Depuis Chau Doc, la capitale du Cambodge n'est qu'à 135km, c'était tentant de les faire à vélo d'une seule traite, d'autant que le relief est inexistant. Au début nous trouvions rigolo de faire le trajet en bateau sur un des bras du Mékong, mais après avoir eu une altercation avec le rabatteur d'une compagnie de "speed boat", beaucoup moins. Le bonhomme en question, contacté par notre guesthouse, n'a pas apprécié que nous comparions les prix des 2 compagnies et que nous voulions négocier le tarif. Il est devenu agressif ce qui nous a fait passer l'envie de prendre le bateau. Nous avons été étonnés de ne trouver aucun guichet en ville ni aucune information fiable, le fonctionnement des 2 compagnies nous a semblé opaque, qu'à cela ne tienne, nous allons pédaler!
La route est très agréable, nous sommes vite en pleine campagne, nous arrivons à la frontière au bout de 35km. C'est un passage ouvert aux étrangers mais comme la grande majorité voyage par bateau, les guichets de l'immigration internationale se trouvent chacun à quelques kilomètres de la frontière, au bord de l'eau! Une fois du côté cambodgien nous devons suivre un officier à moto jusqu'au bureau où nous sommes les seuls touristes!
Les douaniers sont très gentils avec nous et ils sont curieux. Pas de mauvaise surprise ni de bakchich, nous reprenons la route avec entrain. Nous ne nous mettons pas la pression, même si nous espérons pouvoir boucler l'étape en un jour.
Une fois passé la frontière, le changement est assez radical. Fini la végétation verdoyante du delta, tout est plus sec, d'autant plus que nous sommes en saison sèche. La route secondaire que nous empruntons depuis le Vietnam devient vite en travaux et les petits bouts de pistes s'enchainent. Nous sentons tout de suite que la population qui vit le long de cette route est plus pauvre que les Vietnamiens du delta (qui ne sont vraiment pas les plus riches du Vietnam!), nous retrouvons le même type d'habitat qu'au Laos fait de bois et de tôle.
Pour finir, cette route secondaire arrive sur la "grande" nationale 1 qui n'est en fait qu'une 2x1 voie. Heureusement pour nous, celle-ci est dotée d'un large bas côté avec un bon revêtement. Après 90km, le jour commence doucement à tomber, nous nous octroyons une grosse pause repas et sieste pour Lise. Nous nous disons que ce serait dommage de s'arrêter en si bon chemin et nous repartons avec un peu moins d'entrain mais bien déterminés! Ca commence à tirer physiquement et la route est passante et pas du tout éclairée. Une dizaine de kilomètres avant Phnom Penh il y a enfin des lampadaires, nous pouvons nous détendre et entamer l'entrée dans la ville en douceur. C'est beaucoup moins difficile que l'arrivée à Saïgon et nous retrouvons enfin Arthur, le petit frère d'un ami qui nous héberge dans sa grande maison en coloc. En tout nous aurons passé 13h sur la route, l'Étape du Tour c'est pas pour tout de suite!! (blague de cyclistes)
Nous pensons rester 5 jours à Phnom Penh. C'est qu'il y a beaucoup à faire! Visiter et avoir le temps de prendre le poult de la capitale. Mais surtout, nous devons réfléchir à la suite de notre voyage, nous en sommes déjà à mi-chemin!
Après une bonne journée de repos à la coloc, nous partons à la découverte de la ville à coup de "rickshaw", le tuk-tuk local.
Le palais royal, seulement de l'extérieur, c'est interdit de photographier l'intérieur!
Après la culture, nous nous promenons le long des berges et repérons un bar en rooftop pour profiter de la vue sur le Mékong!
Le Wat Phnom (wat signifie temple et phnom colline en khmer) est un des plus anciens temples bouddhistes de la capitale, il est construit sur une "colline" (27m de haut) et a donné son nom à la ville. Selon la légende c'est une certaine Mme Penh qui aurait trouvé des statues de Bouddha et fait ériger le sanctuaire.
Après les visites, il faut bien décompresser, surtout qu'il fait très très chaud! Lise profite de la piscine d'une guesthouse contre consommation bien sûr: cheesecakes et smoothies au menu du goûter 😉
Le soir nous dinons dans des restaurants solidaires avec des démarches sociales et/ou environnementales tels que "Friends" ou "Farm to table". Nous découvrons la cuisine cambodgienne qui est très différente de celle du Vietnam. Elle se rapproche de la cuisine laotienne avec des grillades, notamment des petites saucisses délicieuses, comme à Luang Prabang. Elle est aussi moins épicée et on trouve beaucoup de plats en sauce à base de curry et de lait de coco, comme le "fish amok" une des spécialités cambodgiennes à base de poisson cuit dans une feuille de bananier. C'est un vrai régal!
Nous nous promenons dans l'ancien quartier colonial où malheureusement certains bâtiments sont en très mauvais état...
Nous continuons notre visite de Phnom Penh en allant faire un tour dans le marché central (Phsar Thmei en khmer). Son architecture Arts-Déco des années 30 nous séduit. Le bâtiment est très bien pensé, tout est fait pour garder la fraîcheur et pour que l'air circule. Malgré un soleil qui cogne fort dehors, il fait bon se promener dans les allées. Malheureusement, ces dernières débordent de produits pour touristes en quantité industrielle!
Lise apprécie beaucoup la ville, Simon un peu moins. Dès 6h du matin les bruits de circulation commencent et les marchants ambulants font la réclame. Les rues sont certes bien ombragées mais cela reste difficile de s'y promener. Les trottoirs sont occupés par les scooters ou les gros SUV (souvent assez luxueux) qui sont légions dans la capitale (très surprenant dans un pays qui nous a paru assez pauvre en arrivant) et disparaissent même derrière les palissades d'un chantier d'une tour, en nombre croissant d'année en année selon nos hôtes. Du coup, dès que la distance dépasse le kilomètre cela devient le parcours d'obstacles et nous nous rabattons sur le tuk-tuk…
En revanche, c'est une ville à taille humaine, dont le quadrillage facilite le repérage, qui est assez arborée et ouverte sur le fleuve. Il y a énormément d'initiatives solidaires pour permettre à des anciens enfants des rues de sortir de la pauvreté en étant formés à un métier. C'est d'ailleurs la première fois que nous voyons des enfants des rues, ça nous a marqués et attristés. Il faut dire que c'est une ville qui revient de loin. Elle peine encore à se remettre de la funeste période des Khmers Rouges qui ont littéralement vidés la ville de ses habitants en 24h lors de leur prise de pouvoir en 1975.
Avant notre voyage, nous connaissions très mal cette histoire. Nous nous sommes donc renseignés sur ce terrible épisode via des films, reportages et articles. Cette catastrophe est d'une ampleur inimaginable, terrifiante… Nous n'avons pas eu la force de nous confronter une fois de plus à celle-ci en visitant le tristement célèbre camps d'internement S21, où étaient torturés les opposants. Arthur et ses colocs trouvaient que c'était important de le visiter pour comprendre ou en tout cas mieux cerner l'état d'esprit des Cambodgiens aujourd'hui. Mais ils nous ont précisé tout comme notre Lonely Planet que la visite est seulement factuelle, il n'y a pas de mise en perspective historique, pas d'explication sur leur idéologie ni la passivité de la communauté internationale. Bref, rien qui puisse mettre un peu de rationalité dans cette folie, pas de début d'explication, peut-être tout simplement parce qu'il n'y en a pas et c'est ce qui nous terrifie le plus.
Pour finir sur une note plus légère, nous fêtons à Phnom Penh un anniversaire symbolique: 3 mois de voyage, 3e pays visité et 3000 kilomètres à vélo depuis Hanoï!
Après être restés une journée supplémentaire pour cause de gros rhume dû à la clim, l'heure du départ a sonné, nous quittons Arthur et ses colocs adorables, direction Battambang.