L'inattendu de l'inattendu. Sirotant notre café sur la terrasse, encore attablées après notre habituel Chapatis Curry, voici que le ciel semble s'assombrir au loin. Soudain, le vent se lève, d'abord une brise légère puis de grandes rafales ininterrompues. En quelques secondes, nous apercevons les rideaux de pluie déferlants violemment sur la vallée. Bientôt, le cyclone s'abat sur le village. Puissant, incontrôlable. Nous perdons toute notion de temps. L'instinct animal fait surface. Il faut se protéger de la menace naturelle et vite. Sans même réfléchir, par reflex immédiat, nous nous courbons dos au vent et à la pluie torrentielle. Déjà trempées, le bruit couvre nos voix et nos exclamations. Soudain, un énorme bruit se fait entendre, dechirant le vacarme de la tempête. C'est alors que le toit du voisin s'envole et se retourne brutalement en un claquement de doigt. Le choc de l'effondrement résonne. La taule se plie, se tord et crisse.
Autour de nous, le bruit partout, les tasses se brisant, les arbres se pliant, les feuilles volants. Le vent puissant et la pluie en vagues diluviennes assommants le corps. Courant courbée et les bras chargés, je rejoins tant bien que mal la chambre : une véritable tempête à l'intérieur. Dans cette situation jamais vécue auparavant, l'esprit n'a pourtant besoin que de quelques secondes pour constater et agir rapidement de la manière la plus adaptée. Adrénaline, stress, instinct.
Les rideaux gorgés d'eau volants à l'horizontal, la pluie se déversant sous la porte, l'eau projetée à travers les moustiquaires, la fenêtre manquant se briser de part la force des rafales, le lit trempé, les murs dégoulinants. Le combat alors pour fermer les fenêtres, l'eau dans les yeux, la pluie battante et les déchirures de feuilles fouettants le visage. N'y voyant rien, tirer de toutes ses forces contre la puissance naturelle. Trois fenêtres, trois obstacles. La tâche surmontée, je me retrouve au milieu de la pièce, trempée jusqu'à l'os, si petite et impuissante face au déchaînement du cyclone. Les pieds baignants dans l'eau, je constate les dégâts quand soudain les filles me rejoignent : dans le même état que moi et tout autant choquées.
Ce fut alors toute une aventure pour retirer l'eau de la chambre-piscine. A trois, nous agissons vite, solidaires pendant que l'intempérie destructrice battait encore son plein dehors. Alors, la famille arrive à l'entrée de notre chambre, inquiète, elle nous demande si tout va bien. Une fois tous sains et saufs, je sens les émotions me traverser de manière décuplée. La fatigue s'empare de moi, mes membres sont encore brûlants de ladrealine ressentie peu de temps avant. Puis, l'attente. Longue et pesante. La pluie cesse, les nuages recouvrent la colline et s'engouffrent dans la vallée. Le brouillard ensuite, épais et humide.
Assises sur le lit, encore choquées de ces trois heures de déluge, nous observons par la fenêtre cette jeune fille de quinze ans. Accroupie sur le toit de sa chambre, un vieil homme à ses côtés, accroupie sur un simple toit de tôles trempées et glissantes. Elle essaye de réparer son toit endommagé par le cyclone. Le marteau à la main, les pieds nus, la brume les enveloppant et les rafales de vent.
La nuit, le calme plat. Le silence. Les étoiles brillants dans le ciel dégagé. Le bruit des insectes et des animaux sauvages résonnants au loin. Une prise de conscience immense. La larme à l'oeil. Se rendre compte que l'Homme est impuissant face aux forces naturelles et qu'il l'est encore plus dans un pays peu développé. Ici, pas de bulletins météorologiques prévenant deux semaines à l'avance la venue d'un cyclone. Ici, les habitants possèdent peu et ils tentent tant bien que mal de survivre à de telles catastrophes. Solidaires, chacun offre de l'aide à sa manière pour réparer le toit de son voisin, chacun apporte du soutien et du réconfort. En ces temps difficiles, seuls la survie et le bien-être de tous sont importants. En face, les jardins sont détruits, le maïs plié au sol, les cultures perdues. Ici, si les ressources respectives des locaux sont réduites à néant, il n'y a pas de plan B.
Je vois ici une solidarité incroyable, je vois ces gens avec tant d'humanité et d'entraide, "se serrer les coudes" quoiqu'il arrive. Il y a une beauté indubitable ressortant de cet événement naturel inattendu, destructeur et incontrôlable.