J'ai passé une très mauvaise nuit, avec tous les chiens du village qui s'interpellaient et se répondaient. Je reste couchée jusqu'à 8h15, obligée d'attendre l'ouverture des marchés. Une fois les provisions faites, je me poste à la sortie du village pour faire du stop. En effet, sur la prochaine section, les points de ravitaillements et d'eau me paraissent trop peu nombreux donc la charge à porter serait trop importante. En plus, il y a une portion d'environ 80 kilomètres de ripio, peu tentant.
En ce lundi matin, les voitures sont rares et les quelques-unes qui passent ne s'arrête pas. Je décide d'avancer un peu, je me dis que l'on aura plus envie de m'aider au beau milieu de nulle part. J'avance donc 3-4 kilomètres, en descente pour mon plus grand plaisir, et me remets à l'affût. Une voiture de police s'arrête et me signale qu'il y a un poste de contrôle un kilomètre plus loin, donc que les voitures s'arrêtent ou ralentissent et que j'aurai sûrement plus de chance. Je remonte en selle, et me repose sur le bord de la route cinq minutes plus tard.
Il passe une voiture tous les quarts d'heure en moyenne, il ne faut pas compter sur celles qui sont trop petites ou pleines, cela laisse peu de chance... Au moins la lecture de mon livre avance bien! Vers midi trente, après trois heures d'attente, j'en ai vraiment marre et reprends la route, au moins j'avance tout en continuant à faire du stop.
C'est donc sur mon vélo que je passe le Rio Barrancas, qui marque la limite nord de la région de Neuquén, et que je quitte officiellement la Patagonie. De beaux lacets s'élèvent, après à peine quinze minutes de montée, un pick up s'arrête ! Deux bonhommes et la grand-mère à l'arrière, qui rentrent à San Rafael. Le vélo est placé à l'arrière, et en route! Et moi qui commençais à perdre espoir...
Ils me conduisent sur environ 150 kilomètres. Vu l'état du ripio, je ne regrette pas. Les paysages sont beaux, des volcans et leurs traînées noires de lave durcie, un canyon étroit et profond, une lagune remplie d'oiseaux, un large fleuve, des montagnes tordues dans tous les sens, mais ils passent vite en voiture et je n'ai pas le temps de m'en imprégner.
Lorsqu'ils me déposent, le temps est menaçant avec de gros nuages noirs et des éclairs. La vallée dans laquelle je m'engage semble la seule à être encore sous un ciel bleu. Je quitte donc la 40 passer un col qui me ramènera au Chili. Et cette vallée-là est sublime. Des montagnes ocres, une large rivière terreuse dans le fond, et par-ci par-là des fermes au milieu de coins de verdures. Avec la lumière orageuse, c'est de toute beauté.
J'ai environ 35 kilomètres pour arriver à la douane argentine au pied du col, que je garde pour demain. Je me dépêche un peu pour éviter que la tempête ne me rattrape. Le vent de face souffle fort sur la fin, j'arrive alors au petit village de Las Loicas. Juste avant le poste de douane, il y a de nouveau un camping gratuit où je m'installe. J'espère y passer une meilleure nuit...