J'ai fait un voyage à vélo les Vosges Lyon en aller-retour rapide, 750 kilomètres, 4 jours sur la route et un jour à Lyon, avec un matériel super -léger, tout en étant autonome pour bivouaquer.
Juillet 2017
5 jours
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Première expérience de bikepacking ou le bonheur à l’état brut

Quand on est fan de voyage à vélo sur longues distances et longues durées, mais que la famille commence à ne plus trop supporter ces absences à rallonge, comment trouver un petit goût d’aventure dans un temps restreint ? Mais c’est évident mon Cher Watson, le bikepacking !

En lisant la revue 200 avec passion (devenue ma bible de vélo) depuis le numéro 2, j’ai découvert cette pratique. J’ai été conquis, car cela permet de belles envolées sur de courtes périodes, ce qui me semble pouvoir concilier mes envies « d’aventure » tout en respectant les aspirations de ma famille. Je me suis acheté un vélo carbone très léger Lapierre Shaper 500.

Équipé avec  une sacoche de selle  Miss Grape et de guidon ortlieb

J’ai gardé le guidon droit, cela permet de bien remplir la sacoche avant (ortlieb 15l). J’ai adopté pour les pneus une solution de compromis, des marathon de Schwalbe en 28, cela autorise sans trop de risques de crevaison les passages sur des chemins ou des pistes. Concernant la sacoche de selle j’ai choisi la Miss Grape de 20l, très bien conçue. J’y mets facilement mon sac de couchage, ma tente MSR, ainsi que d’autres petites choses comme quelques habits, un sac à viande… J’ai aussi pris la petite sacoche de cadre (en réalité la direction de bikepackersgear me l’a offerte car une erreur avait été commise dans l’envoi prévu, puis rebelote une seconde fois, mais ils sont vraiment sympathiques et très bons et réagissent très vite). Ce petit équipement, qui se fixe sur le cadre derrière le guidon, est très pratique voire indispensable pour ne pas être obligé d’ouvrir l’une des principales pour un couteau, un téléphone, un mars, un petit feu clignotant pour franchir un tunnel…

Donc, pour mon premier voyage, j’ai décidé d’accomplir un parcours ‘’les Vosges Lyon en aller-retour’’ avec un jour d’arrêt dans ma ville natale, afin de passer un peu de temps avec ma tante et mes cousins. Ce trajet je l’ai déjà effectué à deux reprises, en aller simple, avec mon vélo de voyage équipé de manière classique. La première fois via la vallée de la Saône, et la seconde par les « contreforts du Jura ». Lors de chacune de ces occasions, j’ai mis 4 jours. Certes par la vallée de la Saône souvent je roulais sur piste, parfois même au milieu des champs en passant sous les clôtures, d’où coup de massue sur la moyenne. De plus, l’itinéraire de la Saône en passant par sa source de Lyon à Cornimont se chiffre à 460 kilomètres, dont une soixante du point de naissance de la rivière jusqu’à mon village en guise de bouquet final. Les itinéraires que je vais suivre à l’aller puis au retour en bikepacking, uniquement sur goudron (à part quelques km au nord de Lyon sur les pistes en bord de Saône), font respectivement 370 et 380 kilomètres.

La grande motivation que j’éprouve dans le voyage à vélo provient en partie du fait qu’il n’y est nul besoin de s’entraîner. On rentre tranquillement dans l’effort en restant à l’écoute de son corps. Une première étape en laissant le contrôle aux sensations des muscles, et puis très vite, après quelques journées à pédaler, une moyenne aux environs de la centaine de kilomètres journaliers s’établit. Mais en bikepacking, alors que je veux augmenter sensiblement les distances parcourues chaque jour, pour moi cela représente la grande inconnue. Le manque d’entraînement ne va-t-il pas être rédhibitoire ? En effet, j’ai un mal fou, voire une vraie incapacité à partir faire un tour à vélo pour m’entraîner. J’ai bien essayé un peu, et chaque fois que je dis à ma femme « demain je pars faire un tour à vélo » elle sourit, et effectivement au moment de partir toute motivation a disparu. Pour moi, le sel du vélo réside dans le fait de ne pas savoir où je vais dormir alors que la nuit arrive. Cet état d’esprit exclut de façon radicale toute petite virée de la journée de chez moi à chez moi.

Donc voilà, mon vélo est chargé, il a de la gueule, même si certains considèrent qu’il s’agit d’un vélo de débutant. Est-ce le guidon plat ou d’autres considérations techniques qui appellent ces commentaires ?

prêt à partir  en autonomie

J’espère mettre moins de 2,5 jours pour l’aller, et le même laps de temps pour le retour. Mais très secrètement sans vouloir y penser, dans mes rêves les plus fous je me vois réaliser un temps inférieur à deux jours. Cependant, le handicap lourd du manque d’entraînement risque de se faire sentir, sous forme de crampes ou de gros coups de fatigue qui empêchent quasiment de pédaler. En effet, depuis le début de l’année, même à vrai dire depuis ma dernière grande balade en septembre 2016 je n’ai pratiquement pas roulé, en cumulé un maximum de 350 kilomètres en 9 mois, dont 112 kilomètres dans l’étape du ZigZags Tour du Val d’Ajol à Besançon le 10 juillet, où après m’être arrêté je n’ai réussi à récupérer le peloton qu’à la pause casse-croûte à Vesoul.

Ci-dessous quelques belles machines vues au ZigZags Tour à l'étape du Val d'Ajol

Je reviens sur le chargement et l’accrochage des sacoches. Cela me paraissait compliqué et pas très bien conçu. Mais avec l’expérience de 4 jours sur la route, on s’y fait vite. Bien évidemment tout est assez différent du vélo classique à 2 voire 4 sacoches. Cependant, il est indispensable d’avoir à l’avant deux tendeurs pour bien solidariser le sac 15l ortlieb et la sacoche 3,5l de la même marque. Au demeurant, cette dernière est très pratique pour entreposer les aliments de la journée. Mais elle a une fâcheuse tendance à aller toucher le pneu, donc un tendeur bien centré, puis un second qui au passage sert aussi à maintenir la carte (eh oui je suis vieille école pas d’itinéraire GPS ou smartphone). Cela a un avantage, apprendre à bien mémoriser des successions de noms de villages parfois étranges ou compliqués, ainsi que des directions, droite et gauche, est, ouest, sud ou nord. On prend le réflexe de toujours garder un œil sur le soleil afin de pouvoir instantanément s’orienter. Et puis, cela conserve une grande liberté d’initiative, en modifiant l’itinéraire au feeling ou du fait d’un détail que l’on n’avait pas vu. J’ai toujours préféré « rêvasser » devant mes cartes en imaginant des parcours hypothétiques et flous que de m’atteler à rentrer durant de longues heures des points de passage, qui deviendront un vrai carcan, impliquant des lieux de passage obligatoires qui m’ôteront toute fantaisie de passer ailleurs. Pire encore, je ne m’imagine pas recopier un itinéraire tout mâché, qui là aussi à mon sens m’enlève toute part de rêve et de libre arbitre, en me cantonnant à du sur mesure, excluant la surprise. Souvent en me perdant j’ai fait de belles rencontres ou découvertes. Je considère que l’absence d’aide à la navigation, mise à part une carte, est un plus indéniable qui force à une activité cérébrale permanente. Bien sûr, on fait parfois des erreurs, mais rien de tel pour apprendre et évoluer. Par exemple : dans douze kilomètres une voie ferrée, puis cent mètres après tourner à gauche. On guette donc cette fameuse voie, on passe sous un pont et on ne réalise pas qu’il s’agissait de la voie, donc on loupe l’embranchement. Mais la fois suivante on sera plus vigilant, voie ferrée ne signifie pas automatiquement passage à niveau, surtout dans les campagnes françaises bien fournies en belles buttes. Je n’aime pas plus m’entraîner que préparer mes voyages dans le détail. Sans doute le flou, qui laisse plus de place à l’initiative de l’instant, est plus propice au rêve et ouvre tout grandes les portes du fantasme du voyage fabuleux.

Ça y est je pars. Comme c’est étrange, je me sens tout fébrile devant cette nouvelle forme d’aventure qui m’attend. Je me souviens des doutes qui m’assaillaient au moment de me lancer dans une traversée du désert de l’Atacama ou d’un tour du Mékong, mais un voyage en France à travers les campagnes, certes bien vallonnées, entre les Vosges et Lyon, je ne pensais pas que cela me ferait un effet similaire. Ce petit goût d’aventure créé par l’incertitude de la réussite c’est cela le vrai moteur de la « défonce ». Bien évidemment, chacun l’éprouve au niveau des capacités de son corps et de son entraînement. Le critère de jugement n’étant pas la performance intrinsèque, mais la recherche de la connaissance de ses limites du moment, le petit doute distillant sa dose de concentration et d’adrénaline.

J’avais prévu un départ à 6h30, mais le manque de pratique dans la manipulation de ces nouveaux matériels me fait prendre un peu de retard, et c’est un quart d’heure plus tard que je démarre. Très concentré je pars fort, le moral tient à peu de chose. Il faut avoir la conviction que ça va foncer. Si tout n’est pas dans la tête, l’essentiel s’y trouve. J’ai constaté à plusieurs reprises qu’adopter une stratégie de moyenne de départ relativement faible, dans le but de s’économiser en prévision d’une longue journée de 10 ou 12 heures voire plus sur la selle, pouvait s’avérer néfaste. En effet, une extrapolation sur la moyenne de la journée donne un bon coup au moral dès le début, alors que l’on cherche à mobiliser son courage. Par contre, en attaquant rapidement comme un « calu », même si la fatigue se fait sentir, l’extrapolation donne des chiffres fabuleux, et l’enthousiasme fait que la tête pallie les défaillances des muscles pas assez entraînés. Donc, fort de ce précepte (certes contestable) j’appuie, et dès que l’action est engagée les doutes régressent en arrière-fond. Le premier petit col est enlevé à plus de 20 de moyenne. Après 10 kilomètres, mon beau-frère vient à ma rencontre pour m’accompagner jusqu’à Luxeuil, une cinquantaine de kilomètres. Je me sens bien, mes bagages sont parfaitement équilibrés et ne me causent aucune gêne. Je pouvais nourrir des craintes concernant la sacoche de selle, qui est longue une fois bien remplie. Mais non, rien ne bouge.

9 heures, nous sommes à Luxeuil, presque 25 km/h de moyenne, et pourtant du côté de Ramonchamp il a fallu passer un autre petit col, ce qui généralement fait tomber terriblement la moyenne. Alain m’accompagne encore une dizaine de kilomètres, puis fait demi-tour. Ça y est, c’est parti à travers les grandes prairies bosselées de la Haute-Saône. Partout autour de moi des champs de blé en train d’être récoltés dans des nuages de poussière végétale par des machines qui ressemblent à des bêtes préhistoriques, ou des pâtures remplies d’une multitude de gigantesques bottes de foin cylindriques. Ces dernières me remémorent le livre d’anticipation de Jimmy Guieu « la grande épouvante ». Les Krons, venus d’une autre planète dans des myriades de vaisseaux qui ressemblaient à ces grosses bottes, cherchaient les humains et les mangeaient avec délectation, en croquant les premiers d’une bouchée et embarquant les suivants bien empaquetés dans leurs tentes. Ils semaient la terreur à travers les campings qu’ils ravageaient. Comme quoi, les lectures que l’on fait à 12 ans vous marquent toute une vie. Dans ce décor champêtre le plaisir est immense, on peut rouler vite sans que cela ne retire rien au plaisir de se sentir faire corps avec la nature qui nous entoure. La distance vers Lyon diminue, il me faut replier la carte pour la centrer sur le lieu. Cela est beaucoup moins pratique qu’avec une sacoche classique bien fixée au guidon. Là, la carte est plus excentrée sur la gauche et pas plate du tout, prenant la forme de la sacoche cylindrique. Excentrée, car le deuxième tendeur, la tenant, doit être un peu désaxé pour la rigidité de l’ensemble.

Vers midi les cent premiers kilomètres sont enlevés, mais cela ne fait que 5 heures que je roule, et la nuit tombe à 22 heures. Je n’ose imaginer voir avant la fin de la journée s’inscrire sur mon compteur le mythique « 200 » si cher à la revue du même nom. Les tronçons de route à circulation alternent avec les parcours de traverse par des chemins vicinaux, goudronnés cependant.

16 heures, je suis à vingt kilomètres de Dole, j’adosse mon vélo à un arbre profitant de l’ombre bienfaitrice. Il faut dire que nous sommes en pleine canicule, mon thermomètre indique 42 degrés, et mon compteur 160 kilomètres. Encore 40 et c’est bon. Il me reste encore au moins 5 heures de plein jour pour les effectuer. En effet, je n’aime pas rouler entre chien et loup, les voitures ne voyant plus clairement les vélos, et souvent à ces heures un certain nombre d’automobilistes ont tâté de l’apéro ! Les statistiques montrent que dans un tiers des accidents impliquant des vélos les conducteurs automobiles ne les ont pas vus. Je mets toujours un gilet fluorescent, dusse l’esthétique en pâtir ! C’est un conseil de la revue 200, encore elle, je suis tombé sous l’emprise de mes gourous !

17 heures je traverse la charmante ville de Dole, mon compteur indique 180, plus que 20. Je sens l’impensable à portée de pédale. J’en profite pour discuter avec un cyclo en route sur l’eurovélo 6. Je savoure ce moment ineffable, où je sens que le rêve va devenir réalité. Mais je me souviens de mes expériences de jeunesse, comme par exemple l’ascension de la face sud de la Meije, magnifique paroi de protogine fauve de 800 m de haut, dont le sommet frise les 4000 mètres à 17 mètres près, si ma mémoire ne me trahit pas. Depuis ma plus tendre enfance je la contemplais, en la considérant comme la consécration pour un alpiniste. Puis un jour, alors que j’avais 22 ans le rêve est devenu réalité de la plus belle des manières, en effectuant cette difficile ascension entièrement en tête de cordée. Sur ce sommet acéré, après quelques secondes d’exaltation, une pensée sombre s’est insinuée dans mon cerveau : ton plus beau rêve est devenu réalité, par quoi vas-tu maintenant le remplacer ?

Pour le vélo la réponse est toute trouvée. Je me souviens de ce très bel article (encore dans 200 !) d’une cycliste qui donnait ses conseils pour vous aider à accomplir votre premier 200. Et en guise de conclusion, ingénument elle posait la question : à quand votre premier 300 ?

Donc après cet entretien entre cyclistes où nous avons bien rigolé, comparant la durée de permission que nos épouses respectives nous accordaient, je quitte la ville par le sud. Dans les faubourgs une petite épicerie, ouverte à 17h30 un dimanche, tenue par un Turc. J’achète quelques fruits et une bouteille d’eau fraîche, ce qui me change de mon bouillon de culture à 25 degrés. Et puis c’est reparti pour l’estocade finale. Des petites routes me conduisent à des villages vides de presque tout, habitants comme commerces. La désertification de nos campagnes est une réalité bien inquiétante.

197km, un minuscule village, et miracle un joli petit hôtel dans ce « no man’s land ». Mais voilà, je n’ai effectué que 197 kilomètres, je ne vais quand même pas faire un petit tour puis revenir juste pour voir le fabuleux chiffre s’afficher. D’ailleurs ce ne serait pas possible, car au kilomètre 160 en repositionnant ma carte, le bord a appuyé sur le bouton RAZ effaçant toutes les données, et logiquement lorsque le chiffre 40 s’affichera, alors il faudra lire 200. Donc je continue, et effectivement je passe la barrière mythique, sur l’instant même pas mal. Mais la concentration psychique se relâche et rapidement une première crampe me saisit la cuisse, je n’avais jamais connu cette sensation, au mollet si en montant lourdement chargé le Ventoux en novembre, mais pas à la cuisse. Comme on me l’a conseillé dans ce cas, il faut mouliner, et effectivement tout rentre dans l’ordre.

L’envoûtement maintient son emprise et je vais continuer à rouler dans l’euphorie. Qu’importe la nuit et le point de chute. Dans le voyage à vélo classique après une bonne journée si l’on voit un coin accueillant, qu’il s’agisse d’un hôtel, d’un gîte, d’un camping ou d’un lieu de bivouac sauvage on s’y arrête. Là non, on profite du jour et on fonce, quitte à passer une nuit très inconfortable n’importe comment sans eau et cerise sur le gâteau au risque de se faire déloger.

Un léger vent favorable me sourit, ce qui malgré la fatigue me permet de continuer à rouler entre 25 et 30 km/h. Cependant la pensée de brûler l’étape 200 pour aller directement à la case 300 ne m’effleure pas. Il faut dire que la journée est bien avancée.

Que ces coins sont déserts, je ne croise même pas un cimetière pour remplir mes bouteilles qui commencent à être vraiment vides. Et puis, au kilomètre 229 à 20 heures, miracle, un croisement et sur le bord un restaurant ouvert. Je demande où il est possible de loger. Bien évidemment, dans ces contrées presque autant au bout du monde que l’Atacama, rien à espérer. Mais l’un des clients m’indique à proximité un lieu de bivouac en bordure de la charmante petite rivière dénommée la Seille. D’abord un bon repas, et pour commencer une grande bière. Les restaurateurs sont charmants et m’apprennent que je suis dans le département de la Saône-et-Loire, moi qui me croyais quelque part entre Jura et Doubs ! Le menu est excellent, mais l’effort intense durant cette longue journée sur la selle a dû me contracter l’estomac et j’ai du mal à avaler.

A 21 heures je descends un kilomètre vers la rive droite de la rivière et installe ma tente pour une nuit qui sera calme et bonne. Il fait vraiment très chaud et le temps stable, en conséquence je ne mets pas le double-toit, et je dors nu uniquement dans mon sac à viande. Les nuits dehors dans ces conditions sont un immense plaisir. Et puis cerise sur le gâteau, dans l’eau toute proche j’entends les plouf des poissons qui gobent les insectes nocturnes, inconscients des gros yeux qui les guettent dans la pénombre.

Je me réveille à 5 heures, ce qui est un exploit, j’ai dormi 7 heures, je n’en reviens pas. Pas trop se précipiter, attendre qu’il fasse bien jour, d’autant plus que la distance me séparant de Lyon n’est plus que de 140 kilomètres. Mais l’effort d’hier ne va-t-il pas laisser quelques séquelles, surtout que la chaleur annoncée est encore caniculaire ? 42 degrés au thermomètre, je ne me souvenais pas l’avoir vécue depuis une extraordinaire balade de 1600 kilomètres à travers les pistes nord du Laos. Hier, j’ai bu 7 litres d’eau et de jus d’orange plus un demi-litre de bière bien fraîche, indispensable dans ces longs efforts par forte chaleur. Le signal c’est de toujours avoir des urines claires comme de l’eau, mais je n’ai pas pu vérifier, car absolument tout, jusqu’à la dernière goutte, étant parti sous forme de sueur.

Cette deuxième étape s’est passée sans incident, les 10 derniers kilomètres, aux environs de 15 heures, pour monter à Saint-Cyr au Mont-d’or puis à Saint-Didier mon point d’arrivée, ont été particulièrement éprouvants dans une chaleur inhabituelle en France.

Donc voilà la narration de cet aller à Lyon en 370 kilomètres et deux étapes. Le retour par un itinéraire différent, mais proche, m’a aussi apporté son lot de belles sensations et d’émotions. Le détailler n’apporterait rien au message que je veux faire passer sur cette belle expérience d’une pratique que je découvre. Je précise seulement que pour ce retour, je me demandais si les deux premiers jours très intenses dans des conditions de chaleur très forte n’avaient pas tari sérieusement mes réserves. Mais non, je suis remonté en deux étapes, l’une de 215 km et l’autre de 165, avec des dénivelés assez conséquents de plus de 1600 mètres chacun. Je ne relaterai qu’un détail, certes symbolique mais fort de ce qu’il représente. Au cours de cette remontée, je n’ai pas subi de RAZ intempestive de mon compteur, et j’ai donc pu voir le miraculeux 200 s’afficher pour de bon. Eh oui la joie du premier 200 est telle qu’il en faut une confirmation rapide en le rééditant le plus vite possible, pour être certain de n’avoir pas rêvé !

Un  200 le bonheur! 

En finale, je me suis payé le petit plaisir de passer directement par la montagne entre Faucogney et Ramonchamp par Esmoulières dans le parc naturel des Ballons-Vosges, le long d’un itinéraire splendide de 20 kilomètres, suivi par le Tour de France 2017. Des côtes vers les 15%, avec déjà plus de 130 km dans les pattes à plus de 17 heures. Mais je me sentais bien, à peine mal aux fesses. Heureusement, une bonne grosse pluie d’orage bien serrée et pas trop longue venait de faire chuter sensiblement la température. Tout du long de cette rampe, écrits en gros et de toutes les couleurs sur la chaussée durant les 400 mètres de dénivelé des Bardet, Barguil, Pinot, Kittel et autre Froome, entre lacets offensifs, grands sapins protecteurs et magnifiques étangs prenant des teintes vespérales, alors que des chevaux, des vaches et des moutons nonchalants surpris et narquois me regardaient appuyer sur les pédales au guidon de mon drôle d’équipage, oui je vous l’assure que du plaisir.

N’hésitez pas si vous ne connaissez pas, faites l’expérience du bikepacking, bien sûr cela risque de vous coûter au moins 2000 euros entre vélo et packing, mais dans la vie il faut fixer des priorités. Oui, je vous assure on reste bien dans le voyage avec son cortège de sensations et d’émotions, certes ce n’est ni l’Atacama ni le Gobi, pas plus le Mékong ou la grande traversée des Alpes à travers 6 pays et ses cols mythiques aux noms qui claquent comme le Stelvio, mais je ne dirais pas qu’une expérience est supérieure à une autre. Toutes méritent d’être vécues, afin de satisfaire l’infinie palette des joies que l’on est en droit d’attendre de la « petite reine ». Et puis, cette courte aventure de 750 kilomètres me donne l’envie d’essayer de m’entraîner pour tenter mon premier 300 !!! Mais c’est très dur, car la pêche à la truite dans les ruisseaux des Vosges et d’ailleurs me prend tout mon temps. Et pire, j’ai entendu parler des premières grosses poussées de champignons, encore de longues heures en forêt en perspective, et les journées ne font que 24 heures. C’est vrai que l’on peut exploiter la nuit pour rouler, les purs et durs roulent même parfois toute la nuit !

Mais chouette, en arrivant chez moi le numéro 13 de la revue 200 m’attend, et comme toujours c’est du bonheur pur sur 140 pages d’une littérature à faire pâlir les grands auteurs. Le premier article commence de la plus belle des façons : " En mars 2016 Sandrine Laporal, tout juste de retour de sa traversée du Canada, apprenait qu’elle était atteinte d’un cancer. Nous lui avions donné rendez-vous pour un 200, quand elle serait guérie, quand elle s’en sentirait capable. Ce fut le 18 juin, un beau dimanche de soleil."