Gris le matin, beau et chaud l'après midi
À moitié dans mon sommeil j'entends des bruits de sabots légers et quelques grognements, évidemment c'est un renne, je ne peux pas le voir, il est de l'autre côté de la tente. Quand je sens que quelque chose touche la tente je me réveille pour de bon, lui crie de partir et il part... Voilà, l'expérience de cohabitation avec les rennes est faite.
Le reste de la nuit ce n'est pas un mammifère qui va me harceler mais un oiseau qui inlassablement pousse les mêmes cinq notes lancinantes, les premières à la même hauteur, les dernières descendantes. Une nouvelle énigme ornithologique à résoudre.Il faudra aussi que je détermine quel animal a produit le petit paquet de crottes juste à côté duquel j'ai planté la tente. L'autre, ça devrait être un renne, il y en a plein de comme ça sur la route.
Départ 8h30. Forêts basses, tourbières et lacs, pas de difficultés. Il passe 2-3 voitures jusqu'à ce que je rejoigne la nationale qui vient de Jokkmokk évidemment beaucoup plus fréquentée.
Peu après la jonction, au bord d'un lac, se trouve une aire de repos avec des panneaux d'information sur la Laponie, avec notamment des photos de grands troupeaux en migration, qui font rêver...
La commune de Jokkmokk est immense la deuxième de Suède en superficie, sans doute après Kiruna, c'est donc une grande partie de la Laponie suédoise. En same c'est Jåhkkemåhkke ou Dalvvadis. Certains commerces sont fermés, mais voilà enfin une ville est bien animée,. Je fais les courses chez ICA mais Coop est ouvert aussi.
À la sortie du supermarché, mauvaise surprise, mon garde-boue avant est complètement de travers, et le porte bagage est détaché d'un côté. Quelqu'un m'aurait rentré dedans ?? Un cycliste allemand vient d'arriver avec sa femme, il se propose tout de suite pour m'aider. Il me trouve une vis et me met un collier.Ils s'appellent Anke et Klaus, sont venus par l'Inlandbana (le chemin de fer touristique) et vont aller à Stockholm par la côte. Ils sont de Dresde.
Avec tout ça il est déjà midi, la meilleure chose à faire c'est de s'installer sur une table en bois devant le coop pour casser la croute. Et là je vois arriver une autre cycliste, pour ce voyage, la première jeune femme qui roule en solo. Elle mange son sandwich debout, je lui propose de s’asseoir. C'est une anglaise nommée Abee, elle est partie de Kirkenes (N) sur la mer de Barents et veut aller au Portugal, le tout en trois mois. Elle a un vélo "gravel"(permet d'aller sur les chemins) chargé "bikepaking" de façon un peu compliquée (pas de porte bagage mais des sacoches dans tous les sens). 32kg en tout. C'est la nouvelle mode, les jeunes rencontrés avaient tous ce type de monture.
Je m'apprête à repartir mais je me souviens subitement qu'il y a des choses à voir à Jokkmokk. D'abord la vieille église, en réalité reconstruite à l'identique après un incendie il y a 50 ans
Le gros morceau, c'est le musée Aittje sur la culture same. Je souhaiterais presque qu'il soit fermé car ça va prendre du temps et être un peu ardu... mais c'est ouvert.Ardu ça l'est d'autant plus que les explications sont en bilingue... same-suédois. Un peu d'anglais de temps en temps, et, heureusement, un petit livret en français.
Je suis un peu perplexe car le musée présente les Sames comme une communauté bien vivante, on peut voir des photos de Sames en costume plus ou moins modernisé, réalisant des activités traditionnelles... Mais dans la réalité où se cachent -ils? À part un ou deux bonnets sur des têtes d'enfant, je n'ai rien vu de typique... Alors heureusement qu'il y a les musées !;
La Laponie qui se répartit sur quatre états On entre par un corridor où se succèdent les représentations des habitants de la région depuis 10000 ans. Et on arrive à une pièce centrale d'où partent les salles d'exposition, en étoile
Les costumes varient suivant les lieux, mais toujours le plastron orné, les broderies, le bonnet (très variable), les chaussures de peau de renne emplies d'herbe sèche. Et les bijoux d'argent, ce métal est (était ?) abondant ici.L'artisanat, c'est aussi les cuillères, la vaisselle en argent ou en bois, les couteaux aux manches de bois de rennes, les tambours des chamanes.
Les couteaux servent à marquer les oreilles des rennes Il est évoqué le mode de vie des sames, les migrations, les huttes, l'élevage des rennes, les rites, la religion, très combattue par les États qui ont imposé le christianisme ...
Un point qui m’intéresse mais il eût fallu pouvoir lire mieux, c'est les traces d'activités sames dans la nature. Parce que j'aurais peut-être pu les observer, ces traces. Des endroits où ils ont fait un campement, des trous où ils ont entreposé de la nourriture, des restes de cabanes...
Une salle est consacrée aux "pionniers", on pourrait dire aux colons, des gens venus du sud qui ont essayé de cultiver la terre, mais ils ont surtout vécu de la chasse, la pêche, le commerce des fourrures et plus tard de l'exploitation forestière.
Concernant la nature les expositions m'ont un peu laissées sur ma faim. Mais j'ai eu la réponse pour les crottes de ce matin, ce sont celles de la perdrix des neiges, le lagopède alpin. Pour l'élan, confirmation, c'est bien ce que j'avais vu. Par contre pour le renne je suis perplexe, les petites crottes qu'ils montrent ne ressemble pas tellement à ce que j'ai vu.C'est peut-être une question de saison. Je vais essayer de me rappeler de l'aspect de la crotte d'ours, au cas où..
Cette visite terminée, il me reste encore le jardin botanique, un peu à l'écart de la ville, sur un terrain vallonné, rochers en haut, marais en bas. Je revois les fleurs rencontrées en route, trouve la réponse à quelques questions mais ce ne sera qu'un tour rapide, d'autant plus que la gardienne vient me dire gentiment qu'il est 17h et qu'ils ferment.
à droite la "ronce des tourbières, fréquemment rencontrée Avant de repartir je dois recharger les batteries de mon téléphone complètement à plat... arrêt café.Et départ de Jokkmokk à 19h. Pour Arvidsjaur il reste 150km, si je veux y être demain soir il faut que je m'avance. Je décide de rouler toute la soirée. Il n'y a que le début qui me semble un peu dur, jusqu'au cercle polaire où, par échange de bons procédés, des motocyclistes me prennent en photo.
Un peu de regret de ne pas avoir vu une dernière fois le soleil de minuit.Mais pas de regret d'avoir décidé de rouler à cette heure. Très peu de circulation, beau temps juste frais comme il faut. Soleil déclinant derrière, dispensant une belle lumière. Et une route facile, sans trop de relief. Donc aujourd'hui pas de soleil de minuit. Mais un coucher de soleil, que je ne vois pas jusqu'au bout, caché par la forêt.
J'arrive, aux alentours de 23h30, à me rapprocher à moins de 100km d'Arvidsjaur. Mais sur la route il n'y a pas d'endroit favorable au bivouac. Peut être au prochain village, Kåbdalis, il y aurait une aire de repos ou de pique nique? Mais rien, et c'est pourri de moustiques. Je trouve une place pas vilaine près de la gare. Qui est hélas fermée évidemment. Je ne risque pas d'être gênée par les trains, le seul de la journée doit passer vers 10h du matin. Je me dépêche d'avaler mon plat de lentilles et rentre m'abriter. J'extermine impitoyablement les quelques moustiques qui ont eu l'audace d'entrer dans la tente.