Avant de commencer et pour vous accompagner dans la lecture de cette étape, je vous propose - si le cœur vous en dit - une petite immersion en musique qui vous mettra dans l'ambiance de ce petit archipel qu'est le Vanuatu. Montez le volume, voici l'hymne de ma semaine, et c'est parti pour le Pacifique ! (laissez juste la musique, la vidéo n'a pas d'importance... 😉)
Alors, entre nous, j'ai plus ou moins découvert le Vanuatu en Nouvelle-Zélande, plus particulièrement quand je travaillais dans les vergers de pommes. Pourquoi là ? Parce qu'à chaque fois on y avait des collègues qui en étaient originaires pour faire la saison de cueillette avant de rentrer au pays. Moins connu que ses voisins Nouvelle-Calédonie, Fidji ou Samoa, le Vanuatu s'éparpille sur plus de 80 îles au milieu du Pacifique et au moment où j'ai cherché à échapper à l'hiver néo-zélandais, l'idée m'a séduit d'aller découvrir ce petit pays !
En descendant sur le tarmac de l'aéroport, je suis surpris par le terminal sur lequel est écrit en lettres capitales "Aéroport de Port-Vila". Puis, pour rejoindre mon premier motel, le conducteur (après quelques mots en anglais) commence à me parler français quand je lui dis d'où je viens... Je me gratte la tête pour comprendre cette bizarrerie, je ne pense pas avoir atterri en France... Mais après quelques rapides recherches, tout s'éclaire. Avant l'indépendance du pays en 1980, l'archipel (alors appelé Nouvelles-Hébrides) était géré conjointement par l'Angleterre et la France et les deux langues sont restées officielles, en plus du bislama local. Après en réalité le français reste quand même largement minoritaire, et parlé comme seconde langue par les personnes qui ont fait un peu d'études.
Cette petite parenthèse linguistique terminée, j'ai une bonne journée pour découvrir la capitale Port-Vila. Même si on est en "hiver" (on parle plutôt de saison sèche ici), la chaleur est étouffante dès qu'on s'éloigne un peu du front de mer. Si la ville n'a rien de très charmant, l'ambiance du centre est assez plaisante avec un grand marché ouvert jour et nuit et où certaines des familles venant vendre leurs produits passent la semaine sur place, dormant sur le sol pendant plusieurs jours avant de retourner à leur village. Malgré la taille modeste de la capitale, ça fourmille dans tous les sens avec un ballet incessant de vans qui permettent de se déplacer partout. Pas de ligne de bus ici, on arrête le chauffeur comme en stop et pour la broutille de 150 vatus (à peine plus d'1€), il nous emmène à l'adresse qu'on indique (souvent après avoir trois fois le tour de la ville pour déposer les autres passagers...). Sinon c'est toujours plein de monde dans les rues, on y croise des gens avec des iguanes sur l'épaule, des musiciens qui mettent l'ambiance à côté du marché, mais surtout beaucoup de gens qui prennent leur temps, posés sur un banc... C'est relax, le rythme des îles 😀
Port-Vila j'y reviendrai, mais avec ce trip au Vanuatu, j'avais envie de passer un peu de temps hors des sentiers battus et des hôtels avec piscine. Réputée pour l'authenticité de la culture traditionnelle, mais aussi pour avoir l'un des volcans actifs les plus accessibles du monde, Tanna s'est vite imposée comme l'île à découvrir parmi les 83 bouts de terre de l'archipel.
Retour à l'aéroport donc, pour faire le saut de puce depuis la capitale. On monte dans un petit coucou d'à peine 30 places qui, après le décollage, stoppe sa montée juste au-dessus des nuages, de sorte qu'on voit encore toutes les vagues en dessous de nous. J'ai la chance d'avoir le siège 1A, place de choix avec vue directe sur le cockpit vu qu'il n'y a pas de porte nous séparant des pilotes ! L'arrivée est géniale, je suis aux premières loges pour l'atterrissage... Mais quand les hélices de l'avion s'arrêtent de tourner, ce n'est pas encore la fin du voyage pour moi. J'ai réservé un petit bungalow dans un village près du volcan, soit de l'autre côté de l'île. Je retrouve mon conducteur et monte à bord d'un gros pickup. La voiture est toute grise, pleine de poussière, et on m'explique que le volcan est entré en éruption la veille, dégageant de gros nuages de cendres qui ont recouvert tous les chemins, les plantes et les feuilles à des kilomètres à la ronde. Pas de doute, le volcan est bien actif... On se met en route, avec un stop à Lenakel, principal village et dernière chance de faire des réserves de nourriture et d'eau potable avant de s'enfoncer dans la partie plus sauvage de l'île.... En partant de la ville, on récupère la famille qui m'accueille, quelques amis mais aussi quelques voisins qui prennent place en extérieur à l'arrière. Et avec toute cette joyeuse compagnie on part à l'assaut de la route qui devient vite une piste de terre défoncée où seuls de robustes 4x4 peuvent s'aventurer.
Pendant 5 jours, je vais donc habiter dans le petit village d'Imaio, avec Kissel, sa femme Odile et leurs deux enfants. Ils ont construit un petit bungalow traditionnel, face au volcan, dont je vois les fumées s'échapper du cratère le jour et les lueurs rouges la nuit tombée... Kissel a appelé son logement "Volcano Vibes", tout simplement parce qu'on en est tout proche et qu'à la moindre explosion dans le cratère, les vibrations se propagent jusqu'au bungalow, faisant trembler les murs et voleter les rideaux à la fenêtre... Pendant mon séjour, Ron, le frère de Kissel va passer la plupart de son temps avec moi pour me montrer les alentours, la vie du village et avoir un aperçu du quotidien à Imaio.
Difficile de raconter en quelques lignes toute une vie de village, mais pour vous donner une idée du quotidien à Imaio, imaginez pour commencer un dédale de petits chemins à travers la jungle, reliant les cabanes rustiques de chacune des familles, le nakamal (la place centrale), l'école en tôle et le terrain de foot en pente dont les buts sont construits avec des poteaux en bois. Ici l'électricité est limitée aux panneaux solaires que quelques familles ont achetés et qui permet de recharger un téléphone ou une petite lampe. Pas d'eau potable ni de douche (on se lave dans des grandes bassines), pas plus de commerce ou d'entreprise. Si personne n'a de travail, chacun a son jardin, ses plantes à cultiver et quelques animaux (poules et pour certains une chèvre ou une vache). L'église est une place importante du village, où les paroissiens les plus fervents vont tous les soirs. Pour avoir assisté à une messe un peu spéciale à mon arrivée, c'était impressionnant : le pasteur en transe, les familles chantant à l'unisson en tapant des mains... Le genre de moment où le terme de communion prend tout son sens...
Kissel et Ron prennent le soin de me faire rencontrer la famille, les voisins et je passe une bonne partie de ma première journée à déambuler dans le village et à m'imprégner du rythme particulier ici. Tout le monde se connait et en marchant au travers de cette jungle luxuriante (où tout est grand, touffu et très vert), on se fait offrir un peu de canne à sucre, une papaye ou encore une noix de coco fraîchement coupée et ouverte en direct au couteau. La nourriture est abondante et malgré la pauvreté du village, personne ne semble souffrir de la faim. Quand vient l'heure du déjeuner, il y a toujours une famille pour offrir un repas qu'elle vient de cuisiner... Il règne ici un vrai sentiment de communauté où chacun prête, échange, donne en fonction de ce qu'il a.
Le lendemain de mon arrivée, c'est le 10 août, jour de fêter mes 27 bougies. Vous vous en doutez, je ne suis pas arrivé en le criant sur tous les toits. C'est donc sans vraiment y penser que j'attaque cette journée. On se rend avec Ron au village de Yabour, où il a une partie de sa famille. Là-bas, pas d'accès par la route, presque personne n'a de téléphone, on est vraiment au milieu de la jungle dans un isolement bien plus prononcé... Malgré ça, c'est là que je rencontre les personnes les plus adorables de mon voyage. : Samson, sa femme Grace et leur fils John m'accueillent avec beaucoup de chaleur et de gentillesse. Et alors qu'ils me demandent mon âge, je leur dis "27 ans aujourd'hui !" Ils insistent alors pour m'offrir le repas, veulent me donner des gâteaux et chocolats de leur maison (qui fait office de mini magasin du village).
Je passe là-bas une un bon bout de la journée, à discuter de leur vie, leur volonté de développer le village afin d'accueillir plus de visiteurs (je suis sur les fesses quand ils me disent que je ne suis que le troisième étranger à me rendre au village, habituellement personne ne vient jusque-là). Bref, Yabour restera un endroit à part dans mon voyage. Un village où je suis retourné, qui m'a très rapidement intégré à la vie de la communauté, avec la rencontre d'une petite famille qui m'a touché droit au cœur !
Après avoir passé du temps dans les villages, je meurs d'envie de m'approcher du volcan, où m'emmène mon fidèle guide Ron. Entouré d'une immense plaine désertique recouverte de cendres, le Mont Yasur n'est pas très haut mais dégage une sensation de puissance et un certain danger. Avec ces paysages lunaires, gris, ou seules quelques roches colorées se détachent parfois, j'ai l'impression (une fois de plus) d'avoir atterri sur une nouvelle planète. La journée étant déjà bien avancée, on remet le sommet à plus tard pour privilégier un rafraîchissement dans la rivière et rejoindre les enfants qui y jouent.
Le lendemain, on me propose de participer à la danse traditionnelle, qui célèbre à la fois la bonne chance et demande la protection du volcan. On enfile les pagnes, je reçois une couronne de plantes, un collier d’hibiscus et j'accompagne tout ce petit monde pour taper des mains et des pieds ensemble. A la fin de la danse, j'apprends quelques coutumes traditionnelles (démarrer un feu juste avec du bois, comment utiliser des feuilles pour transporter quelqu'un...) et on m'offre un peu de coco avec de la patate douce fumée.
J'en profite pour faire un petit point cuisine car j'aurais mangé local pendant tout mon séjour. Tombant en plein dans la saison du taro, j'en ai mangé à toutes les sauces, mais aussi goûté un laplap (le plat typique du Vanuatu, où une pâte est formée à partir d'arbre à pain ou de racines de taro ; la pâte est ensuite enroulée dans des feuilles de banane et passée au four avec de la coco... un délice !). Sinon on mange aussi pas mal de riz, du très bon bœuf, un cochon sauvage qui donne de loin une espèce de jambon, ou encore du poisson... parfois servi au petit-déjeuner !
Mais LA spécialité du Vanuatu restera pour moi le kava. C'est la boisson incontournable de la vie du village, et chaque soir les hommes se rassemblent pour en prendre avant le repas (apparemment les femmes peuvent en prendre aussi, mais ça n'a pas l'air si courant). Le kava est une plante, le plus souvent broyée pour faire une poudre qui, mélangée à de l'eau, donne cette boisson qu'on retrouve dans pas mal d'îles du Pacifique (et chaque village au Vanuatu a son "bar à kava"). Mais j'ai eu la chance pendant que j'étais au village de goûter le "fresh kava", beaucoup plus fort et fabriqué à l'ancienne. La plante est mâchée pendant de longues minutes, jusqu'à en avoir suffisamment pour remplir un bon bol. On fait passer de l'eau sur le tas de plante mâchée à l'aide d'un tissu qu'on essore. Le kava est ensuite servi dans une moitié de noix de coco, et c'est cul sec jusqu'à ce qu'il n'y ait plus une goutte ! Le goût est assez piquant et après le kava, on se sent bieeeen, relaxé, un peu comme après quelques bières...
Pour finir mon séjour à Tanna, j'ai un peu joué avec le feu en attendant le tout dernier moment pour monter au sommet du Mont Yasur. Si avant l'accès était libre, on est maintenant obligés de réserver un tour avec des guides qui sont supposés être là pour la sécurité. Deux moments sont possibles pour monter au cratère : en plein milieu de la nuit avant le lever du soleil ou en fin d'après-midi en attendant que le soleil se couche. J'ai choisi la deuxième option, juste avant mon départ le lendemain. Sauf qu'au moment de monter, le volcan est dans les nuages et c'est sous une pluie battante qu'on monte dans les voitures nous emmenant au sommet. Arrivés là-haut, on se regarde une bonne heure avec les gens du groupe, tout est gris, on ne voit que des nuages et malgré les vestes de pluie on est trempés jusqu'aux os avec les poumons qui se remplissent de soufre. Au bout d'un moment, une partie du groupe abandonne, retourne aux voitures et redescend sans avoir rien vu. Avec quelques courageux on persévère et soudain la pluie s'arrête, le vent se lève et dissipe les plus bas nuages. L'une des guides nous crie alors de nous dépêcher et on court jusqu'au point le plus haut du cratère (jusque là inaccessible) qui nous permet de voir à l'intérieur. Et là j'ai sous les yeux l'un des trucs les plus dingues que j'ai pu voir de toute ma vie . Dans la pénombre, au fond du cratère, on voit la lave incandescente bouillir, désintégrer la roche... Comme un Œil du mal, une porte vers les Enfers, l'imagination n'arrive même pas à suivre tellement c'est surnaturel d'être là. Et soudain la première explosion, avec des jets de lave qui s'élèvent à plusieurs dizaines de mètres jusqu'à notre hauteur ! L'onde de choc est terrible, ça te traverse le corps et te fait reculer d'un pas tellement c'est puissant. Moment hors du temps, je ne sais pas combien de minutes on est restés, tous fascinés par ce qu'on avait sous les yeux, jusqu'à la redescente à la torche, dans le noir, accompagnés par les explosions qui se font de plus en plus lointaines.
A mon retour, Ron cherche un nom pour le futur bungalow qu'il souhaite construire. Dans l'inspiration du moment, je lui propose "King Of Fire". Ça a l'air de lui plaire, si un jour vous faites un voyage au Vanuatu et que voyez le nom sur Airbnb, vous saurez d'où ça vient...
Après cette fin en apothéose à Tanna, je retourne à Efate, l'île de capitale. Je prends quelques jours pour me remettre de mes émotions avant de partir à l'exploration de cette île. Je rencontre Gwendal, un français dans mon auberge et avec Hunter et Ronnie, un américain et un néerlandais, on loue une voiture pour faire le tour d'Efate. Entre repas pris au bord de la route avec les locaux, arrêts plages puis dans un lagon à l'eau translucide, on passe deux belles journées à visiter tranquillement les alentours même si le temps est un peu capricieux (et l'appareil photo aux abois, j'avoue que la plupart des images ici ne sont pas de moi...)
Petite histoire marrante, j'ai pris comme d'habitude des nuits en dortoir dans une petite auberge, mais Hunter et Ronnie sont en vacances et se sont offerts une chambre dans un bel hôtel avec pas mal d'étoiles... Comme personne parmi le staff ne nous demande vraiment d'où on vient, on profite donc un peu en filous de la piscine, des kayaks en libre-service (et pour moi, même d'une nuit sur le canapé avant de partir à l'aéroport tôt le matin). Finalement je l'aurais eu mon hôtel avec piscine !
Voilà le donc le bout de ces dix jours intenses dans le Pacifique... Tankiu tumas Vanuatu ! Prochaine destination la Polynésie où m'attendent les Leverd du bout du monde installés à Tahiti.