Le GR 54, tour de l'Oisans et des Écrins Le GR 738 Haute traversée de Belledonne Un morceau du GRP Tour du massif des Bauges La GTJ Grande Traversée du Jura
Du 27 juillet au 14 septembre 2022
50 jours
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Voyage en train par Lyon et Grenoble, d'où je prends le bus à 18h25. Ce bus suit le Drac puis circule dans des vallées profondes entre des pentes boisées ou des falaises calcaires plissées. Les nuages gris se sont amoncelés sur les sommets. Au Bourg d'Oisans il fait encore très chaud. J'achète le seul pain qui reste à la boulangerie et vais me trouver une petite place à côté d'un chalet vide dans le camping bondé , très international: Hollandais Belges Allemands et même des Serbes. Dans la nuit l'atmosphère se rafraichit, finalement le duvet n'est pas de trop.

La randonnée commence par le GR54 : Tour de l'Oisans et des Écrins

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Il fait beau. La rue principale du village ancien est jolie, et les commerçants sont sympathiques. Au café il y a la wifi , ce qui va me permettre de mettre en route mon téléphone neuf, et puis il c'est le marché aujourd'hui. Du coup je ne pars qu'après 10h, et il fait déjà chaud.

Heureusement, à part au tout début, la montée sera presque toujours dans les bois. Le sentier croise plusieurs fois la route qui monte en lacets à l'Alpe d'Huez, haut lieu du Tour de France et du cyclisme de route. Avec toutes les voitures ça ne doit pas être agréable. Et les randonneurs en profitent également (du bruit).

Pas besoin d'entrer dans le cimetière de La Garde, devant l'église une fontaine dispense de l'eau fraîche. C'est la halte des cyclistes. Deux Canadiens occupent le banc, je n'aurai la place qu'après.

C'est reparti, sur une petite route puis des lacets raides dans des bois de pins. Je sue à grosses gouttes. Les ouvertures sur le paysage sont rares. On voit alors la vallée, le Bourg d'Oisans, les plissements calcaires derrière, et au loin des monts découpés et minéraux.

Le Bourg d'Oisans et l'église de La Garde

Une pause s'impose. Une table de pique nique est occupée par une dame que je suppose hollandaise et son fils, qui me laissent la place. Plus tard je verrai passer une seule randonneuse, et un ouvrier forestier. Depuis La Garde je n'avais rencontré personne.

La montée dans la forêt se termine un peu plus haut au hameau du Châtelard. J'y prends un café, remplis mes bouteilles,et continue sur des petites routes dans un paysage rural montagnard, les vues s'élargissent. Ce qui est moins beau ce sont les constructions de l'Alpe d'Huez sur la hauteur. Deux villages typiques, Maromme et Le Rosai avec sa chapelle de pierre.

Mauvaise surprise, après avoir bien monté il faut redescendre, par un raidillon rocailleux, tout au fond d'un ravin. En bas se trouvent un pont romain et des moulins en ruine. C'est la vallée de la Sarenne, que je vais suivre tout le reste de la journée.

Hélas on croise des câbles et des stations de télésiège, des canons à neige, déprimant. Plus haut les arbres disparaissent, ça monte moins fort mais la vallée est profonde et aride, sur les versants l'herbe est desséchée.

Où trouver un bivouac dans ce genre d'endroit ? En effet ça ne va pas être facile. J'arrive sur un espace assez large, à l'odeur fréquenté par des moutons. Pas de bêtes mais une cabane de bergers. J'erre longtemps avant de trouver un espace suffisamment plat, près de la rivière, très bien finalement.

Les premiers animaux qui arrivent, ce ne sont pas les moutons.... mais les patous ! Deux d'abord, dont un assez âgé qui tourne autour de mes affaires, semble quémander. Je crains pour mon saucisson, mais il ne veut peut-être que des caresses (j'ai pas trop envie vu l'aspect du pelage). Après il en arrive deux autres, plus aboyeurs mais pas agressifs, et plus tard, la tente montée, un dernier vient me lécher le cou par derrière. Le troupeau de moutons descend en aboyant dirigé par un habile border colley, le berger arrive avec, il me dit que je ne vais pas dormir car les patous vont aboyer.

Il y en a juste un qui viendra au milieu de la nuit. Je me rendormirai. Les moutons dorment aussi. Le ciel est magnifiquement étoilé.

L'Alpe d'Huez depuis le Rosai, pont sur la Sarenne, bivouac avec moutons et patous 
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Le ciel est d'un bleu pur et l'air est immobile. Quand je pars le berger est déjà en train de monter avec les brebis et les chiens. Il faut suivre la route sous le soleil. Il fait déjà chaud. Peu avant le col une petite fromagerie qui fait bistro. Le patron a une voiture immatriculée 18, il a une copine à Bourges et connaît bien cette ville et le Berry.

Au col montent déjà des cyclistes. L'un deux me prend en photo, bien qu'il ne s'agisse pas d'un exploit. Pour lui non plus d'ailleurs, car il a emprunté un vélo électrique.


Le début de la descente est encore sur la route, où on croise les vélos. Soudain, dans un virage, oh surprise, une magnifique chaîne de hautes montagnes couverte de glaciers apparaît. Elle n'était pas visible du col, et je m'en veux d'avoir eu la flemme de monter à la table d'orientation juste un peu au-dessus. Je reconnais quand même la Meije, au sommet caractéristique. Qui se couvre rapidement de nuages.

Le GR bifurque sur un sentier en lacets descendant la pente raide dans une végétation basse et sèche, en plein soleil. Courbatures de la veille, mal aux jambes et aux pieds, et manque d'entraînement. Mes jambes flageolent. Une pause sous le premier arbre isolé est appréciée. À ce moment monte un couple qui va au pic Cassini, ce sont les seuls marcheurs que je verrai de la journée.

Plus bas, un chemin plus civilisé, bordé de murets, mène au village de Clavans le Haut.

Après Clavans le Bas, autre village typique, le sentier plonge vers un torrent. De haut on aperçoit de grandes baignoires bleues. Déception, je croise la rivière sur un pont très haut, en dessous le courant est trop fort , ce n'est pas possible de se baigner. Près d'un ancien moulin je trouverai quand même un sentier pour mettre les pieds dans l'eau et m'asperger. Sur un coin d'herbe ombragé je vais faire une longue pause.

Car un bon raidillon sur une pente schisteuse m'attend en plein cagnard. Les boisements clairs (bouleaux) qui suivent ne dispensent pas beaucoup de fraîcheur. Le temps est très lourd, des nuages arrivent.

Clavans le Haut et Besse 

Besse est un village montagnard préservé, maisons de pierres et rues pavées, touristique sans excès. Je m'engouffre dans un café et y reste le temps de recharger mon téléphone, soit au moins une heure et demie, conversant avec les clients à l'occasion. Quelques courses à l'épicerie annexée au café, hésitations sur la suite et consultations météo mais le temps n'a finalement pas l'air de se mettre à l'orage, je repars vers 17h.

Il fait chaud, la montée est dure et je ralentis le pas. Le vent finit par rafraîchir mais à partir du col Nazié (1902m, belle vue) il devient très fort. Difficile dans ces conditions de trouver un bivouac. Je monte donc encore, jusque 2085m, et m'installe sur une plate forme dans un léger recoin au bord du sentier. Moins de vent mais pas chaud. En face au nord de grandes montagnes sont couvertes de glaciers.

Montée depuis Besse , col de Nazié, bivouac
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Le bivouac était un peu en pente mais très calme. Les nuages couvrent le ciel ce matin mais les montagnes sont visibles.

La météo n'est pas très bonne pour aujourd'hui. La pluie est prévue l'après midi mais déjà des gouttes se mettent à tomber. Je mets la housse protège sac, mais ça se calme. Le sentier continue à monter en lacets et puis rejoint un vert plateau.

Vue vers la vallée et le village de Besse / Sur le plateau d'Emparis

En face sous les nuages apparaissent les immenses glaciers de la chaîne de la Meije.

Arrivée au col Saint Georges (2245m) et au chalet Josserand qui n'est plus qu'une ruine. Des monts très découpés apparaissent au nord est. Ce pourraient bien être les aiguilles d'Arve.


Le chemin se poursuit à travers le plateau d'Emparis entre des tourbières et monte ensuite au col du Souchet (2356m) d'où les glaciers paraissent tout proches.

Les glaciers de la Meije                     /                    Arrivée au Chazelet sous la pluie 

La descente est en pente douce sur des sentiers lisses, c'est un rêve. Je comptais les randonneurs ce matin, (2 + 3 VTtistes avant le col), j'y renonce, tout à coup c'est la foule.

Ce qui est moins drôle, c'est qu'il va se mettre à pleuvoir pour de bon, et cela ne va pas cesser jusqu'au prochain village, le Chazelet. Pas le moindre abri avant...

Le Chazelet 


À l'arrivée, déjà trempée j'entre dans le seul établissement ouvert, une crêperie où je mange une soupe après la crêpe car je n'avais pas bien regardé le menu. Tous les randonneurs (beaucoup plus nombreux sur ce tronçon) s'y abritent. Je retrouve un couple de Bretons rencontrés ce matin sur le plateau. Les seuls GRistes que j'ai vu pour l'instant.

Je reste là longtemps pourtant les fringues ne sèchent guère. La serveuse nous promet la pluie toute l'après midi. Je me couvre au maximum et pars la dernière... Eh bien il ne pleut plus, il y a même un peu de soleil et les sommets se découvrent. Le village est ancien et typique, j'apprécie les vieilles portes.

Descente assez raide jusqu'aux Terrasses. Je crève de chaud et enlève tous les vêtements de pluie. L'église est très belle, les montagnes aussi.

Encore une descente, la dernière heureusement vers La Grave, haut lieu touristique. Je visite l'église et ses alentours. Après le passage à la supérette le sac est bien lourd. Au camping je me contente de recharger le portable dans les sanitaires, c'est bondé. Je rejoins la Romanche (le torrent) puis monte un peu dans les bois où un bord de piste me conviendra pour cette nuit. Je déguste une boîte de lentilles et des abricots.

Les Terrasses et La Grave
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Aujourd'hui c'est avec le jour que je me réveille. La tente est légèrement humide, c'est plutôt la condensation. Départ vers 7h peut être. Le sentier continue à monter sur un versant boisé de bouleaux et mélèzes. De temps en temps plus haut vers le sud on aperçoit des pentes neigeuses.

Je suis étonnée de voir arriver un randonneur derrière moi. Il n'est pas très chargé mais il fait le GR. Pas à mon rythme : c'est son 2e jour, il veut le parcourir en 6 jours, c'est plus que doubler les étapes. C'est un Lorrain de Metz.

Descente vers la Romanche encaissée à cet endroit. Le bourg de Villars d'Arène est bien haut de l'autre côté, je n'y vais pas, j'ai bien fait de faire les courses hier. Un agréable sentier longe le vif torrent aux eaux bleues, jusqu'au pont d'Arsine.

Villars d'Arène et la Romanche


Au pont d'Arsine se trouvent un parking, un camping bien plein mais plus sympa que celui d'hier et un refuge. C'est peut-être cette dénomination qui justifie le fait que le café soit à 1,90 euros. Je demande au patron s'il a vu mon couple de Bretons. Il ne sait pas, il voit passer tellement de randonneurs qui font le GR... Étonnant.

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Dans la montée vers l'Alpe d'Arsine et le col du même nom certes il y a foule mais ce sont des promeneurs partis pour la journée, beaucoup d'enfants, l'ambiance est familiale. Le sentier reste puis grimpe en lacets une forte pente d'où la Romanche tombe en cascade.

On atteint une large vallée, tourbeuse comme il se doit, et de tous côtés on peut admirer des pics déchiquetés et des glaciers brillant au soleil. Le pic Gaspard (sur la Meije), le pic de Chamoissiere et d'autres.

À l'Alpe de Villar d'Arène les vaches sont de races variées. Le refuge est plein de monde. Je me cale dans un coin à l'ombre et ne m'attarde pas outre mesure. Plus haut un autre refuge plus petit est bien plus accueillant mais les gardiens ne sont pas là.

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En remontant dans la direction du col d'Arsine on voit apparaître d'autres monts magnifiques du massif des écrins.

Vers le col d'Arsine

C'est raide et un peu dur juste avant le col, j'ai mal au dos. 2345m. Une randonneuse (qui fait un autre circuit, pas le GR54) se propose pour me prendre en photo.

Après une pause à l'ombre d'une pierre, c'est parti pour la descente, tranquille au départ, dans une belle vallée granitique. Les torrents qui dévalent les pentes et les étangs qui s'étalent dans les fonds tourbeux sont d'une surprenante couleur laiteuse, c'est l'eau de fonte des glaciers.

Voyant des chiens courir dans tous les sens alors qu'ils sont interdits dans le parc je ne peux m'empêcher de m'en étonner auprès de leurs propriétaires : ils ont le droit, ils sont bergers ! C'est toute une famille. Ils sont tous très gros. Ils utilisent les piquets de clôture amovible comme bâtons de marche. La petite fille de 5 ans court sur les pierres en chaussures de sports sans chaussettes et sans lacets. Un garçon me raconte que les marmottes sautent sur les chiens et leurs mordent le museau .

En effet les pierres rendent la marche plus difficile, d'autant plus que la pente s'accentue, le sentier va plonger au fond de la vallée. Tout en bas s'étend un petit lac, exactement à la limite du parc des Écrins. Quelques promeneurs se trouvent là mais ce ne sont pas des campeurs. Deux Italiennes me laissent un emplacement plat où je vais monter la tente. Occupée à m'installer j'entends qu'on m'appelle... Ce sont les deux Bretons d'hier qui se reposent sur la rive opposée !! Ils s'appellent Sophie et Franck et sont de Lorient. Ils vont plus loin mais on se retrouvera sans doute.

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Bien dormi mais le vent souffle toujours et il ne fait pas très chaud. Par chance le soleil apparaît vite. Départ 8h. Encore quelques cailloux sur le chemin mais la descente de la vallée du "Petit Tabuc" est tranquille à travers le mélèzin. Je suis un peu avant 10h au Casset dans la vallée de la Guisane. Village tranquille et café à 2€.

Pour aller à Monêtier, une piste très fréquentée par piétons et VTtistes suit la vallée. Pas de vent, du soleil, il fait chaud. Je me sens épuisée en arrivant dans cette station très touristique et y ferai un long arrêt (café 1,50€) à un café hôtel restaurant où la patronne est d'origine anglaise et fort sympathique. Elle me décrit les difficultés pour aller au lac d'Eychauda mais me conseille cet itinéraire.

Le Monêtier les Bains

Quand je repars c'est un peu mieux car le vent s'est levé, mais il est chaud. Arrêt pique nique, départ un peu avant 15h. Le sentier, qui se trouve être aussi le tracé de la Via Alpina rouge, grimpe raide sur un versant boisé (mélèzes et divers) et, même si on est souvent à l'ombre, la chaleur épuise. Devant un monsieur un peu âgé va encore plus lentement que moi avec un gros sac. J'engage la conversation, l'anglais s'impose: il est estonien et cela fait 15 ans qu'il vient randonner dans les Alpes. Je rejoins sa femme un peu plus haut. Elle me raconte que le point le plus haut de la Estonie c'est 240m.

Surplombs rocheux dans la forêt , plus haut un troupeau de tarines

Il faut atteindre pas loin de 2000m d'altitude pour que l'atmosphère se rafraîchisse. La forêt s'éclaircit, je traverse un troupeau de vaches (race tarine) comportant beaucoup de veaux, avant le lieu-dit Bachas à partir duquel on entre dans le "domaine skiable" de la station de Serre Chevalier. Bref, télésièges pistes etc... c'est moche. Je capte un soupçon de réseau, et je parle avec un Vttiste qui se dirige vers un sommet proche, la Cucumelle.

Je retrouve le GR54 pour l'instant je dois le suivre, mais au moment où je devrais trouver la variante, aucune indication... Je demande conseil à trois Italiens qui passent, ils connaissent, il faut bien prendre cette large piste grise, au moins dessus ça ne traîne pas. Et puis un fort raidillon me mènera au "pas de l'âne", 2494m, c'est pour l'instant mon record de l'année. Sommet rocheux et longues pentes vert jauni. Dommage qu'il y ait encore des pylônes..

En bas de ce col, un vallon, herbeux.. ouf ! Car j'ai grimpé dans l'après midi plus de 1000m, en face c'est une paroi abrupte et une ascension difficile, c'est trop pour ce soir. Tant pis pour le lac, ici c'est très beau aussi, le vent n'est pas trop fort et il ne fait pas froid malgré les 2400m d'altitude. La purée en flocons au parmesan est un délice après cette ascension.

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J'ai presque eu trop chaud cette nuit dans mon duvet. Cependant au petit matin on supporte le pull. Départ 8h30, encore à l'ombre, mais le soleil est là dans la montée. Des lacets, parfois fort raides, il ne faut pas ripper. Je me rends compte que j'ai pris de l'altitude quand je domine mon passage d'hier, le pas de l'âne. Deux sportifs sans bagages arrivent d'en bas, ils se sont levés à 4h du matin et ont déjà gravi deux sommets. Au pied de la barre rocheuse à escalader ils rangent les bâtons je fais de même. C'est abrupt, il y a très peu de marques et pas encore les mains courantes. Deux jeunes qui descendent arrivent à point nommé pour me tirer d'embarras à un moment où je me trouve dans une situation périlleuse, et après c'est facile, il n'y a qu'à s'agripper aux cordes jusqu'au col. Où est assise une jeune fille nommée Stéphanie qui va rejoindre des copains bergers.


L'escalade commence
Les derniers mètres

Le col des Grangettes est à 2684m nouveau record. De l'autre côté le lac de l'Eychauda est beaucoup moins hospitalier que je ne l'imaginais. Mais beau dans son cirque de pierres grises. La descente est parfois pentue mais beaucoup moins difficile de ce côté.

Le sentier surplombe le lac, ne va pas au bord. De toute façon il y a déjà du monde autour et la baignade ne paraît pas envisageable.

La descente sera très longue, avec le soleil qui cogne en face, dans le vallon de Chambrand sec et dénudé. Il faut saluer et laisser passer les nombreux marcheurs qui montent au lac. Une dame très gentille me remplit d'eau une de mes bouteilles. Je n'avais plus une goutte à boire.

Vue vers le bas

Cela me permettra de faire la pause casse croûte et me reposer avant d'arriver en bas, sous un mélèze près d'un rocher isolé, la seule ombre près du chemin. Plus loin arrêt au Chalet de Chambrand, un resto où ils n'ont même pas de café et pas d'eau potable. Même à l'ombre et à 1700m d'altitude il fait chaud .

Juste en dessous c'est le vieil hameau aux toits de bardeaux. En continuant des boisements donnent un peu d'ombre et enfin après 2km voilà la très désirée source d'eau fraîche.

La descente n'est pas dure mais longue, la végétation est de type méridional versant sud. On aperçoit un haut sommet, est ce le Pelvoux ?

À mi chemin se présente une variante du GR. Je fulmine car elle rallonge et le marquage est parcimonieux, je me perds d'ailleurs, mais j'apprécie de traverser des bois plus frais, surtout quand le sentier suit un canal. Dans la vallée la piste suit le torrent appelé Cyr qui roule furieusement des eaux glauques venant des glaciers. Un peu effrayant avec cette sécheresse autour.


le Cyr et l'église de Vallouise

J'arrive à Vallouise juste avant 19h30. La supérette ferme, je parviens à acheter quelques produits et une dame, qui aime la randonnée et les randonneurs, me donne du pain congelé. ça ira pour la route. Le camping est plus loin près d'une autre rivière, l'Onde.

L'espace réservé aux randonneurs est restreint, mais au moins c'est calme. Une bonne douche enfin, et la lessive, qui aura bien l'occasion de sécher. Je mange à la nuit une conserve de chili con carne, un yaourt et du raisin. Incroyable comme tout est bon en rando.

Je n'aurai pas vu grand chose de Vallouise. Un joli centre ancien et un lieu très touristique.

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+840m -70m

Départ du camping un peu avant 8h. Certains randonneurs sont partis avant moi, d'autres dorment encore. Il faut dire que s'ils veulent trouver hébergement et restauration ils doivent faire 24km avec un dénivelé de 1700m.


La journée commence facile par une piste qui longe la rivière, l'Onde. Il fait encore frais mais pas pour longtemps. Et surtout sur le goudron, car presque en permanence il faut marcher sur la route menant au lieu dit Entre deux Aigues. C'est là que je vais me faire doubler par plusieurs randonneurs, dont deux gars sympas originaires de l'Ain qui s'appellent Lolo et Fufu. C'est une petite route fréquentée par les touristes. Elle monte de plus en plus et la vallée se fait rocheuse et profonde.

Entre-Deux-Aigues, c'est un immense parking (presque plein), et une buvette. Un point de départ de promenade. Le nom l'indique, c'est le point de confluence de deux torrents qui forment là une étendue caillouteuse parsemée de mélèzes .

Je me rafraîchis à l'ombre sous le pont, au bord de l'eau peu profonde qui court sur les cailloux. Bientôt arrivent familles et enfants, c'est sympa mais fini la tranquillité. Je repars à travers le lit de galets en me faisant le reproche de ne pas m'être baignée.

Le sentier va ensuite remonter le long du torrent de la Selle qui dévale un beau vallon planté de genévrier de myrtilliers, de mélèzes isolés et d'aulnes verts épars ou en fourrés. L'herbe est toujours jaune et sèche . Devant apparaissent des monts couverts de névés.

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Je trouve un coin d'ombre un peu inconfortable pour casser la croûte, sous un aulne. Quelques promeneurs redescendent, et un peu plus tard vont réapparaître des randonneurs parcourant le GR, je ne les compte même plus, où était ils les jours précédents ?? en effet il est fréquenté ce GR. Ceux ci sont moins ambitieux que ceux de ce matin, ou viennent de plus loin, ils veulent s'arrêter avant le col de l'Aup Saint Martin qui est à plusieurs heures à l'altitude de plus de 2700m.

C'est ce que je vais faire aussi bien sûr, et dans des conditions confortables, à la cabane de Jas Lacroix, abri pour randonneurs. Très bien aménagée et bien entretenue, juste dommage qu'il n'y ait plus de gaz pour le réchaud.

Je suis arrivée à 16h et n'ai pas envie de repartir. Je verrai passer du monde: un randonneur solo qui continue, puis un autre, puis un couple super sportif bien que chargé venant aujourd'hui du lac d'Eychauda, deux petits gars qui redescendent car l'un d'eux s'est esquinté un genou, et un couple qui va dormir à côté mais dîner dans la cabane avec moi, Émilie et Anthony.

Je monte chercher l'eau potable au captage du berger en haut sur la pente. Il y a aussi une mare d'eau très claire, où je ne peux pas me laver car les deux petits gars campent juste à côté.

La cabane et le retour des moutons
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+1100m -1000m

La cabane était un peu sombre dans la nuit, et le matelas de gym, sur le bois, un peu dur, malgré tout j'ai fort bien dormi et me réveille à 6h. Dès que je mets le nez dehors les patous viennent me faire des amitiés avant de partir avec les moutons.

Je suis en avance mais à 7h Émilie et Anthony viennent prendre leur petit déjeuner, ils me proposent un café et on discute. Anthony est mécanicien dans la marine et Émilie habite Toulouse. Ils se sont rencontrés sur le GR 10 dans les Pyrénées.

Départ un peu avant eux à 8h. Il fait beau mais la vallée est encore à l'ombre, pour l'instant ça ne monte pas très fort, c'est vraiment agréable. Herbe et rochers, ruisseaux bordés de saxifrage jaune. En face la barre de monts rocheux qu'il va falloir franchir, derrière la vallée et une chaîne de montagnes où pointe le Pelvoux (information donnée par des marcheuses). Par contre on ne voit jamais la barre des Écrins qui est derrière, au milieu du massif. Le sentier devient plus raide, passe dans des zones rocheuses. Émilie et Anthony me rejoignent et me doublent.

apparition du Pelvoux 

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Et au détour du sentier apparaît devant nous une pente lisse et noire, il va falloir la franchir pour atteindre le col, l'Aup Martin.

C'est plus effrayant de loin que de près car le sentier est bien aménagé, les lacets sont renforcés par des rondins de bois , si on fait attention où on met les pieds on ne risque rien. Des gens descendent. Il ne faut pas les croiser n'importe où.

C'est le col le plus élevé du GR54. 2761m sur la carte 2754 sur le poteau.

On ne redescend pas dans la vallée après ce col, on en rejoint un autre, appelé Pas de la Cavale en contournant le pic du même nom , par un étroit chemin en corniche, avec des ravines pas toujours faciles à franchir.

Le Pas de la Cavale est d'une vingtaine de mètres plus bas que l'Aup Martin. Il y a du monde sur l'étroit passage. L'occasion de se faire prendre en photo. Mais du coup je n'y reste pas et ne profite pas du réseau téléphonique qui va très vite devenir inaccessible.

Pas de la Cavale 

La descente, elle est beaucoup moins raide que de l'autre côté, et moins minérale. Mais le chemin est caillouteux. Un vaste vallon descend vers le "pré de la Chaumette" où se trouve un refuge que l'on voit bien mais qui est à deux heures de marche. Il me faudra plus. Le vent rafraîchit, des nuages passent, néanmoins il m'est pénible de ne pas pouvoir trouver un coin à l'ombre. J'y vais doucement car je commence à sentir les articulations, chevilles et genoux. Le mal de dos aussi, par intermittence. Il faudra arriver presque en bas pour trouver le torrent, bordé d'aulnes et de mélèzes épars. La haute montagne qui apparaît au nord est le Sirac (3441m)


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Au refuge du Pré de la Chaumette les randonneurs sont nombreux sur la terrasse. Je retrouve mes compagnons d'hier et parle aussi avec deux autres jeunes, de Grenoble, Pauline et Maxime.

Je deviens nostalgique de l'Italie où j'avais un bon système de survie en prenant un " panino" quand le pain commençait à manquer. Ici on ne vend pas de sandwiches, le pique nique est à 11€ sans pain et sans produits frais.

Les campeurs s'installent sur l'aire de bivouac, vaste mais en légère pente derrière le refuge. Je n'ai pas envie de rester là, les douches ne fonctionnent même pas. Je vais continuer. La météo n'annonce paraît il pas de pluie ce soir, et il y aurait des aires de bivouac avant le prochain col.

Mais je pars trop tard pour les atteindre. Je m'élève de presque 200m et arrive à coincer ma tente au milieu d'un espace pierreux. Belle vue sur une montagne très plissée.


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Ce n'est pas parce que j'ai pris un peu d'avance que je partirai la première, six randonneurs passent avant, et par derrière arrivent de longues files de marcheurs. Ils sont partis tôt car l'orage est prévu l'après midi. Il fait un peu lourd mais la montée est régulière sur les pentes couvertes de pierres et d'herbe jaunie. Il se trouve effectivement très peu d'emplacements propices au bivouac.

Les pierres sont granitiques, grises, mais le col de la Vallette devant est gris foncé, il est fait de schistes friables que l'on ne traverse que dans la dernière ligne droite. La descente par contre s'effectue sur le cône de schistes listes. Il ne faut pas glisser... Un peu plus bas on trouvera d'étranges pierres alvéolées. De la dolomie ?

Paradoxalement c'est sur la caillasse que l'on trouve de jolies petites fleurs colorées par exemple la linaire des Alpes, une pédiculaire et une composée jaune.

linaire des Alpes, astéracée indéterminée, alchémille des Alpes

En face apparaît le second col qu'il faudra franchir aujourd'hui, le col de Gouiran (2597m). Entre les deux s'étendent des espaces herbeux où paissent des moutons et puis on remonte dans les schistes nus

du col de la Vallette vers le col de Gouiran

Ce n'est pas fini, il faut descendre de presque 300m pour remonter après sur le 3eme col, le Col de Vallonpierre (2600m) par de longs lacets dans les cônes d'éboulis coupés par des ravines. Par le temps nuageux d'aujourd'hui c'est quand même moins dur. Ces nuages entourent le majestueux sommet du Sirac (3441m), tout proche.


Et maintenant il n'y a plus qu'à descendre doucement vers le refuge de Vallonpierre à côté d'un petit lac


On ne les voit pas de loin mais les randonneurs y sont nombreux. Comme je n'ai presque plus rien à manger je vais déjeuner ici. L'omelette aux trompettes de la mort, lardons et fromage, servie avec de la salade, est excellente. Le grand gars qui sert est très aimable,voire un peu obséquieux. Je reste là un bon moment, histoire de recharger un peu et de laisser passer une averse. Devant moi un couple converse à voix basse dans une langue étrangère dont l'intonation ne m'est pas inconnue... des Tchèques. Ils me disent qu'ils sont venus par l'Italie à pied.

L'orage va-t-il éclater ? Quand va-t-il se mettre à pleuvoir ? De toute façon le refuge est plein. Risquons.... Vers 17h je continue la descente. De gros nuages noirs entourent les montagnes et on entend un tonnerre lointain.


Après la descente, abrupte vers la fin sur une pente couverte de gros blocs granitiques où poussent aulnes verts genévriers myrtilliers et framboisiers, j'atteins la vallée. Le torrent coule dans un large lit de pierres. Il pleut mais pas fort. Il ne faudrait pas un déluge car il n'y a pas d'abri à part la cabane de Surette occupée par un berger, et un refuge à une heure de marche.

C'est une belle vallée. De hautes montagnes parsemées de névés s'élèvent à l'autre bout. Je commence à regarder où on peut s'arrêter, et trouve un espace plat d'herbe assez haute sous des rochers.

Eh bien il était temps. La pluie commence au moment où je monte la tente. Je fais vite, pas de dégâts, et me glisse aussitôt à l'intérieur...car ça se met à tomber, fort cette fois. Mais pas d'orage. Je devrai attendre que ça s'arrête, vers 21h, pour manger une purée au parmesan, au moins c'est vite fait

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Ciel bleu ce matin. D'un côté on voit le Sirac, de l'autre une autre montagne rocheuse portant quelques glaciers. Une joggeuse passe vers 6h30. Tout est un peu mouillé. Départ 7h40.


Jusqu'à La Chapelle en Valgaudemar le sentier va descendre la vallée au dessus du torrent (la Severaisse). Un beau parcours, avec quelques passages caillouteux. La joggeuse me double en me disant de m'arrêter prendre un café au refuge du Clôt un peu plus loin. J'en avais bien l'intention.

Dès avant ce refuge le paysage s'humanise. Des murets bordent le chemin, on passe une maison, le Clos. La rivière reprend une couleur laiteuse. Toutes sortes d'arbres, généralement de petite taille, poussent dans cette vallée, frênes, érables, alisiers blanc, sorbier des oiseleurs, trembles, argousiers, tilleuls... Et même, très ponctuellement, quelques hêtres. On ne trouvera les mélèzes qu'un peu plus bas.

Et voici le refuge, dans un environnement boisé et charmant, tenu par des jeunes dames. Une petite fille de deux ans, Iris, mange son petit déjeuner. Le café est bon mais on ne peut pas charger le téléphone car l'électricité est solaire et il n'y en a plus. Et puis l'eau n'est pas potable chargée de métaux lourds, arsenic notamment. Rien de très grave je ne risque pas de me perdre et trouverai bien à boire plus loin.


Au hameau suivant, le Rif du Sap, l'eau n'est toujours pas potable. Mais je m'abreuve de culture, en me glissant derrière un groupe qui écoute une jeune dame faire un cours sur la dolomie. Je n'ai pas tout compris mais ce pourrait bien être ça, cette roche jaune (calcaire) alvéolée sous le col de la Vallette.

Je ne trouverai de l'eau à boire qu'au village suivant, Le Bourg. Il était temps, il fait chaud et lourd. Un randonneur attend son copain revenu en arrière pour retrouver ses lunettes de soleil (ce sera en vain).


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Plus bas, au Casset, on peut admirer un beau pont de pierre. Ce n'est plus loin maintenant. Toujours la rivière, un pré fauché, ce que je n'ai pas vu depuis longtemps. Au-dessus de hauts monts pointus aux pentes raides qu'il faudra gravir demain...

Je quitte le GR au panneau "Jamivoï", c'est le gîte d'étape où j'ai réservé, j'arrive vers 11h30. Je vais pouvoir me doucher, faire la lessive, la sieste, manger des légumes (courgettes) et éviter la pluie qui tombera le soir.

Le gîte Jamivoï et La Chapelle-en-Valgaudemar


La Chapelle en Valgaudemar est un joli village quoique touristique. Cafés et restos. On y trouve un magasin de sport où ils vendent des cartouches de gaz à vis. J'en achète une petite, la mienne n'est pas encore vide. Pas de pharmacie. La poste n'ouvre que le matin et pas tous les jours. Une épicerie, vraiment pas faite pour les randonneurs, pas de petites quantités ni petits volumes. Une maison du Parc des Écrins avec de belles photos.

12

Je pars peu après 8h avec le pain acheté ce matin à l'épicerie, chargée de 2 ou 3 kg supplémentaires mais le porte-monnaie vide : ce n'est qu'après avoir épuisé tout mon argent liquide que je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas de caisse de retrait ici !

Au soleil il fait déjà chaud, le sac pèse affreusement et jusqu'au refuge d'Olan le dénivelé positif est de 1352m et c'est raide. Je me demande comment je vais y arriver.

Mais ce sentier est joli, le long d'un torrent qui coule en cascades, sous des arbustes qui dispensent un peu d'ombre. J'arrive à prendre le rythme (lent) et ça va mieux.


Plus haut on arrive à découvert. Sur les pentes poussent la callune (bruyère) et la busserole (raisin d'ours). Des sommets rocheux apparaissent et puis enfin le refuge sur une butte.

C'est le refuge de l'Olan, accroché sur la pente. Je casse la croûte sur la terrasse qui est entièrement au soleil, il y fait trop chaud. À l'intérieur il fait froid mais je suis bien pour faire une petite sieste.

La vue est étendue, sur la partie sud des Écrins (Sirac) sur le Valgaudemar (la vallée) et au delà le Champsaur dominé par le Vieux Chaillol.

Je repars assez tard, 15h, alors que la météo prévoit de la pluie dans l'après midi. Je monte vers l'impressionnante brèche du "Pas de l'Olan". Belles vues, belles pierres et beaux pics.

Et voilà ! Pas de l'Olan, 2695m


Dans ces cols c'est toujours la descente qui est à craindre. Et en effet elle ne commence pas très bien, un passage étroit le long d'une paroi rocheuse. Je prends mon temps.

Maintenant le sentier va descendre dans une combe puis partir en corniche pour rejoindre un autre col, le col de Colombe. C'est la partie descendante que je trouve pénible, avec ces cailloux granitiques qui roulent. Ensuite le sentier à flanc est très beau, agréable car montant légèrement, les quelques passages un peu délicats ne sont pas terrifiants.

Arrivée au col de Colombe 2410m dans les éboulis


Col de Colombe. La cime du Pic de l'Olan est dans les nuages 

L'autre côté est doré par le soleil du soir. Il sera couché quand j'aurai monté la tente à côté du lac du Lautier.

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+672m - 1700m..

Les nuages viennent vite ce matin mais encore beaucoup de soleil et pas de pluie malgré les annonces

De la rosée ce matin, la tente est mouillée. Mon téléphone n'a pas sonné, c'est le pas d'un randonneur sur le sentier qui m'a réveillé. Deux couples se succèdent, les deuxièmes se sont eux dont j'ai vu la tente hier au bord du lac. Tous disent qu'ils vont"essayer d'aller au Pin Turcat". J'en déduis que ce n'est pas de l'alpinisme mais pas si facile.

Et puis tout en bas au bord du lac près d'une petite tente verte je trouve quelqu'un que je connais, Anthony. Émilie n'est pas là, c'est elle qui est passée, pour aller au pic.

Le sentier traverse un plateau plein de bosses et de grosses pierres puis va en écharpe monter vers à un petit col, le col des Clochettes. Les montagnes au sud ouest pourraient être le Dévoluy avec la plus haute l'Obiou.

Vue sur le Dévoluy, l'Obiou?


De l'autre côté il n'y a qu'à descendre un peu et on arrive au refuge des Souffles qui se trouve dans une zone boisée

Il faut encore descendre avant de monter au col de la Vaurze, cette portion de trajet est agréable car à travers des arbres, ce qui est bien rare sur ce GR.

La montée vers le col de la Vaurze n'est pas raide, en longs lacets, c'est juste un peu interminable sous le soleil.

Je croise quelques personnes et beaucoup de gens me doublent, généralement plutôt sympathiques, pour beaucoup des jeunes randonnant "en autonomie", chargés de gros sacs. Certains font des étapes que je trouve démentes avec deux ou trois cols dans la journée.

Je dois sécher ma tente, je crains qu'au col il y ait beaucoup de vent et peu de place, je m'arrête avant, à l'abri d'une petite butte, endroit pas trop agréable même en tournant le dos au soleil, mais je mange mes deux petites tranches de pain, quelques tomates cerises et grains de raisin et repars avec le matériel sec, c'est mieux s'il se mettait à pleuvoir. Ils prévoient toujours de l'orage.

Le col est vite passé, mais après ce n'est pas une partie de plaisir. Dans les éboulis schisteux c'est lisse mais très abrupt.

Ensuite c'est pire car toujours raide sur des sentiers pierreux entrecoupés de rochers à escalader, et de zones éboulées glissantes.

Des randonneurs m'ont parlé d'une cabane de bergers où il serait possible de bivouaquer. Cela m'a un peu rassurée mais cette cabane se trouve isolée sur un plateau couvert de pierres, d'herbe desséchée et de crottes de moutons sous un soleil de plomb. Vraiment pas hospitalier ! Le ciel est bien noir sur les monts voisins, mais sans plus, je continue.

Ça descend toujours raide en lacets au dessus d'un torrent, puis dans des éboulis, vers Saint Désert en Valjouffrey et ses prés parsemés de gros tas de pierres.

Il était temps d'arriver au fond de la vallée ! Je n'ai même pas besoin d'aller jusqu'au village, les prés sont fauchés, avec des zones planes, et la rivière coule là. La Bonne.

L'autre côté du torrent a l'air intéressant. Il y a une tente..

Ça tombe bien, c'est une randonneuse, sa tente est bien plus grande que la mienne mais plus légère. Je m'installe dans le même pré plus haut, à ras du torrent. Je vais pouvoir me laver.

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+1210m -980m / Beau temps, quelques nuages

Quand j'émerge l'autre randonneuse est tout simplement déjà partie ! Je n'ai pourtant pas du me lever très tard, car après avoir déjeuné, j'ai fait un peu de lessive avant de tout ranger et il n'est pas 8h30 quand j'arrive au village. Les fontaines ne coulent pas, c'est une mesure sécheresse, il faut prendre l'eau dans les toilettes publiques, elle n'est même pas fraîche.

Je perds beaucoup de temps à essayer de capter un réseau très sporadique. Sans réussir à faire tous mes envois. Le reste de la journée, zone blanche.

Le Désert en Valjouffrey est un village ancien, maisons de pierre et toits... de tôle. Portes voûtées et balcons de bois. Autour du village s'étendent des prés vallonnés entourés de murets et de rideaux de frênes. Ils sont tous fauchés. Je passe devant un petit bâtiment voûté, qui devrait être une glacière.

Je commence à monter un peu avant 9h. Au début par une piste qui devient très vite sentier et qui remonte un torrent, la Laisse. Celui-ci n'est pas très joli au début, son lit est un tas de cailloux. Mais après l'avoir traversé, en montant sur le versant, à l'ombre sous des feuillus divers érables alisiers blancs sorbiers des oiseleurs et bouleaux, c'est plus agréable même si c'est raide.

Un groupe de quatre jeunes hommes me double plusieurs fois et à chaque fois je les retrouve un peu plus loin assis en travers du chemin. Après quelques ravins on monte sur une butte herbeuse et on continue en lacets irréguliers dans l'herbe jaune. En arrière on voit très bien le col de la Vaurze franchi hier et le couloir qui en descend.

Le col de Côte Belle, on ne le voit qu'au dernier moment après avoir contourné une butte. C'est une large croupe, la place ne manque pas pour s'installer et faire sécher, ce qui manque c'est l'ombre.

Un jeune randonneur vient discuter. Il est parti ce matin du refuge des Souffles. C'est son deuxième col et il hésite à continuer sur un troisième, le col de la Muzelle qui a l'air d'un mur vu d'ici.

Col de Côte Belle 2290m

Mais ici la descente est facile et belle. On commence par longer un mont couvert de gros rochers feuilletés verticalement.

Et ensuite on apprécie de traverser une forêt. Des feuillus, des mélèzes et même un peu plus bas des sapins et épicéas. C'est un ubac, versant nord...Agréable de marcher à l'ombre, mais pour s'y reposer c'est une autre histoire c'est très en pente, les lacets sont serrés il y a juste la largeur du chemin. Je vais réussir à m'installer tant bien que mal en pente sous des feuillus, ça fait du bien mais c'est quand même pas le pied entre les mouches et divers insectes (petites punaises et coléoptères, mais rien qui pique).

On arrive en vue de la vallée et du village de Valsenestre. Il reste quelques lacets avant la bifurcation entre le GR qui continue et la piste pierreuse qui descend à Valsenestre. Elle descend en effet, c'est bien ce qui m'ennuie. Je devrais trouver là bas de l'eau potable (le ruisseau coule chichement dans un lit de pierres pas très attirant) un gîte d'étape où se restaurer prendre des provisions, et peut-être capter la wifi?

Cette piste pourtant en pente douce me semble interminable, et l'idée du 200m de dénivelé en plus ne me dit rien pour demain. La place de bivouac est un peu avant le village mais pas de beaucoup. Elle est déjà presque pleine alors qu'il n'est pas 16h30.

Au gîte d'étape il y a un monde fou et des musiciens en concert. Je prends un café (à 17h30, grave erreur), achète du pain, un sachet de semoule de 100g, très commode, et une banane.

Je retourne sur le GR, montant dans la fraîcheur du soir. Je croise les randonneurs partis pour bivouaquer près d'une cabane et retournant à l'aire de bivouac car il n'y avait pas de place. Je ne me laisse pas impressionner, je continue, et juste avant la bifurcation avec le GR, je trouve une table de pique nique avec la place à côté pour planter la tente. Ce sera parfait ! Je mange la semoule, avec du parmesan toujours, entends les bergers qui hèlent leurs brebis et un chevreuil qui aboie.

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+1560m -510m

Oui c'était une très mauvaise idée le café à 17h30. Après le premier sommeil je reste éveillée une bonne partie de la nuit. J'ai tout le loisir de regarder le ciel, encore très étoilé.

Lever malgré tout à 6h. Départ 7h30. Une piste, puis un sentier rocailleux mènent à la cabane de bergers où je prends de l'eau tandis que les bergers donnent le biberon aux agneaux.

Le sentier gravit le flanc de la vallée, raide mais à l'ombre pendant un bon moment. Beaucoup de randonneurs arrivent derrière moi et me doublent, notamment un gars avec un T shirt orange que j'ai rencontré plusieurs fois hier, il s'appelle Guillaume, et celui qui était au col de Coste Belle qui finalement a attendu le lendemain pour passer le prochain col.

On marche plutôt dans des éboulis au début, plutôt dans l'herbe après, et c'est à peu près à mi chemin que le soleil éclaire la pente. Mais il ne fait pas trop chaud. En avançant on se rapproche de la pente schisteuse qui n'est heureusement pas si verticale qu'elle le semblait de loin. Et ce qui n'est pas plus mal, on se retrouve de nouveau à l'ombre.

La fin de l'ascension c'est une interminable succession de lacets très courts. Le chemin est vraiment bien fait, pas trop étroit mais souvent en dévers, pas dangereux il faut juste se concentrer un peu pour ne pas risquer de trébucher car en dessous c'est très très raide

Il ne faut pas avoir le vertige. Je préfère ne pas regarder..

Je laisse passer tout le monde c'est moi qui vais le plus lentement, mais je ne suis ni fatiguée ni essoufflée.

Et tout vient à point... Voilà le col de la Muzelle. Le panneau a disparu. L'altitude doit être de 2613m. C'est une crête plutôt étroite mais c'est plein de monde. Une jeune fille me prend en photo. Les portables tintent, enfin après deux jours on capte le réseau ! Je m'installe contre la crête un peu à l'abri. À côté, ça téléphone. Le paysage devant est magnifique, avec le bleu lac de la Muzelle au milieu.

La descente commence dans les schistes, un sentier lisse mais raide, puis dans les pierres c'est plus casse pattes.

Plus bas un peu d'herbe, un gros rocher qui fait de l'ombre... Pause casse croûte. Rencontre d'une marmotte en discutant avec un couple de jeunes qui aime bien aussi marcher le soir, et descente au bord du lac qui a une belle eau bleue et claire.

Petite pause au refuge, café et tarte. De la terrasse on voit sur la pente ces roches dolomitiques jaunes (cargnole on dit ici je crois), l'une d'elles est trouée et en photo sur tous les guides mais on ne le voit pas d'ici. On admire aussi cette magnifique montagne qu'est la Muzelle, couverte de glaciers. Qui ont énormément diminué les dix dernières années, le sujet est évoqué entre un voisin de table qui fait une étude sur le sujet et le gardien du refuge qui vient ici "depuis 55ans".

Le même gardien me dit que je trouverai des places de bivouac après le col du Vallon qui est sur ma route alors je continue. Mauvaise surprise, il faut traverser quelques chaos granitiques heureusement ce n'est pas trop long même si pas forcément de tout repos après.

Qu'importe ! Le panorama est superbe quoique un peu dans les nuages. Sur la Muzelle. Sur les monts et glaciers du centre du massif des Écrins, dont un remarquable qu'aucun des marcheurs rencontrés n'est capable de m'identifier.

Encore des lacets serrés à la fin de la montée, bien soutenus par des billons de bois et des tiges de fer. Cette fois il n'y a que moi au poteau. 2531m.

De l'autre côté en effet se trouve un plateau herbeux, un peu venteux et très fréquenté par les moutons. Mais à l'abri du vent une grosse pierre m'attend, un emplacement bien plat et curieusement presque sans crottes.

Périodiquement on entend des avalanches de pierres qui croulent sur la montagne en face. Heureusement que ce n'est pas le même versant! Un des derniers rayons du soleil perce les nuages pour un instant

16

C'est la première nuit où j'ai eu un peu froid. Le matin je reste le plus longtemps possible dans le duvet et je pars avec pull et imper mais j'aurai rapidement trop chaud.

La descente dans des alpages est au début plutôt tranquille, et calme. Deux randonneurs ont bivouaqué plus haut, un petit groupe de tentes est sur un terre-plein un peu plus bas

Le lac qu'on voit tout en bas mais ce n'est pas le lac de Lauvitel. Celui-ci paraît tout près quand on l'aperçoit, grave illusion.

Car c'est là que la pente devenir plus raide vers un torrent encaissé, avec des passages sur des rochers et puis à l'approche du lac il faut passer sous un aplomb rocheux et traverser un ravin. Des parcours très accidentés mais avec des cordes ("lignes de vie") et des marches aménagées aux points les plus abrupts.

Beaucoup de gens montent. En bas il y a du monde et maintenant il fait chaud. Je vois que beaucoup de gens se baignent. Ce serait sans doute dommage de rater l'occasion...

En effet. L'eau n'est vraiment pas froide et merveilleusement claire. Je retrouve le groupe de jeunes filles qui étaient en haut du col hier.


Je repars rafraîchie mais le bénéfice ne va pas durer très longtemps, il fait vraiment très chaud et l'eau n'était pas assez froide pour rafraîchir durablement.

Je prends le premier chemin que je vois pour continuer la descente. Ce n'était pas le GR mais les deux chemins sont presque parallèles. Ils sont en grande partie pavés. Ils longent, à travers des boisements, un ruisseau qui s'appelle le Lauvitel comme le lac, où se déversent des sources (bonne eau fraîche ) et des ruisselets.

Sur ce chemin qui vient du parking c'est un défilé incessant de promeneurs qui montent au lac. Pas du tout le style des randonneurs du GR. Très familial et populaire, voire un peu beaufisant. Chaussures basses, tenues variées, bedaines et tatouages. Ils vous laissent tous passer alors que ça devrait être l'inverse (priorité à la montée). Mais bon ça change, c'est plutôt sympathique, et on les admire dans leurs efforts. Je commence à avoir faim et cette descente me semble interminable.


En bas dans la vallée le chemin est plus civilisé, parfois bordé de murets. Je finis par me trouver un replat ombragé, sous des épicéas et des noisetiers. Je mets sécher la tente, ouvre la boîte de sardines que je transporte depuis Bourges, finis mon pain et mes fromages et découvre même un dessert, une demi barre de céréales oubliée.

Suivra une bonne sieste bercée par le grondement du torrent. Malheureusement il ne fait pas moins chaud en repartant, un peu plus nuageux mais très lourd.


On retrouve des villages et des champs. Au hameau des Gauchoirs la fontaine coule et l'eau est fraîche.

Passé ce hameau le GR rejoint une piste cyclable, qui mène au Bourg d'Oisans en 8km. Pas fatigant mais un peu fastidieux, d'autant plus que le paysage ne change guère. C'est un boisement pas très beau sur des alluvions récentes. Essentiellement des résineux pins épicéas et mélèzes plutôt mal conformés. Bouleaux, etc. Pas mal de feuillages desséchés.

Au dessus s'élèvent les parois verticales de la vallée. Dans un lac qui est vraisemblablement une ancienne gravière des gens se baignent.

J'ai réservé tout à l'heure au gîte d'étape, le camping ne me tentant guère. Je découvre que ce gîte est situé avant le bourg, à la campagne et c'est pas plus mal. Du coup je prendrai aussi la demi pension. Je n'ai plus rien à manger et un vrai repas après 15 jours ce n'est pas un luxe.

Je ne suis pas vraiment étonnée de trouver dans le même dortoir que moi les quatre randonneuses rencontrées au col de la Muzelle et au lac Lautier. Elles sont vraiment gentilles, elles m'ont laissé la meilleure place, un lit simple près de la fenêtre. Les gardiens du gîte sont très gentils aussi.

Nous dînons dehors, en compagnie d'autres randonneurs mais aussi d'un cycliste et d'un gars qui est là pour le boulot, il s'occupe du pastoralisme.

C'est moi qui bas les records pour le temps mis à parcourir les quelque 200km du tour des Écrins, j'aurais mis 15 jours, alors que les autres ont mis entre 11 et 13 jours.

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10km= 2,5km du gîte à Bourg d'Oisans + 7,5km de Vizille au bivouac. C'est pas beaucoup mais 1067m de dénivelé positif

Temps très chaud (35° à Vizille)

Départ du gîte à 8h après un petit déjeuner bien copieux. Petit incident le cycliste s'est trompé et a pris ma tasse de thé qui infusait, j'ai du boire la sienne c'était thé aux fruits rouges beurk, ça m'a laissé un sale goût dans la bouche une partie de la matinée.Il dit qu'on va bientôt manquer de lithium pour tous ces vélos électriques. Lui il habite à Londres et fait les 15km pour aller bosser en vélo. Aujourd'hui il va entre autres monter au Galibier.

Une petite route peu fréquentée mène au Bourg d'Oisans. Il fait encore frais mais la température va vite monter. Quand je me retrouve dans la rue pavoisée de maillots je me dis que j'ai bien refermé la boucle.

Le gîte la marmotte de la Meije et le Bourg d'Oisans

Je retourne d'ailleurs dans le même café qu'à l'arrivée et y laisse mon sac pour régler des affaires diverses : poster le topo guide du GR54 et diverses bricoles dont je n'ai pas besoin, faire les provisions, prendre du liquide...

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Et maintenant je dois rejoindre Vizille où le GR 738, Haute Traversée de Belledonne se termine... mais pour moi commence puisque je le fais à l'envers.

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Le bus part à 11h27 et arrive vers 12h15 à Vizille. La chaleur est torride, plus de 30°. Je vais casser la croûte sur la place du château où se trouve un musée de la révolution, car dans ce château se sont réunis en 1988 les États Généraux du Dauphiné. Les touristes sont nombreux et se restaurent de burgers et de kebabs. Moi d'une petite fougasse aux poivrons très bonne.

À 14h, quand je constate que la température va encore monter (36°prévus à 15h) je me décide à me mettre en branle. Je traverse le parc du château. Une statue de Marat est la copie d'une œuvre du sculpteur berrichon Jean Baffier.

Vizille, le château et Marat

Par chance l'ascension de l'après midi sera en permanence en forêt, une vraie forêt avec de gros arbres chênes charmes châtaigniers frênes érables, et même des hêtres plus haut.

Au début des ruisseaux coulent de partout c'est surprenant en ce moment. Le chemin est une piste pierrée qui monte quand même fort, je l'arrose de ma sueur qui tombe à gouttes. Un randonneur descend, il termine sa traversée (j'ai pris le GR en sens inverse) et me donne quelques tuyaux.

La première pause ce sera près d'une fontaine fraîche à Montjean, je bois 1/2l. Je n'emporte pas trop d'eau, j'ai vu qu'il y avait d'autres fontaines après.

Autour du hameau s'étendent des prés la vue s'ouvre sur la vallée du Drac et Vizille, et le Vercors au-delà. Et puis on retourne en forêt

vue sur Vizille, plus loin alignement de hêtres 

Après Montjean la piste n'est plus carrossable. C'est une route ancienne, avec murets et restes de pavage, plus belle mais beaucoup plus raide... Enfin, ça monte vite, le hameau de Montsec est déjà à plus de 1000m, on se sent mieux. Des maisons de pierres restaurées ou en ruines, des chalets en bois, résidences secondaires, four à pain murets et herbe fauchée, endroit agréable mais... Les fontaines ne coulent pas.

Moralité je vais manquer d'eau. Mais la providence sera là sous la forme de deux jeunes randonneuses qui descendent avec de grosses bouteilles encore pleines, elles me remplissent toutes les miennes.

Il y a encore quelques raidillons toutefois ça monte globalement moins fort, par des pistes ou des chemins anciens bordés de murets.

Au col de la Madeleine la vue porte sur l'autre versant, vers le sud, au-dessus de la vallée de la Romanche par où je suis arrivée. On ne voit pas les sommets des Écrins.

De là un chemin creux monte fort dans la forêt, et arrive à un espèce de plateau avec des clairières, il est 19h30, j'ai déjà bien monté aujourd'hui, je trouve. Arrêtons nous là. Il faut raplatir un peu l'herbe et éloigner les mouches avec des tortillons de fumée. Ma présence ne plaît pas trop aux chevreuils du coin qui protestent bruyamment. Pas grave, je suis très bien !

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Départ un peu tardif, vers 8h30.

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Départ du campement/ baraque Pagnot

La journée commence par des pistes forestières, tant mieux ça me laisse le temps de m'échauffer car j'ai un petit tiraillement derrière le pied gauche.

Par contre la forêt est moins jolie, maintenant ce sont des résineux, majoritairement des épicéas. La "Baraque Pagnot" que j'aurais pu essayer d'atteindre est pittoresque mais comme abri c'est vraiment très rudimentaire....

Le chemin continue dans la pessière. Je croise un GRiste qui a fait la traversée en 5 jours, un autre, qui me double, est parti pour la faire en 3 jours en courant.

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Entre les arbres, une belle vue sur les rebords du Vercors.

Je n'ai pas bu le fond de bouteille qui me reste, préférant attendre la prochaine fontaine. Qui coule... Et l'eau est fraîche.

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On croise plus de monde maintenant, c'est qu'on approche des "stations" la Roche Béranger et Chamrousse Le Recoin. Et ça devient moche...

à l'entrée dans la station je ne vois plus les marques et suis complètement perdue. La supérette que je cherche, on me dit qu'elle n'existe plus. Heureusement que finalement je m'étais suffisamment approvisionnée au Bourg d'Oisans ! Du coup je m'arrête à l'auberge de jeunesse où je mange un croque-monsieur histoire de garder mes réserves car pas de possibilité d'approvisionnement avant mardi...

Je ne suis pas pressée de repartir sur la pente dénudée, pistes de ski obligent...En plus le sentier est mal balisé (pas de support pour le marquage), raide et tout raviné. Il mène à un col à 1800m, Col de l'Aiguille où les panneaux sont nombreux mais ne font pas mention du GR. Je trouverai la direction en voyant arriver un randonneur portant un gros sac. Et, pour me faire encore râler, voilà qu'il faut redescendre, après avoir tant monté et sachant qu'il faudra atteindre les 2000m voire plus.

Sur le chemin passent de nombreux promeneurs. Il est plutôt malcommode, plein de grosses pierres. Il traverse un boisement clair d'épicéas sapins et pins cembros (aroles), un arbre que j'aime bien.

D'ailleurs plus on avance et plus c'est c'est beau, avec des pics gris au dessus, une belle vue en dessous . On passe devant le petit lac des Pourrettes. C'est plutôt un étang, dans un fond tourbeux.

Évidemment quand ça se met à grimper ça grimpe fort, dans des blocs rocheux avec des grandes marches et des passages où il faut mettre les mains. Il me faut un moment pour arriver au col, dit "Brèche Robert Sud".


Derrière apparaissent les fameux "Lacs Robert " mon objectif de l'étape. Ils sont environnés de pics sauvages mais sur un plateau ondulé, avec beaucoup de rochers mais aussi des places herbeuses propices au bivouac. D'ailleurs il y a déjà beaucoup de tentes.

Au milieu se trouve aussi une petite cabane refuge que je vais voir.. mais elle semble déjà occupée, et son état est loin d'être irréprochable.


Alors je vais planter ma tente après avoir pris de l'eau dans un des lacs, pas aussi belle que celles des lacs Muzelle et Lauvitel. Je mettrai même une pastille avant de faire bouillir.


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Peu d'étoiles cette nuit. Pas tant à cause de la proximité de Grenoble que parce que c'est la pleine lune, qui brille entre les pics .

La journée commence mal, très intelligemment je m'appuie sur l'arceau de la tente pour attraper quelque chose.... Crac! Et l'avant de la tente s'effondre . Je pense que c'est réparable, ce sera juste encore plus bas. Je verrai ça à la pause au refuge de la Pra.

Tout est à l'ombre, c'est mieux pour marcher. Par contre ça ne va pas vite, toujours la rocaille et de grosses pierres, et des passages rocheux qui me ralentissent beaucoup. C'est au moment où je suis embarrassée pour descendre sur un rocher lisse que passe le premier randonneur, il me donne la main!

Comme environnement c'est des pierres, des pics sauvages, des pins cembros épars, et toujours des genévriers et myrtilliers. Périodiquement on voit la vallée, Grenoble, et le rebord de la Chartreuse.

Plus loin le sentier s'enfonce dans un vallon, et passe la rivière sur un pont sommaire. Juste après, une rencontre ! Un bouquetin qui ne fait pas trop d'histoires pour se faire photographier.

Un peu après voici un petit lac aux couleurs étranges. Lac Leoma

Et puis le sentier va s'élever enfin et arriver sur des croupes herbeuses (et sans arbres) plus confortables pour marcher.

Le refuge de la Pra est déjà en vue. Un petit lac, une étendue herbeuse plate (ça doit être ça, la pra), et enfin j'arrive au refuge, au bout de trois heures (au lieu des deux indiquées).

La terrasse est au soleil, toutes les tables dotées de parasols sont occupées, heureusement l'une d'elles se libère assez vite. Je peux entreprendre mes bricolages, enlever les bouts cassés et reconstituer l'arceau de ma tente qui a ainsi perdu 10cm; et puis resserrer les vis de mes bâtons avec ma cuillère en guise de tournevis. Ceci fait je m'octroie un café et un petit gâteau style cookie qui est la spécialité du refuge et qui s'appelle...michmich.

C'est reparti, vers 12h. Maintenant c'est une descente, direction le lac du Crozet. Le coin est prisé des foules, c'est un vrai défilé et on pique nique autour du lac. Moi aussi d'ailleurs.

Et après ? Eh bien ça monte. De 1980m à 2400m. Mais curieusement c'est une montée régulière et sans histoire à travers un vallon vert, puis gris d'éboulis mais on les évite.

Plus personne maintenant sauf tout en haut, deux gars peu chargés qui ont fait tout un tour en courant passant par le plus haut sommet du massif, le pic de Belledonne qui frise les 3000. Ils ne savent pas si on voit le Mont Blanc de là haut, ils n'ont pas fait attention...

Il faut maintenant descendre... c'est loin d'être une partie de plaisir, dans un chaos de gros blocs. Ensuite un sentier à flanc n'est pas désagréable, mais bref, et après ça monte et redescend plusieurs fois et fort raide, avec même la désescalade d'une paroi rocheuse, avant d' arriver au col de la Sitre. On commence à revoir des randonneurs et tout un groupe occupe le col.

J'étais prévenue, de l'autre côté c'est raide. Il y a bien des lacets mais ils sont trop en pente et ça s'éboule, on risque de glisser à tout instant. Il faut atteindre le fond de la vallée où coule un torrent, pour remonter au refuge Jean Collet sur l'autre versant.

Je le vois, le refuge, sur la pente, et me demande comment on peut y trouver la place pour bivouaquer. Alors, comme il y a du réseau, j'appelle. La gardienne me dit que ce n'est pas évident, qu'il n'y a pas beaucoup de place et déjà plusieurs tentes. Du coup je resterai en bas près du torrent, ce qui me permettra en outre de faire un brin de toilette et prendre de l'eau. La tente a l'air normale mais elle est moins tendue. Je me demande ce que ça va donner en temps de pluie. D'ailleurs la pluie est annoncée pour demain. En bas brillent les lumières de la plaine urbanisée.

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10km deniv +1065m -1060m

Pluie persistante le matin


Au réveil tout indique qu'il va pleuvoir. La tente sèche, la douceur moite de l'air, le temps clair, et les bancs de nuages rosés qui couvrent le ciel.


Je me suis réveillée tôt j'ai le temps de déjeuner ranger et monter au refuge Jean Collet. Mais là haut déjà tombent les premières gouttes. J'entre pour boire un café, j'en bois deux, la gardienne m'offre le premier parce qu'il est tiède, mais aussi le deuxième, bien chaud. La salle sombre se remplit peu à peu de randonneurs s'abritant de orage. Car il tonne aussi.

J'attends un moment en regardant un livre sur les plantes alpines, espérant une accalmie, et puis vers 9h45 me décide à partir.

En fait jusqu'à au moins 13h la pluie va tomber, plus ou moins fort. Et le vent souffle aussi.

Le chemin monte vers le Col de la Mine de Fer, pas trop abruptement sur la pente herbeuse.

Ce n'est que vers la fin que ça se corse, éboulis et chaos, et les éclairs et le tonnerre, pas trop proches heureusement. En haut (2404m) la vue est quelque peu limitée.

De l'autre côté ce n'est pas vraiment facile, lacets raides et glissants, et d'interminables chaos, les premiers de pierre grise bénéficient d'un marquage très bien fait. Plus loin sur des pierres jaunes avec des reflets rouges, c'est moins bien. Je suis maintenant complètement trempée et si je m'arrête je suis gelée. Je dois faire très attention car dans ces circonstances on ne rencontre jamais personne.

Et pourtant... voilà quelqu'un! Un monsieur qui ne fait pas le GR, il cherche à descendre à la station de Prapoutel, il s'est perdu et la batterie de son téléphone est à plat. Le mien est un peu mouillé mais fonctionne... il doit repartir en arrière, dans le même sens que moi mais il me distance rapidement.

Le sentier va remonter à plusieurs reprises vers d'autres cols. Le ciel se dégage quelque peu. On voit les pics proches puis d'autres plus lointains entre les nuages.

Et puis enfin la pluie cesse, j'avale en vitesse un bout de pain et un morceau de fromage, un peu plus loin le temps s'éclaircit vraiment, avec même un peu de soleil, et le panorama est superbe. Le Grand Pic de Belledonne sort des nuages (2978m, plus haut sommet du massif) . La vue porte de l'autre côté de la chaîne, vers le sud_est. Une haute chaîne de montagnes couvertes de glaciers apparaît. Les Écrins, tout simplement.

Au fond de la vallée lac de Chambon , au-dessus le massif des Ecrins notamment la Muzelle avec son glacier

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La fin de l'étape sera plus tranquille sur des sentiers moins raides et un peu moins pierreux. On aperçoit le lac de la Coche, tout rond.

Il fait toujours beau et pourtant la météo avait prévu de la pluie en fin d'après midi. De toute façon trempée comme je suis le bivouac ne me tente guère. Je vais donc m'écarter et repartir sur la face ouest du massif pour rejoindre un refuge qui se trouve en contre bas, le refuge du Habert d'Aiguebelle, le chemin est malheureusement très inconfortable. Mais quand les gouttes commencent à tomber et que le tonnerre gronde je me dis que c'est le bon choix.

Ce refuge est au demeurant très sympathique. Il est presque plein mais il me reste un lit, au 2eme étage (un peu dur les escaliers...) à côté de deux jeunes filles de Chartres croisées ce matin, Cécile et Coralie. Elles n'ont pas pris le même chemin que moi, sont passées par le bas... Je ne regrette pas ma virée difficile mais splendide.

Je mange à leur table avec un Anglais qui parle français parfaitement et deux autres filles qui marchent aussi dans le même sens. Soupe aux lentilles, poulet et riz, crème à la vanille.

L'averse n'a pas duré mais le brouillard s'installe... On est mieux à l'intérieur.

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J'ai commandé le p'tit déj à 7h mais vers 6h30 on ne voit pas encore bien clair. Je m'habille et fais mon sac à tâtons, ramassant tout ce qui sèche sur les poutres et sous le lit.

Le petit déjeuner est très classique pain (bon et pas rationné) beurre confiture et aussi un petit bout de gâteau. C'est le fromage qui manque. Ils en vendent ici je vais en acheter un quart de tome de vache (400g) mais après.

Et voilà Coralie qui descend. Elle n'a que deux paires de chaussettes et il lui en manque une. Évidemment c'est moi qui l'ai soigneusement rangée dans mon sac..

Départ vers 8h, ce chemin que je n'avais pas aimé à la descente est tout aussi désagréable à la montée. Par ailleurs j'ai toujours un tiraillement derrière le pied gauche, (tendon d'Achille ?), qui me gêne avant que je sois un peu échauffée...

Vue sur le refuge et arrivée au pas de la Coche et à son petit lac en même temps que deux dames qui étaient au refuge.

La montée vers le col de la Vache commence tranquillement dans des herbages plus ou moins parsemés de rochers. On progresse à flanc sur un versant. On voit comme hier le pic de Belledonne et les Écrins. Un autre massif avec des glaciers est celui des Grandes Rousses.

Au passage de ce torrent on observe deux bouquetins femelles (étagnes ) et je trouve aussi un couple qui se demande par où passer pour aller au refuge Jean Collet, et là je découvre que le tracé du GR sur le topoguide était différent, passant par le col de l'Aigleton.

D'ailleurs Cécile et Coralie qui me rejoignent viennent de là, c'était un col de plus donc un peu plus dur. On fait un selfie souvenir.



Plus haut on rejoint un troupeau de moutons avec un berger et une bergère et quelques chiens, un des patous viendra me flairer pendant que je monte entourée par les brebis leurs bêlements et leurs clochettes.

Mais bientôt les choses vont se gâter. La barre rocheuse qui se trouve devant est certes magnifique mais il faut la franchir et pour cela traverser un grand chaos de rochers. Ce sont des pierres aiguës et instables tout le monde est parti en avant et moi je peine et j'y passerai plus d'une heure.

À la fin c'est mieux, des lacets parcourent des éboulis plus fins. Au col ( 2534m) il souffle un vent fort et froid. De l'autre côté le lac du Cos, très bleu, un des lacs du site des Sept Laux, .

Je me coince entre les rochers pour manger deux petites tranches de pain et une énorme tranche de tome.


Col de la Vache (2534m)

Évidemment la descente n'est pas non plus une sinécure. En haut, des éboulis abrupts (vagues lacets) plus bas de nouveau des blocs mais moins durs. Ce qui est pénible c'est ce vent.

Je finis par arriver au bord du lac. Cécile et Coralie en partent. Elles ont vu des gens se baigner. Certes cette eau bleue et claire est vraiment attirante. Mais le vent souffle toujours...

Je n'y reste que quelques instants et continue sur sentier qui longe ce lac puis un autre qui est beaucoup moins plein. Ce ne sont pas des lacs naturels mais artificiels exploités par EDF. En chemin on côtoie quelques vertes tourbières décorées du duvet blanc des linaigrettes.

Longer les lacs de montagne ce n'est jamais un chemin plat et tranquille, ça monte, ça descend, ça passe dans quelques éboulis encore, dans des rochers, sur la fin de grands rochers granitiques lisses et blancs... Mais pas de difficulté particulière.

Pour rejoindre le refuge des Sept Laux il faut passer sur le barrage étroit (1m?), c'est sécurisé mais je n'aime pas trop. Au refuge je suis accueillie avec des ovations, par Cécile Coralie et les deux Savoyardes. C'est très gentil. Et ce qui est encore plus gentil c'est qu'elles me donnent des provisions qu'elles n'ont pas consommées dont un gros morceau de pâte d'amande... qui ne fera pas long feu...

Cet endroit est froid venté et un peu sinistre je ne vais pas rester là. Le gardien m'indique un bon coin pour bivouaquer plus bas. C'est reparti, vers 18h.


Plusieurs lacs (moitié vides) à longer, des barrages encore et des équipements EDF toujours.


Le coin est plus abrité, je pourrais déjà bivouaquer là mais je n'aime pas trop avoir des barrages au-dessus de moi. Et comme souvent le soir je me sens en forme pour continuer. En route je croise de nombreux randonneurs qui montent tous bivouaquer près du refuge j'essaie en vain de les dissuader d'aller jusque là. Et moi évidemment je ne vais pas assez vite, la descente est quand même un peu abrupte dans les rochers. Je n'atteindrai pas l'endroit indiqué, m'arrêterai avant sur une zone herbeuse juste un peu inclinée. Le soleil se couche.

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Soleil matinal sur les sommets

Descente sur le versant abrupt et rocheux, en effet plus loin il y avait pléthore de places de bivouac...

La descente continue dans une pessière (forêt d'épicéas) assez jolie avec les rayons de soleil qui filtrent à travers les arbres et éclairent la mousse verte. On marche dans un entrelacs de racines d'épicéa. Ce serait plutôt une descente facile hélas j'ai toujours mal à l'arrière du pied droit.

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Pause en bas près d'un rocher d'escalade. Suivent des chemins plus larges, une fréquentation familiale, des gros arbres et la cascade du Pissou


Plus bas enfin l'environnement devient rural, chemin bordé de murets et de frênes, prés, mais commençant à être abandonnés

Et il fait chaud et lourd. Au hameau de "La Martinette" se trouve un gîte d'étape dont je rêve depuis longtemps car on peut s'y ravitailler. Je mange une très bonne omelette aux petits légumes avec salade et un fromage blanc. Je peux compléter mes réserves car la gardienne vend tout au détail, y compris du pain (500g).

Après une petite sieste sous un érable je peux reprendre ma route, bien chargée, en commençant par un petit trajet dans la vallée du Breda, par Le Collet (lac) et un parking où je peux prendre de l'eau avant de repartir vers les hauteurs.

Lac du Collet et  passerelle sur la Valloire

Après la traversée sur une passerelle du torrent de la Grande Valloire, c'est de nouveau la pessière, moins jolie que celle de ce matin, en montée bien raide après. Je m'arme de patience et suis étonnée de voir déjà le premier chalet de la Petite Valloire, qui est bien aménagé mais au milieu des bois. La fontaine est à sec.

C'est ensuite que ça me semble long pour arriver au second chalet de la petite Valloire, ou chalet de la Fouetterie qui lui se trouve au milieu de landes et jouit d'une très belle vue. Il est déjà occupé par un couple de Belges. Ils restent à l'extérieur et me laissent l'intérieur. Ils sont très gentils, ils me donnent d'excellentes tomates séchées qui vont bien agrémenter mes pâtes.

Fontaine à sec au premier chalet de la Petite Valloire / le deuxième: la Fouetterie 
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Alice et Arnaud partent à peu près 1h avant moi. Un coup de balai, départ 8h30.

Ciel couvert, beau parcours un peu pierreux sans plus à travers des landes à myrtille callune genévrier rhododendron. Vue sur la vallée de Breda et la Chartreuse. Forte montée au début, puis sentier à flanc.

Je me sers à un point d'eau près d'un campement de berger, avant d'arriver en vue du lac de Leat où se trouve un autre refuge. J'y ferai une petite pause.

Et puis c'est la descente dans une forêt d'épicéas ornée de bouquets bleus de gentianes asclépiades.

À mi pente m'attend encore un refuge, le chalet du Bout, mais avant ça il ne faut pas manquer les deux énormes sapins dits "Henri IV" car ils auraient 400 ans.

On peut penser qu'il s'agit des reliques et qu'initialement ces pentes étaient couvertes de sapins et non d'épicéas.


Le chalet est accueillant et à proximité une source qui coule doucement mais suffisamment. Avec la sécheresse on ne trouve pas de l'eau partout.

Arrêt casse croûte, petite sieste, et nouvelle descente raide presque plus vite que le temps indiqué. Le chemin est bon, et surtout... Je n'ai plus mal au pied !!

Après la rivière, le GR continue sur la pente opposée, traverse le hameau du Cohard et monte dans une pessière (forêt privée apparemment) par endroits un peu dévastée. Et puis des gouttes se mettent à tomber, sous les arbres ça va, mais un quart d'heure avant l'arrivée l'orage éclate, tonnerre et pluie forte mêlée de grêle.

Le Cohard

Ouf ! Le refuge de l'Aup Bernard sent une drôle d'odeur mais est tout à fait accueillant. C'est bien d'être à l'abri car ce soir ça ne va pas beaucoup s'arrêter de pleuvoir.

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+850m,-680m


Petite surprise matinale : mon sac plastique contenant les provisions a été percé et visité. La bestiole a entamé le pain et une barre snickers et laissé quelques crottes en échange.

Le ciel est clair les vallées sont ennuagées .


Départ 7h30 il fait frais, il a beaucoup plu la nuit, on se réchauffe en montant, de nouveau en forêt, jusqu'aux pâturages du Praillet. Vue sur la Chartreuse au delà des nuages.


C'est reparti dans les épicéas. Des pistes, une descente facile dans laquelle je croise un puis deux autres randonneurs venant du refuge de la Pierre du Carre où je me dirige.

Passage du torrent, coin froid, et puis montée.. dans le brouillard qui ne se lèvera plus. Le chemin est très raide, bordé de petits fanions en vue du trail l'échappée Belledonne qui commence vendredi.

La fin du trajet à flanc de pente, j'arrive vers 13h. Le refuge est vaste et clair. Je mange et dors. Au réveil le brouillard est toujours là et je décide de rester ici ce soir. Quatre autres randonneurs arrivent, un gars seul et un groupe de trois jeunes.

Pas d'orage l'après midi contrairement à ce qui était prévu. Il éclatera plus tard dans la soirée, avec une forte pluie .

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+ 850m, -680m

Pluie et brouillard

C'était le déluge à peu près toute la nuit. Le problème est qu'au matin ça ne s'arrête pas...

Départ 9h30 pluie légère mais brouillard on ne voit rien au col de Claran et ça s'éclaircit un peu au chalet en bas



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Le refuge est à l'intérieur d'un chalet pastoral. Un patou m'accueille. Le refuge n'est pas accessible d'autres patous sont dedans. Pas trop sympa le berger... Il me dit qu'il va partir dans dix minutes mais je suis toujours à attendre sous l'auvent...

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Ce n'est pas grave, la pluie cesse. Jolie montée sur une lande arborée, parmi les aulnes verts érables et sorbiers des oiseleurs aux grappes de fruits rouges.

Traversée d'un torrent gonflé par les pluies, remontée de l'autre côté. Rencontre d'un randonneur solitaire dans mes âges qui me dit qu'il y a du monde au refuge des Férices à cause du trail. Aïe aïe !



Et juste après la pluie reprend. Je ne tarde pas à être trempée. L'eau court partout, dans les ruisseaux gonflés, et sur le sentier. Celui-ci grimpe dans les bois, puis au dessus sur des herbages semés de gros blocs impressionnants dans le brouillard.


Et voilà le refuge. C'est encore pire que ce que je craignais. Le refuge est du type très rustique, tout petit, et il est archi plein,de personnes et leurs affaires, et de victuailles pour les concurrents du trail. Ils sont dix à coucher ici, en se relayant car ils doivent accueillir les coureurs qui passeront toute la nuit.

Une bonne chose, ils ont allumé le poêle et à part les chaussures je me sèche pas si mal. Et ensuite j'irai planter ma tente sur un espace plat un peu plus loin. Le temps finit par se dégager un peu. Il y aura même un beau soleil vers le soir.

Au bivouac et au refuge. Je ne verrai pas le premier coureur qui n'arrivera que vers 22h30 
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+1120m -1180m

temps nuageux

La nuit est étoilée. Sur la montagne des lumières se déplacent (les lampes des coureurs). Le matin le soleil éclaire les sommets. Des nuages couvrent le ciel.. mais la vue porte bien plus loin que la veille.

La journée sera essentiellement marquée par l'ultra trail Échappée Belledonne. Déjà deux coureurs sont passés au-dessus de ma tente, et au refuge 2-3 concurrents arrivent en même temps que moi. Dans la nuit il en serait déjà passé une vingtaine. En moins de 24h (départ hier vendredi à 6h) ils ont parcouru la même distance que moi en 9 jours!

Le chemin continue et tous les coureurs arrivent par derrière et je m'arrête pour les laisser passer. Ça casse le rythme mais il faut dire aussi que le sentier vers le col d'Arpingon est vraiment raide. D'ailleurs je ne vois personne courir dans la montée. Enfin arrive une concurrente femme. Elle me dit qu'elle n'est pas en bon état mais elle n'a pas l'air de vouloir abandonner.

La brume commence à monter de la vallée.

Au col se trouve un point de contrôle, les gars ont planté leur tente pour deux nuits. Ils me disent que jusqu'ici ils ont vu six femmes. C'est assez compliqué car il y a plusieurs parcours. Le plus long 150km il y en a un autre "duo" qui se fait par deux, et un plus court 84km. C'est ceux qui vont les plus vite, ils viennent juste de partir!

Les nuages ne cachent pas encore entièrement la belle crête rocheuse.

La descente (dans les nuages) n'est pas vraiment facile: des rochers et de la terre un peu glissante. Je marche quelques instants avec un gars qui s'est éclaté le talon d'Achille et recommencera l'année prochaine, et je donne un verre d'eau à un autre qui a le hoquet. Enfin aux alentours de 13h un toit apparaît, c'est le fameux refuge de la Perrière dont le luxe est vanté par tous les randonneurs.

Il faut dire qu'il y a l'électricité, solaire. Je craignais un peu car le soleil il n'y a en a pas eu beaucoup ces derniers temps.... Mais ça fonctionne, et je peux recharger mes batteries arrivées à un point critique.

Dommage que pour allumer le poêle il n'y ait pas assez de bois, mais dans le garde manger je déniche des victuailles, et me fais une assiette de pommes de terre. Car le petit morceau de pain qui me reste devra encore tenir deux jours.

refuge de la Perrière 

Je repars un peu tard, 15h30, mais me sent plutôt en forme. Effet de la plâtrée de patates ?

Il faut d'abord monter au col de la Perrière au dessus du refuge, raide mais pas longtemps. Là haut on retrouve les petits fanions orange et les coureurs (descendus au ravitaillement à Val Pelouse). Un couple de promeneurs me propose la photo.

Le sentier suit maintenant une espèce de crête entre deux vallées, blocs de rochers et lande arborée, très beau. Chemin pierreux mais presque plan, et les coureurs qui doublent, toujours. Quelques randonneurs ou promeneurs aussi.

Les monts se découvrent un peu, et on revoit la vallée.

Je passe un poste de contrôle, discute un peu avec les gars, continue à descendre sur un chemin pavé un peu plus large , plus rural, et tombe sur un barbelé en travers, bizarre... Là je réalise qu'il n'y a plus ni marques ni fanions ni coureurs.... Retour en arrière.

Il fallait tourner à droite et traverser un ruisseau. Ensuite ça va se mettre à monter plutôt raide. J'y vais lentement mais régulièrement et m'efforce de ne pas m'arrêter pour laisser passer afin de ne pas me casser le rythme. Tout le monde n'apprécie pas.

Ce chemin se dirige vers le Col de la Perche (ce n'est pas le seul de ce nom) en haut plus ou moins dans le brouillard. Encore un contrôle. Je discute avec une dame sympa venue soutenir un concurrent. Et qui propose de me prendre en photo.

Maintenant il n'y a plus qu'à descendre tout tranquillement vers le refuge, chalet d'Arbaretan qu'on m'a recommandé. On le voit au loin en direction de la vallée, tutto bene. De la fumée en sort, des randonneurs ont allumé le feu...

Oui mais cette fumée ne sort pas de la cheminée mais d'un feu extérieur. Feu dehors= barbecue ? Ah oui on est samedi, pas bon... Effectivement... Il n'y a pas un groupe de gens venus faire une bouffe, mais deux... Les uns font la fondue à l'intérieur, et les autres à l'extérieur, le barbecue. La fontaine est pleine de bouteilles de bière. Et le dortoir est plein. Je parviendrai à planter ma tente, en évitant les bouses, dans le pâturage à côté. Par chance les vaches resteront à l'autre bout.

Je me fais (dans le refuge près du poêle) un petit sachet de soupe de bolets (acheté à la Martinière) que j'enrichis avec de la semoule de couscous, c'est succulent. Comme dessert il ne me reste qu'un seul et unique abricot sec.

Ce n'est pas la première fois qu'il m'arrive ce type de déboires le samedi soir.

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+850m -1340m. Beau temps , quelques nuages

Je n'ai pas eu très très chaud sans doute à cause de l'humidité, la tente est trempée de rosée. Heureusement le soleil se lève vite. Départ vers 8h. Montée au col d'Arbaretan où des vaches paissent au dessus d'un petit lac. Et bien sûr au milieu du chemin.

Ce chemin va suivre une crête sans difficultés. C'est magnifique, belles vues de toutes parts. Côté Belledonne, le plus haut sommet s'appelle Les Grands Moulins. De l'autre, la Chartreuse toujours.

Et vers l'est:

C'est bien lui ... Le Mont Blanc !

Un peu dans les brumes... Mais ici aussi des petits nuages commencent à monter de la vallée

Arrivée à un sommet de 1977m, qui s'appelle "Le Grand Chat". On voit encore le Mont Blanc à l'est et en face les rebords des Bauges.


On est loin de la foule d'hier. Mais on croise des marcheurs divers dont des GRistes. Certains passent, d'autres discutent. C'est pourtant sans arrière pensée que je dis que je n'ai plus grand chose à manger...des gens qui redescendent me donnent les provisions qui leur restent, gâteaux et fruits secs.

On voit les arbres mais avant d'entrer dans la forêt on passe au col du Champet où plusieurs randonneurs m'ont dit avoir bivouaqué. En effet il y un bel emplacement mais sous une grande croix.

Ce n'est pas des randonneurs que j'y rencontre mais des cyclistes VTT, un électrique, un musculaire. Ça faisait longtemps. Et la descente commence. Un mauvais passage auquel je ne m'attendais plus, un raidillon glissant et puis ce sont de bons chemins, ça gaze. D'autant plus que je n'ai pratiquement plus mal au pied. Pas beaucoup de photos, c'est épicéas+ épicéas, pas forcément désagréable d'ailleurs, avec debeaux arbres très hauts, mais moins varié. Passage à un abri qui s'appelle " la baraque à Michel.


Il est bientôt 13h, je pense descendre jusqu'au Pontet mais au passage j'avise une aire de pique-nique qui sera parfaite pour tout sécher. Je me réjouis d'avoir des gaufrettes et des dattes en plus de la petite tranche de pain et d'un reste de rillettes de poulet.

Pour arriver au Pontet cela se remet à monter quand on ne s'y attend pas, je n'apprécie pas trop..

C'est un village très éclaté au fond d'une petite vallée un peu perdue. Une église, ça faisait longtemps. Colchiques dans les prés. Et au bord des chemins balsamine de l'Himalaya aux jolies fleurs roses... Mais proscrite comme invasive.

Le Pontet 

Eh oui ce n'est qu'une petite vallée secondaire. Il faudra la franchir.. et donc remonter, encore un petit 500m.

L'environnement au dessus du village rappelle étrangement les coteaux des villages de l'Ariège. Anciens prés boisés spontanément en trembles bouleaux et frênes, ruines de hameaux, et ces chemins très creux, bordés d'arbres aux racines tortueuses, qui grimpent tout droit. Celui-ci est d'ailleurs particulièrement raide. J'en bave et je pense aux coureurs qui sont passés là avec 140km dans les pattes...


Gros frêne et chemin creux 

Plus haut le sentier se met à suivre les courbes de niveau au milieu d'une pente raide maintenant boisée de résineux, on trouve des sapins...et quelques hêtres. Je croise un randonneur qui commence le GR. Il a emporté à manger pour 10 jours.

On atteint un plateau, une zone de tourbières protégée par un arrêté de biotope de 1994. Plus loin l'immense et sinistre fort de Montgibert. Il date de 1883, il fait partie d'un ensemble d'ouvrages destinés à empêcher le passage de troupes ennemies à travers les vallées alpines. Je n'irai pas beaucoup plus loin, j'en ai un peu marre et la forêt me tente, pour le plaisir et pour éviter la rosée. Je me déblaye sur un petit replat branches et cônes d'épicéa.

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-1000m +30m / Ensuite en bus jusque Saint Pierre d'Albigny et 2km jusqu'au camping.

Beau temps, chaud

Dans la nuit j'ai entendu un choc étrange. Et puis plus rien. Ça ne m'a pas empêché de me rendormir. Après réflexion je réalise qu'une branche a du tomber quelque part autour. Sans vent ni rien. Je n'étais pas en dessous...

La tente n'est pas mouillée ce matin, très appréciable. Il passe un coureur avec son chien. Départ 8h07. Beau début de parcours sur une crête boisée descendant modérément, la côte du Suet. J'ai précisément passé la nuit à "Côte du Suet, le haut" à 1291m. Encore un changement dans la végétation : beaucoup de hêtres..

La pente devient plus raide, et l'environnement s'humanise. Des routes dont on coupe les lacets, des granges, des hameaux.

Le premier hameau est Planay, murs en bois mais toits de matière diverses. Point de fontaine, mais devant une maison particulière des bidons d'eau potable sont à disposition. D'autant plus sympa que ça fait un moment qu'il n'y a pas d'eau. J'étais à sec.

De temps en temps on aperçoit le fond de la vallée et Aiguebelle.

Quelques raidillons mènent à Montgilbert qui est un vrai village avec une mairie et une église . Derrière l'église on découvre un bel emplacement herbeux en terrasse et des tables de pique nique. Encore un endroit où on pourrait bivouaquer. Il se trouve là des panneaux explicatifs sur le fort vu hier et les autres constructions militaires du coin.

Je vais passer là un bon moment pour téléphoner à une amie partie randonner pour un mois et qui le deuxième jour s'est broyée la cheville en glissant et s'est fait emmener à l'hosto en hélico. Oui tout peut arriver...

Justement peu après se présente un raidillon bien glissant que je descends avec d'infinies précautions... Ainsi qu'un chemin creux comme celui d'hier mais moins long.

Maintenant on se rapproche vraiment de la civilisation, en passant au-dessus de l'autoroute.

Aiguebelle n'est pas trop touristique. Le bourg, est coupé par la nationale direction Saint Jean de Maurienne. Un seul resto est ouvert où on fait le plat du jour, c'est pas mauvais d'ailleurs. Crudités, joue de porc et glace. Le patron est un peu débordé. Pas grave je charge le portable. Je suis à côté du bar où les buveurs locaux commentent beaucoup mon "exploit".

Et je m'en vais charger un peu mon sac à la supérette, puis me dépêche d'aller prendre le bus pour aller plus loin. Il a du retard. En attendant je cause avec un monsieur qui a couru le trail. Problème, je ne peux pas prendre le billet sur internet, indiqué complet. L'ennui c'est que le conducteur ne vend pas de billets et c'est trop tard pour le prendre à la gare. Je me fais engueuler mais il me laisse monter.

En route

Seulement, au prochain arrêt, il arrive la même chose à un jeune type mais là il le refoule. L'autre s'énerve essaie d'entrer de force, ils en viennent aux mots et insultes, et quand le bus réussit à redémarrer, pan, un projectile brise la vitre de la porte. Nouvelles engueulades, le jeune se sauve, le conducteur ne veut pas continuer, les passagers qui ont une correspondance paniquent.

Finalement on repart, je suis bien contente de descendre à l'arrêt suivant de Saint Pierre d'Albigny, pour rejoindre un camping à 2km, près d'un lac grouillant de monde. Le camping est horriblement cher, 23, 80 euros mais les emplacements sont grands. J'ai bien besoin d'une douche et d'une lessive . Avant ça je vais quand même faire quelques brasses dans le lac. Rien à voir avec un lac de montagne mais correct...

D'un côté j'ai un couple de cyclistes, de l'autre une famille hollandaise qui me prête un fil pour étendre mon linge et m'offre une (bonne) bière sans alcool. Dank u vel! Je vais me faire à manger sur la terrasse du snack où de sournois moustiques me piquent les jambes. J'ai retrouvé de la purée en flocons en sachets une personne. Et des yaourts.

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C'est demain que va commencer la troisième phase de la randonnée: au-dessus des vallées fortement urbanisées, remontons sur des hauteurs (modérées), suivant une partie du GR de Pays "Tour du Massif des Bauges"

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Départ du camping à 8h, ce matin c'est calme au bord du lac

Continuant ma progression vers le nord, je vais monter faire une partie du GR de pays du Massif des Bauges.

Il va me falloir beaucoup marcher sur le goudron avait d'atteindre la montagne. 3km pour rejoindre le centre du Village, un petit café au passage, et puis encore presque 2km sur des petites routes (tranquilles), vues sur la vallée et les monts, notamment cette crête calcaire déjà tant vue hier, dominée par la Dent d'Arclusaz.

Je fais bien de regarder le paysage parce que bientôt je vais entrer dans la forêt et on ne verra plus rien. Ça commence par un petit sentier très raide. Tout de suite on voit qu'on a changé de milieu. Hellébores (roses de Noël), viornes, érables champêtres, troènes, camérisier, etc.. on retrouve la végétation qui pousse sur calcaire.

Ce raidillon va rejoindre une piste qui est très vraisemblablement l'ancienne route passant par le col. D'ailleurs on trouve des restes de pavage. Et on va très vite se retrouver dans la hêtraie pure. C'est monotone, peut être, mais c'est beau et on y est bien, il fait frais. La montée est soutenue mais régulière. Je ne rencontre que deux personnes, un couple qui fait l'aller et retour jusqu'au col.

Un incident qui devrait me servir d'avertissement : repartant gaillardement après une petite pause je m'aperçois après un bon moment, voulant prendre une photo, que je n'ai plus la pochette où je mets le téléphone. Tout bonnement laissé au bord du chemin où je me suis arrêtée. Il n'y a plus qu'à poser le sac à dos et revenir en arrière. Je retrouve mon bien assez rapidement, il faut dire que sans rien sur le dos on se sent des ailes. Mais quand même, c'est pas malin...

Plus près du col la pente devient plus raide. Encore un effort et on y est. En haut des mélèzes en remplacement les hêtres, c'est moins beau et la vue est toujours aussi bouchée. Une piste de ski descend de plus haut, ça fait une trouée d'où émergent deux sommets. Mais c'est un excellent endroit pour faire la pause : des espaces plats herbeux, un fil entre des piquets qui sera parfait pour finir de sécher le linge.

Quelques centaines de mètres un peu raides, un large chemin agréable à faible pente qui longe des épicéas puis des hêtres, hélas la fin du trajet vers la station de Aillon est beaucoup moins confortable, sur des pistes pierreuses et de l'asphalte pour finir. Mais un charmant paysage s'ouvre au regard..

C'est une station pas trop affreuse où se côtoient des maisons anciennes et des petits immeubles pas trop choquants. Je ne trouve pas de bistrot pour boire un café, je mangerai une glace au magasin de sports, où ils n'ont pas de cartouches de gaz.

Une petite église dédiée à Saint Michel était l'abbatiale d'une ancienne chartreuse.

Après un trajet pas très intéressant, longeant des routes, voici le bourg d'Aillon-le-Jeune, un peu plus authentique. Particulièrement authentique est la vieille qui du seuil de sa maison m'indique le robinet d'eau à la porte du cimetière. Les commerces n'abondent pas, mais la fromagerie est bien achalandée. Ils ont même du pain. Je me charge sans aucune nécessité, mais ne peux résister à la tentation.

Il est 18h, je peux continuer. Un raidillon longe un pré d'herbe bien verte. Une jolie vue en arrière. Ce raidillon rejoint une piste ancienne large, qui monte aussi. Rochers calcaires blancs et gris, hêtres verts, un peu d'herbe et des feuilles sèches rousses sur le sol.

Je vise "la Place à Baban" indiquée à une heure de marche depuis Aillon. Le nom est étrange et il s'y trouve une place de pique nique. Il est temps d'arriver, l'heure tourne, ça monte pas mal.

Ce n'était pas une bonne idée, l'endroit est horrible, un espèce de parking, une baraque sinistre, une table de pique nique ruinée. Heureusement j'ai repéré juste avant quelques espacés plats. Je trouve un petit coin tout à fait bien au milieu des hêtres et des rochers. Je mange (pâtes au fromage et au jambon cru), pratiquement à la nuit. Eh oui les jours raccourcissent. Maintenant il vaut mieux s'installer pas trop après 19h...

J'entends comme des hurlements. Qui s'éloignent. Seraient ce des loups ??? En tout cas il y en a dans les Bauges.

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Aujourd'hui commence la cinquième semaine de mon périple

Je ne démarre qu'à 8h, je crois qu'il sera difficile de faire mieux désormais. Le tapis de sol est juste un tout petit peu humide, ce ne sera pas la peine de faire sécher aujourd'hui.


Le sentier continue à monter , dans un environnement de plus en plus rocheux et de plus en plus karstique. Il y a des gouffres partout. Ces gouffres sont appelés localement "tannes". Ils servaient de glacières naturelles.

Autres formations karstiques, les lapiaz

Comme on peut voir sur la photo précédente on sort de la hêtraie et on arrive à découvert sur un plateau planté de résineux épars. Cet endroit est plein d'oiseaux, ça pépie ou croasse de partout. Je repère des mésanges et tout un groupe d'oiseaux plus gros qui étaient à terre et s'envolent à mon approche, évidemment. Là où ils étaient coule un mince filet d'eau, ils étaient en train de boire. J'ai mal vu mais je pense que c'étaient des casse-noix mouchetés .

Le lieu s'appelle le Margeriaz. Le sommet est à 1845m. Le GRP n'est monté qu'à 1600m. Comme l'environnement est dégagé, de vastes panoramas s'offrent à la vue. On doit voir la chaîne de Belledonne mais je ne reconnais rien.

Pour rejoindre le col de la Verne 1520m, prochain passage, il faut descendre. Et là on ne voit rien. Le sentier va plonger à gauche dans la forêt. Oui mais.. il y a aussi un autre petit sentier vers la droite, allons y voir...

Ça valait la peine ! On se trouve sous les falaises, avec le précipice en dessous et plus bas la vallée. Et vue sur les chaînes montagneuses.

Oui mais maintenant c'est le côté abrupt et la descente est raide et pas facile, dans les hêtraies où on glisse sur les amas de feuilles sèches, avec des pierres et passages rocheux. Je croise une randonneuse solitaire toute jeune, marchant "en autonomie", avec sa tente. Plus bas des gens avec un chien, pas trop discrets.

Le chemin s'élargit et on arrive à un point attendu: une fontaine d'eau potable. Elle existe bien ! C'est un abreuvoir pour les vaches, mais alimenté par l'eau pure sortant d'un tuyau. Avant de se servir priorité aux vaches !

Juste un peu plus bas une grange. La piste continue à descendre, quelque peu pierreuse, passe devant quelques autres constructions et des prés, et puis enfin c'est un chemin de rêve, lisse et plat, suivant la pente à niveau ou montant légèrement. Au frais dans les bois.

J'ai décidé d'aller jusqu'à La Labiaz. Je dépasse le village où un entrepreneur et exploitant forestier fait un bazar infect en laissant traîner un peu partout son matériel en usage ou désaffecté et des tas de cochonneries. Je m'installe plus loin pour casser la croûte, dans un coin d'herbe à l'ombre . Pendant ce temps passent plusieurs groupes de randonneurs. Ce sentier est plus fréquenté que je ne pensais.

Le même chemin se poursuit qu'au col de Plainpalais. Encore une route qui fut pavée et donc pleine de pierres mais en montant ce n'est pas gênant. Parfois il reste des murets de grosses pierres. De temps en temps vue sur les hauteurs calcaires. Avant Plainpalais, je peux boire un café, enfin, dans un chalet où on vend des produits locaux. Après la traversée du village, c'est la dernière montée, dans la forêt toujours, vers la Feclaz.

C'est une station donc c'est pas terrible. Le magasin de sport est fermé et évidemment ils n'ont pas de cartouches de gaz au Sherpa. Je fais quelques courses, prends de l'eau aux toilettes publiques et y rencontre une randonneuse qui fait la même chose et qui ne sait pas plus que moi où elle va dormir cette nuit.

Ma résolution de la veille c'était un vœu pieux, il est largement 19h30 je ne m'installerai encore trop tard. Heureusement je n'ai pas trop à chercher, je trouverai assez vite un espace plat sous des sapins dont un énorme.

J'ouvre une boîte de petit salé aux lentilles Casino.

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Encore une tente presque sèche, c'est bien de camper dans les forêts...

Départ 8h05. Je mettrai un peu plus de 2h jusqu'au Revard. Un trajet tournicotant, montant et descendant à travers des forêts belles ou moins belles. Quelques ouvertures sur le paysage en fin de trajet. On voit même le lac du Bourget à un moment donné. Mais c'est au Revard que s'étend un vaste panorama.

Pour la descente je choisis le GR qui suit la voie de l'ancien chemin de fer à crémaillère. En pente plutôt douce, le problème c'est qu'il y a encore le ballast, les cailloux qui roulent ce n'est pas trop confortable. Mais finalement ce n'est pas si désagréable, et à l'ombre.


Le premier tunnel est interdit (pas grave). Je casse la croûte à l'emplacement de l'ancienne gare. Ensuite il y aura un autre tunnel très court, et un viaduc.

Je vais bifurquer car je ne vais pas à Aix, mais à Gresy sur Aix, plus exactement au... Décathlon, pour acheter une cartouche de gaz. Au début, c'est bien, un chemin creux dans la campagne. Un peu trop de pierres par moment.

Et puis j'arrive en pleine lumière à Pugny Chatenod. Un village sans doute riche, la mairie et l'école sont toutes neuves. Je suis bien contente de trouver une auberge accueillante pour un café et un peu de repos.

Ensuite ça va être dur. Il fait très très chaud, le soleil cogne (et j'ai perdu ma casquette) .Et il n'y a pas d'ombre.

Je finis par arriver à la zone commerciale. J'y trouve aussi une Biocoop ce qui me permet d'acheter des flocons d'avoine et de la polenta au détail.

Heureusement car pour ce qui est de la cartouche de gaz, je suis obligée d'en prendre une de 500g ils n'ont plus que ça.

Pour aller à Culoz point sud de la traversée du Jura il faut prendre le train en changeant à Aix les Bains, où la chaleur est également étouffante, idem à Culoz mais le soleil ne cogne plus.

Le camping ne serait pas mal mais ce soir c'est animation musicale. 🙁🙁

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Demain j'entame la rando jurassienne, la Grande traversée du Jura (GTJ), une nouvelle fois dans le sens inverse du topoguide.

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La pluie du matin n'arrête pas le pèlerin (proverbe berrichon). Eh oui, ciel couvert au réveil, et à la fin du p'tit déj des gouttes se mettent à tomber. Je me dépêche de plier la tente.

En réalité ce n'était rien du tout mais au moment où je quitte le camping ça tombe plus fort, du coup je m'arrête prendre un café dans le bourg, dans la partie moderne un peu en contrebas.

La célébrité locale est un dénommé Serpollet pionnier de l'automobile

De ce fait je ne pars vraiment que vers 9h30, ce n'était donc pas forcément une très bonne idée car je ne suis pas très en avance, il y a 1200m à monter et cet après midi des orages sont prévus.

Culoz est "acculée" au pied de hautes falaises calcaires . L'ascension sera longue, un sentier, puis une piste à travers une végétation calcaricole de versant sud et notamment des chênes pubescents. Arbres pas très hauts, beaucoup de feuillages desséchés, un peu fouillis c'est plus beau quand on arrive plus haut dans les hêtres. De temps en temps on aperçoit Culoz et la vallée du Rhône.

Il me faut plus de 3h pour atteindre le rebord du plateau, au point de vue du Fenestrel. Table d'orientation et très très vague vue sur le massif du Mont Blanc. Mais aussi sur le lac du Bourget, les Bauges et la vallée du Rhône que j'ai parcouru l'an dernier en vélo par un temps de chien.


À partir de là la pente est moins forte. D'abord dans la forêt. Puis dans des alpages qui ressemblent à des Causses.

Un mont élevé avec un affreux pylône au sommet c'est ça le grand Colombier. Le GR passe au sommet. Ce n'est pas commode dans les rochers.

Au sommet (1501m) je croise une randonneuse solitaire qui se plaint de la difficulté du tracé et m'avertit des difficultés pour trouver de l'eau sur les crêtes. Vues embrumées, le Mont Blanc n'est pas du tout visible.

Descente raide précédant une nouvelle montée après le col du Colombier où passe une route. Il se trouve là un bistrot mais le café manque. Plus loin à la Croix du Colombier s'élèvent une croix et une table d'orientation.

Et après ça descend pour de bon, par des sentiers pas toujours commodes. Puis ça s'arrange, avec une piste forestière confortable. Les sapins sont gigantesques notamment le sapin Daubrée qui m'offre un chapeau.

Cette piste surplombe une rivière, l'Arvière, mais aucune eau ne bruisse, elle est à sec.

Peu après on découvre le chalet d'Arvière, une ancienne chartreuse dotée d'un jardin d'herbes médicinales. Un site magnifique en terrasse au dessus de monts boisés. C'est un gîte d'étape mais il n'y a personne j'aurais aimé boire un coup prendre de l'eau et demander l'autorisation de mettre ma tente là.

Je prends mon temps, visite le jardin qui souffre de la sécheresse. J'admire la rue (ruta graveolens) qui se porte à merveille et dont je trouve l'odeur pas fétide mais plutôt agréable.

J'explore autour de la maison. Des poules et des chats. Pas de robinet d'eau.

Deux personnes arrivent, mais ce sont aussi des visiteurs qui se cassent le nez. À 19h30 je prends le parti d'aller ailleurs, je ne me risque pas à m'installer là sans autorisation.

C'est qu'un peu plus haut se trouve "la source de Saint Arthaud" qu'utilisaient les moines. Ce n'est pas une vraie source mais une résurgence qui me fait penser à Fontaine de Vaucluse en plus petit : une grotte avec de l'eau au fond. Cette eau stagne mais est très claire. En la faisant bouillir je ne dois pas risquer grand chose. Alors comme il y a une plateforme devant la source je m'installe là.


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Ce matin j'ai un compagnon à mon petit déjeuner. Un rouge gorge hardi est intéressé par mes miettes et s'approche jusqu'à cinquante centimètres de moi.

Je descends au gîte. Le gardien est là et me sert un café. Il me déconseille de boire l'eau de la source, confirmant que c'est une résurgence. Pour l'instant je ne suis pas malade... Il me donne de l'eau minérale. Lui puise son eau ailleurs mais cette année elle a manqué, il a du faire venir deux camions citernes.

Le temps est un peu brumeux. Je prends la piste direction nord... Et ce sera pour la journée 99,5% de pistes. Étonnamment ce n'est pas ennuyeux du tout car le paysage est beau, et la marche est aisée.

L'itinéraire suit une combe herbeuse pâturée par des vaches, entre deux forêts. Elle passe à "Les Granges d'en bas" qui est un refuge avec de nombreux lits mais des matelas pas très frais. Comme place de bivouac c'est bien aussi, à l'intérieur de l'enclos protégé des vaches. Mais l'eau manque.

Mais alors que boivent les vaches ? Elles ont leur réserve, c'est un "goya", une mare circulaire au fond imperméabilisé. L'eau est moins appétissante que celle de la source.


Le chemin continue en légère ascension. On entend quelques pépiements et les petites scies des mésanges... mais aussi, moins poétique, les jets qui passent au-dessus parfois bien bas et ça va durer toute la journée. Venant de l'aéroport de Genève ??

Voici maintenant les "Granges du haut". Il y avait un maquis à la résistance.

En repartant je rencontre un paysan en bottes avec son chien. Plus loin, plus de pâturages, seulement des boisements.

Elles sont sous bonne garde !! (DDA= direction départementale de l'agriculture, où j'ai officié en d'autres lieux. Pourtant l'exploitation forestière, ce n'est pas toujours beau à voir..


La progression vers le nord continue. Des pessières, des hêtraies, des landes , des pâturages parsemés d'arbres isolés, hêtres en cépées ou érables, encore quelques fleurs (solidage verge d'or) et toujours les avions qui vrombissement.

Bien peu d'humains, mais quand même, un couple de randonneurs, des jeunes bien sympathiques, Margot et Jérôme, qui vont avoir fait la traversée en 14 jours, avec un petit bout en bus.

Je casse la croûte peu avant une ferme appelée Planvanel. De là la vue porte enfin du côté des Alpes, mais les nuages cachent les monts.

Il y a quelqu'un à la ferme. Osons... Je demande de l'eau à une dame blonde. Elle a un accent étranger, Allemande ou Hollandaise peut être. Elle m'amène une grosse bouteille avec laquelle je remplis les miennes. Génial, je n'aurai pas besoin de sortir du GR pour aller m'approvisionner. Ce sera l'occasion aussi de faire un brin de causette, sur les moyens de rester en bonne santé.

La piste monte caillouteuse sous une ligne haute tension puis traverse des pâturages au soleil vers une croix (croix des Terments). Passage devant une autre goya, et encore une montée pour rejoindre la crête qu'il faudra suivre. Un groupe de cyclistes fonce en vélos électriques, ils me doublent puis me croisent, ils ne sont pas allés loin.


Pas de panorama, c'est toujours dans les bois, des hêtres généralement. Montées et descentes. En haut d'une côte j'aperçois un animal, un très gros chat, à la queue très touffue, qui se sauve tout de suite. Je m'imagine que c'était un lynx, mais le lynx n'a pas une queue comme ça. Chat sauvage donc, dommage. Quand même on n'en voit pas si souvent.

Il tombe quelques gouttes de pluie, que j'entends plus que je ne sens sous le couvert des bois. Mais voilà que j'arrive en terrain découvert, et les gros nuages gris ne sont guère rassurants.

C'est le plateau de Retord, un lieu paraît il intéressant. Je trouve qu'il y a surtout beaucoup de vaches et beaucoup de bouses. Des granges. Des tas de pierres. Un bois sévèrement éclairci et un tas de grumes. Et une belle position dominante.


Je découvre que non loin d'ici se trouve un gîte d'étape, la ferme de Retord, que le topoguide indique comme accueillant les campeurs. Je téléphone là bas, c'est 2,50 euros avec la douche. Je crains toujours ce gros nuage et j'ai besoin de recharger mon portable alors j'y vais.

Le terrain est vaste, la place ne manque pas mais l'herbe est haute. Je m'installe près des jeux d'enfants où une petite cabane de bois pourra être un refuge éventuel.

La ferme est rustique et vieillotte c'est un peu le bazar à l'intérieur. Je bois une bière pendant qu'un groupe de pensionnaires dîne.

Il ne pleuvra pas finalement mais avec la rosée c'est affreusement humide.

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Brumeux le matin, beau et nuageux après

Oui heureusement que la petite cabane est là je peux ranger mes affaires et déjeuner au sec. Je me dépêche car je dois arriver à Bellegarde avant midi pour faire des courses.

De toute façon il n'y a pas grand chose d'autre à faire que marcher vite. C'est le brouillard.

Il va se lever dans la descente. Toujours ces paysages de Causses. Et puis des bois

La dénivelée est de 900m environ, pourtant la descente n'est abrupte que sur de petits tronçons. En forêt, quelques clairières, et quelques maisons. Je rencontre un promeneur et un seul qui me dit que je suis à 1h de Bellegarde. C'est optimiste. Mais j'y arriverai bien à temps, un peu après 11h. Avant ça, je traverse Oschia et effectue un parcours de plaine sur quatre kilomètres. Sur le goudron, mais il fait beau, le vent est frais, l'environnement bocager et vert, très agréable.

Oschia, et la campagne

L'entrée à Bellegarde c'est moins bien. il faut passer sous la voie ferrée et l'autoroute. Et c'est la ville. Carrefour Market passage obligé.

Dans un petit jardin public au bord du Rhône je peux manger une salade (du supermarché) et sécher tente et duvet. L'eau du Rhône est bleu vert, Il doit y avoir un barrage en aval. La confluence avec la Valserine n'est pas loin.

Pas de café ouvert, ce sera une boulangerie où je suis obligée de me mettre en terrasse. Il fait chaud évidemment et je peine en repartant avec mon sac bien chargé.

Le parcours suit la Valserine, une rivière karstique à la vallée profonde. Il n'est pas reposant, ce ne sont que des escaliers à monter et descendre. Mais elle est belle cette rivière. La baignade est théoriquement interdite ce qui n'empêche pas beaucoup de gens de se baigner, surtout des enfants. C'est la promenade dominicale des familles.

Un viaduc, des ruines de moulins et autres ouvrages. Des cascades. Au barrage des enfants jouent à sauter dans la passe à poissons.

Le phénomène le plus spectaculaire est la "perte" de la Valserine. Le torrent a creusé des marmites ("oules") très profondes et la rivière disparaît dans ces profondeurs.On peut traverser sur le pont de l'Oule. C'est un passage ancien.


Et maintenant il faut monter. Fortement. Je quitte la rivière à l'altitude de 335m. Il fait chaud, surtout quand on n'est pas à l'ombre.

Le robinet d'eau fonctionne au cimetière de Lancrans. L'hôtel restaurant lui est fermé. Je ne vais pas pouvoir recharger le téléphone. À la sortie de ce village le balisage est incohérent et me fait faire des détours inutiles.

Belles pentes vertes et vues sur la vallée.

Après le hameau agricole de Métral, le plus dur m'attend pour finir la journée et arriver au refuge du "Sorgia d'en bas".

On passe des prés à la chênaie pubescente puis sans transition à la hêtraie sapinière pour retrouver un boisement sec. C'est raide, très dur, la sueur ruisselle de partout. Pour arranger le tout je suis harcelée par des nuées de mouches. Quand je mets le chapeau ça va mieux.

Mais j'ai bien fait. Le Sorgia d'en bas est un refuge rustique mais vaste, situé au milieu de pâturages (pas de vaches aujourd'hui) et jouissant d'une belle vue. Le soleil se couche à mon arrivée (20h15).

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La rencontre du matin ce n'est pas un rouge gorge, mais un chamois qui court sur la pente au-dessus du refuge. Dire que je n'en ai jamais vu un seul dans les Alpes. Ce ne sera pas le seul, un peu plus tard j'en rencontrerai toute une harde. ( Je n'ai pas la certitude que ce terme s'emploie pour les chamois).

Pour l'instant le sentier monte vers Sorgia du haut, à découvert ou en forêt. Sorgia du haut... c'est une ruine. À côté se trouvent deux goyas, un ancien en pierre, un récent au fond en toile plastique.


Il fait beau mais on ne voit pas loin à cause de la brume. Dans les pâturages paissent des vaches de couleur beige.

Les passages d'avions strient le ciel et perturbent la quiétude des lieux. Les chamois sont peut-être habitués. Aux humains, pas trop car à ma vue ils fuient tous sur le prochain mont pointu, appelé le "Crêt du milieu".


J'avoue ne pas être très douée pour les photos animalières. 

La progression continue dans cet environnement un peu irréel. Le marquage est bien fait, sur des piquets entourés de barbelés ce qui ne suffit pas toujours pour les protéger des vaches.

Me voilà en face du Crêt de la Goutte dominé d'une croix, et là le sentier va y monter.


C'est assez vite fait finalement. Altitude 1621m. La table d'orientation fait bien rêver, car du côté des Alpes c'est complètement embrumé.


De l'autre côté on distingue Bellegarde, Oschia, la vallée du Rhône et le plateau de Retord.

Pas beaucoup plus loin est plantée une mystérieuse pierre parallélépipédique nommée "pierre à fromage" on se demande pourquoi. Il y aurait dessus un dessin en forme de fromage ? Ou est ce parce que les vaches s'y frottent (la pierre est toute lustrée), et que ça leur fait faire du bon lait et du bon fromage ???

Et maintenant je vais être obligée de quitter la crête où il n'y a pas d'eau. Je n'ai plus qu'un quart de litre à peine et pour m'approvisionner il faut que je descende à la station de Menthières.

Je n'avais pas réalisé qu'elle se situait beaucoup plus bas, vers 1000m soit 500m en dessous. La descente n'est de plus pas très agréable, et à l'arrivée comme je le craignais tous les restos sont fermés. Je peste. Je ne pourrai pas charger mon téléphone, toutefois avec le temps d'aujourd'hui j'ai tout de même espoir en mon capteur solaire. Je prends de l'eau aux toilettes publiques. Et le café je m'en fais un avec mon réchaud.

Deux dames qui se promènent m'ont vue hier à Bellegarde, elles fêtaient un anniversaire dans la boulangerie où j'ai pris un café.

L'ascension vers la crête me paraît moins pénible que la descente. Les pentes sont plus douces, par contre le sentier fait de gros détours et je les évite en empruntant une piste forestière plus directe, une propriété privée peut être. Ensuite c'est assez long et toujours dans les bois et assez tournicotant.

Quand on arrive à découvert c'est peu avant un chalet appelé La Poutouille.

Et là une surprise m'attend. Des formes blanches apparaissent dans le ciel au-dessus du chalet.. Le Mont Blanc que je n'espérais plus voir!

C'est un chalet pastoral, il s'y trouve également un abri, déclaré sommaire dans le topoguide, mais qui est très bien. Sur la table on a posé un bocal de cerises à l'eau de vie. Je ne peux m'empêcher d'en goûter une. Elles sont aussi bonnes que celles que faisait ma mère. Dehors est assis un randonneur, premier de la journée. Il a démarré au refuge de la Loge. Il est bientôt 15h. Impossible pour moi d'aller si loin aujourd'hui.

Rendons nous pour l'instant au prochain chalet, celui du Gralet. Du sentier on ne voit plus les Alpes, il est constamment en forêt. Il monte et descend sans arrêt, est assez pierreux, un peu fatigant. Quand il rejoint une piste je dis ouf!

Le refuge est grand, il y fait chaud, car des membres de l'association qui le gère sont venus inaugurer une nouvelle cuisinière aujourd'hui. Je tiens l'information de deux jeunes filles croisées tout à l'heure, qui m'ont aussi appris une bonne nouvelle: il y a de l'eau, à tirer d'une citerne avec une pompe pas si facile à manier. Trois gaillards qui m'ont doublée s'y affairent et manquent abandonner, je leur dit d'insister et ça marche... comme ça je vais récupérer de l'eau pour moi.

Bref je vais rester ici. Le refuge est dans un fond, mais juste au-dessus, sur un promontoire, la vue sur Genève le Mont Blanc et les Alpes est splendide, surtout au coucher du soleil. Je fais un brin de toilette et une petite lessive (j'arrive à pomper de l'eau pour rincer) et fais cuire du riz trouvé dans l'armoire.

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À l'aube le ciel est très coloré, des nuages type stratus s'y étirent. Est ce que ça signifie qu'il va pleuvoir ?

Départ un peu avant 8h. Cela ne sera pas le beau ciel bleu et le Mont Blanc ne se montre plus, néanmoins il y a de la visibilité, c'est un beau parcours et il ne fait ni trop chaud ni trop froid. Le lac Léman et les sommets pointus des Alpes sont bien visibles, un peu à contre-jour. Devant s'élève, la crête... sur laquelle il faudra monter.

D'un côté les alpages, de l'autre les rochers 

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Pas d'humains sur ce parcours. Des vaches, de nouveau des chamois qui dévalent la pente à ma vue, et quelques petits oiseaux non identifiés.

Une grange qui s'appelle la Polvette et son goya. Au loin le défilé de l'Ecluse

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On se rapproche de la crête, on monte un dur raidillon et enfin apparaît un sommet surmonté d'une croix (sous cet angle on dirait un pylône). C'est le Réculet, le deuxième plus haut sommet du Jura à quelques décimètres près (1718m sur la carte 1719m sur le panneau).


Et à partir de là les humains réapparaissent. Un couple de jeunes tatoués, un type de 70ans qui arrive en courant et essoufflé, il dit qu'il fait ses 30km tous les jours. Et un jeune randonneur tranquille qui va vers le Gralet. Belles vues de tous les côtés.

Maintenant le sentier monte et descend sur la crête, direction précisément le Crêt de la neige, qui est comme on l'a appris à l'école primaire le plus haut sommet du Jura. À son approche l'environnement change, les pentes nues se couvrent de tâches sombres, des boisements d'arbres bas, et même rampants: des pins mugo.

Ils poussent entre des rochers calcaires gris qui forment des falaises et des gouffres, c'est un milieu tout à fait karstique. En plus des pins je remarque un arbuste que je n'ai je crois jamais vu, avec de belles grappes de fruits rouges, qui pousse ici en abondance. Ressemble à un alisier blanc... C'est bien un alisier, l'alisier nain, Sorbus chamaemespilus.


Une petite pause pour envoyer les photos, et je repars. Il y a de plus en plus de rochers, il faut même faire un semblant d'escalade, et surprise... Voilà déjà le sommet du Crêt de la Neige qui lui n'a vraiment pas l'air d'un sommet. Sur le panneau 1720m, sur la carte 1718m. C'est plutôt l'IGN qu'il faut croire.


Un des deux messieurs qui sont là a pris la photo. Ce sont des locaux. Ils racontent qu'auparavant les trous et les gouffres autours du sommet étaient remplis d'une neige qui durait très longtemps. Il n'y en a plus trace maintenant. Ce doit être l'origine du nom de Crêt de la Neige, car sur le sommet la neige ne doit pas tenir beaucoup..

Le sentier se poursuit sur la crête dans le même paysage.



On peut continuer ainsi jusqu'au col de la Faucille mais, vu la météo qui parle d'orage, je suis strictement le tracé de la GTJ et vais redescendre dans la vallée vers Lélex. Le chemin me semble long jusqu'au refuge de la Loge, entre les descentes par moments ça remonte, et puis il se met à pleuvoir, pas très fort mais ça glisse.

J'avais pensé initialement rester la nuit dans ce refuge mais je me suis rendue compte qu'il existait un hébergement pour randonneurs à Lélex, je me contente donc d'y prendre un café, c'est tout petit et plein de retraités, je ne regrette pas. De là ça descend pour de bon. Excepté un passage sur un sentier forestier, ce sont des pistes de gros cailloux plutôt pénibles. Il commence à tonner.

Voilà Lélex, petite station assez désertée. Je trouve aux premières gouttes de pluie mon hébergement, dans un centre de vacances qui a du être une colo, juste à temps avant que l'orage se déchaîne. J'ai une petite chambre individuelle, une autre randonneuse est dans celle d'à côté. Des draps, la douche, une cuisine où on peut se faire à manger... Très bien pour 26 euros.

Je fais les courses à la dernière minute, mais trouve du pain, et la supérette Sherpa à autre bout du village, quelques instants avant la fermeture. Une violente averse survient au moment où je sors. J'ai la bonne idée d'attendre un peu sous l'auvent, ça ne dure pas.

Je vais me faire un somptueux dîner, gnocchis aux courgettes et oignons, petites tomates et parmesan, petites faisselles (marque Casino fabriquées dans le Berry), raisin.

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Finalement on ne dort pas mieux dans des draps.. il faut dire aussi que le matelas n'était pas très bon.

Je ne revois pas ma voisine de chambre qui a vraiment du partir tôt. Moi c'est 8h et quelque. Il fait un peu frisquet ce matin, des nuées se promènent sur les pentes. Le début de journée n'est pas fatigant, c'est une route qui suit la vallée de... la Valserine, bien différente ici.

Je me dis qu'après la pluie la vue sur les Alpes doit être fantastique aujourd'hui... Mais à condition d'y être tôt, déjà voilà des nuages.

Au lieu dit le Niaizet, bifurcation, on monte, et plutôt raide, dans une hêtraie. De là descend un randonneur, un monsieur seul assez âgé. Il a mis 17 jours pour arriver là depuis Montbéliard. Il me dit qu'il n'y a pas de réseau sur le trajet alors je fais une pause pour envoyer mes photos. J'ai froid en repartant malgré le soleil.

On aperçoit la croix du Réculet entre les cimes des arbres. Celles-ci ne sont pas toujours très fournies, les hêtres souffrent de la chaleur et de la sécheresse. Depuis que je marche sous les hêtres je vois énormément de feuilles vertes au sol, ce qui n'est pas normal. Des vaches tachetées marron se promènent dans la forêt. Sont ce des montbéliardes??

Un peu plus haut on verra mieux le Réculet et la crête parcourue hier

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Car on sort de la forêt pour arriver dans une combe où se trouve le hameau de Closettes. C'est ne sont que trois maisons, dont une avec beaucoup de fenêtres, pas très belle et un peu anachronique. J'apprendrai un peu plus tard que c'était une école, où venaient (à pied) les enfants habitant dans un rayon de 10km .


le Crêt de Chalam                                                                                        l'école 

Encore un peu de piste et enfin j'atteins le site de la "Borne aux Lions", en même temps que deux messieurs que j'ai déjà vu alors j'engage la conversation. Au Crêt de la Neige hier on s'était juste salués. Ce sont des Belges d'Anvers, Johan et Kristof, ils sont randonneurs et parcourent le GR5 par tronçons, un morceau chaque année, et ce depuis chez eux, ils ont fini le Jura et comme il leur reste un peu de temps ils font quelques balades sans le gros sac. Aujourd'hui ils vont au Crêt de Chalam, c'est ce sommet en pain de sucre en face.

Alors quelle est cette "Borne aux Lions"? C'est une borne en effet, pas très haute, qui a été posée en 1613 pour marquer la frontière entre le Bugey appartenant depuis peu à la France, et la Franche Comté qui faisait partie de la Bourgogne alors espagnole, et dont les armoiries, gravées sur un côté de la borne, représentent un lion. Que l'on devine avec un peu d'imagination. De l'autre côté c'étaient les fleurs de lys mais on ne distingue rien du tout.

Ce site est témoin d'une histoire plus récente, le maquis et la résistance. Des parachutages ont été effectués ici notamment . Monuments, panneaux explicatifs et installations touristiques avec tables de pique nique. Il est déjà plus de midi je m'assieds pour casser la croûte, hélas juste après s'installe à côté une bande de vieilles pies jacassantes, et de plus le vent est froid je suis vite gelée. Je ne reste donc pas longtemps, continuant sur le goudron, puis sur une piste menant à la "Combe froide", une clairière calme où paissent des chevaux et où il fait plus chaud.


La Combe Froide                                                                                  vers les Moussières 

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Un sentier traverse une belle forêt aux arbres variés feuillus ou résineux, et ensuite on se retrouve plus en plateau, et malheureusement beaucoup sur le goudron.

Avant le seul village traversé, L'Embossieux je discute un peu avec une promeneuse pas toute jeune qui me raconte qu'elle aime faire des petites balades dans le coin, mais qu'elle ne partirai pas avec le sac et la tente. Le resto est fermé alors je me fais un café dans l'abribus. Et je repars sur un chemin campagnard au milieu des épicéas.

Je pensais atteindre le village des Moussières, mais finalement vers 17h30 je longe un bois clair d'épicéas ne manquant pas de bonnes places pour le bivouac, alors je reste là. On ne voit pas de vaches et les bouses ne sont ni nombreuses ni récentes. Les vaches, elles sont un peu en contrebas, mais que viendraient elles faire la nuit dans la forêt alors qu'elles ont de la belle herbe en bas ?

Le son des clarines me bercera.

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Agréable promenade matinale jusqu'aux Moussières qui ne sont qu'à 2km.

Fort calme ce village, je dirais même un peu désert mais ça va s'animer du côté du "Proxi", la supérette, où on vient faire ses courses. La commerçante est très gentille. Elle me sert un café et met mon téléphone à recharger.

À la sortie je suis les marques, elles me mènent à la fromagerie mais il me reste plein de fromage et je viens d'acheter du bleu de Gex. Par contre ce n'est pas mon chemin, c'est une variante... Retour en arrière.

C'est un bien meilleur itinéraire, pas sur le goudron mais sur des sentiers campagnards à travers bois ou pâturages. Les clôtures, qui sont nombreuses, se franchissent par des espèces de passages canadiens surélevés ce qui permet aux VTT de passer mais je n'en ai pas vu un seul.

Les seules rencontres sont les vaches. La plus surprenante c'est celle d'une vache en train de manger avec difficulté une chose bizarre couleur rose violet... Je finis par comprendre que c'est le placenta du veau qui vient de naître et qui dort à côté.


Le chemin va passer une petite vallée et une ligne à haute tension, puis s'élever, et quand on passe (brièvement) au-dessus des bois la vue s'élargit à l'ouest sur des plateaux et des villages.

Pour arriver aux Molunes une piste monte dans une hêtraie. On s'étonne de la hauteur de ces arbres qui semblent pousser directement sur la roche calcaire.

Les Molunes est un village éclaté. C'est à la mairie qu'arrive le GR. À côté se trouvent un parking et des tables de pique nique. En face, un alignement de monts... Je suis tout étonnée de retrouver la chaîne des crêts. Ce sera agréable de déjeuner avec cette vue. Les deux camions stationnés sur le parking partent enfin, je vais pouvoir déguster tranquillement mes trois sortes de fromage, tome du Jura Comté et bleu de Gex (très bon finalement).

Ce ne sont pas les quelques cyclistes sur la route qui vont rompre le calme, mais un groupe d'Italiens qui se disent chasseurs de champignons et qui parlent fort comme tous les Italiens. L'avantage c'est qu'on ne comprend rien à leur patois. Pour la sieste, je dors un peu mieux malgré tout quand ils sont partis.

Je redémarre à 15h, un peu de route puis un chemin dans une combe d'où on ne voit plus les monts, à travers des pâturages jaunis un peu fatigués.

Peu avant Lajoux on rejoint la route et là il se met à pleuvoir, je m'abrite un peu mais ce n'étaient que quelques gouttes. C'est encore un village bien désert, et hétéroclite. Bistrots commerces office de tourisme, tout est fermé. Dans ces bourgades il n'y a qu'une valeur sûre... la fromagerie. Je m'achète du morbier, je n'y ai pas encore goûté. Et des produits locaux, yaourts et pain d'épice.

Je me suis fait aussi remplir mes bouteilles d'eau, il n'y a plus qu'à continuer un peu et trouver un bivouac.

Lajoux sous les monts du Jura

Le chemin traverse surtout des pâturages. Je n'ai pas trop envie d'y planter la tente. Risque de vaches, et surtout risque de rosée. Arrivant en vue d'un bois j'y monte pour m'installer sur un replat.

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Mauvais temps annoncé dans la journée mais ce matin il fait beau. J'ai bien fait de m'arrêter dans ce bois, la suite ce sont des pâturages mouillés par la rosée.

Voici la photo du passage de clôture intermédiaire entre le canadien et l'échalier. Cette petite cabane à la Sermangindre pourrait être un abri en cas d'intempéries.



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L'herbe est sèche, les gentianes (jaunes) aussi. Les prés sont couverts de monticules que je prends au départ pour des taupinières mais qui sont beaucoup plus gros. Un mystère à éclaircir....

C'est bien un chemin ancien qui traverse ces pâturages, il a du être aménagé en creusant pour atteindre la roche, qui n'est pas bien loin.

La montée est progressive mais sensible. L'altitude approche 1400m. On rejoint une route, goudronnée, et c'est en majorité sur cette route qu'on va traverser la "Forêt du massacre", qui porte ce nom à cause d'une bataille qui fut sanglante au 16e siècle. Les arbres n'y sont pas plus beaux qu'ailleurs. Une particularité, le fait que la neige s'y accumule sur de grandes épaisseurs, 5 à 9 m, on y pratique le ski de fond. Curiosité botanique, un épicéa dit "muté" à la cime étrangement columnaire.

J'ai croisé beaucoup de vaches, vu courir une petite hermine et voler quelques oiseaux. Pour ce qui est des humains, ça commence juste. Deux jeunes scouts en grand uniforme qui vont à Lamoura, un monsieur marchant très vite, en effet il suit la GTJ en doublant les étapes, et deux autres qui font une boucle de quelques jours.

Après la cabane des Tuffes, pas très belle, enfin l'itinéraire part sur des sentiers au milieu des bois. Je suis un peu préoccupée par mon hébergement de ce soir, d'autant plus que le ciel se couvre soudain, et que la météo annonce même de la grêle. Aux Rousses le gîte d'étape est plein et les hôtels hors de prix.

On commence à voir un peu plus loin en s'approchant du Belvédère des Dappes qui est à 1400m, dans un environnement de remontées mécaniques. Au Belvédère on domine Les Rousses, son lac et ses environs. Vue aussi sur la Dôle (1677m) surmontée de radars et très vaguement la chaîne des Diablerets. La descente dans la forêt est raide et un peu glissante, j'avais perdu l'habitude.

Pour ce soir j'ai trouvé une solution qui ne me fait pas aller bien loin aujourd'hui. Un gîte d'étape est sur le chemin, bien avant les Rousses. Il s'appelle La Grenotte et se trouve dans un environnement rural très joli. Un groupe de 15 Belges est attendu mais le dortoir est libre. Couture, sieste bercée par la pluie, douche et lessive. Les Belges arrivent après. Le soleil est revenu mais J'ai à peine étendu ma lessive que survient une averse carabinée.

Une des randonneuses belges, de Bruxelles, veut après avoir terminé la rando avec son groupe repartir seule avec sa tente sur le même chemin que moi. Elle n'a jamais fait ça. J'espère que tout ira bien pour elle.

Je n'ai pas pu faire les courses... Alors je prends la demi pension. Ce sera l'occasion de goûter la "morbiflette" inspirée de la tartiflette mais avec du morbier et c'est bien meilleur, même si ce n'est peut-être pas réellement traditionnel.

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Je me réveille tôt, avec un peu mal à la tête. C'est la première fois depuis le départ. Je n'ai pourtant pas bu de vin. Le petit déjeuner n'est qu'à 8h, heureusement il sera servi un peu avant. Encore rien de salé mais des fruits des corn flakes et des yaourts.

Je sors vers 8h30 après avoir dit au revoir à tout le monde... Le ciel devant est noir, et le tonnerre gronde.

J'hésite. Il serait plus sage d'attendre plutôt que de se prendre la saucée. Mais pour l'instant il ne pleut pas, peut être que l'orage restera au loin ? Tant pis je pars.

Sur le trajet vers les Rousses on passe devant beaucoup de bâtiments.... Bon raisonnement, en effet après un petit kilomètre quand ça se met à tomber dru je trouve un abri, excellent car c'est dans l'entrée d'un petit immeuble de locations de vacances. Je n'aurai pas été mouillée, après il pleuviote juste quelques gouttes de temps en temps. Mais c'est bien humide.

L'itinéraire, qui au départ suivait des pistes ou des routes, oblique vers un sentier descendant dans les bois. Je m'y engage... et après quelques dizaines de mètres fais demi tour. C'est raide, ça glisse, ça va remonter après.... J'opte pour la route goudronnée. Il ne passera qu'une ou deux voitures.

Ce n'est que sur la fin que je reprends le GR, un joli sentier, qui monte toujours. J'en suis d'ailleurs étonnée, j'étais persuadée que Les Rousses était dans une vallée. Il mène au fort des Rousses. La ville se trouve légèrement en contrebas.

Il y a "tous commerces". Je trouve ce dont j'ai besoin mais passe une bonne demi heure à attendre à la caisse de l'Intermarché. Ils ont vraisemblablement réduit leur personnel supposant qu'il n'y aurait plus personne en septembre...

À la sortie c'est l'heure du déjeuner. Comme je passe devant un resto j'y prends une salade qui me pèsera sur l'estomac en route, trop de lardons. C'est là que je croise des randonneurs, un couple de jeunes Suisses.

Pour la deuxième fois de la journée je préfère le goudron au sentier dans les bois. Il faut dire que ça fait un sacré raccourci. Et que de nouveau la route est déserte. Le soleil revient.


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Peut être que si j'avais marché dans l'autre sens j'aurais choisi les bois car le GR emprunte beaucoup les routes goudronnées. On passe au-dessus de la vallée de la Bienne où se trouve la ville de Morez, un endroit où j'ai séjourné il y a presque 60 ans. On y fabriquait peut encore des lunettes à cette époque. Mais on n'en voit rien, la vallée est trop encaissée et les versants trop boisés.

Hors route goudronnée il y aura un passage à travers une belle hêtraie. Un peu plus loin un chemin calcaire monte à flanc de pente. On ne voit toujours pas grand chose de la vallée.

À part à l'approche de Morez où résonnaient bruits de moteur et klaxons des voitures, c'est très calme.


Mais voilà qu'un bruit attire l'attention, un chuintement, un glouglou... L'eau coule dans les ruisseaux ! Celà faisait longtemps qu'on n'avait pas entendu ce bruit.

Je ne vois plus les marques GR rouges et blanches. À un moment il faut quitter la route, passer dans un pré plein d'eau avant de pénétrer dans un bois, il n'y a plus que des marques jaunes à moitié effacées. Et pourtant plus loin on retrouve les marques GR... Rien compris, mais l'important c'est de ne pas se perdre... C'est par ce sentier qu'on arrive à Bellefontaine.

Dans le bois l'eau coule de partout, difficile même de ne pas y mettre les pieds. Pour digérer enfin mon déjeuner je me fais un petit thé, à five o' clock pile.


À l'entrée de Bellefontaine voilà le troisième randonneur de la journée. Il se préoccupe beaucoup de trouver un bivouac abrité, il va dormir sous l'auvent de la salle des fêtes. Je préfère aller dans la nature...


Le village est très étalé. Au centre, l'église au clocher typique comtois et la fontaine où l'eau n'est pas contrôlée ce qui ne me dérange pas.

Il faudra marcher un peu pour trouver un bivouac, et sortir d'un sentier encaissé le long de la rivière, pour arriver sur une route dans une zone dégagée.

Je m'installe dans de beaux prés fauchés vallonnés. Certes il y aura de l'humidité mais la vue est belle. Le soleil se couche derrière les arbres.

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Pas de surprise, la tente est complètement détrempée ce matin. Le duvet aussi, comme je n'arrive pas à ne pas toucher la toile en remuant. C'est brumeux tout autour. Mais il ne fait pas froid.

Départ 8h05. Poursuite de la piste de la veille, qui va passer au-dessus de zones humides (d'où les vapeurs) et de deux lacs, celui de Bellefontaine et celui des Mortes (du nom d'un hameau voisin).

C'est une marche bien tranquille mais ça ne va pas durer. Un panneau signalé un nouveau tracé du GR, au lieu de continuer en bas il va partir dans les hauteurs de la forêt du Risoux. Et ça commence très mal

Une piste qui a tout pour plaire : raide, pierreuses et instable. Mais patience... Ça valait la peine, en haut c'est très beau et on retrouve les rayons du soleil. On rencontre plusieurs sites intéressants: un monument qui commémore le sauvetage d'enfants juifs qu'on a fait passer par là en 1943 et 1944; la frontière suisse, marquée par des bornes de l'ancien régime (ou restauration) car portant côté français des fleurs de lis.


Et puis de beaux points de vue, malheureusement seulement du côté français. Mais c'est beau, les lacs, les prés, les forêts et les villages.

Du premier, on voit presque mon lieu de bivouac du matin.Le deuxième appelé Roche Champion est au dessus du bourg de La Chapelle des Bois où je vais descendre tout à l'heure.


En ces deux endroits on surplombe des à-pics, ça donne le vertige. On ne s'étonnera pas que la descente soit un peu accidentée. Je croise là ma première et dernière randonneuse de la journée... C'est encore une jeune fille solitaire, elle est partie d'Alsace pour rendre visite à sa grand mère dans l'Ain.

Et retour sur le plancher des vaches.

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Regard en arrière... En effet c'est une falaise là haut.

Avant d'arriver à La Chapelle on remarque au bord du chemin une étrange croix de fer portant une inscription " cimetière des pestiférés 1639". C'était là qu'on enterrait les victimes de la peste, dans la tourbière. Plus tard c'est devenu un lieu de pèlerinage.

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La Chapelle des Bois semble être une villégiature, très animée aujourd'hui dimanche. Des automobilistes, des piétons, des cyclistes, des motocyclistes. Bref je prends un café mais ne vais pas trop m'attarder.

À partir de là le GR suit des pistes, un peu dans des pâturages et surtout en forêt. Vers 13h je fais une pause déjeuner assez longue car la tente met un moment à sécher.

C'est parfois un peu longuet ces pistes mais elles sont tranquilles et calmes.


Au lieu dit "sur les Gits" on peut s'asseoir sur un banc de bois et admirer la vue qui porte loin. De là on prend des sentiers à travers une hêtraie. Joli, à part l'épisode malencontreux du passage de deux motos de cross qui ont pollué le chemin avec leurs gaz d'échappement, infect.

On descend dans des campagnes avant d'arriver à Foncine le Haut.


Ce bourg semble assez vivant, commerces école, bibliothèque... Mais on est dimanche. Je prends de l'eau à la fontaine non contrôlée et poursuis ma route


Un pont couvert moderne passe au dessus de la rivière , la Saine

C'est précisément vers la source de cette rivière que conduit le marquage. La source... C'est encore une résurgence, l'eau sourd en dessous d'un immense ravin. Tout en haut gambadent des chèvres.

Un sentier remonte en écharpe sur le coteau calcaire, puis traverse longuement des pâturages à chevaux dans l'odeur du crottin que je n'adore pas. Un troupeau de chevaux blancs tout près desquels je suis obligée de passer. Il se fait tard et ce n'est pas là que je vais dormir.

Un peu plus loin a été réalisé un sentier botanique, milieu calcaire très sec... C'est pas trop la saison. Très caillouteux et irrégulier. Je vais finalement trouver un replat sur le rebord du plateau, avec une belle vue. Comme c'est sec il y n'aura peut-être pas de rosée...

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Mauvais raisonnement... la rosée a commencé à tomber avec la nuit et, un peu moins qu'hier peut être, la tente est bien mouillée ce matin.

Départ 8h10

Un bout de route, un raidillon, premier arrêt le belvédère du Bulay, vue vers l'ouest. Un corbeau perché sur la balustrade puis me croasse après tout le temps que je suis là.

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Pas très loin de là, une tourbière.


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Maintenant ça va être toute la journée "la forêt qui n'en finit pas". Je ne vais plus quitter le couvert des arbres, côtoyant juste une ou deux combes herbeuses.

Forêts cathédrale aux hêtres sapins ou épicéas démesurément hauts, très denses ou éclaircis parfois trop après des exploitations. Forêts plus mélangées dans les fonds humides ou des zones plus récemment recolonisées, des érables, trembles, saules, noisetiers, sorbiers, bouleaux... Quelques exploitations en cours et des tas de grumes un peu partout.


Ce sont surtout des pistes, généralement bonnes, voire des routes goudronnées. On se maintient autour de 1000m d'altitude, mais c'est rarement plat, montées et descentes se succèdent. On s'étonne de se trouver soudainement sous de hautes parois rocheuses.

Je suis passée à côté de quelques fermes granges ou cabanes isolées et inhabitées. Je n'ai traversé aucun village, rencontré un écureuil des geais et autres oiseaux, un seul randonneur, deux automobilistes, et beaucoup de mouches.

Point de table ni bancs dans ces forêts "de production". Pour casser la croûte il faut s'asseoir sur des troncs (le sol est bien humide), pour se faire un café poser le réchaud sur une souche. Pour sécher les toiles de tente, une grosse grume de hêtre fera l'affaire.

Il ne faut pas traîner pour être à Mouthe ce soir, où j'ai réservé dans un gîte. Je me raccourcis en empruntant sur 2km une départementale où passent quand même deux voitures. C'est long car ça monte tout le temps, mais après ça je ne suis plus bien loin.

Je quitte la forêt avant Les Pontets, un village étalé où une grande proportion des bâtiments sont des fermes en activité, ce qui ne se voit plus guère en France. Et bien sûr on ne rate pas la fromagerie, qui est ouverte. Ici on fabrique du Comté, du Morbier, de la raclette et du bleu de Gex. Le week-end prochain il y aura du Mont d'or. Je prends du comté et du sérac, un fromage frais fabriqué avec le petit-lait, qui reste après la fabrication du fromage.


les ressources locales : le bois et le lait

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Les Pontets et ses alentours


Pour aller à Mouthe il suffit maintenant de passer de l'autre côté de la colline au sud-est.

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Je suis émue à la vue de cet endroit qui est la "Petite Sibérie" de la France, il y a fait -42° en 1984. Maintenant c'est plus ça, seulement dans les -25° cette année, et énormément de neige. Je passe sous des falaises avant d'entrer au village.


Mouthe

À 5 minutes de mon gîte survient une averse, une giboulée je dirais, car le soleil brille en même temps.

C'est plus une chambre d'hôtes qu'un gîte d'étape où je suis hébergée, un appartement entier avec plusieurs chambres pour randonneurs, il est arrivé aussi un Allemand. Celà me rappelle les hébergements en Bosnie ou Monténégro. C'est confortable et la cuisine est bien équipée.

Il faudra que je me dépêche d'aller faire des courses. Visite rapide du bourg. Il y a des crozets savoyards au gîte, je vais me faire un gratin avec une courgette et du comté fondu. Excellent.


Mouthe, la mairie, le monument aux morts, la fromagerie, le Doubs
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Luxe ce matin, un grille pain. Ça tombe bien car le pain de la boulangerie n'est pas terrible, et notamment mal cuit. Je casse ma tasse en faisant la vaisselle. J'entrevois l'Allemand, il me dit "good morning" je lui réponds "Morgen". On n'aura pas parlé beaucoup...

Départ trop tardif 8h40.


Dernières images de Mouthe

Le "Doubs Juvénile" traverse des zones tourbeuses. Il paraît que ce nom vient de la racine celtique dub qui signifie noir. Jeune il l'est puisque la source est tout près. C'est une source jurassienne, de l'eau qui surgit après avoir beaucoup circulé sous la terre.

Et c'est parti à monter dans la forêt, c'est même un peu pénible quand c'est sur le goudron. Le ciel est gris.

L'ascension va être progressive mais continue, dans la direction d'un sommet, le Mont d'or. Tout au long du chemin on rencontre des fermes - étables entourées de pâturages où les troupeaux de vaches font sonner leur clarines. Sapeau Léger, suivie d'une belle allée de gros hêtres. En forêt le sapin est majoritaire, de très hauts arbres toujours.

La ferme suivante, c'est Grange Bousson

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Trois gouttes tombent, je m'abrite sous l'auvent, le fermier dit c'est pas grand chose. J'y crois pas, mais me décide à partir en me dépêchant pour pouvoir m'abriter à la ferme suivante.

Belle illusion ! Après quelques centaines de mètres il se met à pleuvoir fort et à tonner de plus en plus près. Je me dépêche. Si bien que soudain je ne vois plus de marques, pars dans la mauvaise direction, et même avec le GPS ce n'est pas facile de s'y retrouver sous la pluie battante.

Voilà le chemin, derrière une clôture en barbelés, il faut encore défaire le sac pour passer en dessous.

Je me dépêche encore et me voilà en vue de la ferme "Le Corneau". Il y a possibilité de s'abriter à l'entrée, mais... la pluie s'est arrêtée !


Eh bien repartons ! Je n'y croyais qu'à moitié mais le ciel a vraiment l'air de se dégager.

Bientôt un autre groupe de maisons, moins rural et plus touristique, avec un bistrot fermé et une maison en travaux, un gîte sans doute, les Granges Raguin. Là je vais me trouver un très bon abri, au sec et au soleil pour sécher, avec tables et chaises. Je vais pouvoir déjeuner confortablement et au sec


Pendant que je suis là il passe sur le GR devant moi tant de randonneurs que je n'arrive plus à les compter.

Ce n'est plus très loin maintenant. La pente va s'accentuer un peu, et la forêt fait place à des landes et pâturages.


Devant, la croupe nue du Mont d'or.

Je passe sur le chalet suivant, un resto fermé qui n'a plus rien de rural. il y aura encore La Blonay, et puis ça monte droit vers le mont.

Mauvaise surprise là haut on trouve une route, qu'il faut suivre en montant en plus. Et sous le sommet un grand parking. Je laisse là mon sac et me sens des ailes en montant au sommet (1461m).

C'est encore au-dessus d'un à-pic vertigineux, de l'autre côté c'est la Suisse avec ses villages ses monts et ses champs d'un vert éclatant. Je récupère mon sac et continue sur la crête.

Un peu plus loin j'oblique en direction d'une réserve d'eau, dans un environnement de pistes et remontées mécaniques. Le refuge FFCAM du Grand Moron, est juste en dessous. Je ne serai pas seule, un monsieur belge (Nicolas) et deux jeunes gars (Paul et Robin) sont déjà là, un autre Robin arrivera un peu plus tard.

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Je crois m'être levée la première mais quand je descends je vois la table mise pour tout le monde. Ce n'est pas un lutin qui a fait ça, c'est Nicolas le Bruxellois. Robin celui qui randonne seul descend aussi, les deux autres dorment encore.

Départ 8h, après Nicolas mais avant Robin. Le ciel est couvert. Il fait plutôt doux.

Les silhouettes des monts alpins sont visibles

Il faut remonter jusqu'à la réserve d'eau, et puis monter encore au sommet du Gros Morron ( 1419m). Tout le coin est défiguré par des installations de sports d'hiver (station de Métabief).

La nappe de brume au fond de la vallée cache le lac de Saint Point.

Les Hôpitaux Neufs et le lac de Saint Point couvert de brume 

La descente, entre pistes de ski, boisements et un petit arrêt sur une aire de pique-nique, est plus longue que prévu, il est bientôt 11h à l'arrivée aux Hôpitaux Neufs


Jour de marché aux Hôpitaux Neufs 

Nicolas m'avait dit que c'était moche. Je ne trouve pas. Certes ce n'est ni très ancien ni très typique mais le marché crée une certaine animation. Je n'achète rien, pensant faire des courses plus tard dans la journée. Je cherche en vain une bonne boulangerie et bois un café.

Une fois n'est pas coutume, l'itinéraire va maintenant suivre une voie ferrée réaffectée à un chemin de fer touristique qui ne circule pas en ce moment. À l'ancienne gare sont entreposés toute sorte de wagons anciens.

L'environnement est devenu très campagnard. On traverse le village de Touillon et Loutelet avant de traverser sa forêt communale où une route forestière subventionnée est très confortable pour marcher.


Il est déjà 13h, je me dis que je vais manger au bord du lac, mais à l'arrivée à Malbuisson voilà que le GR au lieu d'y descendre bifurque vers le nord dans la forêt. Il indique le château de Joux à 11km, ce qui est déjà pas mal. Mais du coup je ne fais qu'entrevoir le lac, d'une bizarre couleur verte. De la forêt, où ça monte sur le goudron, on ne voit pas le paysage, je râle.

On s'approche d'un site appelé la Source Bleue où se rend une promeneuse, je me dis que je vais au moins aller voir ça, mais c'est une descente abrupte et glissante, alors je m'arrête pour casser la croûte, à côté d'un petit pré en pente, avec l'idée de descendre après sans le sac.


Oui mais soudain tip tip tip quel est ce bruit ? La pluie... Par chance sous les arbres je suis protégée. Mais je ne traîne pas... et n'irai pas voir la fameuse source. Par la suite la vue s'entrouvrira un peu sur le lac, qui n'est plus aussi vert.

Mais c'est l'orage, éclairs, tonnerre, la pluie redouble, et pas d'abri avant Montperreux, où j'attends sur le foin dans une belle grange que cesse le déluge.

Au village on prépare le comice agricole du canton de Pontarlier qui a lieu ici le 17 septembre. Des petites vaches décorent tous les coins du village et une exposition sur les vaches me semble un bon prétexte pour entrer me réchauffer un peu dans la mairie-bibliothèque.

Affiches de films photos anciennes et œuvres d'artistes locaux. Mais surtout un accueil chaleureux de la part de la bibliothécaire qui m'offre un café et va jusqu'à m'inviter chez elle si je n'ai pas d'hébergement.

Je parle aussi à la mère de l'artiste qui a peint "da Vinci cow" et "la génisse à la perle". Car son mari est d'origine slovaque.

Mais le temps s'améliore alors je repars quand même. Du côté du village de Chaon (prononcé Cha-on) on voit mieux le lac.

 du côté de Chaon

L'accalmie sera de courte durée, la pluie reprend.Pour ce soir soit j'attends de trouver une grange ou une cabane...ou bien je descends à Pontarlier, ce n'est quand même pas si loin et je pourrai faire les courses, car je n'ai plus de commerces sur ma route. J'appelle l'auberge de jeunesse, et réserve une place. Mais maintenant, il faut y arriver avant la nuit !

Je vais suivre le GR jusqu'aux Angles, en dessous du château de Joux. De là je tenterai le stop.

La piste monte et descend dans une forêt de crête -dessus de la vallée du Doubs sur la gauche. Une jeune fille qui court me dit "on est courageuses!". En effet il pleut bien maintenant, et dans cette forêt il fait sombre comme si la nuit tombait. Mauvaise surprise dans le dernier kilomètre, un raidillon rocheux abrupt et glissant.

Des Angles on voit le château de Joux, encore dans les brumes.


Je m'en vais faire du stop au croisement de la petite route où je suis passée en vélo venant de Suisse et des Fourgs, il y a un peu plus de 3 mois.

J'ai décidé que l'endroit me porterait chance et c'est bien le cas. Même pas une minute d'attente et je suis emmenée par une jeune fille fort sympathique qui rentre à Besançon après avoir passé quelques jours en Suisse.

Je trouve sans peine l'auberge, je vais pouvoir être au sec et sécher mes affaires. Dehors tonnerre et déluge. Réjouissant!

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Ça tombe bien que le petit déjeuner soit compris car je n'ai même plus un quignon de pain. Leur pain n'est pas terrible d'ailleurs mais il y a aussi du fromage blanc du müesli et des fruits.

Il faut que je fasse les courses dans trois magasins différents. Dans le dernier, la crèmerie, c'est un plaisir. Comté et morbier.

Il doit être environ 10h quand je quitte cette petite ville agréable au soleil du matin, non sans avoir admiré la porte Saint Pierre, l'église Sainte Bénigne, la mairie, quelques jolies maisons de pierre et le Doubs.

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Au bout de la longue rue principale une habitante qui aime bien marcher m'adresse la parole et m'indique un petit raccourci, d'où je retrouve les panneaux qui indiquent la direction du GR. Bien sûr ça monte. Les bois sont bien humides et l'orage a provoqué des ravines.


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Au point de vue du Fer à Cheval on domine la vallée du Doubs et l'étroite cluse que garde le château de Joux.

Avant de rejoindre la GTJ je croise un promeneur local qui me raconte qu'il a entrepris la marche vers Compostelle par morceaux. Il a déjà fait la traversée jusque Culoz. Plus loin il rejoindra le chemin du Puy.

Me voilà sur le plateau. Campagnard. Des vaches. Quelques fermes. De gros frênes au bord du chemin.

Un peu plus loin une piste monte un coteau boisé, le Larmont, jusqu'à un espèce de col où passe pas mal de monde. Le vent souffle assez fort alors je m'arrête pour manger là à l'abri dans le creux du chemin.

De l'autre côté, des prés et des monts dont le Gros Morron qu'on reconnaît aux pistes de ski qui partent du sommet.

La GTJ va maintenant suivre la crête qui mène au sommet appelé "le Grand Taureau". Appartement c'est un nouveau tracé, et une bonne chose, c'est un beau sentier, régulier au début, un peu plus montagnes russes plus loin, parmi des rochers blancs et des arbres tortueux. Du côté est, la pente est douce, du côté ouest, c'est boisé mais abrupt et rocheux.

Avant le sommet se trouve un petit abri où je ne dormirais pas mais qui est très bien pour se faire un café.

Le sommet du Grand Taureau n'est qu'à 1323m. Ce qui ne l'empêche pas d'être un beau belvédère. La table d'orientation est mal positionnée, une dizaine de degrés d'erreur. On ne voit pas très loin aujourd'hui, le temps est clair mais nuageux.

Vue vers l'ouest. Pontarlier est derrière les arbres. Le mont Poupet 

Le sentier se poursuit sur la crête et vers la Suisse, il est encore plus rocheux.

Et voilà la frontière


Des panneaux suisses ! Je retrouve avec émotion le petit losange jaune qui signale les chemins de promenade.

La forêt a été exploitée et purgée de ses plus gros arbres qui sont déposés au bord de la piste

Je n'aurai pas la possibilité d'acheter du chocolat et des biscuits à l'ovomaltine: le seul endroit habité est en effet un hameau de quelques maisons, la Grosse- Ronde au fond de la profonde vallée, assez bout du monde, du Ruisseau des Entreportes.

En haut du versant, retour au pays mais pas de borne visible. .

Les bois puis les prés, arrivée sur une route goudronnée en vue du village des Alliés et son église au clocher pointu. Rencontre d'une fermière puis d'un troupeau de vaches.

Il fait beau, j' ai un peu honte d'abandonner une nouvelle fois le bivouac, en effet j'ai réservé au gîte d'étape municipal. La responsable est une jeune femme un peu sèche qui s'appelle Margot. Le gîte est dans la mairie, à côté de l'église, c'est tout neuf et impeccable, pour 15 euros. Plus 2 euros pour une canette de bière.

Elle me dit qu'il y aura du bruit car c'est le conseil municipal, mais à part quelques portes qui claquent je n'entends rien du tout.

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Non, plus aucun regret de ne pas avoir campé car dans la nuit il a plu et ce matin c'est humide et gris. Départ 7h45 après avoir tout bien nettoyé.

Une piste suit longuement un cours d'eau, le "Ruisseau des Étraches", parfois sous des rochers. Et on arrive à la frontière suisse.

Côté suisse on traverse des pâturages puis on remonte vers la France sur la pente boisée, pour trouver une nouvelle piste forestière qui mène à la ferme (auberge ?) de la "Corne du Cerf".

Après avoir passé les bâtiments j'aperçois trois animaux en train de brouter. Pas des cerfs ou biches, trop petits. Chevreuils ? Je m'approche doucement mais ils m'ont repérée. Et au moment où ils se sauvent je me rends compte que ce sont des chamois.

Et je continue tout droit par un étroit sentier rocheux sur une jolie crête boisée qui constitue la frontière franco-suisse.

Jusqu'à ce que j'arrive à une bifurcation avec des indications diverses et des marques bleues et jaunes, mais pas la marque rouge et blanche du GR. C'est anormal...

N'essayons pas de rattraper, la pente est fort abrupte, retour en arrière, au moins un kilomètre supplémentaire parcouru. Merci les chamois ! En vous observant je n'avais pas remarqué la bifurcation !

En marchant à travers les prés en bas je vois les hauteurs où j'étais et constate que j'ai bien fait de faire demi-tour...


On retrouve la France, la piste descend jusqu'au Theverod (restaurant fermé ) mais remonte après dans les bois et seulement apparaissent les villages agricoles de Grand Mont et Le Seigne, où se trouvent un gîte d'étape et une jolie cabane de douaniers où je me fais un café.

J'ai enfin parcouru dix kilomètres. Il est plus de 11h il m'en reste vingt si je veux arriver au gîte d'étape de Villers le Lac, ce qui fait bien envie vue le temps, très changeant avec des averses plus fréquentes que rares comme l'avait prédit la météo.

Les paysages qui suivent sont beaux, mais il faut beaucoup marcher sur le goudron, parfois en montant. Le gîte auberge le Vieux Chateleu est fermé, je m'y abrite le temps d'une averse. Un chat abandonné quémande assistance. En repartant je croise trois randonneurs qui ont fait étape au gîte de Villers. Ils me disent que c'est 15€ la nuitée. Ça motive. Maintenant ils vont au gîte d'étape du Seigne.

Encore du goudron, un chemin pierreux dans les bois, et voici Les Cernoniers et sa petite chapelle dont l'auvent me fait un abri un peu précaire pour casser la croûte. J'ouvre une boîte de pâté Hénaff... Mais bio.

Un peu plus loin un belvédère domine un village appelé "Derrière le Mont", au delà se trouve Morteau.

On pense immanquablement à la saucisse. Et au rapport avec l'architecture : les fermes sont en effet dotées du fameux Tuyé cette "cheminée" où on fait sécher les salaisons. J'ai l'occasion d'en voir un de près dans une auberge rustique que je trouve ouverte et où je bois un café. Il y fait beaucoup plus chaud que dehors.

La patron me donne une pomme et un morceau de chocolat.

D'autres pâtures, d'autres fermes...


Au Gardot on retrouve la frontière, et assez longuement car l'itinéraire suit la crête du "Meix Musy" (1283m au plus haut, au niveau d'un ensemble d'antennes). C'est la frontière, qui est dotée d'un alignements de bornes bien conservées et bien mises en valeur, et, côté français, d'un mur de pierres sèches plus ou moins moussues.

Je pense que ces chevrons c'est le blason ancien du canton de Neuchâtel. Côté français on dirait qu'il y a eu une fleur de lis mais qu'elle a été enlevée . Le chiffre 1819 pourrait être année de l'implantation, de l'autre côté est gravé le numéro de la borne.


Vue sur Villers le Lac, et des fleurs de lis

Et puis ça se met à descendre raide, sur la crête jusqu'à ce que le sentier bifurque, et à ce moment une belle averse survient. Par chance il se trouve là des maisons. J'entre dans un jardin et m'abrite sous un auvent. Ça ne dure pas. Descente dans la campagne.

Le gros arbre est un érable sycomore

Je pourrai donc passer la nuit au gîte d'étape. Arrivée au bourg à 19h, ça me rallonge encore mais je me dépêche d'aller faire quelques courses au Lidl fermant à 19h30, comme ça je ferai bombance. Tortellinis, brocolis, crème brûlée.

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Je retrouve ce matin les deux messieurs déjà rencontrés hier soir, qui font la traversée depuis Mandeure et découvre qu'un autre randonneur a dormi là. Un gars qui n'a pas l'air de considérer la randonnée comme quelque chose de distrayant.

J'ai fini mon pain au p'tit déj, il faut donc que je passe par la boulangerie. J'y prends aussi un café, alors aujourd'hui le départ sera un peu tardif, vers 9h. Je commence déjà à suivre le Doubs, où ne coule qu'un peu d'eau au milieu du lit où la végétation a poussé.


Je m'en vais voir le port, normalement au bord d'un lac. Point de lac, une grande étendue herbeuse. Un promeneur de chien me dit que ça ne s'était pas vu depuis 1976 et que c'est même pire. Ces derniers temps il est revenu un petit peu d'eau.

De l'eau, il m'en faut. J'en demande dans un restaurant et remonte sur la route que je vais suivre encore un moment, généralement en montée. On entrevoit à travers les arbres la rivière qui est en dessous presque à la verticale , et au-dessus d'un méandre on jouit d'une vue superbe.


Mais voilà que se rapproche le fameux "saut du Doubs" de tous les dépliants touristiques. Une chose est sûre c'est que ce n'est pas l'affluence. Un resto est ouvert mais il n'y a personne, les boutiques sont fermées.

Je m'en doutais évidemment, en approchant du célèbre site on comprend pourquoi il n'y a personne: pas de chute d'eau, même pas un filet d'eau, rien!

Le chemin continue tranquillement le long du Doubs, c'est très beau, les rochers en haut la rivière en bas.


Je n'ai pas particulièrement faim mais quand j'arrive devant une cabane avec terrasse et table de pique nique abritée je me dis que j'aurai du mal à trouver un meilleur endroit pour ouvrir ma boîte de sardines. Malheureusement ce n'est pas abrité du vent et je me mets à avoir froid. Alors je continue ma route.

Le barrage du Chatelot n'est plus bien loin. En s'en approchant on se rend compte combien il manque d'eau dans la retenue.

La direction pour continuer n'est pas très claire, et c'est le moment où survient une forte averse. Je m'abrite sous un rocher. Le sentier, étroit et accidenté, n'est pas le bon, il va descendre tout au bord de l'eau sur des pierres glissantes. Je devrai ensuite remonter ( ce qui me réchauffera), et je retrouverai les marques GR.

Ces marques font sortir de la vallée et monter au dessus, dans la forêt, une forêt pas très belle avec des chablis, des arbres secs, certains écorcés par les scolytes, des exploitations qui ont abîmé le chemin.

Ça me déplaît de monter autant car je sais que tout à l'heure il faudra redescendre jusqu'au Doubs. Justement je rencontre une randonneuse, une femme aux cheveux gris dont l'âge se rapproche du mien ! Elle me dit que ce chemin n'est pas agréable.

Je suis impatiente de trouver l'abri indiqué sur la carte. C'est une autre "cabane de douaniers" ou "gabelous".

Je me fais un café et repars d'autant plus vaillamment que ça ne monte plus et qu'on retrouve les beaux prés vallonnés jurassiens et leurs vaches tachetées.

Je demande de l'eau à un monsieur qui apporte du foin à ses trois moutons. L'herbe est trop maigre à cause de la sécheresse dit-il, et il n'a pas beaucoup plu ici. Et voilà la descente vers la rivière qui commence.

Après la traversée du pré je perds momentanément les marques, mais retombe sur le sentier, appelé sentier du moulin, qui est plutôt bien, avec ses nombreux lacets. Seulement, à un moment du parcours, une piste de débardage qu'on est obligé d'emprunter a détruit le vieux chemin.

En face une "rampe" descend de la montagne, une conduite forcée peut être car en bas sont des équipements hydroélectriques. On passe sous de hauts rochers.


Émerveillement à l'arrivée au bord de l'eau, c'est un endroit magique. La mousse couvre les pierres et les arbres, et la rivière bleue court et brille. Une cabane de pêcheurs est là. C'est possible de s'y abriter mais le sol est à nu, sans tables ni bancs, et puis je voudrais avancer encore un peu.



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Un étroit sentier circule à ras de la rivière. Caillouteux et peu confortable mais c'est beau

Ce sera parfois meilleur pour marcher, parfois pire dans des éboulis moyens ou gros. Je commence à être fatiguée quand j'arrive à " l'abri des pêcheurs". l'environnement est moins joli que pour l'autre mais la cabane est grande avec une belle table.

Je m'inquiétais car on est samedi ... mais il n'y a personne. Il fait bon, on a fait du feu aujourd'hui. Je m'installe... Mais quelqu'un vient. C'est un couple de jeunes qui veut passer la soirée et la nuit ici.

À trois ça peut se faire. Je dormirai sur la table et eux par terre. Ils rallumeront le feu, me feront partager leur vin et leur Mont d'or nouveau gratiné dans la cuisinière à bois.

Ils sont de Strasbourg et s'appellent Camille et Grégoire.

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Évidemment à 6h30 du matin mes compagnons qui se sont couchés fort tard dorment profondément. Je fais comme eux hier, je vais manger sur la table dehors. Départ vers 8h30.

Ce matin pas un nuage, et il ne fait même pas très froid. Dans le fond de la vallée, le soleil ne viendra pas tout de suite. Un sentier un peu accidenté, des pierres, si c'est comme ça toute la journée ce ne sera pas possible d'atteindre Goumois à 26km. Il passe dans des boisements sous les rochers et longe la rivière comme hier.

Une rivière ? Ce serait plutôt une succession d'étangs. l'eau est immobile. Il y pousse de la végétation aquatique et il y nage des canards.

Je repasse devant une autre cabane, fermée celle là, le Bonaparte, qui a du faire café à une époque. Plus loin c'est une ancienne verrerie. La cabane est fermée mais avec la table et la source ce serait une bonne place de bivouac. Un canot à moteur passe en bas.

Mais sur le sentier personne.



On arrive comme ça à la Rasse qui a du être un charmant lieu touristique mais les hôtels et restaurants sont tous fermés définitivement, c'est triste. Un pont mène en Suisse.

Côté suisse une route longe le Doubs, et on entend les voitures, fini le calme. Ce sera comme ça jusqu'à un coude de la rivière, ensuite c'est en France qu'il y aura une route au dessus mais moins fréquentée.

Maintenant ce ne sont plus des étangs que l'on côtoie mais des lacs, à cause des barrages. L'eau est bien bleue. À l'approche du barrage du Refrain, petit accident de terrain, il faut descendre à la verticale... sur une échelle.

Après ce barrage débutent des gorges profondes, et le Doubs devient un torrent qui coule avec bruit sur des rochers.

Un peu avant l'usine EDF du Refrain dans une maison au fond des gorges (je n'aimerais pas y habiter), la dame fait snack dans une caravane. Comme je vais bientôt avoir de gros problèmes pour l'approvisionnement je me prends un "panini" que je vais manger juste un peu plus loin à côté d'un abri, ancienne chapelle. À l'intérieur c'est grand et il y a des matelas mais c'est un peu sinistre, ne fait pas envie.

Plus loin à côté de l'usine se trouvent un parking et une grande aire de pique-nique. C'est ici le départ vers "les échelles de la mort" . C'est un belvédère d'où la vue doit être magnifique mais ce nom me fait renoncer à y aller. Je passe donc l'usine et poursuis mon chemin.

Après quelques kilomètres un raidillon abrupt grimpe entre les rochers pour monter à "La Vieille Charbonnière". À mi-pente, un point de vue sur la rivière.

En haut se trouvent un puits, une fontaine claire, et un abri aménagé dans une ancienne ferme par une association locale. Un des membres de cette association doit passer sa vie ici car je le vois passer à trois reprises. Je reste là en effet un petit moment car j'y fais un café et une petite sieste.

Une bonne piste continue en hauteur dans la forêt, puis un sentier redescendent vers le Doubs. La rivière coule de nouveau très doucement.

Une nouvelle fois on passe devant une ancienne verrerie. Plus loin on est étonné d'apercevoir un clocher. C'est ce qui reste d'un village, le Bief d'Etoz, qui fut prospère avec des moulins et diverses petites industries, dont une scierie. Mais tout a disparu début 20e sous les éboulements et inondations, ces fonds de vallée, ça n'est pas des coins sûrs.


La fin du trajet vers Goumois ce sera surtout d'étroits sentiers au bord de la rivière, j'aurais préféré des pistes pour aller plus vite car il est déjà tard et ça paraît long. Il y a un joli passage où on monte dans des rochers et où je croise deux VTtistes. Mais après je me trompe et j'enrage car je n'arrive pas à télécharger les cartes et ne sais pas trop où je suis.


Mais on ne peut pas vraiment se perdre. Voilà Goumois, petit village séparé en deux par la frontière. Il y a deux restaurants mais pas d'épicerie. Le camping est à plus d'un kilomètre, il faut monter la tente et il va être 20h, le resto ça ne sera pas encore pour aujourd'hui. Peu de campeurs. Je m'installe de jour mais mange de nuit une excellente polenta.

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Ciel clair dans la nuit et le matin, mais des nuées de brouillard passent.

Départ après 8h30, tout de suite, ça monte. En effet l'itinéraire quitte la vallée, ce qui fera un dénivelé de plus de 400m. Je n'ai plus l'habitude..

Un sentier bien raide en forêt feuillue, mène à un point de vue... Goumois dans la brume.

La montée se poursuit pas trop agréablement, ce sont des pistes forestières raides et abîmées par les exploitations. La forêt est parfois dévastée.

J'avais oublié de prendre de l'eau au camping. Par chance voilà une fontaine ! Je mets une pastille, précaution peut être inutile, l'eau est bien claire.-

À l'arrivée sur le plateau, à Urtière, s'élève une chapelle dédiée à Saint Roch. Elle a en effet été construite à l'emplacement d'un cimetière de pestiférés ( Saint Roch est leur patron).

Le ciel est maintenant bleu et le soleil brille, parfois trop. Les zones de prés à découvert alternent avec les zones forestières.

Encore une forêt qui s'appelle la Joux. Pas très étonnant, ça veut dire forêt. On y trouve un village de petites cabanes. les stands d'une fête.

À Fessevillers on ne sonne plus les cloches car le clocher risque de s'effondrer. Dommage c'est une jolie église.


Depuis ce matin, solitude totale. On ne randonne plus ? Eh si voilà quelqu'un encore un gars qui rigole pas. Vient d'Alsace va au lac Léman.

Je m'arrête à manger dans des prés encore humides. La tente va sécher quand même. Pain, vache qui rit, tout petit bout de Morbier, deux tomates cerises et une demi pomme, il n'y a plus que ça.

La chaleur m'est un peu pénible, je suis bien contente de trouver à Courtefontaine un magnifique lavoir sous lequel je peux me reposer un peu. Avant ça j'avais dérobé quelques quetsches dans un jardin, un café là dessus, ça me fera du bien.

L'église est en haut du village.


Saint Laurent, reconnaissable par son grill, objet de son martyre.


Peu après je rencontre le deuxième (et dernier) randonneur de la journée. Il est parti ce matin de Saint Hippolyte et s'appelle Hippolyte et au moins lui me dit tout de suite comme il est heureux de marcher et de rencontrer des gens bien. Il a déjà traversé l'Alsace et va jusqu'au lac Léman.

Pour moi ça va être plus facile, descente en direction du Doubs dont on voit apparaître les contreforts rocheux.

Ça ne traîne pas dans toutes ces descentes. La dernière est la plus belle un chemin creux bordé d'arbres.

Soulce Cernay, au bord du Doubs. Je ne passe pas dans le village, je demande de l'eau à une dame très gentille qui est sur son balcon.


Je voulais aller jusque là-bas parce qu'il y a un commerce. Mais je vois que je n'arriverai pas avant la fermeture et j'ai envie de bivouaquer en pleine nature. Je me trouve un coin de pré, séparé d'un troupeau de génisses par une clôture électrique. La vue est splendide.

Les vaches s'alignent derrière la clôture pour assister au spectacle de l'installation.

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Je ne l'imaginais pas, mais pendant que je suis en train de prendre mon petit déjeuner le fermier arrive pour déplacer la clôture électrique. Il n'est pas du tout fâché, il trouve même ça très bien que je sois là. Il me laisse d'abord mon coin mais quand il part laissant ses "crevettes" comme il appelle ses petites génisses, il met la clôture derrière moi. Comme par hasard elles radinent toutes. Je balance en catastrophe mes affaires de l'autre côté ! Elles se jettent avec avidité sur mes épluchures de pommes d'hier.



Le chemin qui descend à Saint Hippolyte est agréable. Je découvre d'autres emplacements pour le bivouac. Une fois n'est pas coutume, mais c'est normal car Saint Hippolyte est une étape, je rencontre des randonneurs tôt le matin. Un monsieur qui doit être belge, une jeune fille, Floriane, un couple, Marguerite et Michel, tous sympathiques.

Saint Hippolyte est un petit bourg au bord du Doubs que je trouve sympathique aussi.


Dans le centre bourg je trouve du pain et du fromage, bois un café, et puis je termine mes courses au supermarché Colruyt qui est sur ma route. J'ai oublié de prendre de l'eau, au café. Mais voilà le cimetière, et son robinet d'eau... Avec tout ça il n'est pas tôt quand je repars. Ça m'étonnerait que j'arrive à Mandeure ce soir. Mais ai je vraiment envie de terminer la rando ?

Je jette un coup d'œil à une petite chapelle, à Saint Hippolyte depuis le belvédère, à un lavoir plus modeste que celui d'hier et puis monte dans la forêt...car ça monte encore. Et aujourd'hui il fait lourd, c'est plus pénible.

Saint Hippolyte et Chamesol 

Sur le plateau il faut marcher à découvert, sous le soleil et sur le goudron et enfin voici le village de Chamesol. À la sortie de ce village, encore une belle grimpette, et ça continue en forêt. En face de moi arrive un marcheur, ici ce ne peut être qu'un GRiste. Jeune, deux bâtons de bois, tiens tiens... C'est bien le copain d'Hippolyte, à l'existence duquel je ne croyais plus. Il s'appelle Cliff et fulmine contre son compagnon qui a pris le bus. Lui veut faire tout à pied et essaie de le rejoindre. Il est parti de Belfort hier, ça fait une trotte.


Autre cabane de douaniers, et paysage

J'approche maintenant du fort du Lomont. J'ai rejoint une piste très rectiligne en hauteur, sur une crête. Je me demande si cette crête est naturelle ou artificielle.

Depuis cette piste on ne voit pas grand chose du fort, quelques murailles, quelques douves (sèches), quelques buttes herbeuses. On ne peut même pas y accéder car la piste en est séparée par une profonde tranchée.

Ce lieu a été le siège d'un maquis et de combats en août septembre 1944. Un monument commémore ces événements.

Il est plus de 13h, je n'ai pas encore mangé, et je trouve ici un banc et des étendoirs, tout ce qu'il me faut. Beaucoup de cyclistes font aussi une pause ici, ce doit être le haut d'une côte.

Des pistes à travers des bois pas très beaux et pourtant en partie réserve naturelle. Un point de vue domine la vallée du Doubs et la ville de Pont de Roide. et d'autres localités. Là c'est plus du tout la campagne, c'est très très industriel. Et très prolo aussi, gros changement d'ambiance.


Je n'ai plus trop envie de m'arrêter un peu dans un bistrot. De toute façon le chemin ne passe pas en ville et longe le Doubs. Ce n'est pas désagréable, plus vert et plus frais. Mais dès qu'on quitte la berge il recommence à faire très lourd. Je sais que je n'arriverai pas à Mandeure ce soir, il me faut de l'eau. J'en prends au stade où les jeunes sont en entraînement de foot.

Le bois n'est pas agréable, il y règne une odeur bizarre, pollution, égouts ? Un peu plus haut c'est un peu mieux, et puis moins bien sur des routes, entre de grands champs barrés par des lignes à haute tension, et sans aucun endroit pour planter la tente. Je trouverai plus loin encore, sous un chêne en bordure d'un pré où je ne vois pas de bêtes. Je dîne à la nuit, mais la pluie ne viendra que plus tard. Il fait très chaud.


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Montbéliard et retour


Météo Suisse s'est trompée, Météo France avait raison : averses dans la nuit. Aucun problème avec la tente, c'était même moins humide que par forte rosée. Et j'ai eu trop chaud.

À 6h il ne pleut plus, je me dépêche de ranger et déjeuner à la nuit pour profiter de l'éclaircie... mais en fait il ne va pas pleuvoir de toute la matinée. Il souffle un léger vent, il a un peu séché la tente et l'herbe, cela m'évitera d'avoir les pieds trop trempés dans la traversée des pâturages.

De là un chemin en balcon suit la vallée à travers les bois. Reposant. De temps en temps d'un belvédère on a une vue d'ensemble sur la vallée et les dernières hauteurs du Jura.


Et puis un sentier descend dans un bois humide et ressort dans la plaine. Il côtoie une chapelle (ND de Bonsecours) mais tourne le dos aux ruines romaines que dans mon désir de fidélité au tracé de la GTJ je ne verrai donc pas. Le pire est qu'il n'y a plus de signalisation. Le début de la Traversée est toutefois signalé avec un panneau portant la carte du parcours.

Terminée cette traversée du Jura, je l'aurai parcourue en 19 jours et deux heures.

L'aventure va se terminer en bus à travers cette énorme agglomération (Montbéliard, Sochaux et autres), un arrêt à la fromagerie de Montbéliard dans une zone industrielle, retour à Bourges en train, avec changements, à Besançon, Dijon et Nevers.

Pour la totalité du voyage, c'est 50 jours de rando et 770km.