7h30, le réveil sonne. Il faut se lever tôt ce matin, car nous avons décidé hier d’aller faire un tour sur l’île voisine, l’île d’Yeu. En juin, il n’y a pas de départ depuis Noirmoutier, il faut se rendre sur le continent, à la gare maritime de Fromentine, juste après le pont de Noirmoutier à la Barbâtre, soit à une demi-heure de Noirmoutier-en-l’île. Le plus compliqué est de trouver un parking pour la journée. Nous avons opté pour le parking géré par Blanchard Bodin à 3mn à pied de la gare maritime.
Fromentine Les billets dans le smartphone, nous nous présentons à l’embarcadère et montons à bord du Saint Sauveur Sables d’Olonne pour le départ de 9h30. La traversée dure 40 minutes avec une mer calme. Nous prenons l’air et les embruns marins à l’arrière du navire, profitant ainsi de la mer, ou plutôt l’Océan !
l’île d’Yeu Nous arrivons à Port Joinville, considéré comme la capitale de l’île. Autrefois nommé « Port Breton » du fait des nombreux bateaux armoricains qui venaient y faire relâche ; puis « Port de la Pélagie » en hommage à Jeanne Pélagie de Rieux, châtelaine de l’île et épouse du propriétaire de l’île, le Seigneur Jean-Emmanuel de Rieux, Marquis d’Asserac ; puis « Port de la Sans-Culotterie » pendant la période révolutionnaire ; et enfin en 1846 « Port Joinville » du nom de Philippe de Joinville, fils du roi Louis-Philippe. Centre des activités insulaires, il compte environ 2000 habitants (sur les 5000 de l’île). A partir du milieu du XIX°s, la pêche lui donne une importance considérable, lui permettant de détrôner Saint-Sauveur, capitale de l’île à cette époque-là.
Port Joinville A la descente du bateau, nous nous intéressons aux différentes propositions de découverte de l’île puisque nous n’y restons que quelques heures. Nous sommes attirés par le tuk-tuk électrique et son parcours sur les côtes de l’île. D’autant que nous sommes en très petit comité, le tuk-tuk n’a que 4 places. Véronique, notre guide et chauffeur nous emmène sur les petits chemins en nous donnant une multitude de renseignements sur l’île.
Véronique et le tuk-tuk électrique statue offerte par le Canada suite à un naufrage. Porte bonheur pour les nouvelles mariées Les maisons sont soit en pierre du pays, soit en enduit blanc avec des volets de couleur (couleurs noire et blanche interdites).
maisons En parcourant la côte, nous voyons de très belles plages, mais surtout un paysage naturel et authentique.
bord de mer Nous voyons quelques cabanes blanches le long du chemin. Il s’agit de cabanes de pêcheur. Elles se transmettent dans la famille de génération en génération. Il n’y a ni eau courante, ni électricité. Il est interdit d’y dormir. Tant qu’elles sont entretenues, et l’impôt versé, elles peuvent restées, sinon elles sont démolies, ce qui est rare.
cabanes de pêcheur Les rochers blancs permettent aux navires de se repérer.
rochers blancs Nous faisons un premier arrêt à la Pointe du But avec l’ancien sémaphore (fin XIX°s) aujourd’hui détruit et remplacé par un sémaphore plus récent, plus à l’intérieur des terres. Seules subsistent quelques pierres qui en marquent l’emplacement.
Une petit bâtiment inhabité fait face à la mer. Autrefois des femmes y activaient un soufflet pour la corne de brume.
ancien sémaphore maison du gardien la tourelle En face de la tourelle, une petite tour jaune et noire indique aux marins comment appréhender l’approche de l’île. De nombreux rochers, comme les Chiens Perrins, affleurent à marée basse, mais disparaissent à le vue à marée haute. Et comme des courants contraires se rencontrent à cet endroit, la navigation en est rendue plus compliquée et risquée.
Un petit bunker nous informe sur les bateaux qui se sont échoués au fil des années. On dénombre pas moins de 200 épaves autour de l’île d’Yeu, terrain de jeu pour les plongeurs aguerris.
Nous voyons le Grand Phare tout le long de notre promenade sur la côte. Ce n’est qu’en 1829, suite au naufrage d’une gabarre de la Marine Royale, que les pouvoirs publics mirent en œuvre la construction d’un phare de 19m de haut sur le lieu-dit de « la Petite Foule ». Mais l’intensité lumineuse produite par la combustion des huiles se révélant trop insuffisante pour permettre une bonne visibilité, le Grand Phare fut doté en 1895 d’un feu tournant électrique d’une plus grande portée. Le grand phare fut détruit en 1944 par les troupes d’occupation. En 1951, un nouveau Grand Phare est construit, haut de 41 mètres.
le grand phare Le long de la côte des bouées sont placées tous les 500 mètres pour donner un premier geste de secours à un naufragé, pêcheur pris dans une mer tempétueuse, touriste mal renseigné sur la dangerosité des lieux…
Le chemin que nous empruntons aujourd’hui est interdit aux voitures en pleine saison, laissant la place aux nombreux cyclistes et piétons. La population de l’île passe de 5000 âmes à plus de 24.000.
Second arrêt : calvaire de la Pointe du Châtelet. Le panorama vaut le déplacement. Tous les deux ans y a lieu une célébration en mémoire des disparus en mer.
Pointe du Châtelet Depuis la pointe, nous voyons de l’autre côté de l’anse les ruines du Vieux Château. Il fut édifié au XIV°s afin d’assurer la sécurité des insulaires en cas d’invasion étrangère. En 1355, en pleine Guerre de Cent Ans, un mercenaire Anglais parvint à s’emparer de l’île et du Château. L’île sera occupée pendant 37 ans. Du XV° au XVII°s, l ‘île d’Yeu connut de multiples invasions. Edouard IV d’Angleterre dévasta l’île mais le fort tint bon. Vers le milieu du XVI°s, des travaux furent réalisés afin d ‘améliorer le système défensif du château. Une ceinture extérieure en forme de demi-étoile fut érigée côté terre afin de contenir une éventuelle avancée ennemie, tout en protégeant le repli des personnes et des biens vers le château. Ce dispositif défia les espagnols en 1550. Le XVII°s vit le déclin et le démantèlement du château. Il fut classé Monument historique en 1890. Aujourd’hui, quelques réparations permettent de maintenir les ruines debout, le manque d’argent et de documents originaux ne permettent pas sa reconstruction, même partielle.
Ruines du Vieux château Nous traversons un talus végétalisé qui est en fait un mur de l’époque gallo-romaine de protection de la côte.
Talus végétalisé Dolmen & Totem Troisième arrêt : port de la Meule et chapelle Notre-Dame de Bonne nouvelle. Le site est magnifique, ce qui explique que les différents tours proposés passent par ici. Pour la petite histoire :
Deux frères nommés Herbert et Béranger, originaires de Brem-sur-Mer et chefs de guerre se virent confier les terres de l’île d’Yeu au début du XI°s. Ils accordèrent aux moines de l’abbaye de Saint-Martin de Marmoutiers le droit d’y fonder un monastère et entreprirent ensemble la construction de cinq édifices religieux. Ils commencèrent l’édification de l’église Saint-Sauveur et édifièrent quatre chapelles dont seule la chapelle de la Meule subsiste encore. Les marins venaient y prier Notre Dame et implorer sa protection lors de deux pèlerinages qui se déroulaient le lundi de Pâques et le 15 août.
La Meule La chapelle Notre-Dame de Bonne nouvelle La pointe des Corbeaux tiendrait son nom d'une légende racontant qu'autrefois deux corbeaux blancs régnaient sur l'île et rendaient la justice en départageant les plaignants. Pour cela, le plaignant offrait aux corbeaux une tarte aux pruneaux (alors qu’il n’y a pas de pruneaux sur l’île!). Si les corbeaux mangeaient toute la tarte, le plaignant avait gain de cause.
Le tour touche à sa fin, nous quittons la côte pour traverser l’île et rejoindre Port Joinville. Nous passons dans Saint-Sauveur sans nous arrêter, et voyons son église qui fut pendant plus de huit siècles la seule église de l’île. Un peu plus loin, le cimetière où repose Pétain, qui a fini sa vie en tant que prisonnier pour Haute trahison au Fort de Port Joinville.
Retour à Port Joinville
Merci à Véronique pour ce tour original qui nous donne envie de revenir plus longtemps sur l’île d’Yeu une autre fois.
L’heure du déjeuner est arrivée, de nombreuses terrasses sont complètes. Nous trouvons toutefois une table sous parasol (indispensable sous ce beau soleil) à la Crêperie du Port.
Crêpes bretonne et paysanne + caramel et tatin Le repas fut plus que copieux. Il nous reste un peu moins de trois heures pour visiter les alentours. Nous passons par l’office du tourisme récupérer des plans et des explications des points d’intérêts sur Port Joinville et nous nous lançons dans les ruelles vers la Citadelle, également appelée « le Fort de Pierre Levée ». Cette appellation vient du fait qu’à l’endroit du fort, il y avait un haut menhir sur la colline.
Ce Fort doit son existence à Bonaparte, futur empereur, qui envoya en 1803 le général Bertrand sur l’île d’Yeu afin d’établir un plan de défense. Une première redoute de 80m de long et 42m de large fut édifiée à l’Est du Fort actuel. C’est lors du Second Empire, que la citadelle va vraiment voir le jour, en 1858 sous la direction de Napoléon III. Le fort servit donc de défense, mais aussi de prison à plusieurs reprises, en 1871 et en 1945 notamment avec le plus vieux prisonnier du monde, le Maréchal Pétain, âgé de 90 ans, condamné à perpétuité.
Dans le Fort, dont l’entrée est gratuite, deux expositions expliquent la défense du Fort et la vie des prisonniers.
Fort de Pierre-Levée L’objectif suivant est la chapelle St Hilaire ou Notre Dame de la Paix. Avant d’y arriver, nous suivons, curieux sommes nous, la direction de la grotte de Saint Amand. Cette grotte aurait pu servir de cache pour les objets sacrés lors des invasions, ou de crypte à la chapelle du monastère, détruit par les Vikings au IX°s.
Le moine Saint Amand aurait, selon la légende, délivré l’île d’une créature monstrueuse, un serpent à sept têtes qui ravageait inexorablement les cultures. Depuis ce miracle, l’île d’Yeu serait exempte de serpents venimeux !
Grotte Saint Amand Après la destruction par les Normands de la première chapelle, une chapelle votive probablement édifiée au XI°s lui succéda. Sous l’Empire, elle servit de poudrière avant de disparaître au XIX°s. En 1944, à l’initiative de M. le Curé Ponthoreau, les Islais édifièrent sur le site, par leurs propres moyens, une modeste chapelle invoquant Notre-Dame de la Paix, en signe d’espérance.
Chapelle Saint Hilaire Nous poursuivons notre promenade dans les rues aux noms étranges.
girouettes avec option séchoir à poisson Nous sommes de retour au bateau pour un départ à 17h15, dernier de la journée à cette période.
La traversée paraît plus rapide. Nous voyons au loin le continent.
En arrivant à Formentine, nous récupérons la voiture, satisfaits de cette belle journée.