la Ketterer Bier, de la Familienbrauerei M. Ketterer GmbH & Co.KG. qui en est à la cinquième génération de brasseurs descendants du fondateur Michael Ketterer depuis 1877. Quand on parle de brasserie familiale, en voilà un bel exemple. Prost Michael!
Les trois bières locales de la deuxième étape.[* Source des images aériennes: www.geoportal-bw.de]