Ce matin, il nous faut partir tôt pour notre rendez-vous avec Olivier à Le Robert pour une promenade en bateau dans la Baie Robert et ses îlets. Nous devons traverser l'île d'Ouest en Est, en passant par la partie montagneuse et humide de l'île. Les lacets se succèdent sur la route ombragée. Un peu plus d'une heure quinze plus tard, nous arrivons au port pour 9 heures.
Le Robert Nous sommes les seuls passagers du Bon Bagay ("bonne affaire"). Olivier nous emmène dans la baie en nous donnant beaucoup d'informations :
- Baie du Robert : du côté atlantique de la Martinique, elle est protégée par une barrière de corail qui protège la baie de l'activité de l'Océan Atlantique, et 2 avancées, la pointe Larose au sud et la pointe Rouge au nord.
Baie du Robert - Nombre d'habitants : un peu plus de 20 000 habitants
- Longueur littoral record : 91 hectares, 8km de long, 5km de large
- nombre d'îlets : 9 dans la baie, 1 juste à l'extérieur. Voici les noms originaux : Petit Vincent, Petite Martinique, Boisseaux, Lougarou, Petit Piton, La Grotte, l'îlet à Eaux, l'îlet Rat, l'îlet Chancel, l'îlet Madame.
îlets du Robert- propriété des îlets à des familles martiniquaise : les îlets appartiennent en majorité aux blancs créoles, descendants des propriétaires de plantations et connus sous le nom de békés.
îlets habités- couleur de l'eau : faible profondeur 2-3m, dont 1 m de vase. Les sédiments proviennent de la mer et des rivières qui se jettent dans la baie
- Loi du littoral et protection : Protection du biotope (2002 et 2005). Il y est interdit de : Prendre ou déplacer des espèces (végétales ou animales, sol ou sous-sol) ; chasser ; créer des sentiers ; d'y effectuer des nuisances (quelque soit le genre, même sonores) ; de camper ; de faire du feu
- histoire de la baie : Aarawaks, Caraïbes, Espagnols, Portugais, Français, esclavagisme
Les Arawaks-Caraïbes sont des Amérindiens originaires de l'Amazonie qui ont vécu dans l'archipel caribéen du 4ème siècle av. J.-C. au 15ème siècle après J.-C.. Ils vivaient essentiellement de l'agriculture notamment le manioc, base de leur alimentation, la pêche et la cueillette. En Martinique, ils vivaient près des cours d'eau (mer ou rivière) généralement sur la côte atlantique de l'île. Ils étaient avant tout des pêcheurs et ils seraient même les inventeurs de la pisciculture qu'ils pratiquaient avec l'aide des marées (marée basse : capture et élevage, marée haute : prélèvement si besoin). Leurs villages étaient si nombreux que la Martinique était considérée comme la capitale des Arawaks des Antilles. Ils étaient également des chasseurs mais de petits animaux (agoutis, iguanes, tortues, lamantins). Lorsqu'ils voient arriver les Européens qui veulent rafler leurs terres, ils tentent d'abord de résister mais une grande bataille en 1658 aura raison d'eux. Ils sont tués ou fuient vers l'île de la Dominique au nord de la Martinique. C'est la fin du peuplement caraïbe en Martinique.
La Martinique a été découvert en 1499, par Christophe Colomb lors de son 4° voyage vers les Indes. Mais ce n'est que le 1er septembre 1635 que les premiers colons français débarquent. S'en suivent de nombreuses guerres de territoires avec les Hollandais, mais aussi avec les autochtones. En 1657, ordre sera donné aux Français de mobiliser toutes leurs troupes pour chasser les Amérindiens du territoire martiniquais. Cette conquête se soldera par une victoire et installera la première vague de colons français.
En arrivant dans les colonies, les colons européens s'accaparent le territoire. Ils entreprennent de cultiver des cultures vivrières, ils défrichent par brûlis de terrains, y plantent des fruits et légumes (manioc, bananiers, poix, patates), construisent une case et y plantent du tabac. A l'époque, le tabac servait de monnaie d'échange, il était troqué contre des produits manufacturiers venus d'Europe, du vin, des engagés et des esclaves. Ces exploitations allaient prendre le nom d'Habitation. Celles-ci comprenaient des terres, des bâtiments tels que les lieux de vie du maître, les cases des esclaves ou les lieux de production et d'exploitation quand c'était nécessaire. Il y avait deux types d'employés sur la colonie : l'engagé venu d'Europe contre un contrat pour une durée limitée et qui a l'issue de son contrat obtenait une cession de terre (Beaucoup de Normands et de Bretons ont signés des contrats et se sont retrouvés soumis à une forme d'esclavage, un grand nombre mourra avant la fin de son contrat), et l'esclave originaire d'Afrique dans le cadre du commerce triangulaire, pour être une main d’œuvre servile sur la plantation. En 1790, les colonies françaises dont figure la Martinique, comptaient 735 000 esclaves installés dans les plantations agricoles. En 1793, la Martinique passe aux mains des Anglais alors que l'esclavage sera aboli en France en 1794. En 1802, la Martinique redevient française. Mais l'esclavage est rétabli par Napoléon Ier, Napoléon Bonaparte.22 mai 1948, fin de l'esclavage en Martinique !
Nous approchons de l'îlet Chancel d'environ 2km². Anciennement îlet de Monsieur, il fut renommé îlet Ramville après son acquisition par Dubuc de Ramville. Depuis son rachat en 1891 par M. Lagrange-Chancel (maire du Robert en 1851), il est nommé îlet Chancel. Il est maintenant la propriété de M.Bally. Nous entrons par la mangrove, sur cette île aujourd'hui connue par les touristes pour les iguanes endémiques, dits des Petites Antilles, qui tentent de faire perdurer leur espèce. Mais c'est aussi l'endroit tristement connu pour le massacre des Caraïbes en 1658. C'est également sur cette île que fut implantée une sucrière et fabrique de briques, dont il reste quelques ruines.
îlet ChancelDans un premier temps, nous cherchons les iguanes sur les branches des palétuviers ou sur le sol. Sur cet îlet, il y a environ 1000 iguanes en liberté. On distingue le mâle de couleur grise, de la femelle de couleur verte. Le sexe de l'iguane à naître dépend de la température. Quelques abris fabriqués par l'Homme ont été disposés pour les aider à se protéger des prédateurs, qui s'attaquent principalement aux œufs, mets de choix pour les rats et les mangoustes. En Martinique, on trouve des iguanes des Amériques (reconnaissables par leur queue rayée), plus robustes et qui a fait disparaître l'iguane endémique.
iguanes des Petites Antilles iguane femelleiguane mâle et iguane femelle Olivier nous emmène à travers les ruines de l'Habitation sucrière et fabrique de brique détruites par les cyclones. L’habitation de l’îlet Chancel était l’une des seules habitations martiniquaises qui regroupaient au 18e siècle une triple activité : habitation sucrière, chauffournerie (Les fours à chaux produisaient la chaux nécessaire à la préparation du sucre et à la construction. La chaux était obtenue en brûlant les coquillages et les coraux nombreux autour de l’îlet) et poterie.
Case-Nègre (habitation des esclaves) et dessins dans le cachot près du four ruines de l'exploitation Olivier nous montre des arbres curieux :
- Le figuier maudit qui pousse sur un hôte (un autre arbre ou un mur) et l'engloutit, ou même à l'intérieur d'un arbre !
Figuier maudit- Le mancenillier (de l'espagnol manzanilla qui signifie « petite pomme », en raison de la forme de son fruit) dont la sève est si acide qu'elle provoque des brûlures au second degré si l'on casse une branche ou une feuille ou si on s'y abrite de la pluie. Il est souvent marqué d'un trait rouge. L'iguane s'en moque, il ne souffre nullement de la toxicité de l’arbre, il mange même les feuilles et les fruits ! Par chance, souvent à ses côtés se trouve un arbre antidote.
Mancenillier - une excroissance sur un tronc
Nous retournons au bateau, pour une baignade dans les fonds blancs du trapèze. Il y a très peu d'eau, et c'est peu dire : nous sommes obligés de nager ou nous laisser porter, sans poser les pieds (50cm à peine près des rochers où on trouve les poissons, coraux, végétaux). L'eau est à 30°C (parfois plus à certains endroits) et on y a pied sur près d’un hectare !
snorkeling dans les fonds blancs du TrapèzeLa séance de snorkeling se termine par un apéritif les pieds dans l'eau, préparé par Olivier, l'occasion de discuter de la région et d'en apprendre un peu plus sur la Martinique et les endroits à visiter.
De retour au port, nous remercions Olivier pour cette sortie instructive et ludique.
Un grand merci à Olivier, Bourg du Robert : +596 696 04 30 38Nous reprenons la voiture pour nous rendre, selon les conseils d'Olivier, à la presqu'île de la Caravelle pour y voir une vue magnifique depuis le phare. C'est tout à côté (en voiture). Nous prenons la direction des ruines du château Dubuc. Mais avant de poursuivre, nous faisons une pause déjeuner au restaurant du phare. Nous nous régalons et la patronne est super gentille, elle nous donne quelques infos sur le château et les sentiers de randonnée. Un client nous invite à nous méfier des arbres acides et à ne pas toucher le fuit ni même à s'abriter en cas de pluie.
Le restaurant Le PhareLa route est très abîmée pour arriver jusqu'au parking. Nous prenons nos tickets et un audioguide. Les explications sont claires, à chaque bâtiment une explication, et nous n'avons aucune peine à imaginer l'importance de cette habitation et son activité.
Un peu d'histoire :
En 1657, Pierre Dubuc, originaire de Dieppe en Normandie, débarque en Martinique pour échapper aux mousquetaires du roi de France, à la suite d’un duel. En récompense de ses victoires contre les indiens, il prend possession de Trinité et de Tartane à partir de 1671 et se lance dans la culture de canne à sucre, café et tabac. La famille Dubuc prospère, et quelques années plus tard, c’est Louis Dubuc du Galion, le petit-fils de Pierre, qui reprend l’habitation de 250 hectares, baptisée "habitation la Caravelle" qui deviendra le château Dubuc. Le domaine domine la mer.
La situation, l’importance et les activités du château Dubuc en font une demeure au passé sombre… Sous ses airs de grande habitation sucrière du XVIIIe siècle, on y soupçonne certains agissements de contrebande, des trafics de marchandises et d’esclaves. Certains indices rendent évidentes les pratiques clandestines qui s’y sont déroulées : entrepôts surdimensionnés par rapport à la sucrerie, coffres, cachots d’esclaves…
Abandonné après le passage du cyclone désastreux de 1766, le château Dubuc, situé sur la réserve naturelle de la Caravelle, protégé et géré par le Parc naturel régional de la Martinique (PNRM), est classé parmi les monuments historiques depuis 1992.
Ruines du château Dubuc 1. Cuisine 2. Maison principale4. cachots ou entrepôts 5. Fontaine et bassin 6. Case à eau à citerne à jarres7. moulin à bête circulaire à gauche avec l'aire de repos du bétail et 9-10-11-12. Chaudières à sucre à droiteVue sur 13. la vinaigrerie, la distillerie et 9. la sucrerie depuis la maison principale16. Purgerie et 17. étuves (pour laisser égoutter le sirop du sucre) 14. Embarcadère ( A l'époque, tous les échanges se faisaient par la mer) 21. Four à chaux22. Entrepôts Partie caféière
23. Glacis de séchage du café 24. Moulin à café HôpitalLe micro-musée explique :
- les Arawaks, Caraïbes et premiers Colons à la Caravelle
- les Dubuc, du Marigot à la Caravelle
- l'Habitation sucrière La Caravelle vers 1750 : matières premières, sucrerie, distillerie
- la vie sur l'Habitation, l'esclavage
- le déclin, la faillite, ouragans et révolution
Micro musée nos compagnons lors de la visite du siteAttention aux Mancenilliers, nombreux sur le site.
Etape suivante : le chemin vers le phare de la Caravelle et la table d'orientation : 30mn sous le soleil et ça monte pas mal.
Sur le chemin, nous entendons du bruit dans les feuilles mortes au fur et à mesure que nous marchons. Ce sont des Bernard l'Hermite qui tentent de se cacher. On en trouve couramment en Martinique, à proximité des plages, dans la mangrove, ou même à la campagne parfois. Il naît à l'état de larve dans la mer, et s'adapte pour vivre sur terre. Mais si l'avant de son corps est doté d'une carapace similaire à celle des crabes, la partie arrière est molle. Il doit donc habiter une coquille vide qu'il trouve sur la plage et en changer régulièrement en fonction de sa croissance.
Bernard l'HermiteAvant d'arriver au Phare, quelques panneaux nous permettent de faire une petite pause et de nous rafraîchir un peu.
Encore un petit effort, et nous y sommes !
Phare de la Caravelle (en activité de 1862 jusque 1970)Vue panoramique à 360°
Vue panoramique à 360° La descente plus facile, d'autant plus que le soleil a commencé sa descente.
Après cette très belle journée, nous allons nous rafraîchir à la plage de Tartane.
Coucher de soleil sur la plage de Tartane Quelqu'un a éteint la lumière, la nuit s'est drapée d'un noir très profond. Nous rentrons à notre logement en prenant garde aux nids de poule, avec un passage à l'épicerie pour le repas du soir.
Le Prêcheur, haut lieu de la révolte anti-esclavagiste