Pour ceux qui aiment la lecture, voici ce que j'écrivais au cours d'un sixième voyage entre Décembre 2011 et Février 2012:
Moins : Voyage en vélo trop dur entre Maroantsetra et Manonpana, une piste épouvantable, ponts en bois pourris, rochers à escalader, sable, sac trop lourd, vélo chinois de mauvaise qualité. J’avais déjà fait cette piste il y a 2 ans, je ne me souvenais pas que c’était si dur. Ai-je tant vieilli ? Ou est-ce le manque d’entrainement ?
Lente dégradationPlus : Une plage sublime à Seranambe, peut etre la plus belle de toute la côte nord-est, eau turquoise, lagon, eau fraiche, anse d’une symétrie parfaite, palmeraie, idyllique, tout y est.
Plus : Au restaurant, menu original : chauve souris. Très bon, expérience culinaire à rajouter dans la liste des produits exotiques déjà consommés dans le monde tels tortue, criquets, crocodile, serpent, et j’en passe ;
Moins : Chambre moins de 2 euros certes, mais groupe électrogène bruyant derrière les oreilles, tv bruyante diffusant comme d’habitude une stupidité genre film de combat, odeurs bizarres de fermentation dues sans doute à la fabrication du rhum local, pas de drap sur le matelas, heureusement j’ai le mien.
Le plus et le moins rythment le voyage. Et la pensée du voyageur vagabonde. Connaissez- vous la différence entre un voyageur et un touriste ? Dans le film « Un thé au Sahara » le touriste ne fait que passer, le voyageur ne sait pas si il va retourner chez lui. On pourrait dire aussi le touriste regarde sans comprendre et le voyageur essaye de comprendre même s’il sait que c’est inutile.
Quatre heures d’attente au dernier bac avant Sonierana Ivongo, si bien que le vieux 4x4 pourri que j’avais néanmoins préféré au vélo pour ce tronçon, vu que c’est tout du sable, mettra plus de 8 heures pour faire 40 kms, soit une moyenne de 5kms/h, j’aurai donc été aussi vite à pied.
En prélude aux étapes suivantes en vélo de Vangaidrano à Fort Dauphin, le paludisme m’attrape juste avant le départ. Ou plutôt dans le taxi brousse reliant Tana à Manakara dans la nuit glacée d’Antsirabe. C’est une mauvaise expérience. Une semaine de sueurs froides, à boire des litres et des litres sans rien manger, mal partout, à la tête, au ventre au dos, des courbatures partout. A Farafangana une journée à l’hôpital sous perfusion et oxygène avec 40 de fièvre. On fait mieux comme entrainement et mise en condition. Si bien que le jour du départ, plus de forces, plus de muscles.
Heureusement la piste est bonne et une petite bruine rafraîchissante m’accompagne tôt le matin. Le paysage est agréable et arboré, quoique un peu monotone, la piste est en terre rouge , on ne voit pas la mer sauf en fin de parcours, une jolie plage, des rochers. Au premier bac, 37 kms je m’arrette, c’est suffisant pour commencer. Le vélo chinois n’est pas au top, déjà changé le pédalier et les pédales hier, maintenant c’est un pneu tout décousu bon à changer, et les vitesses ne passent plus. C’est pourtant un vélo tout neuf, mon deuxième du voyage, le premier ayant été volé à Tana, pourtant sur le balcon au deuxième étage de l'appartement chez les amis ou je couchais!
Deuxième jour, départ 6 heures, une heure d’attente pour trouver une pirogue. Soleil de plomb. Pas de forces. Piste monotone. Pas de mer. Même kilométrage qu’hier. Arrivée vers midi à Manombondro. Apres midi repos.
Jour suivant. Un grand désert humain, aucun village ni âme qui vive sur 30 kms. Deux belles rivières aux eaux claires et fraîches pour une baignade de rêve. Beau paysage de prairie vallonnée sur fond de montagnes. Un peu genre sentier de St Jacques de Compostelle en haute Castille. Devient très fatiguant en fin de parcours, perdu un peu trop de temps dans la rivière mais c’était si bon…La chaleur est harassante, et la piste devient de plus en plus ensablée, avec le poids du sac ça ne passe plus et il faut pousser le vélo sur de grandes longueurs. L’arrivée à Sandravinany n’en finit pas, je crois mourir de soif et de chaleur. Petit village, petit hôtel, pas grand-chose, une belle embouchure mais il faut arriver à la voir et en avoir le courage. Je reste allongé la moitié de l’après midi à boire du thé. Et oui, pas électricité implique pas de bière fraîche.
J4. Pour continuer sur Manantenina deux versions. Revenir en arrière et reprendre la « RN » ensablée et loin de la mer ou continuer d’abord quelques kms en pirogue puis suivre un sentier qui longe la côte. Je choisi bien entendu la version n°2. Seulement voila quand on quitte la pirogue on ne sait plus où il faut aller, il y a des petits sentiers un peu partout qui vont dans des hameaux éparpillés autour des rizières, on est encore loin de la mer, donc pas de point de repère et je me perds. Je tombe finalement sur quelqu’un de gentil qui me raccompagne dans le droit chemin, il me porte mon vélo pour traverser les rivières, il sera récompensé comme il se doit. Cette fois c’est bon, je suis sur le sentier qui longe la plage, il n’y a plus qu’a suivre la mer. Beaux paysages, espèces de cactées géantes, rares cabanes de pécheurs disséminées. Et puis ce que je craignais arrive, de plus en plus de sable. Et il faut pousser…d’autres fois il faut traverser de petits fleuves, de l’eau jusqu’ à la poitrine, on passe d’abord le sac sur les épaules, puis un deuxième voyage pour le vélo. Midi passé, aucun village en vue, et la faim commence à tenailler. Je bois l’eau à même la rivière, ma provision de 2 litres de thé ayant vite était épuisée. (Le thé est quatre fois moins cher que l’eau minérale et quatre fois meilleur. De plus il est toujours bon, froid ou chaud, en fait on appelle thé là-bas n'importe quelle tisane, ici c'était à la citronelle). Je vois enfin poindre à l’horizon une chaumière. Je vois des poulets et de la fumée, l’espoir revient. Je montre à la femme un sachet de soupe, pâtes et poulet, que je sors de mon sac et je lui fais comprendre de trouver une marmite, de l’eau et de me la faire cuire. Ce qu’elle fit de bonne grâce et en quoi elle fut bien remerciée. Apres, une grande rivière à traverser et quelques pécheurs en pirogue, ce sont des profiteurs qui me demandent dix fois le prix usuel, j’arrive après quelques palabres à diviser par cinq. Maintenant le sentier devient moins intéressant, très fatiguant, on quitte peu à peu la mer, montées et descentes de petites collines de sable herbeux. Le problème de la soif se fait cruellement sentir car il n’y a plus de rivières. Il reste encore je ne sais pas 15 ou 20 kms, je perds beaucoup de temps car je pousse plus souvent que je pédale. Je commence à me demander si je ne vais pas passer la nuit là, sans plus rien ni à boire ni à manger au milieu de nulle part, avec la pluie qui se profile sur les montagnes toutes proches. C’est à ce moment de mes réflexions que je tords tout le mécanisme arrière du vélo. A force d’avoir trimbalé ce vélo dans les rivières, plus d’huile, la chaîne a du se gripper ou bien c’est le dérailleur qui s’est pris dans les rayons. En tout cas , les pièces chinoises de mauvaise qualité, c’est trop leur demander. Il est curieux de voir comment l’être humain réagit parfois. Très calmement, ou peut être avec fatalisme, je sors mon couteau, je cherche quelques cailloux, et je commence à essayer de réparer tout ça. Et le comble c’est que contrairement à toute attente j’arrive à redresser et régler tout ce bazar. Le chemin avance et moi dessus à la recherche désespérée d’un havre de vie. Le soir tombe quand je rejoins la « nationale », la soif m’aiguillonne dans cette étendue semi désertique. Je finis par trouver une espèce de marécage dans lequel j’arrive a puiser un demi litre de ce précieux liquide même stagnant. A cet instant je crois entendre un bruit de moteur, je déguerpis en vitesse de mon marais pour remonter sur la piste. C’est bien un 4x4, mon oreille n’a pas fait défaut. Je l’arrette , il me prend sans problèmes. Il transporte une bonne sœur et quelques enfants. Je remercie le bon dieu bien entendu. Les enfants chantent et crient à tue tête sans doute pour atténuer le bruit du moteur et des cahots. Il me restait cinq kms à faire pour arriver .
Le lendemain fut jour de repos bien apprécié ou j'en profite pour aller me baigner avec les enfants du village et les femmes qui font la lessive. Le surlendemain, je faisais mes préparatifs pour repartir quand j’apprends qu’un 4X4 prend des passagers. Le choix se fit tres vite. Et je ne regrettais pas ma décision quand je vis la piste, plein de passages à gué d’au moins 70 cms d’eau, beaucoup de sable parfois et toujours un grand désert humain avec plus de 30 kms entre deux villages. Mais que les montagnes sont belles !
Fort Dauphin est une fort belle ville de par son site. Des plages et des criques magnifiques. Des montagnes imposantes tout autour. Un climat sain, de l’air et une relative fraîcheur par rapport au reste du pays. La vie n’y est pas plus chère qu’ailleurs contrairement à ce que j’avais lu ça et là, il faut dire que le boom qu’avait créé la construction du nouveau port est terminé. De bonnes huîtres. Une belle ballade alentours, l’ascension du pic St Louis à prés de 600 metres d’altitude, difficile car très raide et pas vraiment de sentier, au sommet une vue extraordinaire sur toutes les baies.
Pour retourner sur la capitale, deux solutions, revenir par la meme route via Farafangana, ou continuer jusqu’à Ihoso par une mauvaise piste sur 500 kms pour retrouver le goudron de la RN7.
Nous sommes à 1150 kms de Tananarive et à 2300 kms de Diégo Suares, cela pour montrer comme les distances sont longues et l’île est grande, deux fois la France dans le sens de la longueur.
Je décide de continuer sur Ihosy , n’aimant pas retourner en arrière et toujours aspiré par l’inconnu. Le voyage se fait en camion brousse. Nous sommes environ 80 personnes dans la remorque, dans des conditions de confort extrêmement sommaires. Départ 6 h du matin, l’arrivée se fera à 18h le lendemain. 36 heures pour 500 kms soit 15 km/h de moyenne. J’aurai aimé pouvoir le faire en vélo mais à mon rythme j’en avais pour plus de 10 jours dans la chaleur et la soif car il n’y a pas grand-chose sur la route, c’est un peu le bush, ou le maquis, beaucoup de cactées dont figuiers de barbarie, quelques baobabs, des variétés d’arbres ressemblant à de longs chandeliers avec des pousses vertes à même le tronc, d’autres sortes avec des tiges en guise de feuillles, mais je ne connais pas les noms de tout ça. Peu de petits villages . Quelques villes importantes tous les 100 kms environ. On laisse peu à peu les beaux paysages de montagnes de Fort Dauphin pour un paysage semi désertique relativement plat et s’élevant progressivement vers les hauts plateaux verts et érodés .Le deuxième jour le cyclone Giovana qui a ravagé une partie de la cote Est se fait ressentir avec des vents très puissants. Certaines vitres manquent dans le camion, bien entendu je suis devant l’une d’elle, c’était très agréable la veille dans la chaleur, ça l’est beaucoup moins maintenant, d’autant plus que la pluie arrive. On a beau improviser un bâchage sommaire avec un vieux sac de riz, je suis vite trempé et glacé, le camion commence à glisser sur la piste mouillée et a des difficultés à monter les rampes. Je commence à craindre d’avoir à passer une deuxième nuit dans ce véhicule. J’ai une barre en fer dans le dos, on doit éviter de s’enfoncer dans la peau les morceaux de ferrailles qui dépassent un peu partout de la carrosserie, j’ai un mal épouvantable aux fesses et ne sait pas comment tourner mon long corps d’1 metre 90. Enfin, après quelques heures interminables, mon soulagement de retrouver le goudron de la RN7 peu avant Ihosy !
Conclusion de ce trip. Pour se rendre à Fort Dauphin, sans hésiter, prendre la piste de Vangaidrano qu’on atteint facilement via Farafangana et Manakara tout goudronné, plutôt que celle d’Ihoso, c’est plus facile, agréable et moins long. Etre en parfaite condition physique. Avoir un bon vélo. Mais une moto ou un petit 4X4 ferait aussi bien l’affaire !