La dépression post île paradisiaque existe et touche des centaines de voyageurs chaque jour, dont nous faisons partie. Après ces quelques jours à Koh Rong Sanloem, nous sommes désemparés et laissons la paresse s'installer durant notre séjour à Kampot. Il faut dire qu'il y a eu de beaux orages bien arrosés ici, pas un temps à mettre le museau dehors. Hilkka enchaîne les épisodes de Game of Thrones et Fred a même pris du bide.
Nous allons faire un exposé en 4 parties :
1- Bonne résolution sportive
2- Présentation de Kampot
3- Culture du poivre et du sel, visite de la ferme La Plantation
4- Excursion à Kep et dégustation du crabe au poivre de Kampot
1- Bonne résolution sportive
"Quel rapport avec Kampot ?", nous direz-vous. Et bien voilà, tout a commencé lors d'une nuit de tempête. Non on déconne... Après avoir passé des journée devant YouTube à regarder comment faire une pâte feuilletée, le pliage de serviettes en tissu et les meilleures techniques anti-cernes, Hilkka tombe sur une vidéo un peu plus pertinente.
Il existe une application portant le doux nom de Charity Miles, permettant de suivre nos activités physiques et de reverser de l'argent à une association. Comment ça marche ? Il nous suffit de télécharger l'application gratuite, de créer un compte et de choisir une association (parmi une liste). Puis l'application enregistre les distances parcourues lors de chaque activité physique (marche, rando, vélo...), à l'aide du GPS du téléphone. Grâce à des sponsors, l'application reverse alors une somme proportionnelle à la distance parcourue à l'association choisie. Alors là, ni une ni deux, on se dit pourquoi pas tester. On marche beaucoup en Asie mais en Nouvelle Zélande et Amérique du Sud, les vraies randonnées et treks vont commencer. Ça va en faire des sous sous !
Bref, nous nous inscrivons et créons même une équipe : Renards actualités. Si vous faites déjà du sport et que vous souhaitez participer avec nous, il vous suffit de chercher et de rejoindre l'équipe depuis l'application. Ça ne coûte rien et ça fait une bonne action.
Les associations sont nombreuses et œuvres pour différentes causes : recherche médicale, éducation, précarité... Pour l'équipe Renards actualité et après mûre réflexion, nous avons choisi une association de protection de l'environnement : The Nature Conservancy, car c'est ce qui nous paraissait le plus cohérent pendant notre voyage. Nous avons également sélectionné d'autres associations avec notre compte personnel, qui recevront donc une part de nos "dons" en km. Bref, pourquoi The Nature Conservancy ?
Pour tout vous avouer, l'Asie c'est sale, très sale. On voit des montagnes de déchets dans des terrains vagues, en centre-ville, sur les plages. On en voit des bananes, concombres, sushis (!!) emballés individuellement dans des plastiques, dans les supermarchés plus chics. Enfants et adultes (locaux ou touristes parfois) jettent tout et n'importe quoi où bon leur semble. Avec la chaleur, ça attire les mouches, les fourmis, les rats. Visuellement, c'est moche, mais écologiquement c'est pire.
Pour faire bref :
- 10 fleuves dans le monde sont responsable de 90% de la pollution des océans
- parmi ces 10 fleuves, on retrouve 2 fleuves africains et 8 fleuves asiatiques
- parmi ces 8 fleuves asiatiques, 6 fleuves chinois
- 5 pays rejettent la moitié des déchets présents dans les océans : Chine, Vietnam, Thaïlande, Philippines et Indonésie
Quelques sources :ici, ici ou ici
2- Présentation de Kampot
Kampot est une ville du golfe de Thaïlande, au sud du Cambodge, réputée dans le monde entier grâce au poivre de Kampot, un des meilleurs (et des plus chers) au monde.
C'est aussi une ancienne ville coloniale, certains quartiers comportent encore de vieilles maisons d'époque, abandonnées ou restaurées.
La ville est assez calme, mais elle connait un développement extrêmement rapide, lui donnant par endroits des airs de chantier géant avec son nuage de poussière et de gaz d'échappements.
Heureusement, le centre-ville est bien plus charmant, avec ses petits restaurants et ses nombreuses façades d'époque coloniale. Bordé par la rivière Preaek Tuek Chu où des bateaux proposent des croisières au coucher du soleil, on y retrouve un peu plus d'authenticité. Kampot est aussi la capitale du durian, un gros fruit exotique interdit dans les transports en commun et les hôtels à cause de sa très forte odeur, qui elle n'a rien d'exotique. On l'assimile souvent à une odeur de caca, voilà c'est dit. Une sculpture de durian géant est d'ailleurs érigée sur le rond point principal du centre-ville.
Kampot a été pour nous une étape assez calme, après l'enflammade de Koh Rong Sanloem. Nous avons passé la semaine dans une guest house familiale et très agréable. Ce petit séjour nous a permis de voir à quoi ressemblait leur quotidien, avec des parents très impliqués dans la gestion de la guest house, des clients et aussi dans l'éducation des enfants. David (surnom donné par son école) a 6 ans et a déjà de bonnes notions d'anglais. Aussitôt arrivé de sa journée d'école dans son uniforme bleu, David et son père se dépêchent d'aller voir les poissons rouges dans la grande jardinière faisant office d'aquarium (des monstres comparés à ceux qu'on a en France). C'est assez drôle de voir que le père est autant fan des poissons que son fils, ramenant chaque jour du marché des poissons tous aussi improbables les uns que les autres.
C'est aussi pendant cette semaine que nous avons fait la connaissance d'un couple de voyageurs franc-comtois, Vanessa et Benjamin, avec qui nous avons très vite sympathisé. Eux aussi sont en tour du monde, à leur huitième mois de périple : USA, Canada, Amérique du Sud, Nouvelle-Zélande, Thaïlande entre autres. On partage nos joies et nos galères de tour du monde. Ils nous racontent leurs aventures de voyageurs végétariens et leurs difficultés à trouver à manger, notamment en Amérique du Sud.
On rigole bien tous les 4, on décide alors de passer une journée avec eux, pour faire la visite d'une ferme de poivriers dans la campagne de Kampot (voir partie 3).
En partance pour le Vietnam et l'Indonésie, nos routent se croiseront sans doute (on l'espère) de nouveau très bientôt. Affaire à suivre... Spéciale dédicace, Vanessa et Benjamin, si vous nous lisez...
3- Culture du poivre et du sel
Nous partons donc tous les 4 en excursion vers La Plantation, une ferme bio à quelques kilomètres de notre guesthouse. Le temps de réserver un tuk tuk honnête, nous voilà en route pour les poivriers de Kampot. La première partie du voyage se fait sans problème, mais les complications arrivent lorsque la route se transforme en chemin de terre battue chaotique : le périple durera au total une bonne heure, chamboulant les estomacs des 4 occupants, mais heureusement la bonne humeur résiste aux soubresauts du taxi.
Vanessa et Hilkka, de vraies pipelettes, font l'essentiel de la conversation, heureusement ! Pendant ce temps-là Benjamin et Fred se concentrent sur leur mal de tuk tuk, solidaires dans l'effort. "Courage mec, on lâche rien !". Après avoir contourné la campagne de Kampot et le Secret Lake (pas si secret que ça finalement), nous arrivons (enfin) à La Plantation, ferme traditionnelle et bio tenue par des Franco-Belges. La Plantation a aussi un rôle social majeur dans la région, elle représente un bassin d'emploi assez important. La ferme dispose d'une école primaire d'une centaine d'élèves et assure la poursuite d'études de ces enfants.
La ferme produit essentiellement du poivre : rouge, vert, noir et blanc, dont les grains sont cueillis un par un, à la main. Un travail très fastidieux. Les baies sont toutes issues de la même plante, la différence se fait par le mode de cueillette ou de traitement à différents stades de maturité. D'autres produits sont également cultivés sur place comme le curcuma et le combava.
- le poivre vert : se développe de septembre à janvier. Acidulé, il est idéal pour les plats en wok avec viande ou fruits de mer.
- le poivre rouge : il est obtenu en laissant mûrir les grains verts jusqu'au mois de mars, au pic de la saison sèche. Les grains sont triés, rouges d'un côté, verts de l'autre. Ils sont ensuite lavés et séchés au soleil. C'est le produit phare de la ferme. Frais et fruité, il est utilisé dans la cuisine fine et raffinée ou pour faire des rhums arrangés.
- le poivre blanc : il est obtenu à partir des baies rouges par trempage pour les débarrasser de leur couche extérieure (gangue). C'est un poivre frais et citronné.
- le poivre noir : les baies mûres sont récoltées au mois de janvier et séchées au soleil pendant 2-3 jours. Il accompagne les viandes grillées ou les poissons, mais ne doit pas être cuit, il est préférable de le moudre.
La ferme produit également d'autres sortes de poivres plus élaborés, à base des 4 sortes présentées, comme le poivre long ou la perle de poivre.
Les poivres rouge et blanc sont les plus difficiles à obtenir car ils doivent être ramassés à maturité et nécessitent donc un effectif important sur un temps court.
Les plants de poivre sont maintenus par des tuteurs de 4 mètres de haut. Les trois premières années, les fleurs sont retirées pour privilégier la croissance de la plante. Le terreau utilisé est constitué de bouse de vache et d'excréments de chauve-souris récoltés non loin de là, de la citronnelle et de l'arbousier sont utilisés comme répulsifs contre les insectes. Des réservoirs collectent l'eau de pluie pendant la saison humide et permet l'irrigation manuelle, pied par pied, pendant la saison sèche. Les plants sont protégés du soleil par des feuilles de bananiers disposées par-dessus en épi.
En 2010, le poivre de Kampot a obtenu un label IGP (Indication Géographique Protégée) imposant un cahier des charges strict aux producteurs, leur permettant de vendre sous le label "Poivre de Kampot" : la première production de ce type dans le pays.
A la fin de la visite (en français) des plantations, une dégustation nous est offerte, l'occasion de faire la différence entre tous ces poivres. Pour terminer, on se retrouve tous les quatre pour une bonne glace au poivre (sans blague) en terrasse, en regardant le coucher de soleil. Chouette journée, très pédagogique !
Sur le chemin du retour, le chauffeur du tuk tuk nous arrête au bord du Secret Lake et d'un marais salant, pour la photo.
4 - Excursion à Kep
Nous consacrons une journée à la visite de Kep. Bord de plage, marché aux crabes, ça mérite bien une journée ! Grave erreur...
En arrivant en mini-van le matin, on découvre une plage très animée, avec de nombreux tapis et fauteuils installés sur le trottoir longeant une plage très sale. Encore beaucoup de plastique, mais on commence à s'y habituer (malheureusement). Un peu plus loin, la célèbre statue du crabe bleu de Kep, emblème de la ville, fait face à la plage à une trentaine de mètres de la rive. L'ambiance est étrange, la ville ne déborde pas d'activités.
De l'autre côté de la baie, nous trouvons le marché au crabe, où les pêcheurs viennent directement livrer toutes sortes de poissons et crustacés sur les étals : calamars, langoustes, carpes et évidemment le fameux crabe bleu. Il fait une chaleur incroyable sous les bâches du marché, entre le soleil de plomb et les grills qui tournent à plein régime. Les vendeurs se jettent sur nous, les négociations vont bon train. On choisit alors un crabe de 500g pour 6$ avec poivre de Kampot, qu'on agrémente avec une carpe grillée et quelques calamars. Repas assez décevant finalement, on s'aperçoit très vite que le crabe est loin d'être entier et le poisson n'est pas sensationnel, mais pour l'expérience du marché, ça valait quand même le coup.
La ville n'est pas très accueillante et on peine à trouver des occupations. On décide alors de marcher jusqu'à une partie de la ville où on a repéré une "ville fantôme" d'anciennes maisons coloniales. Après 30 min de marche, on arrive sur place. Pas un chat à l'horizon, mais des chiens très agressifs dans une cage.. oh merde, la cage est ouverte ! Un bond en arrière devant l'un des chiens, qui s'approche dangereusement en grognant. On lui fait face, fébrilement. Un tas d'images nous traverse l'esprit à ce moment-là : la morsure, les risques de rage, les autres chiens, la peur, une tartiflette (pourquoi pas après tout). L'instant semble durer des heures, le chien est de plus en plus agressif. Dans un geste désespéré, Hilkka débouche la bouteille qu'elle a à la main et arrose le canidé furibond, qui s'arrête net : il aurait surement préféré de la San Pellegrino avec une rondelle de citron. On continue notre chemin, un peu secoués, armés de pierres, au cas où. Comme on aurait dû s'y attendre, la ville fantôme ne valait pas le coup, quelques maisons abandonnées ci et là, mais pas une raison valable de sortir l'appareil photo. On repart donc déçus et secoués, en évitant soigneusement les autres chiens du quartier, qui semblent tous bien à cran en cette fin de journée. Retour à Kampot, sans sourciller.