Carnet de voyage

Géorgie: L’eden du Caucase

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Trésor abrité par les grandes murailles du Caucase, terre d’échanges, de rencontres, de conflits, la Géorgie subjuguera le voyageur par l’hospitalité de son peuple et la diversité de son patrimoine.
Août 2018
24 jours
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Lovée au creux du fleuve Koura, entre les chaines du petit et du grand Caucase, se trouve une citée bien étrange. Affublée de nombreux noms à travers les âges, celle que l'on nomme aujourd'hui Tbilissi trouve son origine dans le géorgien ancien, "Tp'ilisi" ou source chaude, en référence aux sources sulfuriques qui ont rendu la ville si célèbre. Si Alexandre Dumas dans son "Voyage au Caucase" (1859) est le premier à avoir loué les charmes de la ville, c'est par le biais d'une chanson traditionnelle géorgienne, qui a bercé l'enfance de Natalia, que nous avons connu les premières évocations de la capitale géorgienne. Quel que fut le support artistique ou l'époque, voyageurs, conteurs, chanteurs ou artistes, tous relatèrent les beautés et les charmes de Tbilissi, ce qui ne fit qu'attiser notre curiosité dans l'attente du départ.

Pourtant, alors qu'au matin naissant, sous un ciel gris et menaçant, un bus hors d'âge nous déposait dans un quartier inconnu, nous n'avons pas immédiatement perçu ce qui provoquait tant d'admiration. Comme d'habitude, un voyage à la fois trop court pour trouver le sommeil et trop rapide pour prendre la mesure des distances parcourues, le corps alourdi par le manque de sommeil et la perception altérée par la méfiance de l'inconnu, ont amoindri notre capacité d'émerveillement.

Balcons Tbilissiens 

Ce n'est qu'une fois revigorés par une sieste amplement méritée dans un foyer accueillant et après une solide collation que les charmes tbilissiens opérèrent sur nous. Nous logions au coeur de la vieille ville, au pied de l'imposante forteresse qui domine toute la cité et dont l'ombre des murailles offre un incroyable sentiment de sécurité au voyageur. Alors que nous marchions au hasard des ruelles bruyantes et sinueuses du quartier historique, nous commencions à être frappés par ce qui fait à la fois l'originalité et l'étrangeté de Tbilissi, sa charmante "vétustée" comme nous nous plaisions à l'appeler. Ici, les bâtiments anciens, décrépis et rafistolés, surmontés d'imposants balcons font naître des sentiments contradictoires, entre attraction et répulsion. Ces bâtisses authentiques, semblent n'avoir en rien été altérées pour coller aux exigences contemporaines du tourisme, mais donnent également à certains égards, l'impression de pénétrer dans un quotidien trop intime pour ce même tourisme.

La vieille ville à proprement parlé s'étale entre la place de la liberté et le terrassement de la forteresse Narikala. Elle s'arpente aisément à pied, au gré des petites ruelles bien plus agréables que les grandes artères bruyantes et chaotiques. Les lieux d'intérêt ne manquent pas ici, les édifices religieux ont la part belle, témoignant du passé multiculturel du pays et de son ouverture aux différences de l'autre. Ainsi se côtoient églises chrétiennes arméniennes, orthodoxes, synagogues mais également une magnifique mosquée ainsi qu'un temple du feu zoroastrien.

La place Meidan est l'épicentre de la vieille ville touristique et concentre l'essentiel de l'activité commerçante. Si ce n'est pas la peine de s'y attarder outre mesure, les alentours sont incroyablement riches en curiosités. En longeant les quais après la place, on débouche sur le fameux quartier des bains qui longtemps a fait la réputation de la ville. Le voyageur est immédiatement accueilli par une forte odeur de souffre, composante principale des eaux locales, aux multiples vertus.

A l'instar d'Alexandre Dumas lors de son passage dans la ville, il est possible de s'offrir une expérience dépaysante dans les bains géorgiens et de profiter des eaux chaudes et sulfureuses de Tbilissi. S'il existe des prestations pour tous les budgets, il faut savoir que certains bains peuvent être extrêmement "traditionnels" et les retours d'expériences varient en fonction des gens. Massage et exfoliation trop rudes pour certains, agréable moment pour d'autres, on ne sait trop à quoi s'attendre.

Quartier des bains de Tbilissi 

En poursuivant après le quartier des bains, il est possible de rejoindre le jardin botanique de Tbilissi (il existe un autre accès via la forteresse). Nous ne nous attendions pas, en franchissant le modeste portail, à trouver un jardin d'un telle diversité et d'une telle ampleur. Si plusieurs sentiers partent depuis l'accueil, il est nécessaire de déterminer au préalable ce que l'on veut voir dans le jardin , car il faudrait une journée pleine pour parcourir le parc dans son entièreté. Nous retiendrons tout particulièrement la partie japonaise, le "parterre" de fleurs ainsi que la grande cascade.

Jardin Botanique de Tbilissi 

Les lieux, outre une végétation luxuriante et extrêmement diversifiée, abritent une faune étonnante, notamment de nombreuses espèces d'oiseaux. Le calme et la tranquillité du jardin contrastent avec le tumulte des abords de la vieille ville et des artères passantes. Lors de notre séjour à Tbilissi, nous nous sommes offert une agréable journée à flâner au gré des différentes ambiances botaniques du parc, nous laissant sombrer dans une agréable quiétude, bercés par le bruit de l'eau.

Tbilissi est loin de ne comporter qu'un seul espace naturel et est, dans son ensemble, une ville assez verte. Tout particulièrement dans la vieille ville, où la végétation est omniprésente, les habitants étant nombreux à avoir leur petit lopin de terre, même dans un milieu urbain. Les hauteurs de la ville flirtent même parfois avec le bucolisme, tout particulièrement aux abords de l'église orthodoxe Bethléem où la vigne court le long des pergolas, donnant de juteux raisins. C'est ici que nous avons coulé les moments les plus tranquilles de notre séjour Tbilissien, chauffés par le soleil du matin, enviant les prêtres orthodoxes qui vivaient en ces lieux.

Bucolisme Tbilissien 

Lors d'un séjour à Tbilissi, l'une des activités à ne pas manquer est sans aucun doute la promenade sur les hauteurs de la ville. La municipalité a fait aménager tout un parcours boisé reliant la forteresse Narikala au Mont Matsminda, permettant une longue marche sur des sentiers surplombants toute la ville et offrant un panorama extraordinaire. En fin de compte, Tbilissi, est, pour une ancienne métropole soviétique, une ville incroyablement verte et conservée, ce qui contraste avec d'autres villes que nous avons pu croiser lors de nos voyages, comme Oulan-Bator ou certaines villes polonaises qui ont subit plus violemment les folies architecturales du régime.

La ville a également su garder son patrimoine religieux en dépit de la domination soviétique qu'elle a connu. Les édifices religieux fleurissent à tous les coins de rues, mais le plus spectaculaire d'entre eux est incontestablement la cathédrale Sameba. Très récente puisqu'inaugurée en 2004, les orthodoxes géorgiens lui ont réservé un accueil mitigé, du fait de sa "somptuosité" démesurée. Mais pour les touristes laïcs que nous étions, elle représentait une superbe construction à la symétrie envoutante et aux lignes de fuites élégantes. Notre visite de l'intérieur de la cathédrale a été rendue exceptionnelle par un coeur de géorgiens qui pratiquait des chants polyphoniques, drapant les lieux d'un mysticisme palpable.

Si la religion occupe une part importante de la vie géorgienne, c'est également le cas de la voiture qui a tendance à prendre le pas sur le piéton. Cette prépondérance automobile s'est traduit dans l'urbanisme et l'aménagement en ville par la création de nombreux passages souterrains. Ces derniers peuvent tout autant être des lieux mornes et tristes, comme des lieux de vie populaires géorgiens. On y trouve de tout ! De la boulangerie à la quincaillerie, en passant par des salons de coiffure, certains d'entre eux sont une véritable ville sous la ville. Mais ces passages souterrains constituent également une mine d'or pour les amateurs de street art, de nombreux graffitis et fresques ornent leurs murs, dont certains, d'une incroyable beauté.

Street Art Géorgien 

Tbilissi regorge de curiosités, artistiques et culturelles, modernes et anciennes, se côtoyant admirablement. Ainsi trouve t-on sur les quais de la ville, deux éléments architecturaux dont la paternité est à attribuer au président Mikheil Saakachvili, connu pour son goût du modernisme: le pont de la paix et le nouveau théâtre de Tbilissi. Il n'est pas rare en Géorgie de croiser des bâtiments de cette allure, dans plusieurs villes, s'imbriquant dans le paysage plus traditionnel, héritage de l'après Révolution des Roses.

Tbilissi est en tout point une ville étonnante, qui nécessiterait un article à part entière. Il s'en dégage une atmosphère vraiment particulière et nous ne pouvons que vous inviter à vous en imprégner en vous perdant dans le méandre des petites rues de la ville. Des ravissantes églises cachées aux balcons bariolés, ces rues adjacentes aux grands avenues ont de quoi étonner, tant par leur patrimoine que par leur calme. Ce sera l'occasion de voir le mode de vie géorgien d'un peu plus près, sans artifices et apparats. Nous avons pu notamment assister à des messes, si pieuse, que nous nous sentions intrus dans cette cérémonie.

Curiosités 

Mais les grandes artères ne sont pas forcément dépourvues de charme à Tbilissi. Ainsi, les quais offrent une agréable promenade en dépit de la circulation chaotique adjacente et sont étonnamment verts ! On trouve notamment après le Pont Sec (Dry Bridge) un fantastique et gigantesque marché aux puces, héritage des temps des disettes communistes. Ici, tout se vend, de l'appareil photo aux casques de combats russes, on y trouve également de l'orfèvrerie géorgienne, de la peinture, des armes ainsi que des pièces détachées. C'est une mine d'or à ne manquer sous aucun prétexte ! Nous y avons fait une rencontre étonnante alors que nous cherchions des reproductions de Pirosmani, le peintre national. Nous venions de trouver un ensemble de tirages et alors que nous allions nous enquérir du prix auprès du vendeur, celui-ci commença à nous parler en Français puis en Polonais, la langue maternelle de Natalia, avec une certaine aisance, nous comptant son amour pour ces pays et discourant sur l'art et la littérature. Après une négociation rondement menée, nous repartions avec les reproductions et un souvenir stupéfiant de plus.

Les quais Tbilissiens 

A mesure que nous découvrions Tbilissi, nous nous attachions de plus en plus à cette ville étonnante où il fait si bon vivre. Lors de notre séjour, nous sommes tombés en redescendant de la forteresse Narikala, sur ce qui allait devenir notre QG, le "Carpe Diem Cafe". Idéalement situé sur les reliefs de la ville, ce café branché offre un somptueux panorama sur la ville et constitue un agréable lieu de sortie. Les vins y sont bons, les propriétaires agréables et les mets savoureux.

Un séjour en Géorgie est de fait accompagné de délicieuses expériences culinaires. Au menu, on trouve les Khachapuris, sorte de pains pita généreusement farcis au fromage, plat traditionnel du pays que chaque région décline à sa façon, ou encore les Khinkalis, gros raviolis juteux à la viande, aux champignons ou au fromage. On ne peut manquer les hors d'oeuvres tels que les rouleaux d'aubergines à l'ail et aux noix ou encore des champignons braisés à la coriandre. On appréciera également les Tchourtchkhéla, des noix et noisettes recouvertes d'un coulis de raisin, très pratique en randonnée pour se requinquer en cas de petite fringale. Le pays compte également un nombre impressionnant de fromages, très différents de ce qui se fait chez nous mais tout autant appréciable ! L'art de la table et du vin est quelque chose que Français et Géorgiens partagent sans le savoir ! En discutant avec des Géorgiens, ceux là étaient effarés par les centaines de variétés de fromage que notre pays compte. Tout comme nous avons été étonnés d'apprendre que la Géorgie abritait pas moins de 500 cépages de vins différents. De plus, la Géorgie est un pays extraordinaire pour les végétariens car la cuisine locale est très riche en soupe et légumes en tout genre ! Le tout étant arrosé bien entendu de litres de vin tout droit venu des terres ensoleillées de la Khakétie, qui constitua l'étape suivante à Tbilissi.

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C'est par un matin pluvieux que nous sommes partis vers la Kakhétie après avoir complètement bouleversé nos plans en raison de la météo. Nous tenons énormément à cette flexibilité de mouvements, c'est pourquoi nous ne prévoyons que peu nos voyages dans les détails. Par sa petitesse et le côté arrangeant des géorgiens, le pays se prête très bien à cette forme de voyage. Le visage emmitouflé pour faire face au crachin de cette froide matinée, nous cherchions la marchroutka qui devait nous emmener loin de la grisaille tbilisienne.

Elément emblématique du quotidien géorgien, la marchroutka est le moyen de transport le plus pratique en Géorgie pour parcourir villes et régions. Ces minibus d'un autre âge sont apparus pour palier le manque de services publics de transport à l'époque où l'état géorgien n'était que l'ombre de lui même. Aujourd'hui, ce système s'est profondément ancré dans la culture géorgienne et subsiste en dépit des tentatives d'encadrement du gouvernement. Bolides pilotés par des chauffeurs aux caractères bien trempés, les marchroutka font partie du romantisme géorgien et un voyage dans l'une d'elles est une expérience en soi.

Lors de notre quête de cette marchroutka, nous sommes tombés sous la coupe de la bienveillance géorgienne pour la première fois. Perdus dans un quartier périphérique de Tbilissi à la recherche de la gare de Samgori, un géorgien, voyant notre égarement, s'est proposé de nous guider jusqu'à notre minibus, avec comme seule contrepartie, une agréable discussion sur Alexandre Dumas, auteur adulé par les géorgiens

Sighnaghi:

Nous avons mis le cap sur la capitale viticole et touristique de la Kakhétie, Sighnaghi (prononcer Sirnari), pittoresque village perché sur une crête, dominant la vallée d'Alazani et offrant une vue jusqu'aux confins du pays. C'est dans une atmosphère brumeuse que nous sommes arrivés à Sighnaghi, l'épais voile nuageux nous empêchant de prendre mesure du charme des lieux. Nous avons atterri dans une maison d'hôte, où une géorgienne d'un autre âge nous accueillît avec tendresse et générosité, nous offrant vins et pastèque en dépit de l'heure matinale qu'il était. Il faut savoir qu'il est vain en Géorgie d'essayer d'échapper aux collations alcoolisées en prétextant une heure, moralement inacceptable pour nous, européens. Réchauffés par le vin familial, nous sommes partis à la recherche d'un endroit où nous sustenter de manière plus conséquente.

Nos pas nous menèrent chez Lali, où nous nous apprêtions à vivre un des repas les plus marquants de notre séjour. Attablés dans une salle chaleureuse aux murs tapissés de peaux de bêtes et d'objets folkloriques, nous commandions quelques spécialités, Khachapuri et aubergines grillées à l'ail. Avec nous, dans cette salle aux allures de chalet intimiste plus que de restaurant, un couple de voyageurs allemands et une famille israélienne célébrant un anniversaire et leur départ de Géorgie. A cette occasion, Lali, la propriétaire des lieux, organisa une "soupra", un banquet traditionnel géorgien, avec ses mets, ses vins et sa musique. Bien qu'étrangers aux autres voyageurs, nous nous retrouvions partie à cette fête, pour notre plus grand bonheur. Nous y avons passé une après midi pluvieuse à nous repaître des vins et des chants géorgiens, tout en nouant amitié avec l'assemblée.

Le lendemain, le temps étant plus clément, nous avons pu arpenter le village et prendre mesure de son côté pittoresque. Ceint par de longues murailles, perchés sur une crête boisée, parcouru de ruelles tortueuses, Sighnaghi a de quoi charmer le voyageur de passage. Le plus étonnant, c'est que "touristiquement", les lieux n'ont pas grand chose à offrir, pas de somptueux monuments, de randonnées incroyables, juste de charmantes ruelles, où il fait bon de flâner, d'agréables remparts offrant d'incroyables points de vue et surtout de délicieuses caves où boire et manger. Notons tout de même le musée ethnographique de Sighnaghi, où sont exposées bon nombre des toiles de Pirosmani, l'occasion d'approfondir notre découverte de ce peintre et de conforter notre attrait pour son art !

Pirosmani est le peinte le plus célèbre de Géorgie et pourtant, il a passé le plus clair de sa vie dans la misère et l'anonymat, survivant au jour le jour. Réellement consacré à titre posthume, Pirosmani et sa peinture "naïve" sont aujourd'hui la fierté du pays. Dans des toiles d'une admirable et magnifique simplicité, il s'est employé à dépeindre la vie quotidienne géorgienne et tout ce qu'elle avait à offrir. Découvrant son oeuvre et son histoire, nous avons été émus par cette figure géniale et miséreuse.

On ne peut prétendre avoir pleinement visité Sighnaghi sans s'être aventuré à une dégustation des vins locaux, tant renommés. C'est au Phesants Tears que nous avons découvert l'incroyable diversité des cépages géorgiens. Ce vignoble, qui est également un restaurant dans le centre de Sighnaghi, est un lieu incontournable pour découvrir les vins locaux. On y est accueilli dans une atmosphère chaleureuse et conviviale, marquée par un certain "standing". Les prix sont relativement élevés pour les standards géorgiens mais rien d'insurmontable pour notre niveau de vie occidental. L'établissement propose plusieurs formules de dégustations, nous avons opté pour celle à 40 lari (10€ par personne), comprenant la dégustation de 4 vins locaux biologiques et de quoi grignoter. La dégustation est guidée par les conseils et informations avisés des serveurs/oeunologues, qui répondent à toutes les questions quant au processus de fabrication et de maturation des vins. Les quantités sont généreuses et le vin savoureux. Nous avons en prime eu le droit à un verre de Chacha, alcool à base de marc de raisin fermenté, approchant les 60°, autant dire que c'est le sourire aux lèvres que nous sommes sortis de là.

Sighnaghi au crépuscule  

Bodbe:

Pour ceux qui prévoient un séjour prolongée à Singhaghi, un détour par la monastère de Bodbe s'impose. Il s'agit du sanctuaire de Sainte-Nino, figure religieuse nationale, ce qui en fait l'un des plus hauts lieux de pèlerinage de Géorgie. Le monastère, accessible à pied ou en taxi, est un lieu très reposant et pittoresque. Deux églises se côtoient, dans un style typiquement orthodoxe, entourées de très beaux jardins et potagers. On y trouve également, au terme d'une petite marche dans un sous-bois, une source sacrée aux vertus réputées curatives. L'idéal est d'arriver tôt sur les lieux pour profiter de la quiétude de ces derniers avant l'arrivée des cars touristiques en provenance de Tbilissi.

Bogbe et ses jardins 

Nous avons eu à Sighnaghi un agréable séjour, bien que le temps n'ait pas été en notre faveur, à flâner dans les ruelles, siroter les vins locaux et nous familiariser à la bonhommie géorgienne. Après trois jours et afin d'aller trouver la nature sauvage qui nous a amené dans ce pays, nous payions un taxi pour rejoindre Lagodekhi, à la frontière avec le Daguestan, haut lieu de randonnée.

Il n'y a pas de transports en commun directs entre Sighnaghi et Lagodekhi. La solution la plus simple est de louer les services d'un chauffeur de taxi qui, pour 40/60 laris selon vos talents de négociateur, vous transportera. Une alternative est de descendre en taxi dans la grande ville aux pieds de Singhnaghi, Tsnori, et de là prendre une marchroutka pour Lagodekhi, solution peut être moins onéreuse mais également moins pratique.

Lagodekhi:

Lagodekhi est une agréable ville, sans grand intérêt, si ce n'est d'être le point de départ des randonnées qui jalonnent le parc national éponyme. C'est avides de marche que nous sommes arrivés là-bas, malheureusement, le temps n'avait pas fini de nous jouer des tours. Les violents orages qui avaient secoué la région, ont fait déborder les cours d'eau inondant les sentiers, emportant les ponts du parc, nous privant par la même occasion d'eau courante.

Une seule des cinq randonnées était praticable, il est donc plus judicieux d'aller s'enquérir de l'état des sentiers, avant d'entreprendre quelconque balade, d'autant plus que les services des parcs géorgiens sont prompts à vous répondre que ce soit par mail ou par téléphone. Nous avions été attirés ici par la randonnée de trois jours, allant au "Black Rock Lake", somptueux lac de montagne et randonnée emblématique de la région. Nous avons dû nous contenter de la randonnée pour la "Machi Fortress", une forteresse en ruine dominant l'Azerbaïdjan.

Percée de lumière 

Cette randonnée est pour le moins insolite, car elle longe la frontière avec l'Azerbaïdjan, ce qui implique quelques péripéties administratives pour la réaliser. Les gardes du parc naturel nous avaient prévenu de randonner avec nos passeports, car nous risquions de nous faire contrôler par les gardes frontières. Et en effet, après une heure de marche dans un magnifique sous-bois, nous avons été "arrêtés" par deux gardes tout en armes, qui nous indiquèrent un poste de contrôle où nous devions nous rendre. Perché sur un talus, se trouvait là un campement militaire rudimentaire camouflé, où d'autres gardes prirent nos identités et nous rédigèrent un visa provisoire pour circuler le long de la frontière azérie.

Une fois passé cette étape peu commune, nous avons repris notre marche jusqu'à la forteresse, passant par de petits cours d'eau, de quoi expérimenter quelques poses longues. Arrivés à la forteresse, on comprend aisément l'emplacement de cette dernière qui surplombe une grande rivière, frontière naturelle entre la Georgie et l'Azerbaïdjan, offrant ainsi une vue imprenable. Malheureusement, il ne reste pas grand chose de la forteresse, si ce n'est une église, quelques tas de pierres et des ossements.

Sur la route de la Forteresse Machi 

Mais la randonnée aura également été l'occasion de rencontrer quelques animaux, de nombreux oiseaux surtout, tout en se promenant dans une forêt dense et mystérieuse. Ce n'est certainement pas la randonnée la plus marquante de notre séjour, mais elle nous a permis de nous dégourdir les jambes faute de mieux et de vivre une expérience pour le moins atypique.

L'avifaune de Lagodekhi 

De retour dans notre foyer, la "Kiwi GuestHouse", nous avons passé une sympathique soirée avec un groupe de polonais et de guides de montagnes espagnols, tous déçus de ne pouvoir faire cette fameuse randonnée, mais heureux de déguster le vin familial de notre hôte ainsi que sa cuisine savoureuse. A mesure que la soirée avançait et que les cruches de vins diminuaient, chacun partageait récits et conseils sur la Géorgie, c'est ainsi que nous avons eu un court aperçu de la Touchétie, région la plus reculée et sauvage de Géorgie, difficilement accessible pour les touristes lambda. Le lendemain, nous reprenions une marchroutka à destination de Tbilissi, abandonnant de fait les vertes et hautes montagnes du Caucase pour rejoindre notre prochaine étape.

David Garedja:

Ce n'est que pour clore notre séjour en Géorgie que nous avons décidé de retourner dans les terres ensoleillée de Kakhétie, pour visiter le complexe monastique troglodyte de David Garedja. Ce dernier, se situe aux confins de la Géorgie, à la frontière azérie, au coeur d'un paysage lunaire et quasi désertique. On y accède par des pistes accidentées, nécessitant un certain savoir-faire au volant.

Ce n'est pas dans notre habitude de passer par des "tours" touristiques, mais dans le cas présent, cette solution est la plus pratique et la moins onéreuse. Les bus de la "Garedja Line" partent tous les jours à 11h de la Place de la Liberté (Liberty Square), pour le tarif dérisoire de 25 laris. Il faut compter 2 heures de route, ponctuées de pauses pour admirer le paysage. On peut bien entendu se rendre à David Garedja par ses propres moyens, mais le voyage est fastidieux tant il faut faire de changements entre les mini-bus et les taxis, et cette solution n'est pas forcément moins onéreuse.

Sur la route de David Garedja 

Le complexe monastique de David Garedja, toujours en activité aujourd'hui, a connu une histoire pour le moins tumultueuse. Etabli au VIe siècle, le complexe fut détruit et saccagé à trois reprises, puis, sous la domination soviétique, il a été transformé en terrain d'entrainement militaire et cela, au détriment du patrimoine du site. Aujourd'hui, le gouvernement géorgien a lancé un vaste programme de restauration du site et les moines ont pu investir les lieux à nouveau. Mais des difficultés d'ordre diplomatique subsistent, car le complexe s'étend en partie sur le territoire azéri.

Pour visiter le complexe, mieux vaut se munir de bonnes chaussures de marche, car les chemins entre les différents monastères relèvent d'une véritable randonnée, souvent sous un soleil ardent et une chaleur accablante. Cependant, le jeu en vaut la chandelle. Nous avons été subjugués par la beauté des lieux et l'immensité du paysage environnant, essayant de s'imaginer la vie de ces moines, dans un endroit si reculé et aride. David Garedja est un exemple supplémentaire de la diversité des paysages géorgiens, changeant du tout au tout en quelques dizaines de kilomètres. Ici, ce paysage spectaculaire est occupé par une faune toute différente de celle du reste du pays, majestueux rapaces, reptiles désertiques peuplent les étendues arides du sud de la Kathétie.

Paysages désertiques 

Après une visite de 3/4 heures, à escalader d'abruptes pentes du complexe et à s'enivrer des paysages lunaires de la région, nous redescendions vers le monastère principal pour rejoindre nos mini-bus. Il faut savoir que les moines entretiennent un petit vignoble et produisent plusieurs vins, dont une partie est destinée à la vente. Pour un prix tout à fait raisonnable, il est possible de s'offrir une magnifique bouteille, artisanale, dont les fonds serviront à l'entretien du complexe monastique.

Après cette journée fascinante et épuisante, nous rentrions à Tbilissi à travers des paysages que le soleil déclinant ne finissait plus de mettre en valeur. Contraints par les objectifs commerciaux du tour que nous empruntions, nous nous sommes arrêtés dans une petite ville aux abords de la steppe, dans un bar, dont le rooftop et la vue depuis ce dernier, contrebalancèrent notre mécontentement d'être ainsi forcés à l'arrêt. Les chevaux en liberté, les paysages infinis, dépeuplés et sauvages évoquèrent en nous, un souvenir nostalgique de la Mongolie, que la bière fraiche ne faisait qu'accentuer. Nous quittions ces paysages avec le coeur empli de souvenirs et de réminiscences en nous jurant de continuer à explorer et à chérir les milieux steppiques, pour le calme et la quiétude qu'ils procurent.

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Bordjomi:

N'ayant pu satisfaire notre soif de randonnée à Lagodekhi, nous avons décidé de tenter notre chance dans une autre région de la Géorgie, la Samtskié-Djavakhétie, connue surtout pour sa station thermale Bordjomi et pour son immense parc national.

Une marchroutka au départ de la gare de Didoubé à Tbilissi permet de rejoindre Bordjomi pour la modique somme de 8 lari en un trajet de deux heures (selon l'humeur et la témérité de votre chauffeur).

Bordjomi offre un large éventail de logements de tout standing, nous nous sommes arrêtés à la "Grimis Villa", une maison d'hôte que nous pouvons chaudement recommander, notamment pour ses jolies chambres, son espace cuisine, très pratique pour préparer des casse-croute pour les randonnées ainsi que pour l'excellent niveau d'anglais des propriétaires, toujours disponibles pour nous donner des renseignements.

Si Bordjomi peut offrir certaines attractions, telles que la maison de fabrication de eaux minérales, nous ne nous sommes pas attardés en ville, impatients de découvrir le plus grand parc national d'Europe. Sur les conseils avisés de l'administration du parc, nous avons opté pour une randonnée de 2 jours sur 36 km: le "Panorama Trail", qui porte bien son nom. Mais il existe une dizaine de circuits, répondant à toutes les envies et tous les niveaux (certaines randonnées s'étalent sur 5 jours).

Il est obligatoire et primordial d'aller se présenter à l'administration du parc avant d'entamer toute randonnée. Là, il faut s'acquitter de droits d'entrée qui s'élèvent à une dizaine de lari par personne. Ceux-ci varient en fonction de la durée de la randonnée, et des hébergements utilisés. Ainsi la nuit en refuge est facturée 20 lari (incluant l'entrée du parc), comptez moins si vous dormez en tente. Par ailleurs, le parc met à disposition tout le matériel de camping nécessaire pour des sommes tout à fait raisonnables, à titre d'exemple, comptez 3 lari pour la location d'un sac de couchage.

Le départ de la randonnée n'est pas des plus évident à trouver: situé à une quinzaine de kilomètres de Bordjomi, la solution la plus simple est de s'y rendre en taxi, en montrant au chauffeur les indications que le centre d'information du parc vous aura préalablement fournies. Veillez à bien négocier votre trajet, certains chauffeurs n'hésitant pas à gonfler les prix (nous avons payé l'aller 20 laris, puis nous avons pris une marchroutka qui passait par là pour le retour, pour 2 laris)

La première partie de la randonnée n'était pas la plus intéressante car elle chemine dans les sous-bois, mais au bout de 2-3 heures de marche, on débouchait sur une crête où nous attendait une vue absolument spectaculaire sur le Petit Caucase, nous laissant apercevoir, au loin, les terres rouges et sèches d'Arménie.

A certains égards, la chaine du Petit Caucase n'est pas sans rappeler certaines de nos montagnes, notamment du fait de ses cirques et falaises, qui personnellement nous ont évoqué certains pics d'Ariège. Puis les deux lieux partagent une culture folklorique commune autour de l'ours !

Le cirque où notre refuge prenait place, sous la protection d'une gigantesque muraille. 

C'est au pied d'une de ces falaises que nous avons trouvé refuge. Contrairement à ce que nous aurions pu croire, le refuge était d'un grand confort, comportant plusieurs lits superposés en bois et d'une propreté remarquable. Un coin feu a également été aménagé dehors pour se réchauffer une fois la nuit tombée. Notre arrivé au refuge a été l'occasion de rencontrer plusieurs randonneurs provenants de tous les coins du monde: des israéliens, un couple d'hollandais et même des français en vadrouille depuis plusieurs jours dans le Petit Caucase. Une fois les présentations faites, tout en se racontant nos péripéties respectives, l'ensemble du groupe s'est rassemblé autour du feu et des réchauds afin de préparer le repas du soir. Le nôtre fut assez frugal, ne voulant pas nous charger en conserves et bonbonnes de gaz, nous n'avions pris que pain, fromage et fruits, néanmoins les émotions procurées par la journée et par spectacle de la nature environnante nous comblaient amplement. Cependant, le spectacle le plus inoubliable fut celui de la voie lactée, qui s'offrit à nous ce soir là, occasion propice pour quelques poses longues.

Le lendemain matin, endoloris et transis par les courbatures naissantes et le froid, nous avons repris le chemin, attaquant ainsi la plus longue partie de la randonnée, tout aussi spectaculaire que l'étape de la veille. La redescente s'est avérée plus compliquée que la montée du fait de l'espacement important du balisage, rendant difficile une progression assurée. Mais encore une fois, les paysages spectaculaires du Petit Caucase s'offraient à nous, faisant oublier courbatures et fatigue. L'apogée du dénivelé s'atteint à ce moment de la randonnée, offrant des panoramas époustouflants.

J o en pleine contemplation 

Cette redescente, bien que longue, fut agréablement ponctuée par des framboisiers sauvages, par le parfum enivrant des rhododendrons et les couleurs de fleurs inconnues. C'est à cette occasion que nous avons croisé un monceau d'excréments d'une taille impressionnante, laissant peut-être envisager la présence d'un ours. Le parc national de Bordjomi abrite des centaines de loups et d'ours, nous n'avons malheureusement pas eu l'opportunité de les apercevoir ou de les entendre. Mais ce n'est là qu'une petite partie de la faune sauvage. Ainsi les airs sont peuplés de vautours, d'aigles et autres rapaces en tout genre, papillons et insectes colorés virevoltent dans les herbes basses, et les plus chanceux apercevront quelques gros mammifères (voir même un berger géorgien ivre à l'état sauvage pour les plus chanceux).

Akhaltsikhé:

Petite ville aux confins de la Géorgie au nom tout aussi difficile à orthographier qu'à prononcer, Akhaltsikhé se situe non loin de des frontières turques et arméniennes. Elle est connue pour deux choses, être la ville natale de la famille de Charles Aznavour, et pour abriter la somptueuse forteresse de Rabati. Bien que celle-ci soit un haut lieu du tourisme géorgien, la ville en elle même n'est pas touristique, les voyageurs visitant la forteresse en coup de vent. Nous avons tout de même souhaité y passer une nuit pour prendre notre temps et gagner Batoumi depuis cette ville. Akhaltsikhé est calme, cosmopolite, multiculturelle, la vie y est douce et il est amusant d'entendre Aznavour dans chaque petit commerce ou restaurant.

Rabati au coucher de soleil 

L'attraction principale est la citadelle de Rabati, somptueuse forteresse au coeur de la ville. C'est ici que Turcs et Russes s'affrontèrent pour la domination de la région, aboutissant à une défaite des premiers. La forteresse a profondément changé depuis cette époque. Tombée en désuétude, elle a été réhabilitée sous la volonté du président Mikheil Saakachvili, lequel a profité de l'occasion pour ajouter quelques touches personnelles à l'édifice. Les férus d'histoire pointent les incohérences des aménagements réalisés et le manque d'authenticité de ces derniers. Voulant faire des lieux un symbole du vivre ensemble et du multiculturalisme dans une région frontalière profondément multi-ethniques, le président a fait se côtoyer une église orthodoxe, une synagogue et une mosquée au sein de la forteresse. Nous devons concéder, tout en comprenant les critiques historiques adressées à l'encontre de la rénovation, que la forteresse de Rabati est aujourd'hui éblouissante.

Rabati et ses murailles 

Rabati séduit par le style ottoman de ses fortifications et par les dédales de jardins qui la jalonnent. Constituée de plusieurs niveaux, la visite du chemin de ronde et des créneaux permet de prendre la mesure des lieux et de s'offrir une belle perspective sur les différents édifices religieux. Le second niveau, abrite un ensemble de bassins et de patios très agréables à arpenter, c'est ici également que se trouve la mosquée. Elle est une des pièces qui nous a le plus séduite dans la visite, se reflétant élégamment dans le bassin d'eau à ses pieds.

La mosquée de Rabati 

On passe aisément une journée entière au sein des murs de Rabati, à déambuler dans les passages étroits, à arpenter les créneaux et à visiter les différents musées ethnographiques. Le soir venu, la citadelle se pare de ses plus belles lumières et reste ouverte au public: à cette occasion, il est possible d'aller déguster quelques vins géorgiens dans un des deux bars/restaurants que compte la forteresse.

Pour ceux qui s'arrêteraient plus longtemps, la cité troglodyte de Vardzia se trouve non loin de là. Faute de temps, nous n'avons pas pu nous y rendre, peut être à tort, car cette ville est considérée comme un des joyaux de la Géorgie, empreinte d'un grand mysticisme. Pour notre part, nous avons continué notre chemin vers Batoumi, sur la côte géorgienne. Ce que nous n'avions pas prévu, c'est que si les deux villes sont proches, elles sont séparées par une chaine de montagnes abruptes, escarpées, que bon nombre de chauffeurs se refusent à emprunter en bus, du fait de la dangerosité de la route. De ce que nous avons entendu, cette route à travers les montagnes est également l'une des plus belles et pittoresques de Géorgie. Deux options s'offrent aux chauffeurs de marchroutka, soit emprunter la route des montagnes, soit regagner Bordjomi pour gagner ensuite l'autoroute. Les deux solutions sont équivalentes en terme de temps, mais l'une est certainement plus dépaysante. Notre chauffeur décida de remonter vers la voie rapide et donc de repasser par Bordjomi, ce qui nous ramena sur nos pas, là où nous pensions aller de l'avant en allant à Akhaltsikhé. Qu'importe, le voyage est fait d'imprévus et de mésaventures. D'autant plus que nous trouvions une consolation dans notre infortune, car nous avons rencontré deux Français qui rendirent les 9 heures de minibus agréables et hilarantes (surement, au détriment des autres passagers), Georges et Sophie, si vous lisez ces lignes, un grand merci pour cette compagnie !

4

Batoumi:

Accablés de courbatures après notre randonnée à Bordjomi, nous souhaitions nous accorder un peu de "bon temps" sur la côté adjare. Nous avons donc mis le cap sur Batoumi, deuxième ville touristique du pays, riviera de la Mer Noire. Et nous devons avouer avoir longuement hésité, beaucoup de voyageurs croisés durant notre voyage cultivaient ou propageaient à l'encontre de Batoumi un certain nombre de critiques et de préjugés. Mais, si nous avons appris une chose durant nos voyages, notamment à Miami, c'est bien de se défaire des ouïe-dire et de nos propres préjugés pour se forger notre propre opinion.

Pendant longtemps, la région de l'Adjarie, riche de son tourisme et de sa situation littorale, a été une entité quasi-indépendante au sein de la Géorgie. Un oligarque local régnait en maître sur ces terres riches et douces jusqu'à l'arrivée de Mikheil Saakachvili qui a engagé un vrai bras de fer avec le despote local. Il faut dire que l'exercice du pouvoir était pour le moins unilatéral, avec une gestion financière plus que douteuse et un abandon total des missions de services et travaux publics. Après maintes passes d'armes, des esclandres diplomatiques et la fuite de l'oligarque, l'Adjarie finit par rejoindre le giron du pouvoir central mais non sans quelques aménagements. Ainsi, pour perpétuer l'autonomie dont jouit la région depuis la domination ottomane, l'Adjarie a ses propres institutions judiciaires et législatives.

Un petit air de Dubaï 

Même chic tape à l'oeil qu'à Miami, Batoumi est aux premiers abords un paradis exubérant pour touristes fortunés des bords de la Mer Noire. Car ici, on rencontre beaucoup de turcs, de russes, quelques ukrainiens, une ville assurément multiculturelle, du fait de son rayonnement et de sa proximité avec la frontière turque. Exutoire des folies architecturales de la Georgie contemporaine, Batoumi suscite une certaine fascination pour le voyageur de passage. Gigantesques et luxueux hôtels en bord de plage, immeubles inhabités, si ce n'est par une grande roue, bâtiments tout droit sortis d'un film de Wes Anderson, ici tous les styles se côtoient et s'entremêlent.

Architecture hétéroclite 

Mais derrière cette image de façade tapageuse, Batoumi abrite également quelques petits trésors. Une fois les bords de plage derrière soi, un ensemble de petites ruelles charmantes, d'édifices religieux délicats et de petites places s'offrent au voyageur. Ici se jouent des scènes de vie ordinaires, bien éloignées de l'exubérance des quartiers branchés du bord de mer.

Nous avons été particulièrement marqués par "l'église bleue" l'un des plus beaux édifices religieux que nous ayons croisé durant notre voyage. Cette petite église, non loin du quartier turc, est comme son nom l'indique, parée d'un magnifique bleu. Nous regrettons de ne pas avoir pu prendre des photos pour documenter la beauté des lieux, mais appareils photographique et téléphone étaient interdits au sein de l'église, règle que les dévots géorgiens s'employaient à faire respecter avec zèle. Les lieux, baignés par la lumière filtrant à travers les vitraux, étaient emprunt d'un incroyable mysticisme, que les prières et la dévotion des géorgiennes présentes ce jour là, ne faisaient que renforcer.

L'église bleue de Batoumi 

Le quartier turc est également très agréable à arpenter car il change du tout au tout. Ici, le géorgien n'est plus de rigueur, le turc s'entend et se lit partout. Les Döners, s'enchainent, tout comme les salons de thé et les bar à chicha. Et au milieu de cet ensemble hétéroclite, trône la très belle mosquée de Batumi, élancée et élégante.

La mosquée de Batumi 

Batumi saura offrir au voyageur ce qu'il était venu chercher, qu'il soit en quête d'une scène électro avant-gardiste, de soirées clinquantes, de farniente aux bords des eaux chaudes de la Mer Noire, ou d'escapade naturelle. La vie nocturne est ici très mouvementée, les lieux festifs ne manquent pas et un certain "vent d'Europe" court sur la ville en matière de bars. Nous avons par exemple atterri dans un sympathique bar, le "Code" non loin de l'église bleue susmentionnée, et qui n'était pas sans rappeler les bars branchés parisiens. Décoration épurée et industrielle, électro française en guise d'ambiance sonore, mais des prix défiants toute concurrence.

Les plages ici sont parcourues de restaurants, clubs, scènes de concerts et autres lieux touristiques plus ou moins attirants. Si nous devions trouver un avantage à l'urbanisation outrancière du littoral à Batoumi , c'est de pouvoir aller admirer le coucher de soleil en sirotant un verre de vin adjare, sur une des nombreuses terrasses surplombants la Mer noire. Le temps changeant, le climat tropical et les lumières déclinantes, créent ici, une atmosphère tout particulière, agréable à savourer en fin de journée. Occasion à laquelle on peut se laisser aller à admirer les curiosités des bords de plage, prestidigitateurs en tout genre, magnifique sculpture de bronze, pêcheurs rentrant au port au milieu de bateaux de luxe, en somme tous les contrastes de cette ville étonnante.


Batoumi et ses hauteurs:

Pour admirer cet ensemble hétéroclite que forme Batoumi, le mieux est de prendre un peu de hauteur, et ça tombe bien, les aménagements pharaoniques qui modèlent la ville comptent parmi eux un téléphérique, amenant au sommet d'une colline à l'extérieur de la ville. Bâtie par une chaine d'hôtels de luxe, cette installation aboutie à un restaurant touristique, qui a pour seul mérite de servir une bonne bière. Mais c'est la vue qui impressionne, plus que les lieux en eux mêmes. On ne peut que vous conseiller d'aller passer une fin de journée sur les hauteurs, pour admirer le soleil couchant et la ville se parer de ses milliers de lumières. Un rapide coup d'oeil sur les alentours permet de prendre pleinement conscience de la végétation tropicale qui entoure la ville, témoignant bien du climat tout différent de l'Adjarie côtière.

Batoumi Sunset 

Cap vert:

Il est rarement question pour nous de séjourner longtemps dans un lieu si ce dernier n'offre pas quelques opportunités d'escapades naturelles. Fort heureusement, Batoumi abrite à ses portes, un gigantesque espace "naturel", baptisé "Cap Vert". Situé à quelques kilomètres de la ville, ce jardin tropical est l'héritage d'une expérimentation soviétique pour tenter d'adapter des plantes tropicales au climat de la Mer Noire. Si le programme a cessé avec la chute de l'URSS, les jardins sont eux, toujours là et continuent d'être entretenus. Les lieux sont agencés selon les zones de provenances des plantes, avec des secteurs "japonais", "népalais". De petites randonnées jalonnent le parc, bien qu'elles ne soient pas très bien indiquées, mais n'ayez crainte, on ne risque pas de ce perdre dans cet espace sur lequel l'Homme a bien la main. On est loin d'une nature sauvage et laissée à elle-même, mais le Cap Vert offre une agréable escapade à la journée, dans un environnement luxuriant et ressourçant. Par ailleurs, la plage en contrebas, baignée par des eaux turquoises, est certainement l'une des plus agréables et préservées des environs, c'est ici que nous avons aperçu un banc de dauphin, expérience inoubliable !

Les jardins de Cap Vert sont assez éloignés de la ville et donc uniquement accessibles en transports. La Marchroutka N°4 et le bus N°15 s'y rendent. Il est également possible de payer un taxi, mais cette option est bien plus onéreuse. L'entrée quant à elle coûte 15 lari par personne à tarif réduit et 30 en tarif normal.

Luxuriance 
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Requinqués par nos jours de repos à Batumi, nous décidions de repartir à l'assaut des monts du Grand Caucase. Pour cela, nous avons mis le cap vers la Svanétie, région située au Nord du pays, nationalement reconnue pour sa beauté, ses randonnées et sa nature sauvage. La Svanétie est considérée comme étant la "Suisse" géorgienne, du fait de la présence de nombreux chalets, de la proximité avec la nature et des stations de ski alentours.

La légende raconte qu'il existerait une Marchroutka directe depuis Batumi pour Mestia, principale "ville" touristique de Svanétie, c'est du moins ce que bon nombre de géorgiens nous ont assurés, mais à ce jour il a été impossible de la trouver ! Nous avons simplement trouvé une Marchroutka qui allait à Zougdidi et où une connexion était prévue. Le trajet est assez long, la route pas toujours agréable, surtout après Zougdidi, mais elle est époustouflante. Le voyage vous en coutera 40 lari au total.

Mais culturellement, c'est tout autre chose, car la Svanétie est le foyer des svanes, peuple mythique de la Géorgie, qui nourrit fantasmes et légendes depuis longtemps. Considérés comme un peuple de combattant, braves, violents et plein de fierté, les svanes alimentent le folklore géorgien et les vicissitudes de la vie locale depuis des siècles. Toujours derniers à se soumettre aux envahisseurs et aux nouveaux pouvoirs, ils avaient fait de la Svanétie un territoire indompté, craint et pendant longtemps déserté par les touristes. La donne a changé avec l'arrivée du président Saakachvili, qui après avoir maté les mafias locales, fit voir aux svanes le potentiel touristique et la manne économique que représentait leur territoire. Aujourd'hui, les lieux sont plébiscités par les touristes en quête de nature, plus aucun problème de sécurité ne se pose et les svanes font partie des géorgiens les plus accueillants que nous ayons rencontrés !

Sur la route de Mestia 

Comme pour nous mettre en bouche, le long de la route tortueuse que nous empruntions depuis Zougdidi, nous apercevions un vaste lac artificiel aux eaux turquoises, laissant présager de splendides paysages pour le restant du voyage. Après une échauffourée avec notre chauffeur et de longues heures sur une route incroyablement vertigineuse, nous arrivions enfin à Mestia. Le charme de ce petit village envoute immédiatement le voyageur au sortir du bus. Ici toutes les constructions sont de bois et d'étranges tours de pierre se dressent aux côtés des maisons. Ces tours, nous l'apprendrons par la suite, sont les vestiges du passé guerrier de la région. En cas d'attaque, lors des invasions transfrontalières, chaque famille disposait d'une tour fortifiée dans laquelle s'abriter, rendant extrêmement compliqué la capture des villages. Aujourd'hui, ces édifices sont entrés dans le patrimoine et le folklore local et font l'objet de réhabilitations.

Mestia et ses tours défensives 

Le village de Mestia présente l'avantage d'être le point de départ de la plupart des randonnées dans les environs, ainsi nul besoin de faire appel à un taxi ou à un autre transporteur pour sillonner les montagnes de la région. Au cours de notre séjour, nous avons pu parcourir trois sentiers différents : Le glacier Chaaladi, le sentier des lacs de Koruldi ainsi qu'une belle balade à Hatsvali.

Glacier Chaaladi:

La balade jusqu'au glacier Chaaladi constitue un bon échauffement, avant d'attaquer des randonnées plus longues et difficiles. Si l'on entame la randonnée depuis Mestia, il faut compter 5-6 heures de marche (la parcours en entier fait 23 km aller-retour), notamment une partie moyennement plaisante, le long d'une route goudronnée. Cependant, de nombreux géorgiens allant travailler sur le chantier de construction de la future centrale hydro-éléctrique située non loin du glacier, il est facile de faire du stop et de se faire déposer au niveau du pont, qui marque le véritable point de départ de la randonnée. A partir du pont, un agréable chemin longeant une rivière vous conduira en une heure de marche au pied du glacier.

Murailles naturelles 

Là, un spectacle grandiose gratifiera le randonneur de ses efforts : des sommets vertigineux et le fameux glacier, qui, en pleine fonte, se transforme en une multitude de petites cascades. Néanmoins, il est recommandé de garder ses distances, la fonte du glacier provoquant des éboulis, lesquels peuvent être franchement impressionnants.

Pour notre part, nous avons profité du beau temps pour pic-niquer au pied du glacier et contempler le spectacle offert par la nature (et le réchauffement climatique). L'immense muraille de roche qui ceint le glacier offre une incroyable sensation de protection et un calme absolu. Ce fut notre premier glacier et on l'espère, pas le dernier. Ces formations malheureusement menacées à travers le monde, sont impressionnantes à admirer. Chaaladi permet de contempler ces avancées glacées assez facilement, alors qu'habituellement, elles se trouvent dans des zones reculées et difficiles d'accès.

Le glacier Chaaladi dans toute sa splendeur 

Koruldi Lakes

Echauffés par notre précédente randonnée, nous avons décidé d'attaquer le lendemain la célèbre randonnée menant aux lacs Koruldi. Il s'agit d'une ascension de 3-4 heures avec un dénivelé musclé de 1450 mètres, autant dire qu'il faut avoir les mollets bien accrochés ! Au total, la randonnée fait 21 km, on peut donc l'effectuer en une journée, bien qu'il soit très agréable de camper aux pieds des lacs. La première étape de la randonnée consiste en une montée (très) abrupte jusqu'au col de la croix, visible depuis Mestia. Par la suite le sentier se fait un peu plus doux et offre une vue panoramique sur les montagnes environnantes. Si certains considèrent que les lacs sont "surcôtés" par rapport à la réalité du fait de leur petitesse, nous avons été subjugués par le jeu de reflets des sommets enneigés dans leur surface d'huile.

Vers  les Koruldi 
Le lac principal 

Notre randonnée jusqu'aux lacs a été aussi l'occasion d'effectuer une drôle observation "sociologique", à savoir la pratique de la randonnée par les géorgiens. Ces derniers, maniant le volant à perfection, semblent considérer l'effort physique que les touristes fournissent pour admirer les paysages comme tout à fait extravagant et préfèrent de fait, gravir les sommets en voiture. Cependant, nous n'allons pas leur jeter la pierre ici, puisque, sur le retour, nous avons profité de la gentillesse d'un jeune couple géorgien, redescendant en 4x4 des lacs, qui nous a proposé de nous déposer à Mestia, écourtant ainsi de 2 heures notre marche. Cette rencontre a été l'occasion d'en apprendre plus sur les moeurs en Géorgie, le couple maitrisant parfaitement l'anglais.

Hatsvali

Pour clore notre séjour à Mestia, nous avons opté pour une jolie petite randonnée d'une heure et demie, jusqu'au sommet du mont Hatsvali, auquel on accède par téléphérique (et oui, nous avons fait les fainéants). Celui-ci est divisé en deux étapes, l'une se situant juste à la sortie de Mestia et l'autre plus en hauteur. Cependant, pendant notre séjour le premier tronçon étant fermé, nous avons dû emprunter un taxi pour nous rendre au télésiège. Si on peut y accéder à pied depuis Mestia (comptez une bonne heure et demie de marche), le chemin n'est vraiment pas agréable, car longeant une route tortueuse et dangereuse. En taxi, il faut compter 40-50 lari, A/R, le chauffeur vous déposant et revenant vous chercher à une heure convenue au préalable entre vous.

Une fois arrivé sur les hauteurs, une agréable randonnée emmène jusqu'à la station météorologique, qu'on atteint en 45 minutes de marche environ. La balade n'est pas du tout exigeante, le dénivelé est quasi inexistant et pourtant les paysages combleront pleinement le randonneur. C'est très certainement la randonnée avec le meilleur rapport efforts/paysages, surtout depuis la station météorologique d'où on aperçoit tous les grands sommets, ainsi que les lieux intérêts précités (Chaaladi, Koruldi).

C'est le coeur lourd que nous avons fait nos sacs à dos et rejoint la Marchroutka pour Zougdidi où un train de nuit à destination de Tbilissi nous attendait. Cette petite ville nous aura offert un accueil chaleureux, dans ses guesthouses et ses tavernes aux multiples spécialités, et aura largement comblée nos envies de nature et de randonnées. Comme incapables de faire ses adieux à Mestia, nous avons décidé de faire un tour au Musée de la ville, en attendant notre marchourtka. Le musée ultra-moderne de Mestia, bien que de petite taille, a une collection impressionnante d'objets folkloriques. On aurait souhaité une partie vraiment historique sur la Svanétie mais on se satisfera des petites légendes associées à certains objets ainsi que des autres éléments ethnologiques. Cette visite éveillera encore davantage notre curiosité pour le peuple Svane, qui compte parmi les plus mystérieux et légendaires de Géorgie.

6

Après notre séjour en Svanétie, et afin de clore notre périple géorgien, nous avons mis le cap sur Kazbegi, véritable emblème et carte postale du pays. Pour ce faire, nous avons fait une longue route depuis Mestia: tout d'abord nous avons pris une marchroutka à destination de Zugdidi, puis un train de nuit jusqu'à Tbilissi et enfin une seconde marchroutka jusqu'à Kazbegi.

Le trajet en marchroutka pour Zugdidi coûte 20 GEL par personne, il y en a environ 3 par jours depuis Mestia. Le prix du billet du train de nuit reliant Zugdidi à Tbilissi dépend de la classe choisie : nous avons opté pour la classe moyenne, avec un compartiment à 4 couchettes, ce qui nous est revenu à 21 GEL par personne. Point important, il ne faut pas descendre au terminus du train, mais à l'arrêt juste avant, à la gare de Didoubé, afin d'y prendre une marchroutka à destination de Kazbegi, pour 10 GEL par personne. La route depuis Tbilissi jusqu'au Grand Caucase est absolument somptueuse. Elle est appelée la "Route militaire" car c'est l'unique percée naturelle dans le grand Caucase que les armées ont de tout temps emprunté.

Le train de nuit mérite par ailleurs un paragraphe plus détaillé de notre part. Nous avons déjà gratifié Tbilissi de baigner dans un "charme vétuste". Il va sans dire que cette expression illustre parfaitement le train que nous avons pris: disposition des compartiments rappelant le train d'Harry Potter partant de King's Cross, des couchettes sans échelles, nécessitant d'accomplir des prouesses de gymnastique pour s'y hisser, absence de climatisation. Mais que valent ces désagréments face au charme d'un voyage en train au plus proche des géorgiens ? Ce voyage en train aura constitué une expérience unique (et bon marché) durant notre séjour .

Nous devons avouer avoir hésité à aller à Stepantsminda (nom officiel de Kazbegi). Nous avions rencontré beaucoup de personnes pointant le manque de charme de la ville, ainsi que les stigmates du tourisme de masse sur les chemins de l'Eglise Gergeti. Car c'est le seul endroit de Géorgie où il y a ce que l'on pourrait appeler un "tourisme de masse" et tous les travers que cela entraine. Mais comme il nous restait du temps et que nous tenions quand même à voir cette église, emblème touristique du pays, nous avons sauté le pas.

La région de Kazbegi offre énormément d'opportunité de randonnées, mais contrairement à Mestia, celles-ci ne sont accessibles depuis le village et il faut souvent recourir aux services d'un chauffeur, et cela moyennant un prix souvent faramineux. Fort heureusement, la randonnée emblématique jusqu'à l'église de Gergeti elle, commence juste à la sortie du village.

L'Eglise Gergeti:

Pour se rendre jusqu'à l'église Gergeti, il faut traverser la rivière qui coupe la ville de Kazbegi et arriver ainsi dans le village de Gergeti. De toute manière les panneaux indicatifs sont bien visibles et guideront les pas des randonneurs. La montée est assez abrupte : mieux vaut avoir de bonnes chaussures de marche ! Une fois arrivé au col il est possible d'aller vers l'église pour la visiter ou de monter encore un peu, sur une colline pour avoir une vue panoramique sur les environs et bien sûr sur la fameuse église. Nous avons choisi cette deuxième option, sans regrets, pouvant déjà apercevoir les foules de touristes se pressant sur le parvis de l'église. L'effort supplémentaire pour se hisser au sommet de la colline vaut largement la peine endurée: de là haut, on assiste à un panorama époustouflant constitué de cette fameuse église perchée sur son promontoire avec en toile de fond, la muraille rocailleuse du grand Caucase qui se dresse vertigineusement à travers la couverture nuageuse.

Un air de carte postale  

Il est possible de poursuivre la randonnée en direction du glacier éponyme, il faut compter environ 7 heures aller-retour. Nous avons préféré nous contenter de la vue sur l'église, épuisés par notre trajet en train de nuit et voyant par ailleurs un ciel menaçant se diriger vers nous.

Afin de nous requinquer après notre balade et nous réfugier au chaud, nous nous sommes attablés dans un curieux établissement, puisque prenant place dans un vieux bus. Le "Awtobus" se situe non loin de la place centrale de Kazbegi et peut difficilement passer inaperçu.

En ce qui concerne le volet culinaire, nous ne pouvons que chaudement recommander le restaurant "Anno's Sweet Corner", qui, en plus de servir de délicieuses spécialités de la région telles que le mkhlovani (sorte de khachapouri aux épinards et au fromage), dispose d'une équipe particulièrement aimable et attentionnée.

Nous y avons passé de très agréables soirées, les serveurs étant toujours à notre disposition pour nous conseiller un plat ou un vin géorgien, le tout dans une gamme de prix très raisonnable (compter 10 GEL pour un mkhlovani ). A notre avis, il s'agit d'une des adresses les plus sympathiques de Kazebgi, le reste étant constitué principalement de gros restaurants touristiques "sans âme".

Après une nuit de repos, pour notre deuxième et dernière journée à Kazebgi, nous avons décidé de nous rendre aux cascades Gveleti.

Cascades Gveleti:

Situées à environ 7 km au nord de Kazbegi, ces cascades ne peuvent être atteintes à pied, il est nécessaire d'accéder au sentier de randonnée par voiture. Les chauffeurs de taxi ayant tendance à pratiquer des prix prohibitifs dans cette région touristique (50 GEL pour un aller-retour) , il est préférable de faire du stop, le spot idéal étant le pont qui mène au village Gergeti mais aussi vers le nord et la frontière russe. Le trajet est d'ailleurs très agréable, la route serpentant dans une sorte de canyon cerné par les monts proéminents du Grand Caucase. Les lumières du matin enveloppaient ces hauts sommets dans un voile irréel, particulièrement beau.

Une fois arrivés au village de Gveleti, nous avons emprunté une chemin terreux qui s'est avéré être le sentier de randonnée. Après 10 min de marche, il se sépare en deux, l'un menant vers la grande cascade et l'autre vers la petite cascade. Pour avoir fait les deux, notre préférence va à la petite cascade, qui, bien que moins spectaculaire par sa taille, offre une cadre plus joli, vert et très calme. Nous avons effectué le retour en stop avec un russe venant de la frontière. Les Géorgiens et Russes de passage sont habitués au stop, il ne faut donc pas hésiter, on trouve rapidement un covoitureur.

A gauche, la Grande Cascade, à droite, le Petite 

En définitif, notre séjour à Kazbegi a été très agréable, et cela même si la ville n'a pas le charme d'autres bourgades géorgiennes. Nous n'étions pas motorisé et quand bien même le stop se pratique facilement, avoir son propre véhicule là-bas permet de rejoindre des coins reculés et de pouvoir saisir toutes les opportunités de randonnées que cette belle région offre. Après deux jours passés à Stepantsminda, nous reprenions une marchroutka pour retourner à Tbilissi et y couler nos derniers jours avant de quitter définitivement le pays.

7

Trois mois. C'est le temps qu'il nous aura fallu pour écrire ce récit, comme si une partie de nous se refusait à terminer ces lignes, rompant définitivement avec ce beau pays qu'est la Géorgie. C'est le récit le plus riche et le plus dense que nous ayons écrit jusqu'ici. En un petit mois nous avons tellement vu, tellement bu, tellement ressenti. Ce pays au carrefour du monde est marqué par des paysages changeants et des milieux très différents. Mais une chose est constante en Géorgie, la gentillesse et l'hospitalité de ce peuple, lequel compte parmi les plus complexes que l'on ait rencontré. Après un mois de voyage, des dizaines de rencontres, on s'émerveillait chaque jour de ce pays, de ces gens, qui après avoir connu des décennies de violences, de misères, de conflits internes, d'instabilité politique avaient toujours autant de bienveillance et de bonhommie à offrir. Ils mériteraient un article à part entière pour ne serait-ce que vous faire entrevoir leur caractère.

Quand nous n'étions pas subjugués par la force tranquille de ces hommes et de ces femmes, ou par leur capacité à tenir l'alcool, c'étaient les paysages qui nous enivraient. Cette diversité inimaginables au regard de l'étendu du pays a de quoi ravir l'amateur de "Wilderness". Et pourtant, nous n'avons qu'entrevu les merveilles naturelles de la Georgie. Faute de temps et d'équipements, nous n'avons pas pu nous aventurer au coeur des steppes désolées et sauvages du parc national de Vashlovani, nous resterons également dans une méconnaissance idéalisée des contreforts reculés de la Touchétie et de ses bergers transhumants.

Si la Mongolie nous chamboula durablement, la Géorgie nous chavira. Que de souvenirs nous emportons avec nous, de soirées à boire vins et liqueurs géorgiens, de compagnons rencontrés au cours de nos 150 kilomètres de marche, de paysages époustouflants. La Géorgie fait partie de ces petits paradis ignorés par le tourisme occidental, qui baigne dans son jus, loin de la mondialisation, avec une histoire fascinante et un peuple charmant. Elle fait partie de ces pays qu'on aimerait garder jalousement pour soi avec l'espoir qu'il reste tel quel. Et, tout comme nous nous étions promis d'éprouver une nouvelle fois la liberté des steppes mongoles, nous nous sommes jurés de goûter à nouveau à la douceur de vivre géorgienne.

Natalia et Joseph