La nuit, malgré la pluie, a été calme.
Nous sommes réveillés vers 7h par un véhicule qui passe assez rapidement puis un second qui vient se coller à l'arrière du Mignon (???). Les occupants (plaque polonaise) disparaissent dans la forêt (champignons ?).
Difficile pour certaines de se rendormir…
Vue au réveil
Un peu plus tard, un homme passe… Carrure et démarche impressionnantes, barbe noire, chapeau de laine noir traditionnel, gilet épais, et un impressionnant fouet replié dans sa main… On eût dit un théâtral dresseur d'ours dans un petit cirque du XIXème siècle…
Passé un certain temps, l'homme revient, il est cette fois avec son jeune collègue, équipements identiques mais statures incomparables… L'aîné des deux passe, fouet enroulé à la main, il avance palabrer plus loin, vers un gros tas de bois d'où proviennent depuis quelques minutes des bruits secs de hache fendant des blocs de bois.
Sur le flanc de la montagne, près du Mignon, le plus jeune cherche du réseau avec son smartphone dans une main et son fouet dans l'autre…. Vision un peu anachronique et décalée…
Soudain, peut être un peu pour montrer son agilité à cet exercice, il fait claquer son fouet en hélant ses bêtes qui pointaient, à fort bon escient pour sa démonstration, leurs museaux au détour du chemin.
Le plus âgé, sa conversation finie, revient vers nous, puis nous dit en français "Qu'il a fait quatre saisons dans le bordelais pour planter des vignes". A notre demande, il nous conseille quelques sites d'intérêt. Puis il met fin à la discussion en repartant avec son ami dans sa montagne derrière le troupeau…
Nous partons, non sans saluer le pop qui fendait du bois à 20m du Mignon ; Avec son allure authentique (et un peu effrayante en fait) sa grande robe noire, son visage buriné et transpirant, sa hache… Nous lui demandons tout de même confirmation de notre route. Son ermitage se trouve en fait, caché dans le bois juste au dessus d'où nous avons passé la nuit. Nous prenons la direction indiquée, au sud, vers le parc naturel Vanatori Neamt (la source Agipa et le monastère Sihla).
Un ermitage bien isoléNous roulons dans une partie pauvre de la Roumanie, beaucoup de routes ne sont même pas goudronnées et quand elles le sont par moment, c'est encore pire que des pistes…
Aux alentours de midi, nous nous arrêtons pour manger le long d'une grosse rivière puis, en essayant de trouver un peu d'ombre, nous apercevons une grande entrée de tunnel en béton à moitié dans la végétation, semblant creusé puis abandonné dans la foulée… Nous essayons de nous approcher mais l'odeur, l'obscurité et les immondices jonchant le sol nous enjoignent à une prompte retraite à l'air libre !
Sitôt de retour au Mignon, un véhicule s'arrête : l'occupant nous parle en anglais, nous informe sur le village avoisinant, qui a été fondé par des réfugiés hongrois d'où son nom "Farcasa" qui signifie "loups" (en Hongrois). Il nous explique que le tunnel est très long et qu'il se scinde en deux sous la montagne. Il était prévu pour alimenter une centrale hydraulique mais, du jour au lendemain, tout s'est arrêté (comme beaucoup de projets d'infrastructures en Roumanie). Il nous dit aussi que nous avons dû traverser les anciennes mines d'uranium dans les montagnes, mines fermées à cause de la non-rentabilité. Maintenant le problème est qu'il arrive que la montagne s'éboule…
Un autre véhicule arrive, notre guide nous salue et part aussi vite qu'il est venu…
Pause déjeuner au bord de la Bistrita Après une bonne partie de route et 8km de piste dans la forêt nous arrivons au monastère de Sihla : c'est surprenant, au cœur de la montagne, un petit parking proprement goudronné, une grande porte puis quelques bâtiments à gauche, une assez petite église, à droite des panneaux nous enjoigne à une ascension à flanc de montagne. Des marches plus ou moins taillées dans la roche et se faufilant entre les arbres conduisent à la grotte de Sfanta Téodora de la Sihla.
Sainte Théodora de Sihla (née vers 1650, Vânători-Neamţ, Neamţ) était une sainte du calendrier orthodoxe roumain, commémorée le 7 août. Elle est née sous le règne de Vasile Lupu et de l’érudit métropolitain Varlaam Moţoc ; elle était la fille de l’étalon de la forteresse de Neamţ Stefan Joldea - boyard avec le rang de commissaire. Elle a été mariée contre son gré. N’ayant pas d’enfant, les époux décident ensemble de devenir moines, il se retire au monastère de Poiana Mărului et elle - à l’âge de près de 30 ans - à Varzaresti. Les invasions étrangères la déterminent à se retirer dans les monts Buzău (elle semble être passée par l’ermitage de la grotte de Fundătura), où elle vit près d’une décennie. De là, elle va d’abord au monastère de Neamţ, d’où elle est guidée vers les montagnes de Neamţ jusqu’à l’ermitage de Sihăstria. Avec la bénédiction de l’abbé de l’ermitage, elle a escaladé les montagnes jusqu’à l’ermitage dans le désert de Sihla. Plus d’un siècle plus tard, Calistrat Hogaş décrit ce lieu d’ermites comme suit : « Si Sihla ne dépasse pas les limites naturelles, alors elle a au moins la capacité d’atteindre presque le sommet de la dureté, de la solitude et de la sauvagerie de l’imagination la plus forte. ». Théodora a d’abord vécu dans une cellule sous les rochers de Sihla, cédée par un vieil ermite. La tradition orale dit que lors d’autres invasions étrangères, les religieuses réfugiées ont également atteint la cellule du vénérable, qui leur a donné l’endroit pour se déplacer dans une grotte, où elle était encore plus difficile à atteindre. Ici, elle aurait survécu la plupart du temps. Après sa mort, le corps de la soi-disant fleur spirituelle de Moldavie est resté dans la grotte où elle avait passé la majeure partie de son cloître. La nouvelle de sa vie et de sa mort aurait atteint son mari, un moine sous le nom d’Elefterie, alors il quitta Poiana Mărului et vint passer la dernière décennie de sa vie à Sihăstria, près du lieu de repos de sa femme. Vers 1725, l’ermitage Sihla a été fondé en sa mémoire. Inhumée ici jusqu’en 1828-1834, pendant l’occupation russe des Principautés roumaines, elle fut emmenée à la laure de Pecherska à Kiev.
Les gens vénèrent (idolâtre ?) sa grotte dans les rochers où sont présentées quelques reliques devant lesquelles ils se prosternent et baisent les encadrements de verre.
L'église de Sfanta Teodora de la Sihla Nous visitons le lieu, respectueusement et nous redescendons. A mi-chemin nous passons devant ce qui semble être des toilettes, vu en contre bas et de loin nous n'y montons donc pas, mais un homme roumain nous héle, il a entendu un "bonjour" adressé au moine que nous pensions gardiens des lieux (dans les monastères mêmes les lieux aisances sont surveillés par des religieux qui font office de "dame" ou "monsieur-pipi") et étant francophone, il a été interpellé, il nous incite à monter et nous nous rendons compte de notre erreur, c'est l'ancien monastère originel, une chapelle de bois de 6m*2m environ à flanc de montagne dans la forêt… Il nous parle un moment, nous explique un peu et accède à la volonté du moine qui semble lui sommer avec un certain agacement de nous laisser entrer dans le lieu saint. Par respect et curiosité nous entrons dans cet espace très particulier, c'est un peu inexplicable, c'est une très petite pièce tapissée de tissus et enluminures, une odeur d'encens, éclairée juste par de petites lampes à huile, un peu exceptionnel et mystique quand même.
Nous rejoignons notre homme, Stefan, non sans laisser quelques LEI à la communauté religieuse dans une boîte servant à cet usage. Après avoir échangé encore quelques minutes, il nous propose de descendre chez lui, pour boire un coup, nous laver, manger traditionnel voire même dormir chez lui, si cela nous fait plaisir. Dans le respect des règles d'hospitalité roumaine.
Après une hésitation nous acceptons l'invitation, il monte avec nous dans le Mignon et nous repartons par la piste (il habite à 17km environ). Sur la route nous apprenons des choses sur la Roumanie, les forêts, les ours, les chiens sauvages… Nous ne savons pas trop à qui nous avons à faire mais en fait, c'est passionnant.
Nous arrivons dans sa "ferme" c'était une petite maison traditionnelle roumaine avec une grange et un peu de terrain autour (peu) nous apprenons qu'un incendie a ravagé sa maison en décembre et qu'ils ont vécu depuis dans une petite partie de la grange (12m2 maxi à notre avis) séparé des bêtes (2 cochons, un veau, un chien, des poules et des chats) par des cloisons de bois. Maintenant sa nouvelle maison est bien avancée.
Il nous présente sa femme, son fils et des amis et nous dit qu'il doit aller traire sa vache hébergé ailleurs. Il nous laisse avec sa femme Élisabeta avec qui nous essayons de discuter et qui nous propose à manger ce à quoi nous lui disons que nous ne sommes pas affamés, et que si c'était possible et sans les offenser, nous préférions attendre son mari et ses amis pour manger avec eux.
Stefan revient et il nous propose de nous doucher, de dormir dans la maison ce que nous déclinons pour ne pas abuser de cette hospitalité et dans la foulée il nous offre un apéritif de vin roumain (étrangement fleuri (mimosa? Acacia ? Surprenant), légèrement sucré et somme toute très bon). Ceci fait, il nous annonce qu'il est désolé, qu'ils ont quelque chose à faire et qu'ils s'excusent de nous laisser une heure, que nous pouvons faire comme chez nous, nous doucher ou autre.... Un peu surpris nous finissons notre verre sur la terrasse et allons observer ses bêtes.
Chez Elisabeta et StefanDe retour, nous faisons un peu connaissance avec sa famille et ses amis. La soirée est très agréable et nous ne regrettons pas d'avoir accepté l'invitation. Nous comprenons que Stefan a travaillé en France mais que çà ne s'est pas très bien passé : les Roumains ne sont pas bien traités en France où nous les assimilons aux "Rom" ce qui n'a rien à voir. Nous ressentons parfois un peu de rancœur mais c'est encore plus honorable de sa part de nous accueillir si bien…
Nous goûtons nourriture Roumaine faite par Élisabeta et bien sûr la gnôle maison (la Palinca ou Tuica aux prunes).
Nous n'avons pas eu à chercher le sommeil très longtemps…
114 km