Jour 1 : 04 mars
Voici un petit débrief de notre périple de Ta Van à Cat Ba :
- Ta Van vers Sa Pa en taxi (45 minutes)
- Sa Pa vers Lao Cai en mini-van (1h30)
- Lao Cai vers Hanoï en train de nuit (8h)
- Hanoï vers Hai Phong en bus (1h30)
- Hai Phong vers embarcadère 1 en taxi (pour acheter les tickets, 20 minutes)
- Embarcadère 1 vers autre embarcadère 2 en bus (pour prendre le bateau, 20 minutes)
- Embarcadère 2 vers Cat Ba en bateau (30 minutes)
Nous arriverons à 10h30 le lendemain. Evidemment, nous apprendrons une fois arrivés qu'il existait des bus de nuit directs...
Éreintés par ce trajet, nous laissons la parole à Anaïs et Sam qui ne cessent de nous donner des coups de poings dans les côtes.
Cher journal, je (Anaïs) suis heureuse et honorée de m'emparer de cette plume voyageuse pour vous conter un peu de notre aventure.
C'est donc pour terminer ces 24 heures "aux 7 moyens de transports" que nous sommes montés dans le bateau (speed boat) pour nous amener à notre destination finale : Cat Bat Island (ou très chaleureusement appelée, l'île de Cat Bat).
Il faut savoir que la fameuse baie d'Ha Long est remplie de près de 2000 îles dont Cat Bat island, la plus vaste de toutes. Cette île est également à côté d'une autre baie, avec près de 1000 rochers du même type, moins touristiques et mieux préservés, et devinez quoi, c'est la bas qu'on avait décidé d'aller.
Et c'est ici, sur cette eau un peu sombre et parsemée de petits flotteurs en tous genres (plastique dur, plastique mou, plastique PVC, plastique thermoductile également..) que je trouvais exactement ce que j'étais venue chercher au Vietnam, mais en mieux.
Les premiers pain de sucre, ces rochers à la pierre noire et la végétation luxuriante avec ces tranches saillantes que l'on devine aisément, apparaissaient un à un, au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans la baie de Lan Ha. Le paysage est indescriptible (non je déconne, je vais vous écrire un pavé !).
Ces rochers se dessinent dans une ambiance brumeuse, imposants, comme sortis de nulle part au milieu de cette eau. Le spectacle est incroyable, on se sent si petit et euphorique en même temps, le temps s'arrête pour les minutes de trajet que nous avons.
Nous arrivons à notre petit hôtel coquet et un poil moisi (l'île à 94% d'humidité qu'ils disaient.. ) et ni une ni deux après une petite douche (largement méritée, surtout pour Fred) nous décidons de partir à l'aventure à dos de scooters/moto bike/tondeuse à gazon flambants neufs, sans compter sur le cligno bloqué, les phares en panne et une moto qui redémarre une fois sur 2. On était venus chercher l'aventure, on n'est pas déçus.
Une minute plus tard, premier stop, il faut faire le plein d'essence, louer des motos vides, ça fait pas très aventuriers. Si comme moi vous vous attendiez à trouver une station essence en bonne et due forme, vous tournerez longtemps en vain. Mais si on prête un peu attention à chaque détails que nous offre le paysage des villes vietnamiennes, vous trouverez ici, un petit panneau "Petrol" avec des bouteilles d'eau rempli d'essence sur le trottoir près des étals de fruits et de viande coupée aérée par des sacs plastiques tournants. Ne me demandez pas toutes les subtilités des coutumes locales, je ne les ai pas encore.
Objectif de la journée : traverser l'île du sud au nord, 22km. Sur l'île, la majeure partie de la surface est recouverte d'un parc naturel, de grottes et de verdure. À part la portion de ville développée que nous connaissons au sud, nous avons grand espoir de découvrir des paysages plus sauvages. Bingo ! Nous prenons la route, cheveux au vent (enfin sauf Fred et Sam, parce qu'ils portent des casques) et poussons un peu la vitesse (la légende dit qu'un jour ils ont atteint les 50 km/h en ligne droite, la légende oui, car l'aiguille de vitesse est inexistante). L'adrénaline et le paysage nous poussent à émettre quelques cris de contentement parfois, comme "hiiiiha", ou encore "whouuu", je crois que Fred a crié "Michel" à un moment. Bref, on se sent vivants.
Ici encore, rochers sur rochers, verdure sur verdure, une seule route qui nous mène au nord, le reste au loin. Chaque virage nous éblouit par un paysage encore plus spectaculaire, les rochers dégagent de la brume à cause (ou grâce) de la grosse pluie que nous avons eu l'heure d'avant. On ne peut pas s'empêcher de s'arrêter de temps en temps pour admirer, prendre quelques photos, et sourire comme des débiles.
On croise quelques petits villages en bord de route, très typiques. Il y a toujours des chiens partout, certains errants, certains domestiques, et beaucoup des poulets que l'on klaxonne pour ceux qui sont en plein milieu de la route. Ou du moins on fait le bruitage du klaxon avec la bouche.
Quand on arrive à redémarrer on continue notre route vers le nord, on découvre un petit chemin sur pilotis à l'approche de la côte que l'on parcourt volontiers. Et enfin, nous voilà au bout, indescriptible, je vous laisse savourer ce paysage. Il paraît que Sam a pleuré et Fred à éternué.
Abort the mission! Tah tah tah, pas une minute à perdre, nous n'avons pas de phare et la nuit ne va pas tarder à tomber. Nous rentrons à l'hôtel fissa fissa, comme disent les jeunes.
Issu d’une famille conservatrice hongroise et aîné d’une fratrie de 14 frères et sœurs, le petit Frédéric doit assumer une grande responsabilité dès son plus jeune âge. Il lui était donc impensable de s’adonner à des activités à haut risques tels que la pole dance, le lancer de couteaux enflammés ou le patinage artistique. Ayant assumé pleinement son rôle de frère protecteur durant la première moitié de sa vie et maintenant loin de ses obligations familiales, Frédéric peut enfin jouir d’une totale liberté.
Sa première victime sera l’engin motorisé à deux roues, le scooter, son plus fidèle adversaire depuis cette longue semaine passée dans les rues d’Hanoï. Son premier essai sera le bon. Il enjambe cette bécane avec une facilité déconcertante et le voilà parti, chevauchant son bolide tel un chevalier breton sur son pur sang, à travers les routes tortueuses de cette île volcanique. Virage à droite, virage à gauche, demi tour, la panoplie complète du motard est déjà maîtrisée. De quoi atteindre le nord de l’île en un temps record et profiter amplement de cette vue magique sur les premiers pains de sucre de la baie d’Ha Long.
Le temps s’arrêta un instant et la nuit tomba progressivement sur Cat Ba. Notre béatitude s’effondra au moment où nous réalisons que les phares de nos scooters ne fonctionnent pas. Il nous reste pas plus de 15 min pour parcourir les 22 km qui nous séparent de notre hôtel: impossible vous diront certains mais pas pour notre Frédéric. Il en faut plus pour inquiéter notre brave aventurier. D’un ton autoritaire et rassurant comme seuls peuvent l’avoir certains pères envers leurs enfants, il nous ordonna de monter chacun sur nos deux roues et de le suivre vaillamment dans la pénombre. Une chevauchée folle débuta et se transforma bientôt en véritable miracle lorsque nous découvrons que la topographie de l’île avait changé radicalement. En effet, une interminable ligne droite traversant l’île toute entière se dessinait devant nous...plus aucun virage je vous dis! L’île en émerveillement devant la présence et la conduite de notre vaillant Frédéric avait choisi de lui ouvrir la voie à son tour afin de le remercier de sa venue.
Nous rentrâmes donc tous sains et saufs avant la nuit tombée et remercions chaleureusement notre compagnon de route. L’assurance dégagée par son homme ravira dame Hilkka et justifiera amplement la somme folle de 12€ dépensée dans une chambre privative le soir même..une légende vient de naître sur Cat Ba Island. Par temps brumeux, certains locaux verraient encore apparaître à la sortie de dangereux virages, le fantôme bouleversant de notre Frédéric entièrement nu, tel un guide protecteur dans cette île oubliée aux mille charmes.
Ce soir on se lâche, on se fait un restau de crustacés, avec un bel étalage de cuvettes et aquariums remplis de toutes sortes de choses dont j'ignorais la capacité à vivre dans l'eau. Crabe pour les filles et hot pot (=fondue au bouillon) de crustacés pour les garçons. Les serveurs jettent devant nous dans le bouillon les crevettes vivantes qui, 30 secondes plus tôt, sautaient pour tenter une dernière escapade. #vegan
Jour 2 : 05 mars
Terminées les conneries, Fred et Hilkka reprennent possession de leur machine à écrire antique, achetée pour quelques sous dans un marché aux puces de Villefranche de Rouergue.
L'état de déshydratation avancé d'Anaïs et de Samuel ne nous permet pas de confirmer l'exactitude de leurs propos de la veille. Nous les remercions chaudement et leur payons un coup à boire.
Aujourd'hui, on va jouer les touristes à fond. L'auberge propose un tour organisé pour la journée dans la baie de Lan Ha et d'Ha Long. Nous voilà partis pour une croisière en bateau entre les pains de sucre, ces centaines de rochers de taille variable parsemés dans la baie.
Première étape : le canoë
Les quatre comparses se répartissent par binômes mixtes, Sam et Anaïs d'un côté, Hilkka et Fred d'un autre. Chacun à sa façon, les deux équipages progressent dans la baie. D'un côté, Sam et Anaïs, au coup de rame aléatoire et laborieux, à qui il arrive même de tourner en rond. D'un autre Hilkka et Fred, où Hilkka donne le rythme "gauche, droite, gauche, droite" à la façon d'un général de l'armée tchèque, et dont le canoë, selon certains témoins, se serait cabré avec la puissance de rame des deux marins pourtant novices. Une vitesse folle qui les empêchera d’apercevoir des singes sur un des rochers, mais qu'importe, ce n'est que partie remise. Certains passages se font dans des tunnels d'une vingtaine de mètres sous les pains de sucre. Malgré un ciel encore bien chargé, c'est un super moment. Vient ensuite le repas sur le bateau, où nous faisons la connaissance d'un couple de voyageurs français, Cyrielle et Sylvain, et d'un voyageur en solo venu d'Israël dont je n'ai pas saisi le nom exact, qui nous parle de son pays.
Seconde étape : snorkeling et plage sauvage
Après ce repas frugal, rien de tel qu'un plongeon pour rejoindre une plage sauvage à la nage. Samuel, ancien virtuose de natation synchronisée, qui préfère les lunettes au masque pour le snorkeling "parce qu'avec la moustache, l'eau rentre sinon tu comprends" s'élance le premier avec nonchalance dans une eau finalement fraîche et on ne va pas se mentir, assez sale. Il atteint le premier le rivage, fier comme un coq. Touché dans mon estime, je me jette à mon tour dans l'eau trouble. Puis vient le tour d'Hilkka, d'un double salto arrière assez spectaculaire. Anaïs choisit la méthode normande en se laissant glisser tranquillement le long de l'échelle. On n'est pas là pour juger, mais c'est quand même la honte.
Les quatre amis se retrouvent sur la plage abandonnée, s'adonnant à quelques photos et vidéos pour immortaliser la prouesse. Le retour sur le bateau est plus chaotique : l'échelle est glissante, chacun remonte comme il peut, on oublie un peu sa dégaine sur le moment. C'est quand même toujours mieux que le bateau d'à côté, qui lui n'a pas d'échelle : on regarde donc les pauvres touristes (qui ont dû payer moins cher que nous, c'est certain) forcer comme des malades en essayant de s’agripper tant bien que mal aux pneus à l'avant du bateau pour remonter à bord. Dommage pour eux, mais on est bien obligés de se foutre de leur gueule, c'est de bonne guerre.
Troisième étape : Monkey Island
La croisière bat son plein, direction Monkey Island, ou l'île aux singes en franc-comtois. Comme son nom l'indique, c'est une île dont l'une des plages est envahie par les macaques (et les touristes). Je (Fred) suis assez impatient de les voir, tout en me souvenant qu'ils sont assez voleurs et parfois agressifs. Un petit bateau écolo à moteur de scooter fait la liaison entre les bateaux de touristes et la plage, avec des conducteurs très peu patients. L’accostage se fait bien sûr à l'arrache entre deux vagues, à quelques mètres du rivage, à la dure.
Arrivés sur la plage, on voit déjà des petits singes soupe au lait un peu partout. Certains jouent entre eux ou se disputent, d'autres boivent à la bouteille. Je vois même un type essayer de refiler sa cigarette à un singe, on se demande lequel des deux est l'animal. Quelques touristes pas très prudents se font griffer, mordre ou menacer. Les singes c'est marrant, mais de loin.
Derrière la plage, un petit chemin escarpé entre les rochers permet d'accéder au sommet d'une montagne avec vue. Sam, un peu trop confiant sur ce coup, doit quitter le premier l'aventure, le choix de ses chaussures (claquettes) s'avérant peu judicieux pour relever le défi. Hilkka, quant à elle, jette l'éponge après quelques mètres, prétextant avoir repéré un billet d'1 million de dongs sur la plage. On la comprend. Je termine donc le chemin avec Anaïs qui n'a pas trouvé d'excuse, mais nous ne serons pas vraiment récompensés : le sommet est saturé de touristes. Dommage, demi-tour après quelques photos, pour ne pas partir bredouilles.
Quatrième étape : le village flottant des pêcheurs
Retour au bateau puis nous nous dirigeons vers un village flottant de pêcheurs, constitué d'un ensemble de cabanes en tôle et de filets de pêche. L'animateur du tour nous explique qu'ils ont l'air pauvres, mais qu'en réalité leur activité leur permet d'avoir une villa sur l’île et qu'ils ne vivent pas sur place. On n'est pas obligés de les croire. Chaque cabane de pêcheurs est gardée par un chien, qui prend son job très à cœur et permet d'éviter aux pêcheurs de se faire découper les filets et voler le poisson.
Le soir nous donnons rdv aux Français du bateau à notre resto/cantine préféré(e). On en profite pour tester le vin rouge local, le Da Lat. Certains le trouveront trop fruité, d'autres un peu fade... On ira voir où ce vin est produit, mais on se garde ça pour plus tard.
Sur le chemin menant au resto, on avait repéré plusieurs karaokés, dans la pure tradition asiatique. On choisit donc de tenter le coup avec nos copains Français et tant qu'à faire, on entre dans le plus kitsch : lumières tamisées, néons aux couleurs vives, micro avec écho, tout est réuni pour massacrer n'importe quelle chanson. C'est alors qu'Hilkka s'empare du micro avec une assurance déconcertante et reprend les couplets de rap US comme si elle avait fait ça toute sa vie : appelez la Jay-Zilkka. Les duos se succéderont pendant 2h avec plus ou moins de succès : mission accomplie.
Jour 3 : 06 mars
Réveil un peu difficile ce matin, pendant que nos compagnons cuvent leur vin, on repense en grinçant des dents et en saignant des oreilles aux notes aiguës mal maîtrisées du karaoké de la veille. Nous prenons un scooter et laissons Sam et Anaïs profiter de leur sommeil qui sera; on l'espère; bien réparateur.
En cette dernière journée, nous sillonnons à nouveau l'unique route de l'île, toujours fascinés par ces décors et cette végétation exotique. On n'arrête pas de se dire, un peu euphoriques : "c'est quand même dingue d'être là", tout en se dirigeant vers le cœur de l'île. Notre scooter, affectueusement surnommé Pimprenelle, nous mène jusqu'au parc national de Cat Ba. Anecdote assez cocasse, nous arrivons un peu tard au parc, si bien que n'aurons pas le temps de faire la rando. On regarde donc des photos sur Google images pour se consoler, ça revient (presque) au même !
Toujours prêts à optimiser notre temps (l'efficacité allemande avant tout), nous improvisons une leçon de conduite sur le parking. Moi (Hilkka), qui ne connais pas encore la vie de biker, je suis sur le point de me découvrir un talent endormi. Transcendé par son exploit de l'avant-veille, Fred m'explique en quelques mots les commandes de la bécane, le point de croix, les bienfaits de la cuisson vapeur et la parade nuptiale des lémuriens d'Autriche.
Un peu perplexe suite à son discours d'une incohérence déconcertante, je m'élance sur ma contrefaçon de Harley Davidson. Je roule comme un chef, des étincelles fusent après mon passage à au moins 25 km/h. Quelques tours de piste et me voilà rodée. Prépare-toi Vietnam, un nouveau pilote va emprunter tes routes de campagne (on n'est pas fous au point de rouler en ville hein) !
Je roule quelques minutes avant de m'apercevoir que j'ai oublié Fred sur le parking. Je le retrouve en larmes pendant que résonne dans un haut-parleur : "la tutrice suppléante du petit Frédéric est attendue de toute urgence sur le parking". Je vais encore perdre sa garde, génial. [Attendez, Fred interrompt ma rédaction pour me dire que j'en fais trop. Je lui rétorque que nos lecteurs aiment le côté dramatique de nos récits, il acquiesce d'un air convaincu et diabolique à la fois. Nous décidons donc de conserver ce paragraphe.]
Après quelques km de conduite à allure très modérée, pour profiter du paysage, Fred reprend le guidon. Nous croisons Sam et Anaïs sur le chemin du retour. Signe du destin ou heureux hasard, nous finissons par visiter le point de vue de Cannon Fort tous ensemble, le plus beau point de vue du pays (selon le Lonely Planet). On y retrouve aussi des canons (quelle surprise), construits par les Japonais lors de la Seconde Guerre Mondiale On en prend plein les yeux, Cat Ba offre de superbes décors typiques de la baie d'Ha Long. On en profite d'ailleurs pour faire des photos absurdes avant de repartir.
Pas le temps de traîner, nous quittons l'île aujourd'hui. Dans 3h30, nous serons à Tam Coc, dans la baie d'Ha Long terrestre.