Je quitte ce dimanche matin le Family campground, non sans avoir dit au revoir au pluvier kildir (merci Gilles !) qui monte la garde auprès de son nid en essayant d'éloigner les curieux.
Je continue toujours sur l'unique (pour le moment) route des Outerbanks, la highway 12, vers le nord. Et déjà un pont impressionnant, le Jug Handle long de 3,9 km, pour relier Pea Island. Ce pont, tout récent (2022) contourne une partie de l'île et remplace une portion de la highway 12 qui était trop souvent emportée par les eaux ou recouverte par le sable, isolant les habitants.
La suppression de l'ancienne route et des sacs de sable qui la bordaient a aussi été un choix "écolo" pour protéger et restaurer l'habitat naturel des tortues et oiseaux nicheurs.
La 2eme est une photo aérienne d'InternetOn m'avait dit d'être très prudente, car il y aura beaucoup de circulation ce week-end du Memorial day, mais pour l'instant je ne me plains pas. Et puis la bande de droite est suffisamment large et en bon état.
Un peu plus loin, on voit clairement que le sable gagne inexorablement sur la route, formant de jolis dessins dans la dune.
Et de larges portions de plage sont fermées pour protéger les nidifications.
Un peu plus loin, encore un énorme pont enjambe l'Oregon Inlet, un passage entre l'océan et le Pamlico sound. Celui-ci est également récent (2019), il est encore plus long que le précédent : 2,8 mi, soit 4,5 km, et surtout plus haut, car il y a une navigation importante dans ce détroit.
Ici le phare de Bodie Island
Nags head est aussi une ville balnéaire, pas vraiment différente des précédentes.
Depuis Nags head, vu que j'ai du temps devant moi, je vais m'éloigner de mon parcours pour aller sur l'île de Roanoke, vers l'ouest cette fois, où se trouve le site historique de Fort Raleigh.
Un petit musée raconte l'installation des premières colonies anglaises dans le Nouveau Monde de 1584 à 1590 et l'histoire mystérieuse de the lost colony :
La colonie de Roanoke fut le tout premier établissement anglais en Amérique, financé et organisé par Sir Walter Raleigh pour le compte d'Élisabeth 1ère d'Angleterre dans les années 1580.
Après 2 premières expéditions pour coloniser cette région baptisée Virginie (en hommage à Élisabeth 1ere d'Angleterre, the Virgin queen, car elle ne s'est jamais mariée), trois navires sont partis d'Angleterre en mai 1587 y pour fonder une colonie de peuplement avec 110 colons, surtout des fermiers et des artisans, y compris 18 femmes. La fille de White, chef de l'expédition et gouverneur de la future colonie, donna naissance à Virginia Dare, premier enfant anglais né sur le sol des futurs États-Unis, le 18 août 1587.
White retourna en Angleterre en septembre 1587 pour convaincre les autorités d'envoyer de nouveaux colons et surtout du matériel. Mais à son retour 3 ans plus tard – car, par suite de l'attaque de l'Invincible Armada sur les côtes anglaises, tous les bateaux étaient réquisitionnés –, cette colonie avait disparu sans laisser de traces, restant pour toujours la colonie perdue de Roanoke, qui a inspiré de nombreux films ou séries (comme la tempête du siècle de Stephen King)
Des recherches archéologiques et génétiques, toujours en cours, tentent de connaître le sort de cette colonie perdue, et plusieurs hypothèses sont émises : cause naturelle (ouragan, maladies, famine), attaques (des Indiens ou des Espagnols), départ volontaire pour une autre destination ?
Pendant l'été la pièce the lost colony est jouée tous les soirs ici dans un théâtre en plein air.
3 siècles plus tard, cette ile sera le site de l'installation d'un autre type de colonie : la colonie des affranchis (the Freedmen's colony) :
Un an après le début de la guerre de Sécession, l'île de Roanoke est prise par les forces de l'Union et la nouvelle se répand dans toute la Caroline du Nord que les esclaves pouvaient trouver un « refuge sûr » sur l'île. A la fin 1862, plus d'un millier d'esclaves en fuite, d'hommes, femmes et enfants affranchis, y trouvèrent refuge, puis y construisirent des églises et créèrent la première école gratuite pour les enfants noirs, rejoints par des enseignants missionnaires du Nord.
Après avoir appris toutes ces choses, je commence à réfléchir à un lieu pour mon campement du soir.
Aucun camping à proximité qui accepte les tentes, très peu d'hôtels (chers !), j'imagine d'abord rester là et m'installer sur le site de Fort Raleigh en bout de la péninsule, qui sera désert après la fermeture.
Cette petite plage me parait d'abord idéale jusqu'à ce que je me fasse attaquer par une demi-douzaine de grosses mouches qui piquent comme des taons.
Je cherche encore des possibilités dans les bois, avec mes amis les écureuils pas farouches, puis finalement je ne le sens pas, c'est trop loin de tout.
Je repars vers la petite ville de Manteo, prospecte sans conviction à proximité des églises, de la bibliothèque ... jusqu'à ce que je demande carrément à la fire station si on m'autorise à monter ma tente derrière leur batiment.
Le chef ne me dit pas un non catégorique, mais pense que c'est pas une bonne idée, que je passerais une mauvaise nuit, car ce sera très bruyant à chaque sortie d'intervention. Un des pompiers me suggère d'aller demander à l'église baptiste, car il y a un service du dimanche soir.
Et là, bingo ! Je suis super bien accueillie par les paroissiens, particulièrement par Pam. Le responsable me donne sa carte et un " laisser passer" qui m'autorise à rester cette nuit sur le terrain de jeux (au cas où la police me tracasse), et je suis invitée à me joindre à l'office de 18h30. "Pas besoin de te changer" me dit Pam, qui m'a gardée une place à côté d'elle.
Et pendant l'office, sur sa proposition, le pasteur convie toute l'assemblée à prier pour moi, et pour que je continue mon voyage en toute sécurité.
Tout le monde est adorable, après l'office, j'ai 7 ou 8 dames autour de moi qui m'interrogent sur mon voyage. Et cherry on the cake, on me laisse le temps d'utiliser la douche avant la fermeture des portes.
Je n'en reviens pas de cette gentillesse et générosité qui arrivent juste au bon moment !
Je passe donc une nuit en toute sécurité sur le terrain de jeux dépendant de l'église baptiste de Manteo.