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3 participants
Nous sommes 4 compagnons partageant le goût du voyage et du défi sportif, à la découverte des pays andins de Lima à Ushuaïa, à vélo pendant 4 mois en complète autonomie sur routes comme sur pistes.
Du 31 octobre 2018 au 28 février 2019
121 jours
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Chiloé est une île au sud du Chili, ce pays qui s'étire le long du Pacifique, du désert d'Atacama au nord jusqu'à la pointe du continent et le mythique Cap Horn au sud. Je vous donne la définition du pays telle que la formule Sylvain Tesson : "Le Chili ? un cigare de 4.000km dont le bout incandescent s'appelle la Terre de Feu", bien trouvé !

L’île de Chiloé est longue de 200km pour 50 de large et nous la parcourons en 3 jours, sur la Ruta 5, la principale (et quasi unique) route revêtue qui la traverse du Nord au Sud.

Mais ne brûlons pas les étapes et reprenons par le début.

Depuis le 26 décembre, terme de la 1ère partie de notre voyage, nous avons passé deux semaines merveilleuses avec les « Daltonettes » Anne, Christine et Françoise. D’abord à Mendoza en Argentine, puis à Valparaiso et enfin à Santiago, deux villes seulement éloignées de 120km l’une de l’autre, au centre du Chili. La 1ère étant communément considérée comme le port de la seconde.

C’est de Santiago que nous repartons, Los Quatro Daltones, après avoir retrouvé Patrice, tout juste revenu de son court séjour au pays. Le samedi 12 janvier en début de soirée nous embarquons pour une « petite » nuit de bus à destination de Puerto Montt, point de départ de la Carretera Austral. Celle-ci est une route/piste qui traverse la majeure partie de la Patagonie chilienne sur 1240km vers le sud. Mais nous ne l’empruntons pas immédiatement car notre 1er objectif est déjà de rejoindre Chiloé.

Dimanche matin nous sommes devant le terminal de bus de Puerto Montt, face au Pacifique, occupés à remonter nos vélos. L'embarquement pour Chiloé se fait depuis le petit port de Pargua, à 60km au Sud-Ouest de Puerto Montt….par autoroute, néanmoins accessible aux vélos ! Cette perspective ne nous enchante guère. Nous décidons de suivre la côte, quitte à augmenter sensiblement le kilométrage et de devoir même parcourir une vingtaine de kilomètres sur une route non goudronnée. Qu'à cela ne tienne, nous ferons une partie du trajet (60km) le dimanche après-midi jusqu'à Calbuco et la suite, d'abord jusqu'au ferry puis, une fois passés sur l'île, jusqu'à Ancud le lendemain.

Il fait un temps splendide pour nos deux premiers jours de reprise et le cadre est magnifique. Devant nous les eaux bleu profond du Pacifique et au deuxième plan les cônes des volcans recouverts de neige, dont un laisse même échapper un panache de fumée qui le coiffe en permanence. Sur l'eau c'est un ballet d'embarcations de bonnes tailles, du chalut de pêche au cargo de vrac. Nous sommes heureux de retrouver nos bicyclettes et de rouler dans ces paysages même si la route joue à saute-moutons d'une colline à l'autre sans nous laisser trop de répit. Ainsi il nous faudra plus de 4h30 pour couvrir la distance jusqu'à l'hébergement du dimanche soir sur la côte et près de 6h30 le lendemain pour les 80km jusqu'à Ancud, 1er port de l'île sur notre parcours. Là nous installons nos tentes dans un camping de rêve sur une falaise au-dessus des flots. La vue sur le large est splendide avec, ici où là, quelques îles ou presqu'îles. Le terrain sur lequel nous campons est joliment arboré d'essences méditerranéennes et fleuri de gros bosquets de rhododendrons. Nous le partageons avec un couple d'allemands et leurs deux jeunes enfants à l'autre extrémité du camping. Autant dire que nous sommes (presque) seuls au monde !

Mardi 15 nous quittons Ancud par le sud à destination de Castro, grande bourgade au centre de Chiloé et port principal de l'île. Il fait aujourd'hui beaucoup moins beau que les jours précédents et dès 6h du matin quelques averses éparses viennent mouiller nos tentes. Nous voici prévenus. Nous pédalons néanmoins les deux premières heures au sec. Par la suite nous essuyons des grains jusqu'au soir et arrivons à destination après 85km, trempés de la tête aux pieds. Pas de surprise en vérité, Chiloé est connue pour être fréquemment et abondamment arrosée. De même que la Patagonie qui nous attend plus bas. Il va falloir nous habituer !

Il ne nous reste plus que la journée de mercredi sur l'île car nous devons attraper le ferry de 6h jeudi matin à Quellòn, sur la côte sud-est de Chiloé. Dans le cas contraire, nous resterions bloqués jusqu'au dimanche soir et perdrions quelques précieuses journées dans notre progression vers la Patagonie.


Los Quatro Daltones Acte II, c'est (re)parti ! 


1ère occupation dès notre arrivée, remonter nos vélos. Derrière nous, le terminal de bus de Puerto Montt fait face au Pacifique


nous quittons Puerto Montt en longeant le pittoresque port de plaisance


un volcan couronné de neiges éternelles (nous sommes en été) toujours en activité


Ceux-là sont éteints et copieusement enneigés 


1er ravitaillement, Patrice a ramené de Marseille des navettes, miam !


Un passage pentu et délicat sur la piste, bref mais raide, avec la pratique nous en franchirons bien d'autres plus conséquents.


Après une nuit à Calbuco nous atteignons Pargua, pour un petit casse-croûte vite avalé avant de monter sur le ferry de Chiloé 


Plus tard dans la journée nous franchissons les derniers kilomètres avant l'arrivée sur Ancud , jolie bourgade au Nord de l'île


A Ancud nous trouvons un campement paradisiaque au dessus de l'océan 


Avec un emplacement de rêve au bord d'une petite falaise. A peu de distance au-dessus, l'hôtel auquel est rattaché notre camping


Une vue à 180° du hamac où je me prélasse : nos 4 tentes en bord de falaise droit devant , les îles sur l'océan de part et d'autre
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L'île de Chiloé est réputée pour ses églises et chapelles construites en bois pour la plupart. Elle en a compté jusqu'à 200 à l'époque où elle était colonisée par les Jésuites. Aujourd'hui 16 sont classées au Patrimoine mondial de l'Unesco. La plus ancienne date de 1730. Celles que nous avons pu visiter, elles sont malheureusement très souvent fermées en dehors des offices, sont très joliment décorées. Par exemple ornées de maquettes de bateaux suspendues au plafond. Le bois est le matériau le plus utilisé sur l'île, largement couverte de forêts. Les maisons traditionnelles de pêcheurs, les palafitos, sont construites sur pilotis. Ce sont également des maisons en bois, comme la plupart des nombreuses fermes que nous voyons dans la campagne depuis la route. Outre le tourisme et la pêche - le Chili est le deuxième producteur mondial de saumons derrière la Norvège - Chiloé est essentiellement tournée vers l'agriculture et l'élevage, moutons principalement sur la terre ferme, saumons dans les parcs du Pacifique. La pomme de terre, qui serait originaire de l'île, et le ramassage des algues, exportées vers le Japon pour les sushis, sont incontournables. Enfin concernant la météo, on peut dire qu'à Chiloé, quand il ne pleut pas toute la journée, c'est qu'il y fait beau plusieurs fois par jour !

Nous finissons notre traversée de l'île le mercredi en fin d'après-midi à Quellòn, petit port à l'extrémité de la Ruta 5. Cette route, plus connue sous l'appellation de Panaméricaine, partie d'Anchorage en Alaska se termine ici, à Quellòn, après avoir traversé tout le continent américain, ça fait rêver, non ?

Jeudi matin à 6h30, avec un peu de retard (or nous patientons sur le môle depuis 5h), nous embarquons pour 4 heures de traversée à destination de Chaitén, autre petit port en Patagonie celui-là, sur la Ruta 7, autrement dit la Carretera Austral !

L'église San Francisco de Castro, d'un beau jaune rehaussé de violet sur les clochers et les toits, intégralement en bois
l'intérieur en bois doré de l'église
l'église de Nercòn date de 1890
là encore tout est en bois, beaux piliers marbrés et maquettes de bateaux au plafond


Les palafitos, maisons traditionnelles de pêcheurs construites en bois sur pilotis, ici à Castro


Le soleil se lève sur la baie de Quellòn, nous quittons l'île de Chiloé. Droit devant notre destination, la mythique Patagonie.


Patagonia !



Le volcan Corcovado (2290m) bien reconnaissable depuis Quellòn, à 100km de là


La petite bourgade de Chaitén nous accueille. Ici commence pour nous l'aventure sur la Carretera Austral !
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Nous arrivons en Patagonie le jeudi 17 janvier dans la matinée. Nous sommes à Chaitén, sur la Carretera Austral (Ruta 7) au km200. Le km0 correspond à Puerto Montt au Nord. Nous installons nos tentes au camping, en fait dans le grand jardin d'une maison qui fait également hôtel. Nous organisons rapidement une excursion, à pied pour changer, au volcan Chaitén. Situé à plus de 20km au nord, un guide nous y véhiculera en début d'après-midi pour une ascension jusqu'au cratère en 2h30 aller-retour. Le 2 mai 2008 ce volcan éteint, depuis 300 ans pour les uns ou 9000 ans pour les autres (!), s'est réveillé brutalement et a récidivé 4 jours plus tard. Ces deux explosions, sans coulée de lave, ont projeté des roches et des cendres jusqu'à 20km de haut. La poussière a atteint Buenos Aires à près de 1500km au Nord-Est. Chaitén a été complètement recouverte. Un dôme de 1km3 s'est formé dans l'ancien cratère. Malgré la décision de créer une nouvelle ville plus loin, les habitants sont revenus et ont reconstruit leur cité, qui vit maintenant à l'ombre d'un volcan constamment surmonté d'un inquiétant panache de fumée.


les fumerolles s'échappent du nouveau cratère 


un dôme de 1km3 de roches et de cendres s'est formé dans l'ancien cratère 


le rio en contrebas s'écoule jusqu'au Pacifique


Los Daltones sur le volcan


au 1er plan la pente dévastée du volcan, au fond le superbe panorama de montagnes enserrant un lac


en rentrant nous passons par la très belle plage de sable noir de Santa Barbara


sur laquelle joue un petit groupe d'enfants (l'eau est à 5° environ)


Le lendemain, vendredi 18 janvier c'est le grand départ vers le Sud. Nous avons plus de 1000km à parcourir sur la Ruta 7 à travers la Patagonie. Parfois route parfois piste, cet itinéraire fascine autant qu'il est redouté. Merveilleux par les paysages traversés, il est craint pour son profil éprouvant fait d'une succession de côtes ardues, par la présence de vents violents souvent contraires accompagnés de pluies abondantes et par les difficultés supplémentaires à rouler sur des routes non revêtues d'asphalte mais uniquement recouvertes de cailloux de bonne taille, le ripio. La bonne surprise c'est que nous ne sommes plus seuls ! Nous rencontrons de nombreux cyclistes, roulant dans le même sens que nous ou venant du Sud en direction de Puerto Montt. Dès le 1er jour à Chaitén puis tous les jours suivants, ils sont nombreux à rouler, souvent par deux mais également en solitaire ou par petit groupe, comme nous. Des hommes mais aussi bon nombre de femmes, plutôt jeunes mais également des seniors, des Sud-Américains - Chiliens, Brésiliens, Argentins - et aussi des Américains et des Européens dont pas mal de Français. Toutes ces rencontres sont vraiment très sympas. Mais nous resterons bluffés par une famille française de Clermont-Ferrand, les parents et leurs trois adorables petites filles de 9, 7 et 5 ans, partis de Lima en avril 2018 avec 2 tandems et un vélo d'enfant pour 1 an de voyage à travers le Pérou, la Bolivie, l'Argentine et le Chili. Les rencontrer a été un vrai petit moment de bonheur et on ne peut qu'être très impressionnés par ce qu'ils sont en train de réaliser.

Nous en sommes aujourd'hui au 4ème jour de vélo sur la Carretera Austral. Jusqu'à Villa Mañiguales nous avons parcouru 340km dans un décor fabuleux mais au prix d'efforts importants pour toutes les raisons exposées plus haut. Nous savons que nous ne sommes pas au bout de nos peines, la route est encore très longue et les difficultés à venir nombreuses. Mais les exemples que nous avons sous les yeux ne peuvent que nous inciter à vivre cette aventure jour après jour avec toujours plus d'enthousiasme et d'envie.

vendredi matin, départ du camping de Chaitén


non nous ne partons pas en bus, nous prenons notre (excellent) petit déjeuner au food-bus !


il fait très beau ce 1er matin et nous sommes éblouis par les paysages et la végétation foisonnante 


Tout est tellement magnifique, nous ne nous lassons pas de prendre des photos


Les montagnes enneigées sont légion, au fil de la Carretera


Ce qui frappe également c'est l'absence de toute présence habitée hors de quelques cabañas ici ou là


L'eau coule en abondance, rios, torrents, cascades et lacs


Les vallées s'enfoncent dans un monde minéral chargé de mystères


A midi nous pique-niquons, après un petit bain revigorant dans le lac


L'après-midi s'écoule et les kilomètres s'enchaînent, 110km seront effectués ce jour là


Le soir venu nous trouvons un très bel emplacement au dessus de la rivière pour dresser nos tentes et bivouaquer


faire griller nos saucisses sur le feu et improviser un dîner revigorant


avant d'aller dormir sous la pleine lune qui rend fluorescente la neige des montagnes environnantes
Le lendemain c'est toujours grand beau temps, nous sommes gâtés par le ciel


Les paysages nous enchantent encore et encore


Chaque virage de la route nous révèle de magnifiques points de vue



sur une nature vierge d'une beauté sauvage


A midi nous croisons cette belle famille de cyclo-voyageurs (ses), en les écoutant avec Patrice nous sommes bluffés


Leurs 2 tandems jaune bien chargés, chaque adulte accompagnant un enfant


et le 3ème vélo, que les filles se passent à tour de rôle, lui aussi lesté de 3 sacoches


Nous sommes fiers de poser avec cette famille formidable


Plus tard dans l'après-midi nous faisons connaissance avec la route non revêtue, le ripio


et terminons cette belle journée à Puerto Puyuhuapi, notre halte au fond du fjord le samedi soir
3ème jour de beau temps d'affilé, de quoi bien profiter de ce magnifique fjord sous le soleil matinal


Pour immortaliser ça, Christian est prêt à prendre tous les risques



Le temps s'est couvert, nous ne verrons pas le glacier suspendu, noyé dans une mer de nuages d'où dégringolent les cascades


Sur la route aussi les conditions se sont dégradées


La pluie s'est mise de la partie, rendant la chaussée glissante


mais nous gratifiant plus tard d'un très bel arc en ciel sur une prairie de boutons d'or
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Vendredi 1er Février 2019 – Villa O’Higgins

Voilà nous y sommes ! Après exactement 15 jours depuis notre départ de Chaitén, nous arrivons aujourd’hui à Villa O’Higgins, au bout du bout de la Carretera Austral. Ici pour tous les voyageurs le choix est simple : soit monter sur un bateau et continuer vers l’Argentine par ses propres moyens, soit rebrousser chemin et remonter vers le Nord. Pour nous aucun doute, nous continuons. Nous avons déjà réservé nos places sur le bateau avec nos vélos, départ lundi matin à 8h30 pour une traversée de 5h sur le lago O’Higgins. Aubaine, le bateau nous emmène préalablement à proximité du glacier éponyme, de belles émotions en perspective, d'autant que la météo est annoncée au beau fixe pour les jours à venir !

Nous bénéficions donc d’un week-end complet dans la cabaña louée ici pour l’occasion. Ce repos bien mérité tombe à pic. En effet nous n’avons pas arrêté depuis 2 semaines : près de 1.100km et plus de 14.000m de dénivelé+ dont la moitié sur une mauvaise piste (le ripio) avec des conditions climatiques éprouvantes, pluie et froid, en particulier la deuxième semaine. Notre progression a cependant été régulière à défaut d’être rapide. Sur le revêtement de terre et de gros gravier la moyenne horaire n’excède pas 11 à 12km/h dès que le relief devient accidenté. Chaque jour le dénivelé+ est dans une fourchette de 1000 à 1400m du fait d'une succession de plus ou moins courtes montées qui nous font mal aux jambes. Imaginez un peu, à part un unique passage de col à plus de 1000m, notre altitude est toujours restée entre 100 et 500m sur tout le parcours. En outre l'adhérence sur le ripio est parfois limite ce qui provoque quelques sueurs froides et nous oblige à une vigilance quasi permanente. Dans ces conditions notre pratique quotidienne s’apparente bien au VTT avec des efforts brefs mais répétés qui font monter brutalement le rythme cardiaque et qui, au fil de la journée, usent le cycliste.

Mais qu’importe, nous évoluons dans un cadre tellement extraordinaire qu’il mérite amplement tous les efforts accomplis.

Bonheur et fierté sont les sentiments qui prédominent à notre arrivée dans cette petite ville mythique au bout de la Carretera
Notre cabaña pour le week-end, maison en bois comme toutes les habitations ici, la plupart de plein pied


Dans un cadre de montagnes, toutes plus belles les unes que les autres, qui nous environnent


Les glaciers sont tout proches


La ville s'étend dans une vallée fermée par un lac, frontière naturelle entre Chili et Argentine

L'étape 3 nous avait laissés le lundi 21 janvier à Villa Mañiguales, petite bourgade sans âme seulement connue des pêcheurs de truites qui en ont fait un de leurs camps de base pour sa proximité avec quelques rivières poissonneuses de l'arrière-pays.

Le mardi 22 nous partons pour Coyhaique à 91km de là, dernière grosse bourgade au centre de la Patagonie reliée par une vraie route, une des dernières avant longtemps. Il fait beau et le rythme est bon toute la matinée. Après le pique-nique de midi pris sur de jolis petits bancs de bois bleus, la route s’élève et l’arrivée à Coyhaique est précédée de quelques ascensions bien raides. Nous arrivons fatigués et contents de trouver un petit hostal au calme car en retrait de la rue fort bruyante en cette fin d’après-midi. Peu après arrivent un cycliste et sa fillette sur un vélo électrique improbable, une invention bricolée que n’aurait pas reniée Gaston Lagaffe lui-même !


Un vélo doté de 3 panneaux solaires, une batterie à chargement direct développant 500w et beaucoup d'autres aménagements

Le lendemain nous coupons notre étape après une belle journée d’efforts, nous sommes en pleine montagne, facilités d’abord par un fort vent favorable qui le deviendra beaucoup moins par la suite. Nous nous arrêtons dans un superbe camping au cœur de la forêt de la réserve nationale Cerro Castillo à 1100m d’altitude. Il est géré par deux jeunes Chiliens qui ont remporté l’appel d’offre de concession pour 4 ans. Ils ne ménagent pas leur peine pour en faire un endroit très plaisant et bien équipé, avec douche chaude entre 19 et 22h et pain fait maison sur commande pour le dîner. Nous retrouvons un peu plus tard un couple d’écossais d’Edinburgh déjà rencontrés précédemment, véritables globe-trotters voyageant 6 mois par an depuis des années et ayant parcouru la planète dans tous les sens ! Nous les verrons repartir à l’aube le lendemain, faisant preuve d’une organisation parfaitement rodée.


Emplacement accueillant avec table et bancs mais aussi cabane pour dîner à l'abri du vent et… disposer sa tente pour la nuit 


avec beaucoup d'espace pour planter nos tentes à bonne distance les unes des autres

Le jeudi 24 au matin le vent a repris de plus belle. La route descend en lacets vers Villa Cerro Castillo or nous devons forcer sur les pédales pour contrer la violence du vent. Nous mettons 2h1/2 pour parcourir les 37km qui nous séparent de la petite ville. Nous croisons un cycliste français, même vélo que nous, même tente ! Il vient d’Ushuaïa qu’il a quitté il y a 45 jours et s’est donné 8 mois pour atteindre la Colombie. Il nous parle du vent de folie qu'il a affronté plus au sud en Patagonie..

Nous faisons des courses pour 2 jours, prenons un hamburger dans le food-bus puis repartons. La route monte sévèrement, nous avançons difficilement toujours vent de face et avec la pluie de surcroît. Après 12km nous trouvons un camping, louons une cabaña, la pluie redouble et ne s’arrêtera plus jusqu’au lendemain. Nous arrêtons là pour aujourd’hui, demain est un autre jour…


dans la descente vers Villa Cerro Castillo


de belles courbes à négocier pour atteindre la vallée à l'arrière-plan

Vendredi 25 janvier : du camping Los Ñires jusqu'à Villa Bahia Murta - 90km en 7h45. Départ à 8h sous la pluie qui ne nous quittera pas de la journée sinon peut-être la dernière heure. Une longue étape nous attend, elle sera couverte à près de 12km/h de moyenne. C’est notre 1ère journée de piste (ripio) intégrale. Il fait froid, 4 degrés, et il a neigé très bas dans la nuit, les montagnes sont saupoudrées de blanc. Dès la première côte nous arrivons sur un chantier, la route est déviée, les ouvriers préparent les explosifs pour faire sauter un pan de montagne. Peu après nous affrontons une bourrasque de neige, nous sommes à 560m d’altitude ! Elle ne dure pas, remplacée par la pluie. Plus loin nous faisons une belle rencontre avec 3 cyclistes, un jeune couple suisse et une américaine, en virée depuis 3 mois comme nous. Encore un peu plus loin ce sont deux automobilistes qui se sont fait une belle frayeur, leur pick-up est sur le flanc dans le fossé, vraisemblablement après un tête-à-queue suivi d'un tonneau. Plus de peur que de mal mais le voyage s’arrête là pour eux. Quelques kilomètres encore et Michel réalise qu’il a perdu sa tente, tombée du porte-bagages. Elle n’est pas loin là-bas au milieu de la piste, heureusement aucun camion n’est passé dessus entre-temps. Nous profitons d’une petite accalmie pour pique-niquer près d’une rivière. La pluie reprend, une cabane bien venue nous permet de terminer nos agapes à l’abri. Nous ferons plus de kilomètres que prévus pour finalement arriver non loin de Puerto Pacifico, la ville étape prévue initialement en 2 jours. Nous trouvons une cabaña correcte sur le lac Général Carrera à 4km de la piste.


Malgré la dynamite 


le trafic routier continu.., les p'tits cyclistes ne sont pas à la fête, les grands non plus !


Les piquets à droite matérialisent la piste sous la neige hivernale, donnant une idée de la hauteur de neige accumulée au sol 

Samedi 26 janvier : de Bahia Murta à Puerto Rio Tranquilo - 31km en 2h35

Nous partons à 9h30 sur du mauvais ripio. Nous avons 24km à parcourir le long du lac, sur une piste en montagnes russes par une belle matinée ensoleillée. Aujourd’hui c’est l’anniversaire de Patrice, il a soufflé 1 bougie au petit déjeuner. A midi nous partagerons le gâteau, toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête, nous n’allons pas manquer celle-là. Inspirés par le nom de la localité, nous décidons de vivre « tranquilo » et nous nous installons dans un joli petit camping au soleil. L’après-midi nous faisons une virée en bateau rapide, 75cv, sur le lac Général Carrera vers des falaises de marbre, Capilla de Mármol, sculptées par l’érosion. Elles sont l’attraction du secteur avec une expédition alléchante vers un glacier dans la Valle Exploradores. Malheureusement pour atteindre ce dernier une journée complète d’excursion est nécessaire. Il aurait fallu être là dès le matin. Un court moment nous envisageons de programmer la sortie le lendemain, mais les prévisions météo ne sont pas bonnes. Elles annoncent beaucoup de pluie pour les prochains jours avec retour du beau temps pas avant le 1er février. Nous voilà prévenus !

A Bahia Murta devant le lago General Carrera, un chien malicieux (Rantanplan ?) est passé au moment du déclenchement de la photo


Le bord du lac (le plus grand du Chili) en direction de Puerto Tranquilo



Un panorama en cinémascope !


Arrivée sur Puerto Tranquilo


Camping tout ce qui a de plus "Tranquilo"


Les falaises et grottes de marbre "Capilla de Mármol"


Certains(es) y vont en kayac, Grand C préfère la barque

Dimanche 27 janvier : de Puerto Rio Tranquilo à Puerto Bertrand 68km en 6h et 1212m de dénivelé +

Nous nous mettons en route à 8h sous la pluie annoncée. Le ripio est fort en gros gravillons donc très pénible et traître pendant la plus grande partie du trajet. Nous avons parfois le vent de face avec de fortes bourrasques et s’il ne fait pas vraiment beau nous n’avons au final qu'une pluie éparse. A midi nous faisons un arrêt peu après Rio Leon, pour déjeuner dans une cantina pas encore inaugurée et non répertoriée sur le parcours. L’accueil de la jeune femme qui tient l’établissement aidée de son neveu (11ans) est très sympathique. Moyennant un peu d’attente bien compréhensible, elle nous prépare d’excellentes linguines avec de délicieux champignons locaux, sorte de morilles de par l’aspect. Nous repartons ragaillardis sur notre mauvaise piste. Plus tard nouvelle halte cette fois pour une rapide baignade dans le Lago Bertrand, fraîche mais revigorante. A Puerto Bertrand nous passons la nuit dans une petite hostal sur le môle, face au Rio Baker aux eaux d’une couleur turquoise exceptionnelle.

En route vers Puerto Bertrand par lacs.. 


et forêts


Remarquez le superbe tablier de notre excellente cuisinière, à droite avec son neveu
Nous nous rapprochons toujours un peu plus des montagnes et des glaciers



La piste ne nous laisse que peu de répit


C'est un décor de rêve, où de rares hôtels de luxe se sont implantés,



que nous découvrons de mieux en mieux au fur et à mesure de notre ascension


En contrebas, Puerto Bertrand est établi sur le Rio Baker dont la couleur turquoise rappelle celle des glaciers tout proches

Lundi 28 janvier : de Puerto Bertrand à Cochrane, dernière petite bourgade avant le terme de la Carretera Austral. 48km – 900m de dénivelé+ en 4h45

Nous suivons le Rio Baker presque toute la matinée, d’abord sous les arbres puis dans des gorges encaissées où le fleuve tourbillonne, impressionnant par ses remous et ses rapides. Arrivés à Cochrane vers 13h nous déjeunons d’un repas d’empanadas succulents puis nous nous installons dans une modeste maison particulière où la propriétaire nous laisse investir sa cuisine pour, une fois les courses faites, préparer notre dîner.

Mardi 29 janvier : de Cochrane nous partons vers Caleta Tortel que nous ne pourrons pas atteindre le soir même. Nous devons trouver pour la nuit un emplacement pour bivouaquer, aucun camping n’est mentionné sur les cartes. Nous roulons la plus grande partie de la journée au milieu de la forêt primaire, un superbe parcours largement arrosé de pluie. Après 73km, plus de 1000m de dénivelé+ en un peu plus de 6h de piste, nous trouvons un terrain ouvert, la plupart sont clôturés tout le long de la route, où nous nous installons pour la nuit. Il y a même un abri sous lequel nous pouvons faire du feu et nous sécher voire nous réchauffer. Il s’agit en fait d’un camping sommaire chez un bûcheron sympa qui nous donnera accès à sa salle de bain pour une bonne douche chaude avant la nuit, super !

Le lendemain, sous la pluie, nous terminons notre parcours de 53km vers Caleta Tortel, petit port pittoresque dont les maisons sur pilotis sont reliées entre elles par des passerelles en bois qui quadrillent le versant d’un vallon au-dessus du fjord. Nous retrouvons le Rio Baker dont c’est l’embouchure sur le Pacifique. Nous louons une cabaña pour nous abriter et faire sécher nos affaires, toutes bien détrempées par ces deux journées successives de pluie.

Le long du Rio Baker, un arc en ciel nous promet une belle journée sous le soleil


La Confluencia est la rencontre spectaculaire des Rio Baker et Rio Neff


La route épouse les sinuosités du Rio 


Le cours d'eau tumultueux disparaît dans des gorges encaissées, pour mieux s'élargir ensuite et réapparaître apaisé


Nous tombons nez à nez avec des guanacos, proches des lamas mais non domestiqués. Ceux là ne sont pas spécialement craintifs



Depuis ce matin nous grimpons (presque) tout le temps, suffisamment pour apprécier la totalité du panorama déployé sous nos yeux


Le Rio Baker s'écoule sur 200km, depuis le Lago Bertrand jusqu'au Pacifique à Caleta Tortel


Arrivée à Cochrane, un des rares panneaux sur le parcours (pas jeune celui-là)



Le lendemain nous nous dirigeons vers Caleta Tortel


dans une nature vierge, primitive, au bout du monde
Au bivouac un bon feu nous réchauffe sous l'abri tandis que nos vêtements s'égouttent à l'extérieur


Heureusement nous pouvons compter sur l'étanchéité parfaite de nos tentes


Cheval probablement sauvage entre marais et forêt


Sur cette piste nous aussi avons un peu l'âme de pionniers


Les chalets sur pilotis de Caleta Tortel, au fond d'un fiord sur le Pacifique, à l'embouchure du Rio Baker

Jeudi 31 janvier, nous repartons sous la pluie pour notre dernière étape, en 2 jours, vers Villa O’Higgins. 73km aujourd’hui entrecoupés d’une heure de ferry pour traverser le Fiordo Mitchell.

A cette occasion nous trouvons le moyen de louper le bateau, Patrice et moi. Prévu à 15h le ferry se présente avant 14h pour repartir sans crier gare 10’ plus tard, nous laissant pantois tous les deux sur le quai. Il reviendra une bonne heure plus tard et nous retrouverons à bord nos deux compères, Christian et Michel, qui ont préféré rester au chaud dans le bateau plutôt que de nous attendre sous la pluie de l’autre côté du lago ! Après cet épisode mouvementé nous reprenons notre route pendant 3h avant de trouver un terrain non marécageux entre la piste et le rio pour dresser notre campement (merci Christian et Patrice pour le feu), préparer un bon repas (merci Michel) et vite trouver refuge sous nos tentes respectives pour échapper à une nième averse.

Le lendemain, vendredi 1er février nous parcourons en 5h30 les 68km (dénivelé+ 1000m) qui nous séparent de Villa O’Higgins, terme de cette randonnée patagonienne inoubliable !

Lacs, rivières, cascades, sources, averses, l'eau est partout en abondance


le ferry arrive et..repart sans Patrice ni moi !


Nous repartons pour les 100 derniers kilomètres de la Carretera Austral


avec un ultime bivouac, humide


mais bien appétissant et reconstituant


Cependant le temps ne se prête pas à une longue veillée autour du feu, hasta mañana !


Le lendemain matin nous repartons sous un ciel très bas, dans la grisaille
sur un parcours encore bien accidenté


Ce sont parfois des pans entiers de la montagne qui se détachent, menaçant d'ensevelir la piste




Plus loin avec le soleil c'est le retour de la lumière 


et de paysages tout de suite plus paisibles


Le silence règne, même le vent a désarmé 



Au loin nous apercevons des habitations, c'est Villa O'Higgins au bout de la piste, la fin de la Carretera Austral !
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Lundi 4 février de Villa O’Higgins (Chili) à Lago del Desierto (Argentine)

A 7h nous quittons notre cabaña en direction du petit embarcadère de Puerto Bahamondez à 7km de Villa O’Higgins par la piste. L’horaire du bateau est prévu à 8h30, nous avons rendez-vous à 8h et ce matin il n’est pas question d’être en retard et de risquer de louper le départ : nous allons à la rencontre du Gran Glaciar O’Higgins sur une autre extrémité du lac avant de nous faire déposer sur le sol argentin pour la suite de notre périple. Malgré l’heure matinale une bonne trentaine de cyclistes convergent, comme nous, vers le petit port en lisière de forêt. En réalité deux bateaux de deux compagnies concurrentes sont prévus à la même heure. Il est 8h15 et nous n’avons vu toujours personne de la compagnie avec laquelle nous avons fait affaire. Plus inquiétant nous constatons que tous les autres cyclistes sont en cours d’embarquement sur l’autre navire qui ne tarde pas à larguer les amarres, nous laissant bien seuls sur le quai ! Il est près de 8h30 quand un minibus s’arrête sur le parking tout proche. En descend une douzaine de personnes dont nos deux pilotes. Ouf, l’enregistrement des passagers et le chargement des vélos peut commencer, nous pouvons respirer. Une demi-heure plus tard le bateau est prêt au départ. Equipé de deux moteurs puissants il ne tarde pas à refaire son retard sur le premier parti. Nous filons sur le lac à bonne allure, laissant sur place l’autre navire. Comme annoncé le temps est splendide et en fin de matinée, pendant une bonne heure et demie, nous allons évoluer dans des eaux où flottent d’énormes blocs de glace puis devant le front d’un glacier de taille impressionnante. Magnifique spectacle qui nous en met plein la vue.

Sur le petit port nous attendons avec impatience de pouvoir embarquer alors que le 1er bateau gagne déjà le milieu du lac


Enfin c'est notre tour de monter à bord avec nos vélos
sous un ciel sans aucun nuage  la "croisière" s'annonce magnifique


Nous nous approchons des premiers blocs de glace qui flottent à la surface


blocs de plus en plus gros


puis c'est le glacier tout entier qui ferme l'extrémité du lac


Il est temps de trinquer au Jack Daniel refroidi avec les glaçons prélevés sur le glacier


Sous le soleil le glacier absorbe toute la lumière

Comme prévu, le bateau nous débarque peu après sur une autre partie du lac où nous reprenons nos vélos avec lesquels nous nous présentons à la douane chilienne pour les formalités de sortie du pays. Ensuite commence la partie délicate de la « promenade » qui doit nous amener jusqu’à la douane argentine à une vingtaine de kilomètres de là. Aucune route par ici, juste un méchant chemin escarpé sur 15km côté Chili suivi d’un simple sentier de montagne sur 6 km dans la forêt, côté Argentine. 21km (avec 720m de dénivelé +) de galère pour des vélos alourdis de sacoches que nous tirons, poussons, portons selon les cas avec d’énormes difficultés. Quand nous avons l’opportunité de monter sur la selle nous risquons à tout moment de chuter, ce qui arrivera à chacun d’entre nous et pour certains à plusieurs reprises. Nous sommes cependant merveilleusement payés de nos efforts lorsque, sur la partie terminale du sentier, depuis un promontoire aménagé, subjugués nous découvrons barrant l’horizon la silhouette reconnaissable entre toutes du Cerro Fitz Roy, mythique sommet andin à la puissance dégagée tout simplement incroyable. Il se situe à une bonne cinquantaine de kilomètres de là mais cependant il impressionne déjà. Encore quelques obstacles à franchir et enfin, après plus de 4h d’efforts, nous débouchons dans une jolie clairière en bord de lac, le lago del Desierto, occupé d’un côté par la petite douane argentine et de l’autre par un paisible camping où nous retrouvons avec plaisir bon nombre des cyclistes partis le matin même de Villa 0’Higgins.

« il n'y a plus qu'à » suivre la flèche pour rejoindre le prochain camping sur le lac argentin 
La progression sur le chemin est harassante  
Nous cherchons le passage à travers les nombreux obstacles 
pataugeant dans l’eau des torrents  
À chacun son style ! 
La forêt est très belle mais nous ne sommes pas dans les meilleures conditions pour l’apprécier  
Le Cerro Fitz Roy nous apparaît au loin comme le formidable aboutissement de tous nos efforts 
nous atteignons le camping où tous les cyclistes finissent par arriver à un moment ou à un autre, créant une ambiance amicale 
A la nuit tombée, c’est avec recueillement que chacun regarde émerveillé le coucher de soleil sur la montagne mythique 
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Mardi 5 février, de Lago del Desierto à El Chalten

Après une bonne nuit réparatrice dans cette belle clairière en bord de lac , nous attendons paisiblement 11h et le bateau qui doit nous amener sur la rive opposée afin de rejoindre El Chalten, au bout d’une piste de 37km parcourue à vélo entre forêt et rio. El Chalten est La Mecque du trekking en Argentine, ici appelé andisme, une petite ville très sportive favorisée par un environnement de montagnes et de sites remarquables, falaises d'escalade, rivières encaissées, belvédères, glaciers, tous plus spectaculaires les uns que les autres, à commencer par le fameux Fitz Roy que tous les alpinistes (très) chevronnés rêvent de grimper un jour. Nous sommes convenus de rester une nuit supplémentaire ici. Dès notre arrivée, une rapide visite au centro del turismo nous a permis de choisir une excursion à la journée pour le lendemain. Ce sera une belle marche dans la forêt pour s’approcher au plus près du massif emblématique de la station. En attendant nous nous installons dans un petit hôtel du centre-ville, lequel est déserté par les randonneurs dans la journée mais très animé et festif dès la fin d’après-midi et la soirée. Nous nous sentons bien à notre place ici. Nous sommes simplement (un peu) plus vieux que la moyenne des nombreux marcheurs croisés sur les sentiers et les pistes mais nous ne leur concédons rien sur l’engagement dans l’activité sportive, excursions en montagne ou à vélo (nous croisons avec bonheur bon nombre de nos jeunes collègues cyclistes sur le massif dans la journée ou autour d'une bière le soir). Les nombreux kilomètres parcourus dans les Andes, au Pérou comme en Bolivie, nous ont permis de faire le plein de globules rouges et nous avons de l’énergie à revendre sur cette fin de voyage. Tant mieux, nous allons en avoir bien besoin pour la suite…

Vue sur la vallée du Rio Eléctrico qui s'étend entre le lago del Desierto et El Chalten


Depuis le sentier qui grimpe vers "La Montagne qui fume (El Chalten)" 3405m, nom donné par les indiens peuplant la région à l'orig...


Les lagunas de Los Tres et Sucia au pied du Fitz Roy, toutes deux alimentées par d'imposants glaciers 


La vue au Sud, avec en arrière-plan l'immense Lago Viedma que nous longerons demain en repartant pour El Calafate


Le Cerro Torre (3102m) autre sommet emblématique du Parque Nacional Los Glaciares argentin

Jeudi 7 et vendredi 8 février de El Chalten à El Calafate

Nous reprenons la route jeudi matin, ravis mais un peu frustrés par notre trop court séjour à El Chalten. Mais un autre beau rendez-vous nous attend 220km plus au Sud, l'immense glacier Perito Moreno, site incontournable également dans le Parque Los Glacieres. La matinée file comme le vent qui nous pousse généreusement le long du Lago Viedma, 80km sont avalés à vive allure. Nous avons mangé notre pain blanc pour les deux journées de cette longue étape. En effet d'une orientation Sud-Est jusqu'au bout du lac, la route bascule bientôt au Sud-Ouest. Nous voilà maintenant fortement ralentis par un vent d'Ouest, pas vraiment contraire mais déjà bien gênant. Néanmoins nous continuons jusqu'au kilomètre 135, établissant ainsi un nouveau record de distance journalière pour notre quatuor. Nous trouvons un sympathique endroit verdoyant le long du Rio Leona pour établir notre campement pour la nuit.


Sur la route du Sud, un dernier regard en arrière sur El Chalten, ville et montagne à jamais indissociables dans nos mémoires


La Ruta 40 serpente sur un vaste plateau désertique pendant une centaine de kilomètres
Un bivouac apprécié après une longue journée de 7h en selle


A l'abri du vent mais néanmoins bien emmitouflés pour le dîner 


la vaisselle n'est cependant pas pour autant négligée

Le lendemain, après une nuit bien froide, nous repartons de bonne heure afin de profiter encore un peu de la clémence toute provisoire du vent. Nous avons 50km à faire sur la route de la veille suivis, et nous le redoutons, d'un parcours de 32km plein Ouest pour atteindre El Calafate.

Vous l'ignorez peut-être, c'était mon cas jusqu'il y a peu, mais la Patagonie s'étend du 39ème au 55ème parallèle. Or la nuit dernière nous étions exactement sur le 50ème. Les 50èmes rugissants, ça vous dit forcément quelque chose. A nous aujourd'hui ça dit énormément !

Quand au bout de 3h de vélo ce matin là, nous abordons le carrefour qui doit nous faire basculer à l'Ouest, nous avons déjà compris : ce qui nous attend maintenant nous ne l'avons jamais connu avec une telle intensité auparavant. Le vent est établi en Sud-Ouest et souffle avec une force extraordinaire, rien ne lui résiste. Nous essayons de nous organiser, de rouler en file indienne avec l'intention de prendre des relais. Peine perdue, dès les premiers mètres parcourus nous sommes dispersés sur la route. En toute première urgence chacun doit veiller à rester sur le bitume tant la force du vent de travers nous envoie dans le fossé. Ensuite coûte que coûte il faut essayer d'avancer. Nous sommes arc-boutés sur nos machines, vigilants à l'extrême pour, vaille que vaille, tenter de suivre la ligne blanche qui matérialise le bord de la chaussée. Si par malheur vous laissez le vélo prendre le sens du vent, alors il accélère instantanément vers le bas-côté, devient incontrôlable et c'est la chute assurée. Et dire que nous avons plus de 30km à faire dans ces conditions ! Les premiers kilomètres sont éprouvants à l'extrême, il nous semble que nous n'en verrons jamais le bout. Dégoûtés autant que découragés deux d'entre nous vont même baisser les bras, lever le pouce et terminer le parcours en pick-up. Cependant depuis quelques kilomètres, avec Patrice, nous avons réussi à nous organiser. Nous avançons très lentement mais néanmoins régulièrement en nous relayant à tour de rôle face au vent. A force d'efforts conjugués nous finirons par atteindre El Calafate après 3h30 de lutte pied à pied. Ce soir là, la bière traditionnellement partagée tous les quatre, aura une saveur toute particulière.


De l'autre côté du Lago Argentino, la petite ville de El Calafate, point de départ vers le glacier Perito Moreno
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Arrivés en toute fin d'après-midi du vendredi à El Calafate, nous trouvons une cabaña pour 2 nuits dans le prolongement de l'avenue principale, non loin du centre-ville. Bien que touristiques toutes les deux, il règne dans cette ville une ambiance bien différente de El Chalten. Ici ce serait plutôt le tourisme international haut de gamme à destination du Parque Los Glacieres et de sa principale attraction, le glacier Perito Moreno. Le soir les nombreux restaurants chic, dont beaucoup sont concentrés sur l'Avenue Libertador, sont fréquentés par une clientèle aisée que l'on peut observer à travers de larges baies vitrées donnant sur des intérieurs à la décoration recherchée et de bon goût. Dans les vitrines également l'asado de cornero traditionnel cuit sur des broches (agneau grillé, délicieux !) pour mettre l'eau à la bouche des passants et les inciter à entrer. Le flux des touristes arrive par la route mais également beaucoup par avion et les navettes entre l'aéroport et la ville sont fréquentes. Ensuite il faut se rendre au Parque Los Glacieres, situé à 80km de là. De nombreuses agences touristiques proposent de vous y emmener, en bus mais également en rejoignant un embarcadère pour une découverte du glacier sur le lac.

Pour nous ce sera le samedi 9 février en prenant le bus à la gare routière de la ville, formule la plus économique, pour peu que l'on soit matinal et muni de son passeport (pas de passeport pas de billet !) Le parcours dure une heure. A mi-parcours environ le bus pénètre dans l'enceinte du parc et tous les passagers doivent s'acquitter d'un droit d'accès. Les contrôleurs du parc montent une 1ère fois dans le bus pour collecter l'argent (en liquide) auprès de chaque visiteur (700 pesos argentin soit environ 17€). Ils repartent pour revenir une 2ème fois un peu plus tard, remettre à chacun le billet d'entrée imprimé dans l'intervalle. Si vous souhaitez payer par carte de crédit, c'est à vous de descendre du bus pour aller au bureau vous acquitter du montant dû en échange de votre billet. On a connu organisation plus simple. Une fois sur place, plusieurs parcours en lisière de forêt sur d'harmonieuses passerelles en bois, vous permettent de découvrir le glacier Perito Moreno en de nombreux endroits, selon des angles de vue et des hauteurs différents. Et là le spectacle est total. Tout d'abord ce qui frappe c'est la masse impressionnante du glacier (5km de large, jusqu'à 70m de haut sur la partie frontale) et sa couleur, ensuite les grondements et craquements incessants de la glace et enfin le bruit sourd quand des pans entiers tombent dans le canal en contre-bas générant d'énormes gerbes d'eau et de glace mêlées et des départs de vagues qui se répercutent longuement à la surface (voir la vidéo ci-dessous). Le public, et nous avec, se presse dans l'attente qu'un gros bloc se détache, espérant que telle ou telle faille dans le front de glace cède là, à l'instant sous nos yeux, et que l'ensemble s'écrase avec fracas 50 à 70m plus bas. Difficile de s'arracher au spectacle !

Le lendemain, quittant El Calafate, nous reprenons notre marche en avant en direction du Sud. Du dimanche 10 au mardi 12 février nous roulons à destination de Puerto Natales, petite ville capitale de la région Ultima Esperanza au Chili. Nous avons un long parcours de 270km à effectuer, les deux premiers jours sur la Ruta 40 qui traverse un plateau désertique en Argentine, bivouacs en bord de route incontournables pour deux nuits consécutives, puis le troisième jour au Chili , après avoir passé la frontière à proximité du réputé Parque Torres del Paine.


Notre cabañas à El Calafate, toute simple construction en bois au toit de tôle


avec, depuis le jardinet, une très belle vue sur la lagune et ses oiseaux, flamands rose et canards notamment


Nous visitons le petit musée sur la Patagonie, mais Michel semble être en bien mauvaise posture….


Une première vue d'ensemble du Perito Moreno permet de prendre conscience de sa masse 


Le glacier avance de 2 mètres environ par jour, cas très rare sur la planète de nos jours





On guette la faille qui, en cédant, va précipiter un pan de glace dans l'eau


la partie la plus active du glacier correspond à la partie la plus étroite du canal entre les deux lacs 
Le Perito Moreno en activité
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Du 10 au 12 février, de El Calafate (Argentine) à Puerto Natales (Chili)

En quittant El Calafate nous refaisons dans l'autre sens, mais avec l'aide du vent cette fois-ci, les 32km parcourus l'avant-veille afin de reprendre notre progression vers le Sud sur la Ruta 40. Progressivement nous délaissons la pampa et le Lago Argentino pour accéder à un plateau désertique que nous parcourons dans un air fortement rafraîchi par l'altitude et les rafales de vent qui nous pénalisent. Au lieu-dit El Cerrito, au km94, le parcours direct nous fait prendre une piste de mauvais ripio sur plus de 60km. Nous décidons d'attendre le lendemain pour nous y engager. Le vent est toujours très violent et nous n'avons aucun moyen de nous abriter sinon un petit bâtiment d'une société d'entretien des routes vers lequel nous nous dirigeons. Avec l'accord du gardien nous installons nos 4 tentes à l'abri sous le hangar. Nous serons les premiers d'une série qui verra se présenter successivement un couple en vélos couchés, suivi de trois anglais et encore un peu plus tard d'un dernier arrivant ! L'avantage avec les cyclistes c'est qu'ils dînent tôt et qu'ils ne demandent pas leur reste pour aller se coucher. Aussi l'extinction des feux est la même pour tous.


En accédant sur le plateau on découvre au loin les sommets enneigés, l'extrémité du Lago Argentino et notre route dans la Pampa


Nos tentes sont bien calées et arrimées sous le garage ouvert à tous les vents


Pour le repas nous partageons le maigre espace au fond de l'abri avec les autres cyclistes, regroupés devant le pick-up


A gauche le vélo couché, à droite le campement s'improvise

Le lendemain nous prenons la piste et c'est parti pour 62km pénibles. Vent, poussière, graviers et cailloux, tôle ondulée, trous et ravines au sol, il ne manque rien pour rendre notre progression difficile. Nous enchaînons ensuite sur une bonne route mais la fatigue est là, bien présente. Néanmoins nous parcourons encore une vingtaine de kilomètres avant de décider, faute de mieux, de bivouaquer sur le bord de la route, nous roulons depuis près de 8h30.

un aperçu de la piste..


et de l'état de mon pneu, neuf lorsque nous avons repris la route au départ de Puerto Montt le 13 janvier




le soir nous nous sommes bien rapprochés des montagnes du Parc Torres del Paine (Chili)


le coucher de soleil embrase le ciel et plus tard dans la nuit nous aurons un beau coucher de lune entre les montagnes



Après la frontière chilienne nous prenons la Route du Bout du Monde (Ruta 9) pour Puerto Natales, capitale de l'Ultima Esperanza


Le mardi 12 en fin d'après-midi nous atteignons Puerto Natales (Chili), en trois jours nous venons de parcourir 272km éprouvants

Du 14 au 15 février, de Puerto Natales à Punta Arenas puis Porvenir (Terre de Feu)

Après une journée de repos le mercredi, nous repartons jeudi matin pour Punta Arenas, pied au plancher avec un fort vent favorable. A midi, avec 70km au compteur, nous nous octroyons une halte dans une belle posada en bord de route. En fin de journée nous atteignons Villa Tehuelches après une journée record à 146km en 9h d'efforts.

une auberge non indiquée sur nos cartes routières mais particulièrement appréciée


avec le peu de relief notre progression de l'après-midi sera nettement plus laborieuse, la faute à un fort vent contraire
notre hébergement donne sur un potager généreusement planté de rhubarbe, la confiture maison du petit déjeuner sera excellente

Le vendredi 15 nous reprenons de plus belle la route de Punta Arenas, dernière ville à l'extrémité sud du continent américain, qui sera atteinte en début d'après-midi après 100km. Nous filons directement au port pour embarquer sur le ferry qui nous fait traverser le Détroit de Magellan et atteindre la Terre de Feu, à Porvenir où nous passons la nuit.


La ville de Punta Arenas (Chili) sur le Détroit de Magellan


Après 2h de traversée nous débarquons à Porvenir (Chili), début de notre parcours en Terre de Feu


A gauche notre hébergement au Backpacker et à droite une vue de la petite ville
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La Terre de Feu est une île partagée entre le Chili et l'Argentine. Elle est séparée du continent par le Détroit de Magellan, long de plus de 600 km, qui relie les océans Atlantique et Pacifique. En arrivant par l'Ouest, depuis Punta Arenas, nous l'abordons par la partie chilienne. Nous allons la traverser en direction de la côte Atlantique à l'Est, en passant pour la dernière fois la frontière vers l'Argentine à San Sebastian. C'est la 5ème fois que nous franchissons cette frontière, la 6ème ce sera quand nous quitterons définitivement le pays lors de notre retour en France.

Ce matin du samedi 16 février nous sortons de Porvenir par la piste côtière le long du Détroit de Magellan. Nous sommes encore à près de 500km de notre destination finale, que nous atteindrons après avoir contourné une bonne partie de l'île par l'Est. La première ville de notre parcours est Rio Grande, en Argentine, à 300km de là. Nous partons avec des provisions et de l'eau pour trois jours sans savoir ce que nous trouverons d'ici là.

Nous parcourons près de 80km sur la piste balayée par le vent, plutôt favorable aujourd'hui, sans rencontrer quiconque sinon un pêcheur et ses chiens lors de notre petite pause déjeuner à l'abri d'une cabane, face à la mer. Notre bivouac le soir sera morose tant le site, légèrement en retrait de la piste, est sale avec des bris de verre éparpillés un peu partout. Mais les quelques arbres présents sont notre unique abri contre le vent toujours aussi violent. Nous allumons néanmoins un feu pour nous réchauffer le temps du dîner puis nous filons sans tarder dans nos tentes rejoindre nos duvets.

Le lendemain, après une vingtaine de kilomètres, nous trouvons en bord de piste un petit refuge, bien nommé le refuge des 4 vents, nous donnant beaucoup de regrets de ne pas avoir poursuivi encore un peu notre parcours la veille. Ce cabanon de bois a abrité bien des cyclo-voyageurs depuis des années si l'on en croit les nombreuses inscriptions, les croquis et les témoignages sur toutes les parois intérieures, dans toutes les langues ! Nous y rencontrons Felipe, un jeune cycliste brésilien sympathique et volubile, que nous retrouverons à plusieurs reprises dans des circonstances particulières.

Nous faisons un crochet de 32km aller/retour pour aller voir la seule colonie de Pingouins Roi hors de l'antarctique, implantée en Terre de Feu depuis quelques années. Au passage nous trouvons une très belle estancia et, comme l'heure du déjeuner est déjà bien sonnée, nous nous arrêtons pour profiter d'un confort haut de gamme dont nous sommes peu familier ces derniers temps !

Peu après nous rejoignons une route asphaltée pendant 50km jusqu'au poste frontière de San Sebastian. Nous quittons définitivement le Chili. Mais nous ne savons vraiment pas où passer la nuit or avec plus de 100km au compteur pour la journée nous avons notre compte. Nous en sommes là de nos questionnements lorsque réapparaît Felipe, notre nouveau copain brésilien, tout sourire. Il nous apprend que la douane argentine met à notre disposition une petite salle à l'intérieur de ses locaux. Nous pouvons y faire un peu de cuisine et étendre nos matelas, nous avons même accès à une douche chaude ! Nous serons 9 voyageurs(ses) à profiter de l'aubaine, français, brésilien, argentin, chilien et allemand.

En piste pour notre dernière semaine de vélo, le long de la Bahia Inutil..


ainsi nommée par les navigateurs car pas assez profonde ..


et sans débouché pour les bateaux


la colonie de pingouins roi
De nombreux témoignages laissés par les cyclo-voyageurs dans le cabanon des 4 vents, souvent sur des parcours hors normes


Un peu plus tard nous garons nos vélos devant l'estancia Josephina



nous profitons du calme, du confort et de la chaleur des lieux 


le temps d'une pause déjeuner très classe !


Journée des contrastes car le soir nous dormons à même le sol dans un dortoir improvisé à la douane argentine de San Sebastian

Aujourd'hui lundi 18 février, nous avons 80km à parcourir pour rejoindre Rio Grande, ville industrielle sur l'Atlantique où nous pourrons faire halte et nous approvisionner en prévision des derniers jours jusqu'à Ushuaïa. La ville n'a pas grand intérêt, nous trouvons un petit hôtel aux chambres exigües mais avec douche et eau bien chaude, c'est bien l'essentiel pour nous. Ushuaïa occupe toutes nos pensées, maintenant à 210km à peine.

Premier panneau routier sur notre parcours indiquant le kilométrage pour Ushuaïa, ¡arriba!


Plus loin nous croisons des gauchos conduisant un troupeau de moutons, Christian va les saluer

Mardi 19/02 nous sommes en route pour Tolhuin à 105km de Rio Grande, toute dernière bourgade avant le terme de notre long voyage. Nous partons sous un ciel plombé dans un paysage désolé. La forêt est rongée de lichen, il y en a sur les arbres jusqu'à l'extrémité du tronc et des branches. Il fait froid, à peine quelques degrés, nous pique-niquons debout au bord de la route, tout juste abrités par une petite baraque de chantier fermée mais dont l'auvent nous protège quelque peu du vent et de la pluie qui s'est mise à tomber. A Tolhuin, village paisible en bordure de lac , nous trouvons un petit hôtel pour cyclistes, construction de bois pleine de caractère, agencée et décorée avec goût et en même temps très fonctionnelle. Bien chauffée, nous faisons sécher toutes nos sacoches et leur contenu détrempé pendant que nous filons à la douche. Plus tard, alors que nous cherchons un endroit pour dîner, nous sommes hélés par Felipe depuis le seuil d'une boulangerie-cafétéria, il a trouvé quelques compatriotes brésiliens avec qui partager le repas et passer la soirée. Décidément on ne se quitte plus !

les arbres semblent bien mal en point 


la casa de ciclistas à Tolhuin, un lieu "habité" bien apprécié

De Tolhuin nous avons un peu plus de 100km pour atteindre Ushuaïa. Nous décidons de faire étape à mi-parcours, près d'un lac, pour dîner autour d'un bon feu de camp et passer une dernière nuit sous la tente. Il sera toujours temps d'arriver jeudi, rien ne presse maintenant que le but est à portée de main. De plus en agissant ainsi, nous arriverons en ville en milieu de journée et nous aurons du temps pour chercher un hébergement adapté pour la durée de notre séjour. En effet nous avons 5 jours à passer sur place avant le départ de notre avion.

Nous partons le mercredi matin par grand vent et les prévisions météo ne sont pas bonnes, la neige est annoncée sur le parcours. Le paysage a changé, nous longeons une très belle forêt et les montagnes ne sont plus très loin. Il pleut, tout est gris et il fait de plus en plus froid. Nous sommes trempés et transis. En arrivant à hauteur du lac où nous devons camper notre détermination en a pris un coup, le camping dans ces conditions ce n'est pas très engageant ! Nous passons à hauteur de deux petites constructions en bord de route, face au lac. Ce sont une Gendarmerie et les locaux de la Défense Civile. Or quelqu'un nous fait des grands signes là-bas devant un des bâtiments. C'est Felipe, notre copain cycliste, qui a tôt fait de nous inviter à le rejoindre à l'intérieur pour se réchauffer ! Il nous apprend que la neige tombe dru un peu plus haut dans le col à une dizaine de kilomètres de là et que les hommes de la Défense Civile qui travaillent dans les bureaux à côté, lui ont fortement recommandé de ne pas continuer pour l'instant. Ils reçoivent des informations en continu sur l'évolution de la situation sur le terrain et ce n'est pas engageant ni pour la fin d'après-midi ni pour le lendemain matin. En attendant nous apprécions la chaleur de la pièce et nous commençons à nous détendre. Les heures passent, il n'est plus question de repartir d'ici ce soir. Gendarmes comme Défense Civile se mettent en quatre pour nous être agréables. On nous offre du café, on cherche des solutions pour la nuit. Finalement nous pourrons tous les cinq étendre nos matelas dans une annexe où est stocké du petit matériel. Un appentis délabré derrière les bureaux, froid et peu engageant mais au sec ce qui est déjà beaucoup. Nous nous préparons une grosse casserole de pâtes dans la cuisine de la DC et nous dînons tous les cinq paisiblement, tout en faisant mieux connaissance avec Felipe à qui nous devons une fière chandelle cette fois encore !

A gauche la pièce dans laquelle nous nous sommes réfugiés (Felipe est assis) et à droite notre cabane pour la nuit 

La nuit sera froide mais supportable et à l'aube nous sommes prêts pour le dernier parcours vers Ushuaïa. Nous nous élançons en direction du col dans un décor en noir et blanc irréel. Plus nous montons plus la neige blanchie la route et les bas-côtés. Le passage du col est hasardeux mais nous passons prudemment et bientôt nous pouvons aborder la descente. Sur l'autre versant le ciel est plus clair, les montagnes sont magnifiques. Bientôt nous arrivons à USHUAÏA

le lendemain matin nous partons tôt malgré la neige, nous voulons passer le col coûte que coûte


un ciel complètement bouché et une végétation parsemée de neige font penser que ces photos sont en noir et blanc


ou nuances de gris, comme on veut !


Nous avons passé le sommet et nous nous regroupons pour la descente. Christian mène le train et s'assure que tout va bien derrière
Patrice dans le passage du col 


un petit lac dans un écrin serti de neige


Dans la vallée 20km avant l'arrivée nous retrouvons le soleil et la couleur !


les formes de la montagne semblent accentuées par la fine pellicule de neige qui la recouvre, à peine tombée déjà glacée


l'arrivée monumentale, assez laide il faut le dire, donne malgré tout des frissons aux voyageurs qui en ont rêvée depuis 4 mois



Grande joie et soulagement pour tous les quatre, on l'a fait !