Un pays hors du temps, hors du tourisme de masse, hors des sentiers touristiques, à réserver aux aventuriers de tout poil.
Du 11 février 2007 au 12 février 2018
4020 jours
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Un ami avec lequel j'avais parcouru une grand partie de

l'Afrique me propose un jour de me faire connaître

cette grande île alors inconnue pour moi.

Nous sommes fin 2007, nous partons pour trois mois.

Depuis j'y suis retourné une bonne dizaine de fois...

Et pour commencer ce voyage on achète une bonne vieille 4L .

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Pour faire simple rien de tel qu'une carte. Les trajets en noir sont ceux effectués,

à pied, en vélo, en moto, en bateau, en taxi-brousse, en 4x4.

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L'île, surnommée la grande île (une des plus grandes de la terre) ou l'île rouge (couleur de la terre) est plus grande que la France, prés de 2000 kilomètres du nord au sud.

Climat tropical humide à l'est, parfois semi désertique au sud ouest, montagneux au centre (plus hauts sommets autour de 2700 mètres).

Les populations sont métissées, essentiellement d'origine africaine le long des côtes et indonésienne sur les hauts plateaux.

Une des spécificité de l'île est son détachement des côtes africaines il y a 120 millions d'années, d'ou une faune et une flore particulièrement endémique.

Pour compléter le tableau il est bon de savoir que c'est un des pays les plus pauvres du monde qui s'enfonce lentement suite à une situation politique déplorable, mais nous y reviendrons.

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Comment résumer dix ans de voyages , trente mois sur place, des milliers de photos, des écrits et souvenirs les plus divers de façon audible et attractive?

C'est encore la question que je me pose....et je ne sais pas y répondre, alors je vais faire un mixte, entre chronologie et genres.

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Pour l'instant tout va bien, pas trop de commentaires à faire, on voit des sourires chez des gens simples qui vivent leur vie détachés des problèmes mondiaux.

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En dehors des grandes villes surpeuplées et insalubres, ils sont heureux, c'est la grande richesse de l'île, tant qu'ils ne deviennent pas trop nombreux...

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Entre mer et montagne, d'un climat à un autre.

Patchwork de formes et couleurs.

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Madagascar


Ile rouge, île de rêve

Terre du mora mora

Du sans soucis

Entre Afrique et Asie

Une civilisation endémique

On y pose son cœur une fois

Et le destin nous attrape, et nous agrippe

Comme l’âme de l’Afrique, le grand tourbillon qui nous happe

Rouge comme le sang et l’ardeur

Dure y est le labeur

Entre deux flots de sueur

Paradoxe évident

Le voyageur contemplatif,

Le laboureur pugnace

Deux mondes les séparent

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Madagascar fait partis des pays les plus pauvres du monde, du tiers monde, voire du quart monde. Le pays possède pourtant de grandes richesses, mais celles-ci n’amènent aucuns avantages à la quasi-totalité de la population.

C'est ainsi qu'on peut voir

tous ces petits métiers

totalement anachroniques,

que ce soit au coeur des villes ou

au fond des campagnes.



Le pays est dépourvu de toute

infrastructure moderne.

On y vit encore par endroit

comme au moyen âge.



La cuisine se fait au charbon de bois

accentuant ainsi la déforestation.




Madagascar reste le seul

pays au monde ou la traction

humaine existe encore.



Les villages reculés

sont depourvus

de réseau électrique




Et les tracteurs

n'existent pas...

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Tristes tropiques, disait Levis Strauss, et c’est vrai que pour le voyageur, les images qui apparaissent comme idylliques et paradisiaques sur les brochures peuvent vite devenir négatives dés que l’on côtoie la misère, la boue, l’insalubrité ou l’inégalité sociale.

La misère peut cacher sa réalité sous le soleil, on peut même trouver d’une grande beauté les scènes bucoliques des rizières en terrasse, l’habitat typique de terre de bois et de chaume, les villages de pécheurs aux odeurs de poisson séché, d’autant plus que le peuple malgache ne se plaint jamais et accepte sa condition avec le sourire.

Quand il pleut ou qu’il fait froid le spectacle est tout autre, on découvre alors l’horreur de la fange dans ces villages déshérités qui s’éclairent encore à la bougie et qui pataugent dans la boue et les immondices, les enfants vêtus de haillons, la morve au nez, les mendiants qui vous harcèlent. Pire encore sont les villes aux rues défoncées, à la circulation cauchemardesque, au bruit et la pollution, a l‘absence de poubelles et d‘égouts.

Madagascar change, en quelques années , on a vu apparaître une cohorte de 4x4 flambants neufs et ce n’est évidemment pas avec les 40 euros mensuels du salaire moyen qu’on peut se les payer. Les heureux propriétaires étalent leur richesse avec arrogance, qui sont-ils? Escrocs, corrompus, riches commerçants, ONG, trafiquants, chanceux découvreurs de pierres précieuses. Ils restent une minorité dans la misère ambiante.


Pour le reste du peuple rien n’a changé. Dans les villages reculés de la brousse ,on vit encore comme il y a 50 ou 500 ans. Les instituteurs ne veulent pas y enseigner, peu désireux de vivre à plus de 30 kms à pied de la ville la plus proche. Le niveau d ‘éducation est extrêmement faible, les classes surchargées comptant souvent plus de 80 élèves sans cahiers, ni stylos, ni livres. Ces mêmes enfants, contraints par leurs parents ou sans famille, on peut les voir souvent trimer dur dans la rue à pas même 8 ans.

Les jeunes filles ont la chance quand elles sont belles de trouver un étranger, parfois vieux et bedonnant, pour subvenir à leurs besoins voire se marier et partir à l’étranger.

Seule la Chine semble vouloir investir sur l’île, commmerce, batiment, mais c’est pour enrichir ses ressortissants et pas pour le pays, d’autant qu’elle exporte quantité de produits de mauvaise qualité a des prix dérisoires si bien que cela nuit plutôt qu’autre chose à l’artisanat et l’éventuelle industrie locale.

Alors que faire face à ce constat alarmant?

Première réponse: Contrôler l'urbanisation et la démographie avec une politique de l'enfant unique à la Mao pendant une génération ou deux, donc du temps. Deuxièmement : de l’éducation. Troisièmement : des investissements étrangers cruellement absents. C’est simple comme bonjour.

Plus compliqué est de se demander quel modèle peut on souhaiter pour Madagascar.

Quand on voit comment évolue Tananarive, on peut se demander si notre soit disant progrès à la mode occidentale est vraiment la solution. Avant il n’y avait pas de voitures, on pouvait circuler. Maintenant certains quartiers sont totalement engorgés et il est plus rapide d’aller à pied qu’en bus. La criminalité est en hausse constante, l’exode rural apporte tous les jours des flots de nouveaux habitants alors que les infrastructures ne suivent pas.

Si on compare avec Maurice toute proche, les deux pays étaient à égalité il y a 50 ans, aujourd’hui l’île mauricienne a décollé économiquement et attire quantité de touristes, Madagascar s’enfonce dans le marasme. De la même façon on peut comparer Haiti moribonde et la république Dominicaine florissante. Faute aux dirigeants, à la malchance, au hasard ? mais est-ce inéluctable ? Le monde évolue à toute allure, sauf… Madagascar. Dans une étude lue dernièrement dans Le Monde, il est établi que c’est le seul pays au monde qui a régressé économiquement depuis cinquante ans sans connaître de guerre. Les causes principales : la confiscation de l’économie par la classe politique, l’absence de société civile.

Certaines réponses amènent toujours à d’autres questions, on peut se poser également celle-ci : si notre progrès apporte plus de nuisances que de bienfaits, quel intérêt? Il va détruire l’authenticité et les valeurs du peuple malgache qui malgré le sombre tableau existent.

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Pour ceux qui aiment la lecture, voici ce que j'écrivais au cours d'un sixième voyage entre Décembre 2011 et Février 2012:

Moins : Voyage en vélo trop dur entre Maroantsetra et Manonpana, une piste épouvantable, ponts en bois pourris, rochers à escalader, sable, sac trop lourd, vélo chinois de mauvaise qualité. J’avais déjà fait cette piste il y a 2 ans, je ne me souvenais pas que c’était si dur. Ai-je tant vieilli ? Ou est-ce le manque d’entrainement ?

 Lente dégradation

Plus : Une plage sublime à Seranambe, peut etre la plus belle de toute la côte nord-est, eau turquoise, lagon, eau fraiche, anse d’une symétrie parfaite, palmeraie, idyllique, tout y est.

Plus : Au restaurant, menu original : chauve souris. Très bon, expérience culinaire à rajouter dans la liste des produits exotiques déjà consommés dans le monde tels tortue, criquets, crocodile, serpent, et j’en passe ;

Moins : Chambre moins de 2 euros certes, mais groupe électrogène bruyant derrière les oreilles, tv bruyante diffusant comme d’habitude une stupidité genre film de combat, odeurs bizarres de fermentation dues sans doute à la fabrication du rhum local, pas de drap sur le matelas, heureusement j’ai le mien.

Le plus et le moins rythment le voyage. Et la pensée du voyageur vagabonde. Connaissez- vous la différence entre un voyageur et un touriste ? Dans le film « Un thé au Sahara » le touriste ne fait que passer, le voyageur ne sait pas si il va retourner chez lui. On pourrait dire aussi le touriste regarde sans comprendre et le voyageur essaye de comprendre même s’il sait que c’est inutile.

Quatre heures d’attente au dernier bac avant Sonierana Ivongo, si bien que le vieux 4x4 pourri que j’avais néanmoins préféré au vélo pour ce tronçon, vu que c’est tout du sable, mettra plus de 8 heures pour faire 40 kms, soit une moyenne de 5kms/h, j’aurai donc été aussi vite à pied.

En prélude aux étapes suivantes en vélo de Vangaidrano à Fort Dauphin, le paludisme m’attrape juste avant le départ. Ou plutôt dans le taxi brousse reliant Tana à Manakara dans la nuit glacée d’Antsirabe. C’est une mauvaise expérience. Une semaine de sueurs froides, à boire des litres et des litres sans rien manger, mal partout, à la tête, au ventre au dos, des courbatures partout. A Farafangana une journée à l’hôpital sous perfusion et oxygène avec 40 de fièvre. On fait mieux comme entrainement et mise en condition. Si bien que le jour du départ, plus de forces, plus de muscles.

Heureusement la piste est bonne et une petite bruine rafraîchissante m’accompagne tôt le matin. Le paysage est agréable et arboré, quoique un peu monotone, la piste est en terre rouge , on ne voit pas la mer sauf en fin de parcours, une jolie plage, des rochers. Au premier bac, 37 kms je m’arrette, c’est suffisant pour commencer. Le vélo chinois n’est pas au top, déjà changé le pédalier et les pédales hier, maintenant c’est un pneu tout décousu bon à changer, et les vitesses ne passent plus. C’est pourtant un vélo tout neuf, mon deuxième du voyage, le premier ayant été volé à Tana, pourtant sur le balcon au deuxième étage de l'appartement chez les amis ou je couchais!

Deuxième jour, départ 6 heures, une heure d’attente pour trouver une pirogue. Soleil de plomb. Pas de forces. Piste monotone. Pas de mer. Même kilométrage qu’hier. Arrivée vers midi à Manombondro. Apres midi repos.

Jour suivant. Un grand désert humain, aucun village ni âme qui vive sur 30 kms. Deux belles rivières aux eaux claires et fraîches pour une baignade de rêve. Beau paysage de prairie vallonnée sur fond de montagnes. Un peu genre sentier de St Jacques de Compostelle en haute Castille. Devient très fatiguant en fin de parcours, perdu un peu trop de temps dans la rivière mais c’était si bon…La chaleur est harassante, et la piste devient de plus en plus ensablée, avec le poids du sac ça ne passe plus et il faut pousser le vélo sur de grandes longueurs. L’arrivée à Sandravinany n’en finit pas, je crois mourir de soif et de chaleur. Petit village, petit hôtel, pas grand-chose, une belle embouchure mais il faut arriver à la voir et en avoir le courage. Je reste allongé la moitié de l’après midi à boire du thé. Et oui, pas électricité implique pas de bière fraîche.

J4. Pour continuer sur Manantenina deux versions. Revenir en arrière et reprendre la « RN » ensablée et loin de la mer ou continuer d’abord quelques kms en pirogue puis suivre un sentier qui longe la côte. Je choisi bien entendu la version n°2. Seulement voila quand on quitte la pirogue on ne sait plus où il faut aller, il y a des petits sentiers un peu partout qui vont dans des hameaux éparpillés autour des rizières, on est encore loin de la mer, donc pas de point de repère et je me perds. Je tombe finalement sur quelqu’un de gentil qui me raccompagne dans le droit chemin, il me porte mon vélo pour traverser les rivières, il sera récompensé comme il se doit. Cette fois c’est bon, je suis sur le sentier qui longe la plage, il n’y a plus qu’a suivre la mer. Beaux paysages, espèces de cactées géantes, rares cabanes de pécheurs disséminées. Et puis ce que je craignais arrive, de plus en plus de sable. Et il faut pousser…d’autres fois il faut traverser de petits fleuves, de l’eau jusqu’ à la poitrine, on passe d’abord le sac sur les épaules, puis un deuxième voyage pour le vélo. Midi passé, aucun village en vue, et la faim commence à tenailler. Je bois l’eau à même la rivière, ma provision de 2 litres de thé ayant vite était épuisée. (Le thé est quatre fois moins cher que l’eau minérale et quatre fois meilleur. De plus il est toujours bon, froid ou chaud, en fait on appelle thé là-bas n'importe quelle tisane, ici c'était à la citronelle). Je vois enfin poindre à l’horizon une chaumière. Je vois des poulets et de la fumée, l’espoir revient. Je montre à la femme un sachet de soupe, pâtes et poulet, que je sors de mon sac et je lui fais comprendre de trouver une marmite, de l’eau et de me la faire cuire. Ce qu’elle fit de bonne grâce et en quoi elle fut bien remerciée. Apres, une grande rivière à traverser et quelques pécheurs en pirogue, ce sont des profiteurs qui me demandent dix fois le prix usuel, j’arrive après quelques palabres à diviser par cinq. Maintenant le sentier devient moins intéressant, très fatiguant, on quitte peu à peu la mer, montées et descentes de petites collines de sable herbeux. Le problème de la soif se fait cruellement sentir car il n’y a plus de rivières. Il reste encore je ne sais pas 15 ou 20 kms, je perds beaucoup de temps car je pousse plus souvent que je pédale. Je commence à me demander si je ne vais pas passer la nuit là, sans plus rien ni à boire ni à manger au milieu de nulle part, avec la pluie qui se profile sur les montagnes toutes proches. C’est à ce moment de mes réflexions que je tords tout le mécanisme arrière du vélo. A force d’avoir trimbalé ce vélo dans les rivières, plus d’huile, la chaîne a du se gripper ou bien c’est le dérailleur qui s’est pris dans les rayons. En tout cas , les pièces chinoises de mauvaise qualité, c’est trop leur demander. Il est curieux de voir comment l’être humain réagit parfois. Très calmement, ou peut être avec fatalisme, je sors mon couteau, je cherche quelques cailloux, et je commence à essayer de réparer tout ça. Et le comble c’est que contrairement à toute attente j’arrive à redresser et régler tout ce bazar. Le chemin avance et moi dessus à la recherche désespérée d’un havre de vie. Le soir tombe quand je rejoins la « nationale », la soif m’aiguillonne dans cette étendue semi désertique. Je finis par trouver une espèce de marécage dans lequel j’arrive a puiser un demi litre de ce précieux liquide même stagnant. A cet instant je crois entendre un bruit de moteur, je déguerpis en vitesse de mon marais pour remonter sur la piste. C’est bien un 4x4, mon oreille n’a pas fait défaut. Je l’arrette , il me prend sans problèmes. Il transporte une bonne sœur et quelques enfants. Je remercie le bon dieu bien entendu. Les enfants chantent et crient à tue tête sans doute pour atténuer le bruit du moteur et des cahots. Il me restait cinq kms à faire pour arriver .

Le lendemain fut jour de repos bien apprécié ou j'en profite pour aller me baigner avec les enfants du village et les femmes qui font la lessive. Le surlendemain, je faisais mes préparatifs pour repartir quand j’apprends qu’un 4X4 prend des passagers. Le choix se fit tres vite. Et je ne regrettais pas ma décision quand je vis la piste, plein de passages à gué d’au moins 70 cms d’eau, beaucoup de sable parfois et toujours un grand désert humain avec plus de 30 kms entre deux villages. Mais que les montagnes sont belles !

Fort Dauphin est une fort belle ville de par son site. Des plages et des criques magnifiques. Des montagnes imposantes tout autour. Un climat sain, de l’air et une relative fraîcheur par rapport au reste du pays. La vie n’y est pas plus chère qu’ailleurs contrairement à ce que j’avais lu ça et là, il faut dire que le boom qu’avait créé la construction du nouveau port est terminé. De bonnes huîtres. Une belle ballade alentours, l’ascension du pic St Louis à prés de 600 metres d’altitude, difficile car très raide et pas vraiment de sentier, au sommet une vue extraordinaire sur toutes les baies.

Pour retourner sur la capitale, deux solutions, revenir par la meme route via Farafangana, ou continuer jusqu’à Ihoso par une mauvaise piste sur 500 kms pour retrouver le goudron de la RN7.

Nous sommes à 1150 kms de Tananarive et à 2300 kms de Diégo Suares, cela pour montrer comme les distances sont longues et l’île est grande, deux fois la France dans le sens de la longueur.

Je décide de continuer sur Ihosy , n’aimant pas retourner en arrière et toujours aspiré par l’inconnu. Le voyage se fait en camion brousse. Nous sommes environ 80 personnes dans la remorque, dans des conditions de confort extrêmement sommaires. Départ 6 h du matin, l’arrivée se fera à 18h le lendemain. 36 heures pour 500 kms soit 15 km/h de moyenne. J’aurai aimé pouvoir le faire en vélo mais à mon rythme j’en avais pour plus de 10 jours dans la chaleur et la soif car il n’y a pas grand-chose sur la route, c’est un peu le bush, ou le maquis, beaucoup de cactées dont figuiers de barbarie, quelques baobabs, des variétés d’arbres ressemblant à de longs chandeliers avec des pousses vertes à même le tronc, d’autres sortes avec des tiges en guise de feuillles, mais je ne connais pas les noms de tout ça. Peu de petits villages . Quelques villes importantes tous les 100 kms environ. On laisse peu à peu les beaux paysages de montagnes de Fort Dauphin pour un paysage semi désertique relativement plat et s’élevant progressivement vers les hauts plateaux verts et érodés .Le deuxième jour le cyclone Giovana qui a ravagé une partie de la cote Est se fait ressentir avec des vents très puissants. Certaines vitres manquent dans le camion, bien entendu je suis devant l’une d’elle, c’était très agréable la veille dans la chaleur, ça l’est beaucoup moins maintenant, d’autant plus que la pluie arrive. On a beau improviser un bâchage sommaire avec un vieux sac de riz, je suis vite trempé et glacé, le camion commence à glisser sur la piste mouillée et a des difficultés à monter les rampes. Je commence à craindre d’avoir à passer une deuxième nuit dans ce véhicule. J’ai une barre en fer dans le dos, on doit éviter de s’enfoncer dans la peau les morceaux de ferrailles qui dépassent un peu partout de la carrosserie, j’ai un mal épouvantable aux fesses et ne sait pas comment tourner mon long corps d’1 metre 90. Enfin, après quelques heures interminables, mon soulagement de retrouver le goudron de la RN7 peu avant Ihosy !

Conclusion de ce trip. Pour se rendre à Fort Dauphin, sans hésiter, prendre la piste de Vangaidrano qu’on atteint facilement via Farafangana et Manakara tout goudronné, plutôt que celle d’Ihoso, c’est plus facile, agréable et moins long. Etre en parfaite condition physique. Avoir un bon vélo. Mais une moto ou un petit 4X4 ferait aussi bien l’affaire !

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Pour qui voudrait tenter l’expérience d'un séjour sur place, il faut délimiter une région par mois de voyage pour pouvoir en profiter. Le pays est en effet tellement grand qu'il serait stupide de perdre son temps à avaler des kilomètres sur des routes sans entretien et le plus souvent calamiteuses ou sur des pistes chaotiques et embourbées à la saison des pluies. Une des maximes dédiée à Madagascar est : Mora, mora. Littéralement ; doucement, doucement. Tout un programme, il faut le respecter. Prendre son temps, ne pas s' énerver, discuter avec les gens, savoir sortir des grands axes, accepter un mode de vie bien particulier.

On peut donc définir cinq grandes régions :

Le centre ; Tananarive, les hauts plateaux, Imerina, Antsirabe, Fianarantsoa, pays Zafimaniry.

Le sud ; Entre Tulear, Fort-Dauphin et Manakara

L'Ouest ; Entre Morondava et Majanga

La Côte Est ; Du canal des Pangalanes à l'île de Ste Marie et la côte de la vanille en passant par Tamatave.

Le Nord ; Les ’Îles de Nosy be et la région de Diego Suarez.

Le Centre.

Riche région agricole, climat tempéré et frais à 1500 mètres, maisons en brique ou pisé , artisanat traditionnel. Certainement la région la plus représentative de l'originalité malgache.

Le Sud.

Grandes étendues parfois semi désertiques, baobabs, forêts sèches, pirogues à balancier du peuple Vezo, relief ruiniforme de l'Isalo, massif montagneux de l'Andringitra.

L'Est.

Forêts tropicales, végétation luxuriante, fruits exotiques, côte et plages superbes.

Le Nord et l'Ouest.

La fameuse allée des baobabs, les Tsingy de Behamara, la mer d’Émeraude, les îles paradisiaques autour de Nosybe

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Je n'ai pas la prétention de connaitre TOUT Madagascar, ce "guide touristique" est donc tout à fait personnel et subjectif, suivant mon ressenti, avec des régions privilégiées comme l'Est, d'autres justes survolées comme l'Ouest, ou encore totalement inconnues comme le Makay.

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Ces dernières années, je suis venu au voyage en moto. Symbole de liberté, un concept qui me convient tout à fait. Et quand les conditions sont optimales, c'est le bonheur absolu. Le pays s'y prête pour qui est en quête d'un peu d'aventure, à condition d'oublier de penser à tout ce qui peut arriver, donc avec une bonne dose d'inconscience...

La moto est chinoise, achetée environ un millier d'euros, un trail 200 cm3. C'est un compromis qui permet de passer un peu partout sans trop appréhender de grosse perte financière en cas de coup dur ; vol, accident...Mais pour le prix la fiabilité n'est pas toujours au rendez vous ; achetée neuve, les premiers milliers de kilomètres se passent à peu près sans problèmes, après les incidents mécaniques vont ajouter un peu de sel au voyage et ne parlons pas des chutes...

Sur les petites routes et les pistes en dur tout va bien, mais quand vient la boue :

Ou le sable :

Et parfois, souvent, Ça devient plus "sportif" !

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Extraits d'un de ces petits voyages aventureux, dans le sud entre Manakara et Ihosy. Nous sommes en 2014.

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....Et voilà que quand je suis près à reprendre la route, un cyclone fait son apparition , nous abreuvant pendant deux jours de grosses pluies incessantes. Ce qui finalement m'arrange car la piste que je dois prendre n'est que du sable. Quand je pars enfin au cours d'une accalmie j'ai le sentiment que le voyage commence maintenant : se retrouver seul sur la piste déserte, sans savoir ce qui m' attend, l'aventure...Le début se passe bien, j'ai de la chance , un 4x4 avec deux gendarmes armés de grands fusils roulent de concert avec moi. Je n'ai qu'a les suivre quand nous traverserons trois grands fleuves. Les bacs n'ont pas de gaz oil , c'est les gendarmes qui l'ont et aucun autre véhicule à l'horizon. Sinon c'était pour moi la pirogue à chaque fois et mettre cette moto dans une pirogue n'est pas aisée. Ils s’arrêtent plus tard car ils sont chargés de collecter les bulletins ou les résultats du vote pour la présidence. Moi je continue sur Nosy Varika et je trouve quelques passages difficiles, heureusement que le sable est mouillé ! Je tombe quand même deux fois , me faisant mal à la cheville restée coincée sous la moto, mais rien de cassé, juste un choc. Juste avant la ville une dernière traversée de fleuve et là je ne couperais pas à la pirogue étant seul, et c'est quatre gaillards qui m'aideront à l'installer.


Si je croyais à Manahoro être dans le trou du cul du monde, je me trompais, Nosy varika est encore bien plus bas. Un seul hôtel bien décrépis, et le resto n'est vraiment pas terrible. Un seul intérêt, j'y rencontre un couple de français arrivés comme moi en moto. Un peu hors normes eux aussi, comme il se doit. La piste pour continuer est inondée par les pluies des 3 derniers jours et complétement impraticable aussi nous décidons de continuer en bateau par le canal. En plus ma cheville me fait mal et est enflée. Un voyage de 9 heures sur un bateau brousse, nos motos ficelées et calées par une montagne d'ananas et bananes.

Bien que le bruit du moteur soit assourdissant, la navigation sur ce canal des Pangalanes est plaisante, nous traversons de jolis villages au bord de l'eau, les enfants au paradis, dans l'eau toute la journée. Nous passons Noêl à Mananjary et prenons un bon bain de mer comme cadeau de Noel.




Il est une chose qu'il faut faire en premier lieu quand on vient à Mada, c'est apprendre à ne rien faire. Apprendre à regarder aussi, un monde en train de disparaître. Ainsi à Farafangana où j'avais comme première impression qu'il n'y avait rien à voir puis après être descendu de la moto pour marcher dans le village je peux me rendre compte comme les gens y sont heureux, eux qui n'ont rien, contrairement à nous qui avons tout et ne sommes jamais contents. Imaginons un paradis tropical sous des grands arbres, proche de la mer, pleins de jardins partout, et des enfants, magnifiques. On est bien loin de la capitale, disloquée, croulant sous les montagnes d'ordures, avec la clique politique manœuvrant pour conserver son pouvoir. Ici on est loin de l'Etat, à quoi peut bien servir, pour un Malgache moyen, un chef de l'état ? Et à quoi peut bien servir pour un chef de l'état, un Malgache moyen ? Ici ni impôts, ni taxes, ni subventions, ni chômage, ni allocations...Mise à part quelques inventions du modernisme apparentes comme téléphones portables ou malheureusement télés stupides, la vie ici est proche de celle qu'a vécu la campagne européenne de 1860, la froidure en moins. Revenons à mon voyage, une semaine agréable à Manakara, une des villes malgaches que j'apprécie le plus avec sa belle plage le long d'une double allée de filao et un bel arrière pays sous des pinèdes qui nous ferait penser au climat méditerranéen.

J'y ai encore cassé un peu la moto, cette fois ci le piston. Décidément ces motos chinoises ne marchent bien que quand c'est neuf. Demain, je quitte la route goudronnée pour 300 kms de pistes qui vont traverser la foret puis la montagne pour rejoindre Ihosy sur la RN7. Heureusement il n'a pas plu depuis une semaine, si le temps tient et la moto aussi ça pourrait passer. Le matin en partant j'avais le pressentiment tenace qu'il se passerait quelque chose sur la piste. Celui-ci se concrétisa après environ 100 kms d'une piste relativement correcte sous la forme d'un clou qui dépassait d'une planche d'un pont en bois. Crevaison immédiate au milieu de nulle part bien entendu et sans presque le moindre outil. Bon, on va dire encore quelle inconscience de partir seul à l'aventure sans matériel sur des pistes inconnues, certes, mais de toute façon démonter une roue arrière de moto est loin d’être facile et puis tout peut arriver. J’espère trouver un camion mais quelqu'un qui marche me dit qu'il n'en passe pas ici. Bien, que faire ? Le gars me propose de m'accompagner dans un petit village un peu plus loin et de pousser sac et moto. Dans le village de dix maisons à peine personne ne parle français, et c'est bien dur de se faire comprendre, je me demande déjà combien de temps je vais y rester et si quelqu'un peut me dépanner. J'étais parti tôt, puis j'ai crevé à 9h. A 15h ce n'est toujours pas réparé, mais on a trouvé quelqu'un avec une moto dans le village qui a pu démonter la roue, la chambre est totalement déchirée donc il va en chercher une neuve à 20 kms de là dans la dernière petite ville que j'ai traversée. Sans doute je vais être obligé de coucher là car à 17h j'attends je ne sais pas pour combien de temps encore. Il finit par arriver, le temps de remonter la roue il est nuit, trop tard pour repartir. Je vais donc coucher chez lui, ce sera sur une paillasse malgache avec toute la famille, les conditions de confort sont évidemment spartiates et les souvenirs, incrustés dans la mémoire. Le repas n'est pas si mauvais, des petits poissons séchés, avec du riz bien sur. Le lendemain debout à 5h30, un bon café puis en route ! On attaque la montagne et la forêt, c'est superbe. Seul au monde...devant l'infini...

C'est la qu'on se dit que l'inconscience a du bon car c'est la seule possibilité de traverser des coins pareils à moins de faire un voyage structuré avec guide et logistique qui va coûter 10 fois plus cher et n'aura pas la même saveur. J'arrive dans un petit village perdu et m’arrête boire un café, je sors mon appareil photo et c'est la débandade, les enfants partent en courant, il en reste quand même deux ou trois, je les prends et leur fais voir leur visage sur l'écran , ça devient l'attraction et c'est l'attroupement de tout le village, une dame veut même poser sur la moto !

Je me dis là ; Dans combien de pays au monde pourrait-on voir encore de telles scènes? Puis j'arrive à Ivohibe dans à peu près de bonnes conditions, la piste est parfois très roulante jusqu'à 60 kms/h d'autres fois on met une heure pour faire dix kilomètres, en traversant des bourbiers, des ornières et parfois la rivière à gué si le pont est cassé. Et puis voilà, à 70 kms de l'arrivée alors que je pensais avoir fait le plus dur, je m'enlise au fond d'une mare avec 80 cms d'eau le pot plein d'eau , c'est la panne. Deux gars qui traînaient par là m'aident à sortir l'engin de la boue. Comme il ne passe qu'un taxi brousse par jour et que je ne connais pas la gravité de la panne je crains de ne devoir passer la nuit là, encore une fois, en mangeant des mangues à l'arbre sous lequel je me suis abrité. En désespoir de cause, j'entreprends avec mes deux misérables outils de démonter le pot d'échappement ce qui me fut profitable car celui-ci vidé ainsi que la bougie asséchée, après quelques tentatives le moteur se mit à pétarader. Et pour conclure cette journée, je suis arrivé à Ihosy sans casque que j’avais oublié au cours d'un arrêt et avec un boucan du diable car j'avais remonté le pot de travers. Je suis passé devant les gendarmes puis les policiers qui pourtant si pointilleux ne m'ont arrêté ni les uns ni les autres, sans doute m'ont ils pris pour un extraterrestre...Les pannes continuent, je crois que quand ça été démonté une fois, ils y mettent une telle pagaille dedans que plus rien ne marche. Une grosse fuite d'huile, 1 litre pour 50 kms !, ça fait un bruit de ferraille pas possible, et la consommation d'essence a doublé. Je n'arriverai pas à la destination finale de Tulear, je vais finir avec la moto sur un 4X4 pour les 70 kms restant. Les aléas du voyage se poursuivent, une fois la moto une nouvelle fois réparée, c'est un cyclone qui arrive sur nos têtes, pluies continuelles depuis deux jours et on ne sait pas quand ça va s’arrêter donc bloqué à Tulear qui ressemble sous la pluie à Tamatave mais encore plus glauque. Puis trente kms de piste correcte malgré la pluie des derniers jours pour rejoindre Mangily, village de villégiature à coté d'Ifaty. Rien n'a changé depuis 5 ans que je ne suis venu ici, je retrouve la dame qui fait les si bonnes crêpes à 200 ariary, soit 7 centimes d'euros , sous le gigantesque tamarinier qui doit bien faire 200 m² d'envergure. Village typique du farniente malgache, on vit ici au grès du temps qui passe lentement, la mer est un lac protégée par la barrière de corail, le poisson y est roi, l’après midi la torpeur occupe les esprits et la sieste y est reine.

A 17h le village s'anime, tout le village est dans la rue, brochettes et musique tapageuse, puis vers 22h c'est le tour des discothèques décorées par quelques belles de nuit. Peut être un jour arriveront ici réseau électrique pour remplacer les groupes électrogènes et goudron pour remplacer le sable, l'ambiance sera alors toute autre, pour l'instant le spectacle est sur la plage de la rue et à la lueur des lampions. En fait je crois comprendre le dilemme de nos deux sociétés si disparates : On a pas le choix, l'occident est voué au culte du modernisme et à la marche en avant, inéluctablement, nos libertés disparaissent, notre monde riche s'enfonce dans l'uniformité, on aura de moins en moins le droit de choisir entre la plage et le goudron. Au programme du matin, pirogue à voile, à peu près les mêmes que celles venues d’extrême orient il y a 1000 ans avec les premiers habitants, puis snorkeling, pour parler le français d'aujourd'hui.

Outre coraux, oursins, poissons de toutes couleurs, j'y vois notamment un serpent de mer, jaune avec des taches noires, je croyais que ça n'existait que dans les fables. Retour à Tulear, ville sale et triste à l'image du pays qui sombre dans la déchéance. On se demande vraiment ce qu'ont les malgaches dans la tête pour accepter si facilement un tel sort. Quelqu'un disait à propos de ce pays que c'était le seul au monde, quand les gens sont au fond du trou, à creuser encore. Si bien que je vois l'impasse dans laquelle je suis, il y a une grosse différence entre quelqu'un qui voyage pour découvrir, s'interroger, changer de région au grès de ses envies, et quelqu'un qui s'installe ici, qui va voir les mêmes choses tous les jours, qui va subir la misère, la saleté, la chaleur ou la boue, le désœuvrement généralisé, l 'absence d'avenir. Retour sur Tana à mille kms d'ici, au bout de 100 kms nouvelle panne moteur bloqué, J'abandonne. Un taxibe s’arrête, on monte l'engin sur le toit, le voyage se terminera ainsi, ...

Ainsi va le voyage, ses périodes de doutes et d'exaltation....

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Un autre? Au prochain épisode...Et dans un autre carnet, celui-ci est déjà assez long! Je vais y retourner prochainement pour un douzième voyage avec probablement d'autres anecdotes à raconter ainsi que quelques archives à extraire qui me semblent présenter un intérêt.

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