Arrivée à Zagreb en train, par Brig (Suisse), l'Italie et Ljubljana, puis traversée par l'intérieur du pays de la Croatie, la Bosnie, le Montenegro, le Kosovo, et l'Albanie jusqu'au lac d'Ohrid.
Du 24 septembre au 22 octobre 2021
29 jours
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Pour arriver avant l'hiver, il vaut mieux essayer de se rapprocher en train. Aujourd'hui Bourges-Lyon-Evian. Un intercité avec place vélo payante (5€) et réservée, deux TER bondés où les cyclistes sont nombreux. Il a fallu défaire tous les bagages, monter et descendre le vélo séparément, c'est déjà la galère...

Ce soir je suis arrivée dans un camping au bord du lac Léman, demain je pédale, là tout va bien.

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Temps nuageux le matin et le soir, éclaircie en milieu de journée

L'itinéraire n'est pas aussi évident que je l'imaginais. Non, ce n'est pas une piste cyclable continue le long du Léman puis du Rhône ! Il y aura des tournicotages compliqués où je me perdrai, et des passages sur des voies fréquentées.

Malgré un ciel couvert où le soleil a du mal à percer j'apprécie les abords du calme lac Léman, entouré de toutes parts par des montagnes. Le village de Saint Gingolph est charmant. C'est la frontière et aussi le départ du GR 5 qui va traverser les Alpes Nord Sud.

Je prête ma mini pompe à un couple de jeunes cyclistes partis faire le tour du lac aujourd'hui (200km), mais ils ont "percé".

Le Rhône est rectiligne et gris bleu tirant parfois vers le vert. Embarras du choix : une piste de chaque côté. Mais ça ne va pas durer.

Je m'écarte de l'itinéraire à trois reprises pour trouver une gare où faire la réservation pour mon vélo dans le train pour l'Italie. Dans la première pas de guichet, dans la deuxième (Monthey) c'est fermé le samedi, dans la troisième (Martigny) on m'annonce qu'il n'y a que deux places vélo dans le train et qu'elles sont prises. Ça aurait été trop beau.

La vallée du Rhône c'est une plaine plate, agricole arboricole ou industrielle, et de tous les côtés de hautes montagnes aux formes diverses. Un peu de neige.

vue sur les Dents du Midi 

C'est tout plat et le vent est derrière, 91km sans fatigue. Je reçois un superbe accueil de Mathilde, jeune cycliste passionnée, et de ses parents. On mange une "brisolée". C'est un plat campagnard valaisan, des châtaignes avec un tas de choses.

Ried Brig, chez Karin et Martin

dimanche 26 septembre Conthey - Brig 71km

Une pluie fine tombe ce matin. Le plus désagréable dans l'histoire c'est qu'il faut se couvrir et avec les vêtements de pluie en pédalant on crève de chaud.

L'itinéraire suit des pistes au bord de canaux, ou des routes en bordure des villes, Sion puis Sierre, toutes deux dominées par un château fort. Les pentes arides et très raides sont plantées de vignes, toutes petites parcelles qui paraissent en équilibre précaire sur les parois rocheuses.

Dans l'après-midi on retrouve le plat, le Rhône et des pistes, pas toujours revêtues mais dans la verdure. Une diversion, mais intéressante, qui permet de voir le village ancien de Niedergesteln,église, château et chalets, et l'église perchée de Raron, à côté de laquelle est enterré Rainer Marie Rilke, le poète autrichien né à Prague et mort à Montreux.

Mais il se fait tard, encore une vingtaine de kilomètres, je file tout droit au bord du Rhône que je traverse au niveau de la gare de Brig. De là je dois me rendre chez Karin et Martin, qui m'avaient déjà hébergée l'an dernier à la fin de ma randonnée à travers les Alpes italiennes. Ils habitent sur les hauteurs, dans la direction du col du Simplon. 215m de dénivelé, je sue à grosses gouttes et pourtant c'est loin de ce qui m'attend dans les contrées où je me dirige...

ancienne église de Raron (ou Rarogne) 
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Aujourd'hui il faut jouer serré : j'ai un billet non remboursable, le train prend les vélos mais avec réservation obligatoire... que je n'ai pas obtenu, les places vélo (2!) étant déjà prises. Le plan, c'est partir plus tôt de Brig par un train régional qui accepte tous vélos (+8€) et du côté italien, à Domodossola, monter dans mon train avec une réservation de vélo italienne. C'était pas du tout réglementaire, il a fallu parlementer et supplier pas mal, mais les Italiens m'ont laissée monter ! Le train était bien bondé et il y avait déjà 4 vélos, dans les couloirs.

Je suis ainsi arrivée à Venise Mestre avant 15h, et à 16h50 j'avais un train pour Ljubljana avec un changement. Mais ... Nouvelle péripétie...j'ai oublié de descendre et me suis retrouvée... à Trieste, où le soleil se couchait sur l'Adriatique.

Et la suite ? Un train partait de Trieste pour Ljubljana, arrivant exactement à la même heure que celui que j'aurais du prendre... Et mon billet était valable.

Un train presque vide, avec de ce que j'ai vu, au moins 2x 14 places vélo!!

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Ljubljana est dans le brouillard ce matin, mais il fait vite chaud et le ciel va se dégager. Je vais à la gare acheter le billet pour Zagreb avec la place vélo (5 euros). J'ai le temps de faire le tour de la vieille ville qui n'est pas très grande, et même de monter au château. Le château a été entièrement restauré, et aménagé avec musées salles d'expositions cafés et restos, je n'aime pas trop, ce qui me plaît le plus c'est le parc autour, beau lieu de promenade pour les gens de la ville qui en profitent bien. La vue porte plutôt sur la partie moderne de la ville, plus étendue et moins intéressante que l'ancienne.

Entre temps le ciel s'est dégagé. Je peux prendre en photo le poète romantique Preseren sur fond de ciel bleu avec la jeunesse qui se rassemble sur son socle. Et faire un tour au marché et seulement admirer les étalages magnifiques de fruits et légumes alléchants.

Preseren, poète romantique. Les paroles de l'hymne national slovène sont de lui 

Retour à l'hostel du pont, harnachement de la monture, et direction la gare. Sur le quai un cyclovoyageur allemand prend le même train. Il m'aidera à monter le vélo. Ce n'est pas à niveau, mais Il y a deux compartiments vélo aménagés, 10 ou 12 places.

Le temps de trouver l'hostel et de papoter avec ses occupants (un Suisse qui me donne des infos sur le transsibérien et Sveta une Russe), je ne ressors qu'à la nuit tombante et ne verrai Zagreb que by night.

Une grande animation y règne. Devant la gare un boulevard où circulent des tramways bleus, et au-delà une vaste esplanade où s'élève la statue équestre du roi médiéval Tomislav. Autour de ce parc la ville basse, ce sont de grandes avenues au carré et des voitures. Mais bientôt, après une vaste place rectangulaire dotée d'une autre statue équestre d'un autre héros croate, du 19ème celui-là, Jelacic (qui a pourtant surtout collaboré avec les Autrichiens), on arrive à la partie ancienne de la ville. Elle est constituée de deux collines qui portaient dans les temps anciens deux villes fortifiées distinctes se faisant face. Elles auraient mérité une visite plus approfondie. C'est quand même un plaisir de parcourir ces quartiers et d'admirer les maisons anciennes et les monuments, notamment la cathédrale d'un côté, et de l'autre (Gradec ou Gornij Grad) des fortifications, l'église Saint Marc et le siège du gouvernement qui est bien gardé, pas moyen de s'approcher même de l'église. Il y a des ruelles calmes, des squares et des escaliers, et des rues très très animées qui ne sont que des alignements de cafés et restaurants.

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Enfin, retour sur les pédales!

Je m'arme de patience, il faut sortir d'une ville de près de 700 000 habitants. Et cela ne me semble pas trop pénible, il suffit de suivre de longues avenues en roulant sur les trottoirs ce que font tous les cyclistes ici, et attendre patiemment aux traversées que le feu passe au rouge.

La banlieue est déjà campagnarde, mais l'habitat est plutôt moche et hétéroclite. Ici et là quelques petites maisons anciennes, tombant en ruines. J'ai retrouvé une véloroute sur opencyclemap, carte mondiale qui indique les pistes cyclables et véloroutes. Des panneaux apparaîtront bien plus loin, elle s'appelle "Sava". Je suis l'itinéraire sur mon téléphone, je n'ai pas trop à me casser la tête. D'ailleurs bientôt c'est facile, c'est toujours la même route, peu fréquentée, qui sinue à travers les villages, l'habitat est quasiment continu pendant un bout de temps.

La plaine de la Sava est uniformément plate, on y cultive à peu près exclusivement le maïs, dont la récolte n'est pas terminée. La route suit la Sava, mais on ne la voit guère, derrière sa digue. Cette rivière prend sa source dans les Alpes juliennes, passe à Ljubjana et Zagreb, et va se jeter dans le Danube à... Belgrade.

Et ce qui va commencer vraiment à me plaire, c'est qu'enfin, les voilà les vieilles fermes et les vieilles maisons campagnardes. Toutes entourées de leurs jardins, leurs potagers et leurs vergers derrière les clôtures. Certaines sont crépies, mais il y en a énormément en bois, dans des états divers, mais beaucoup sont habitées et bien entretenues.

J'avais pensé m'arrêter du côté de Sisak, une ville relativement importante mais sans grand intérêt, mais je vois qu'à 25km environ commence une zone touristique, le parc naturel de Lonjsko Pole, avec un hébergement à 20 euros (150 kunas) qui a l'air bien, je décide de pousser jusque là. J'arriverai au crépuscule un peu avant 19h. En effet le logement est très bien, avec cuisine équipée. La fille parle anglais, la dame allemand. Elle m'apporte des gâteaux.

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L'orage a éclaté dans la nuit et ce matin il ne fait pas bien chaud. Le temps est quelque peu maussade ce qui rend le paysage un peu tristounet. Il tombe même quelques gouttes.

Je traverse le parc naturel de Lonjsko Polje, une zone humide où nichent en particulier les cigognes, les nids sont là mais les cigognes sont parties. Je vois quelques canards et oies et, étonnant, un grand corbeau. Il y a la Sava et des étangs, des forêts de frênes, chênes aux feuilles rousses, oïdium ou automne précoce? Et toujours ces magnifiques maisons de bois. Pour ce qui est des humains on ne rencontre pas grand monde.

La route est toujours plane, et très peu fréquentée, quel plaisir ! On retrouve les champs de maïs entre les zones boisées et on passe quelques canaux.

Le premier bourg un peu important est Jasenovac, où je dépense mes derniers kunas (monnaie croate) avant de passer la Sava et la frontière avec la Bosnie.

De l'autre côté c'est moins bien. C'est une route plus importante, toute droite et toute plane. La circulation n'est pas très dense et, si la majorité des automobilistes et chauffeurs routiers roulent correctement, quelques fous font peur. L'environnement est moins bien, fini les maisons de bois, le style traditionnel ce serait la brique, avec des murs ajourés de façon décorative. En fin de journée on retrouve un tout petit peu de relief, dans des zones forestières.

Je roule à un bon rythme jusque Gradiska, j'arrive vers 19h à la nuit tombante. La frontière croate passe aussi par cette ville. J'y trouve une chambre d'hôtes, pas aussi bien que celle d'hier.

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Un itinéraire pas trop intéressant: sous un ciel toujours couvert, une route qui circule, voitures et camions. Même pas de campagne, c'est comme une zone artisanale qui n'en finit pas mais entre les ateliers, constructions industrielles, garages, stations service, plus quelques restos et motels, se casent des maisons individuelles et des jardins avec des pommiers, des cognassiers, des cerisiers, des noyers et des pruniers.

Les bords de la route sont parfois aménagés, il y a même des pistes cyclables mais étroites et rustiques.

piste cyclable antique (mais fonctionnelle) 

Mais seulement 50km, en plat, pas trop de fatigue ! J'arrive vers 14h, j'ai réservé sur booking.com un hostel où la réceptionniste n'est pas au courant de la réservation, elle me donne une chambre qui me va bien. Lit superposé et un bureau. Toilette et douche sur palier. Une cuisine à disposition. 13,5 euros.

J'ai le temps de me reposer un peu et de visiter la ville. À vrai dire il n'y a pas grand chose à voir. Pourtant Banja Luka est une ville ancienne de 150 000 habitants et la capitale de la "république serbe de Bosnie" (la Bosnie Herzégovine est divisée en deux entités, c'est compliqué). Elle a été détruite par un tremblement de terre en 1969 et reconstruite avec larges avenues droites, beaucoup de parcs, et d'énormes églises orthodoxes. Quelques rues piétonnes permettent quand même de flâner un peu.

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Les rivières qui traversent la ville s'appellent la Vrbaska et la Vrbanja (vrba=saule). Après quelques larges avenues je vais traverser la Vrbaska puis longer sur 30km la Vrbanja jusqu'à la ville de Kotor Varos. C'est une route fréquentée mais pas trop. La vallée est au début étroite et sauvage, la rivière court sur des rochers, ensuite elle s'élargit et se civilise, villages et cultures. Autour les montagnes boisées . Ça monte mais doucement.

À Kotor Varos, ça va changer. L'ascension commence, dénivelée 600m environ et c'est raide et c'est dur. Je me demande si j'y arriverai au Montenegro, où en Albanie où les routes sont bien plus mauvaises.

La route a été refaite, avantage, le revêtement est bien lisse, ça monte mieux. Deux inconvénients, les voitures vont plus vite, et puis les abords ne sont pas très beaux, et on ne peut pas s'arrêter au bord de la route.

Celle ci traverse une montagne boisée, des arbres feuillus qui commencent à prendre des couleurs automnales. Les versants sont rocheux. Je pourrai peut-être m'arrêter au prochain village... Mais horreur toutes les maisons sont en ruines, et ce qui est vraiment bizarre c'est que ce sont des ruines de maisons inachevées sans crépi sans fenêtres et sans toit. On voudrait comprendre. En tout cas c'est sinistre.

Plus haut vue sur les vallées et des villes. Je ne peux pas m'arrêter pour prendre des photos au risque de ne pas pouvoir repartir. Et enfin on arrive sur un plateau, c'est plus avenant, on y trouve des villages habités et des cultures. Le premier village est encore sauvage, pas de bistrot, une église gardée par des chiens aboyeurs, et un enterrement au cimetière accompagné de chœurs masculins.

La propagande nationaliste serbe s'affiche partout, bombages et grands panneaux publicitaires.

Enfin sur le plateau! 

Maintenant c'est plutôt montées et descentes, raides toujours, mais ça va mieux. Au village de Knezevo il est juste 16h, un café au bord de la route indique "sobe" = chambres. Je bois un jus et me connecte à la wifi du bar, vois que plus loin j'ai peu d'espoir de trouver quelque chose... Il faudra attendre que les employés arrivent à joindre le patron, mais c'est bon.. une chambre vraiment très bien, salle de bain extérieure, tout neuf et clean, fenêtre sur cour, 20 marks soit 10 euros.

Une petite fête dans le village, on a fait rôtir à la broche un cochon entier (j'en ai déjà vu plusieurs aujourd'hui) et ils sont en train de le découper. Je n'ai pas osé m'inviter, et mon bistrot n'offre que des pizzas, tant pis je me contenterai une boîte de haricots.

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Ciel bleu et un peu frisquet ce matin. D'autant plus frisquet qu'après juste une petite côte pour commencer et la sortie de l'agglomération, ça va descendre vers les gorges du fond de la vallée, à l'ombre bien sûr. Mais ensuite la route suit la rivière, entre des pentes boisées ou rocheuses, monte et descend sans trop, un peu de soleil, pas beaucoup de voitures, un trajet agréable. Après la traversée de la rivière je m'attends au pire, car il est prévu une dénivelée presque aussi haute qu'hier... Mais non, la pente est raisonnable, la route est à l'ombre, ça se fait tout seul. J'en ai juste un peu marre à la fin.

En haut la route en rejoint une autre plus fréquentée, les voitures vont trop vite, passent trop près, et klaxonnent, en plus. Mais ça descend...Et Je vais trouver un endroit sympa pour casser la croûte, un pré vallonné et un peu ombragé.

J''arrive à Travnik (un nom qui ne m'est pas inconnu ...). J'ai fait 50km et il n'est pas 15h. Je vais pouvoir continuer plus loin. La ville est sympathique, on se promène en famille ou on s'assied aux terrasses sur la rue centrale piétonne, de part et d'autre de nombreuses églises et mosquées se côtoient.

Café+ internet, je ne trouve pas grand chose plus loin en camping ou hébergement, mais c'est peut-être l'occasion d'enfin bivouaquer, je pars...Oui mais que vois-je? Un panneau touristique qui signale "la maison natale d'Ivo Andric". Mais alors ici c'est bien LE Travnik, celui de La chronique!!! Ça change tout ! Je décide de rester et me trouve tout de suite une chambre.

La maison est une reconstitution, mais cela permet de voir à quoi ressemblaient les maisons anciennes. Je n'éternise pas la visite, intéressant peut être mais en serbo-croate (et un peu en anglais). Andric était catholique, d'origine croate mais partisan de la cause vbosniaque, emprisonné pour ça, après est devenu diplomate et a reçu le prix Nobel pour son œuvre littéraire en 1961.

J'avais aimé La chronique de Travnik mais ne me souviens guère du bouquin, je suis contente de voir le château, les mosquées, les cimetières, et quelques maisons anciennes, au soleil du soir puis à la nuit tombante.

Château de Travnik 
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Ciel bleu, brume planant au-dessus de la ville, château éclairé à la lumière du matin.

En bas sur la grand route vers Sarajevo se succèdent files de voitures et camions dans les deux sens, soleil en face mais bientôt le brouillard.

Vraiment pas rassurant, j'essaie de rouler sur le trottoir ou le bas-côté quand c'est possible, me fait serrer parfois et klaxonner souvent. Ça dure presque 30km, la route se divise et je prends la moins importante, ça circule encore mais c'est moins stressant. Et puis le brouillard s'est levé.

Pause café à Bucovaca. Je me degote encore un bistrot se voulant moderne mais sinistre. Mais le patron vient discuter, très gentil, et me fait cadeau du café.

Cette route est un peu plus rurale que la précédente, mais guère, elle est bordée d'entreprises ou de maisons individuelles. Des maisons non terminées, dont la construction est souvent interrompue, absence de crépi toujours, balcons sans parapets... Beaucoup sont abandonnées dans cet état inachevé... Il y a toujours des jardins et des arbres fruitiers, surtout pruniers et pommiers.

 au bord de la route

L'environnement est montagneux mais on suit une petite rivière, ce n'est que quand on la quitte que ça se met à monter, jusque 10%. Puis descente direction Sarajevo.

Je manque de peu me trouver sur l'autoroute, pour l'éviter mon navigateur m'envoie sur un itinéraire particulièrement compliqué... pour finalement me faire rejoindre le flot de la circulation. C'est pas dangereux, ça bouchonne. Encore 12km sur ce grand axe central. Parfois trottoirs, parfois pistes cyclables, parfois rien autour grands immeubles, pubs, enseignes... Toute l'horreur des grandes villes.

Dans le centre, la seule façon pour les vélos de circuler c'est de prendre les trottoirs, pas toujours larges.

Enfin j'arrive à l'hostel réservé, à côté de la cathédrale. Celui-ci est très bien, plein centre, neuf, propre, calme, cuisine bien équipée... Seul inconvénient, il est au 3ème étage, ce qui occasionne de nombreuses complications : à cause de ça il ne prend en principe pas les plus de 55ans!!! Problème aussi pour installer le vélo. Il sera en haut sur le palier.

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J'ai voulu voir Sarajevo, j'ai vu Sarajevo. C'était un des objectifs principaux du voyage.

Qu'en dire? Difficile. J'ai trouvé la ville moins enthousiasmante que dans mon imagination. La partie moderne n'a pas grand chose de différent de toutes les grandes villes de nos sociétés mondialisées, rues commerçantes, banques, cafés et restos. Les constructions sont hétéroclites. Certes il y a eu des destructions, mais les bâtiments anciens sont du 19ème ou 20ème (art nouveau) .

La partie typique et ancienne, c'est le quartier de la Bascarsija, mosquées, caravansérails, madrassahs, alignements de boutiques (peut-on dire souks?) et fréquentation populaire, une population mélangée dans tous les types slave ou oriental. Du côté des femmes les jeans moulants ou déchirés et les maquillages outranciers côtoient les robes longues et les têtes voilées. Ce sont plutôt ces dernières qui se pressent autour des mosquées. Les hommes font leurs ablutions aux nombreuses fontaines.

J'ai aimé les bords de la Miljacka, la rivière qui traverse la ville, et le vieux pont "Latinska Cupria", celui où l'archiduc a été assassiné. J’ai aimé aussi les petites mosquées moins fréquentées et les quartiers périphériques où je suis passée trop rapidement, de l’autre côté de la Miljacka.

Le pont de l'assassinat 

J'ai apprécié de ne pas remarquer de touristes occidentaux.

J’ai beaucoup pensé au siège de Sarajevo et au génocide mais ai finalement renoncé à aller voir les expositions sur ce thème.

Mais le meilleur moment de la journée c'était la visite du marché, d'un côté fromages et viandes séchées, de l'autre les fruits et légumes vendus par leurs producteurs, en grande variété et de grande fraîcheur. Mes tentatives pour parler la langue n'ont pas été très loin, mais ça n'a pas empêché des échanges sympathiques avec les paysannes.

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Ce matin au réveil... la pluie! J'attends qu'elle s'arrête pour partir, vers 9h30.

Bonne surprise, pour sortir de la ville, il suffit de suivre la Miljacka sur une belle voie verte qui passe dans des gorges puis tourne sous les viaducs de la grand route, que l'on rejoint avec une belle côte.

Suivra donc un épisode pas trop plaisant, avec un petit supplément aujourd'hui: les tunnels!! Il y en aura 5, le deuxième est particulièrement horrible, long, pas éclairé, en courbe et étroit, et c'est quand je suis au milieu qu'il s'y engouffre avec un vacarme épouvantable une longue file de voitures et camions. Les suivants sont droits ou éclairés. De toute façon je crois qu'il va falloir s'y faire.

L'environnement est sauvage, forêts et pentes rocheuses. Je compte les kilomètres jusqu'à la prochaine bifurcation, mais la route en direction de Pale reste assez fréquentée. Le paysage s'humanise, des usines dont des scieries, des habitations, et la ville de Pale qui est assez importante, style ville nouvelle. J'y prends un café sur la grande rue piétonne entre les immeubles, à l'autre bout de laquelle s'élève l'église orthodoxe (on est de nouveau dans la république serbe). Non loin de là, un amoncellement de forces de polices. Je vais en découvrir la raison: c'est une course cycliste! La route doit être barrée, ne circulent que les vélos de course, quelques voitures, surtout celles de la police. Les policiers sont postés sur la route à intervalles réguliers. Tout ceci est très drôle, et quel plaisir cette route calme! Même si depuis Sarajevo, ça monte... Encore quelques kilomètres, j'aurai pris plus de 450m d'altitude, ce n'est dur que tout à la fin. Suivra une longue descente pas raide, sur une route vide, le rêve! Même le tunnel sera un plaisir! Il est vide et éclairé.

Plus bas on suit une vallée agricole, quelques vaches et moutons et belles maisons paysannes.

Mais ce genre de choses ne dure pas... La suite des réjouissances, c'est le franchissement de la montagne pour aller à Goradze. Après mes +460m de ce matin, c'est presque +600 maintenant qu'il faut avaler. Ce sera bien plus raide, mais ça se supporte plus aisément, sur une petite route et à travers une belle hêtraie.

Il faudra arriver en haut, à un peu plus de 1000m d'altitude pour bénéficier du panorama. Même avec ce temps gris (il pleuviote même un peu), c'est magnifique ces étendues de montagnes boisées, avec quelques sommets rocheux. Vois t-on déjà le Durmitor (massif montagneux du Montenegro), je ne crois pas, en tout cas pas de neige.

Panorama vers le sud, en haut de la côte 

Maintenant le dénivelé est encore plus important, plus de 800m, Gorazde est à une altitude plus basse que Sarajevo. Il reste 26km et il est déjà 17h30, le pire c'est qu'il y a encore des petites remontées au début. Mais après, ça va tout seul. Pas trop vite, la route est abîmée. Mais tout va bien. J'arriverai un peu avant 19h, juste à la nuit. Mes hôtes sont deux dames qui ne parlent pas mieux anglais que moi serbocroate.

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Il pleut ce matin, ça se calme quand je sors et je peux traverser au sec Goradze et son pont sur la Drina. Ce n'est plus la république serbe ici, mais le "fédération de Bosnie Herzegovine. Plusieurs minarets dominent la ville.

Le pont sur la Drina... de Gorazde 

Mais à la sortie de l'agglomération une pluie fine et persistante s'installe. La route ne présente heureusement pas de difficultés particulières, elle est assez plane, relativement fréquentée sans trop de camions. Le problème c'est qu'ici, 1m50 minimum pour doubler les vélos, ils ne connaissent pas.

La route est presque plane, elle suit la vallée de la Drina, entre des monts boisés, côtoie quelques villages et des zones industrielles le plus souvent désaffectées. Haut minaret et quelques bistrots à Ustikolina, c'est là qu'il y a une bifurcation et que je craignais plus de circulation mais c'est plutôt le contraire. Direction plein sud vers Foca.

Pour entrer dans Foca il faut passer la Drina sur un pont métallique bleu. C'est encore une ville constituée essentiellement d'immeubles modernes à 4-5 étages. On remarque une très grande mosquée mais on est de nouveau en république serbe. Il faut dire qu'il y a eu ici un nettoyage ethnique horrible en 1992-94. Tous les bistrots de la ville sont dans le même style moderne sinistre, je choisis celui qui s'appelle Monte-Cristo où la musique est infernale. Je n'ai plus de marks, ce sera seulement un café, plus le verre d'eau systématiquement servi avec.

La pluie s'est un peu calmée à la sortie. Je n'ai plus besoin de rejoindre la route vers Trebinje, celle qui va vers la frontière du Monténégro est nettement plus tranquille, de l'autre côté de la Drina qu'elle surplombe, sous de hauts versants qui s'éboulent, ce qui pourrait expliquer le mauvais état de certains passages de la chaussée. Exercice pour la suite du voyage. Les abords sont plutôt campagnards, d'ailleurs des vaches ou des poules se baladent sur la route, et de temps en temps des chiens me courent après. Les reliefs s'accentuent, beaucoup de côtes. En approchant de la frontière et des canyons du Monténégro fleurissent les "rafting camps", des villages en bois où l'on propose un tas d'activités sportives et des bungalows à la location.

J'avise des abris construits en surplomb de la rivière, je m'y précipite, mais il y a là une jeune fille avec une grosse valise. à la traditionnelle demande "where are you from?" elle répond "France", surprise! Eh oui c'est une Parisienne, Sihem, qui voyage seule, mais en transports en commun, et elle attend un bus pour Podgorica (la capitale du Monténégro). Elle a passé quelques jours dans le village en-dessous où elle a fait du rafting et du quad. On prend des photos et on échange les numéros. Je la retrouverai dans le bus au poste frontière. Je demanderai au chauffeur, à tout hasard, mais il ne veut pas de mon vélo dans le bus. Parce que la météo pour les jours à venir est catastrophique...

La rivière que l'on traverse sur un pont de planches glissantes, ce n'est plus la Drina, mais la Tara aux eaux bleues limpides, célèbre pour son canyon le plus profond d'Europe (>1000m). Elle et la Piva, autre profonde rivière, vont se réunir un peu en aval pour former la Drina qui plus au nord va passer sous le fameux pont de Visegrad.

Arrêt au premier bistrot après la frontière, atmosphère populaire et sympathique. Je demande pour un logement, dans un mélange de serbo-croate et d'anglais. Ils ont. En fait c'est précisément un bungalow de "rafting camp", dans la nature, à 600m dans la direction de la rivière. Pas chauffé mais bien, dommage que le temps soit pourri. Et comme il n'y a aucun commerce aux alentours je demande aussi à manger. Viande ou poisson? Poisson bien sûr, deux truites frites accompagnées de pommes de terre sautées et courgettes grillées, excellent!

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Dans ces conditions, 35km c'est une belle étape. Temps nuageux, brouillard, bruine, mais pas tant de pluie que ça. Une route parfaitement tranquille, asphaltée d'un bout à l'autre et presque partout en bon état.

Belle et parfois très raide montée au dessus de la Tara sous des rochers roux. Mais le fond des gorges est rempli de nuages. Plus haut une plaine agricole (Crkvicko Pole), et puis des forêts d'épicéas et hêtres dans le brouillard.

Des panneaux indiquent les pentes: 11%, 12%.. et je monte... (et ai monté pire un peu plus tôt). J'ai bien fait de changer de vélo et de cassette à l'arrière...

Plus haut encore (1500m environ). Un Causse ! Les paysages karstiques dans toute leur splendeur ! Dommage qu'il y fasse si froid. C'est un Causse tout ondulé, montées et descentes hyper raides se succèdent. Là aussi, il vaut mieux avoir un dérailleur bien réglé !

Encore un bout de forêt, hêtres tortueux et érables bien jaunes, et puis la descente vers Trsa, église sur un promontoire, quelques maisons et un ensemble touristique. Je trouverai donc le gîte et le couvert (goulasch pour seul choix).

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Coup d'œil par la fenêtre : les hauteurs en face sont bien blanches... Mais rien sur la route et pour l'instant il ne pleut pas. Mais avant de partir il me faut prendre le p'tit dej compris avec la nuitée (15€ en tout). Finalement c'est une bonne affaire, œufs au plat, excellentes charcuteries, fromage kajmak. Par contre je dois réclamer un verre d'eau et payer le café.

Rien de mieux pour affronter le froid et les côtes ! Pour l'instant c'est bien brumeux sur le plateau mais parfois ça s'éclaircit, le soleil percerait presque, et à un moment donné j'aperçois émerveillée un massif de monts enneigés au dessus des nuages.

Le causse encore, puis un plateau ondulé un peu plus vert qui ferait plutôt penser au Cézallier, et puis des pentes pierreuses où la visibilité ne dépasse pas 50m. Ça tombe bien, dans la première partie du trajet une seule voiture me double. Je croise quand même 2-3 paysans. Par moments il y a du vent et il fait froid mais la montée qui suit va bien me réchauffer. Vive les côtes!

Je bénis toujours le chauffeur de bus qui n'a pas voulu me prendre, j'aurais raté tout ça. Mais quand même, j'aimerais voir un peu mieux ce fameux massif du Durmitor...

Enfin un peu plus haut, quelques sommets et pentes calcaires sortent du brouillard, c'est magnifique. Certaines pentes sont toutes blanches, neige ou pierres ? Eh non, c'est du givre, en grande épaisseur sur les herbes et plantes.

Le coin commence à être fréquenté, quelques voitures passent, c'est touristique avec des petits chalets et des buvettes bien évidemment fermées. Des chemins de randonnée. Je suis accompagnée sur 1 ou 2 kilomètres par un petit chien gentil qui n'aboie qu'après les voitures.

Par contre ça devient dur, car le vent souffle, je suis gelée même dans les côtes. Plus haut vers le col ça ne va pas s'arranger, brouillard givrant, tout est blanc. L'altitude devrait être à 1800-1900m. Évidemment on ne voit rien du tout.

La descente n'est pas du tout agréable, je suis gelée, les mains en particulier, et j'ai peur que ça glisse. J'espère un bistrot avant Zabljak. Je vois un "camping" de petites cabanes, peut être font ils bistrot ? Je demande à une dame qui s'approche, elle me dit venez au chaud, mais en fait c'est chez elle qu'elle me fait rentrer. Tout de suite un verre de gnôle et puis un café turc auprès du feu. Ça va mieux. Elle s'appelle Rada, à 59ans, est veuve, a trois fils et deux petits enfants (on parle un mélange de russe et de serbe). Un de ses fils arrive, un grand gaillard brun qui parle anglais, puis une voisine qui lit dans le marc de café mais je n'ai pas compris ses prédictions.

J'aurais bien aimé faire une photo souvenir mais je n'ai pas osé demander. Je repars après une averse, maintenant le but est proche. Je rejoins une grande route très neuve et assez fréquentée.

La chambre que j'ai réservée est mieux que celle d'hier, une bouilloire à l'intérieur et la salle de bain familiale. Mais toujours pas de cuisine. Pour les hébergements la Bosnie c'était le top. En plus, ici, s'il ne pleuvait pas tout le temps ce serait possible de trouver des coins pour bivouaquer.

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La météo est encore démoralisante aujourd'hui, mais comme les jours précédents il ne pleuvra pas tant que ça, seulement le soir.

La route vers Mojkovac, qui est toujours la"Panoramic road 1" est magnifiquement refaite et peu fréquentée. Elle circule sur un plateau beaucoup moins sauvage que celui d'hier, forêts et habitations dispersées, quelques jolies maisons anciennes, des cannes de planches et des meules de foin. Et des "résidences secondaires". Plus loin on traverse des forêts. Pins et feuillus divers, hêtres et érables.

On se rapproche de la Tara, et bientôt de"Djurdjevica Tara" pont (ou plutôt viaduc) célèbre et lieu touristique, pas si haut ni beau que ça mais il surplombe le début des gorges, beau site quand même. J'y trouve un café où je suis contente de pouvoir me réchauffer un peu après la longue descente en lacets.

La vue depuis le pont de Djurdjevica Tara

La route vers Mojkovac est splendide, elle longe les gorges, passant dans quelques tunnels que je n'avais pas prévu. Seul le premier est un peu long.

La rivière est en dessous, eau bleue verte, et au dessus de grands à-pics va rocheux où croissent de vieux pins noirs à la cime tabulaire. Plus près de la rivière ce sont les feuillus qui prédominent, avec de belles couleurs automnales.

Il pleuviote et de temps en temps tombe une averse un peu plus forte. J'ai repéré un resto sur la carte pour une fois... Eh non ce sera pique nique comme d'habitude, sous la terrasse abritée du resto...qui est fermé.

La route se met à monter un peu plus, dans les forêts de hêtres et pins. Elle contourne des vallées d'affluents arrivant en cascade. Il y a là un grand hôtel resto en bois, arrêt pour un café et rencontre avec un couple Salim qui habite à Bruxelles et Nelly à Alicante mais d'origine colombienne.

Je les retrouverai à mon hébergement ce soir, où j'arrive sous la pluie battante. C'est un camping mais une salle de resto à la déco très chaleureuse. J'ai réservé pour un bungalow. Ouf! Le patron me propose spontanément une chambre. Tout en sapin, très jolie. Et avec le chauffage.

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Comme il pleut ce matin et que mon vélo est à l'abri sous un auvent où on voit clair, je me décide à changer mes freins avant, complètement usés . Après je prends le doručak (petit déjeuner, œufs au plat fromage et charcuterie) tout en discutant avec Nelly et Salim. Départ 10h30.

Mojkovac est à 4km. Juste une petite incursion. Des embouteillages et la statue monumentale d'un militaire.

La suite du trajet, c'est une route avec beaucoup de circulation, ça existe au Monténégro... En outre il y a une grande montée. L'avantage c'est que c'est un 3 voies, les automobilistes peuvent doubler large... Mais ne le font pas toujours...

La descente est moins raide que la montée. À Ravna Rijeka, après un léger casse croûte, je m'assieds pour un café dans un bistrot, au son de la musique de variétés style yougoslave. J'aime bien.

Maintenant on longe une rivière, c'est le Lim, il coule comme la Tara mais n'est pas bleu et plus large. La vallée est vaste, agriculture paysanne, habitat dispersé. Les gens ramassent pommes et noix et vendent des produits agricoles dans de petits baraquements au bord de la route. Autour les monts sont boisés, aux couleurs automnales. À l'approche de Berane les montagnes sont plus rocheuses, et la vallée se rétrécit, il faut même passer un défilé, dans un tunnel de 500m, bien éclairé heureusement.

Je me suis encore arrêtée dans un bistrot avec le même genre de musique. Ici comme plusieurs fois depuis ce matin, on me questionne amicalement, généralement en allemand, où je vais d'où je viens, mon âge. Ici en plus une dame me donne un grand sac de raisin de treille (noir, au goût aigrelet).

Ambiance au café 
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Petite pluie, brouillard, pas chaud

Sortie de Berane et traversée du Lim dans la bruine. Établissements industriels, je me fais engueuler parce que je prends en photo une usine de poubelles métalliques. Et je me trompe de route. Je me retrouve sur la route à grande circulation... Retour en arrière. J'ai bien fait.

La première partie une route refaite à neuf et encore passante. Monte assez fort sur un plateau vallonné, habitations dispersées... et redescend! Désespérant car après il y a une dénivelée positive de plus de 600m...

Mais à la remontée tout change, c'est maintenant une petite route à travers la forêt, et on se sent tout de suite mieux ! Couleurs d'automne, chênes (pubescents ?) pins, fougères, on pourrait se croire au sud du Berry ou dans le Limousin, sauf en vue des villages, très étalés, où pointent les minarets. On y trouve des scieries, très artisanales, en quantité.

Un petit tracteur va me doubler... La remorque en bois porte une immatriculation...allemande (Köln). Et le chauffeur s'arrête, me propose, en allemand, de mettre le vélo dans la remorque pour 5km. Ça ne se refuse pas. Une voiture arrive derrière.. ne peut pas passer, ça tombe bien, le chauffeur va aider à monter le vélo.

Le conducteur du tracteur va chercher son bois. Il a travaillé en Allemagne et est rentré pour la retraite. Il touche 2000 euros. Là je le vois venir... En effet il me demande en mariage peu après...Ce ne sont pas ses avances qui m'inquiètent, mais la route, très étroite et avec un précipice du côté droit. Je tremble qu'une voiture arrive en face... Et regrette un peu de ne pas voir mieux le paysage. Il s'arrête pour parler à un pote, tant mieux celui-ci va aider à sortir le vélo de la remorque. Reko me donne son numéro de téléphone et me fait la bise.

La suite en vélo par les villages et les forêts. Les résineux dominent maintenant, notamment les sapins, (sapins pectinés de chez nous on dirait). Dans le brouillard. Arrêts à quelques fontaines, et descente vers Rozaje.

Village monténégrin 

Une ville assez agréable, un quartier un peu ancien près de la rivière, des rues piétonnes... Mais quel froid, on se croirait en décembre, avant la neige.

Mon hébergement est un chalet dans un espèce de village de vacances. Le gars à la réception me dit que la route vers le Kosovo est enneigée... Comment faire ? L'aventure continue...

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Hier des clients du restaurant dont un parlait français se sont renseignés pour moi, il y aurait un bus pour Peć/Pesë à 8h30. Je tente et ça marche, le vélo entre tout juste dans la soute à bagages (minibus).

Ça monte fort dans la forêt, c'est quand même bien confortable en bus. Et bientôt, merveille... Les sapins et épicéas sont couverts de neige, et tout est blanc. Pas la route, mais je serais morte de froid dans la descente. À la frontière le douanier fait mettre le masque aux passagers. Personne ne l'avait. Les Monténégrins ne s'embêtent pas trop avec ça...

Depuis les lacets de la descente on admire des monts enneigés, et en bas s'étend la grande plaine du Kosovo. À Peć (nom serbe)/Pesë (nom albanais), changement d'univers. C'est une grande ville débordante d'activités. Me fait penser aux villes orientales ou africaines. Sur les grandes avenues circulent des véhicules variés, jusqu'à une charrette tirée par un cheval, et on retrouve des vélos. Des bâtiments délabrés ou pas finis côtoient des immeubles luxueux. Des échoppes tout le long de la route, un peu de tout. J'admire les étals de fruits si artistiques. Le centre ancien est de style ottoman, ressemble à Sarajevo. Je m'assieds un moment dans un café où je suis la seule femme. Tout le monde parle albanais, tout est écrit en albanais.

Pesë 

Puis direction sud vers Deçan. C'est la route principale, une circulation pas trop rapide mais continue. On ne s'écarte généralement pas beaucoup pour les vélos et on n'attend pas qu'ils soient passés pour doubler. Brrr..

À Deçan, ville pourtant moins importante, c'est les embouteillages. Parce que c'est midi peut être. Les collégiens au bord de la route attendent le bus, puis en sortent en masse. Je ne suis pas passée ici par hasard, mais pour voir le célèbre monastère orthodoxe de Visoki Decani, construit et orné de fresques au 14eme, lieu de pèlerinage, classé au patrimoine mondial de l'Unesco, actuellement menacé car en territoire musulman et cible des extrémistes. Et en effet, c'est surprenant quand on ne sait pas, il faut passer des barrages militaires (Kfor= l'OTAN et l'ONU), et laisser son passeport à l'entrée.

Mais ça vaut le voyage. L'intérieur de l'église est entièrement couvert de fresques sublimes, saints aux doux visages, scènes des Testaments, Christs immenses, c'est un peu frustrant de ne pouvoir tout voir bien: pas assez de temps, trop haut, mal éclairé...

Je décide d'aller jusque Gjakovë, par cette même route principale, à cause des hébergements, et en effet j'atterris dans une chambre d'hôtes parfaite, une belle maison ancienne, des hôtes très sympathiques et un petit chat espiègle, Paco. Je crois que je vais rester une nuit de plus.

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C'était pas prévu, mais comme l'hébergement est bien, je me suis décidée à faire une petite pause pour me reposer un peu de ces reliefs et de ce froid. Qui n'est pas fini d'ailleurs, il ne fait pas chaud à Gjakovë, et toujours humide. C'est une ville intéressante mais qui a beaucoup souffert de la guerre du Kosovo, l'Otan a bombardé, les Serbes ont détruit le centre ville, brûlé le bazar ottoman (carsija) et ses occupants ont été tués. La ville a perdu un tiers de sa population.

C'était il y a 22 ans, est-ce pour ça que la ville a un aspect aussi hétéroclite et parfois délabré? L'air d'être en chantier, avec des constructions en cours ou en suspens. En tout cas les ordures qui traînent partout ne sont pas si anciennes.

Les monuments principaux ont été reconstruits, du côté catholique l'église Saint Pierre et Paul, flambant neuve, et en face plus modeste l'église Saint Antoine de Padoue, du côté musulman les mosquées, la plus importante la mosquée Hadum et autres bâtiments religieux, madrassah, bibliothèques, et autres que j'identifie mal. Le bazar a été reconstruit aussi mais il n'a pas le même aspect flambant neuf car il est toujours constitué d'échoppes en bois, les étalages sont dehors, c'est très pittoresque.

Au hasard des rues on découvre des maisons anciennes, murs de briques enduits à la chaux et toits de tuiles rondes épaisses, de belles portes rectangulaires, à chaque fois une étroite et une porte cochère à côté. Elles sont plus ou moins en briques, l'une d'elles est restaurée et est un musée ethnographique qui a l'air fermé. Et puis il y a les "kulla", la maison où je loge en est une, mon hôte dit que le nom vient du turc et que c'est un château. Elles ne sont pourtant pas très grandes, mais avaient certainement un rôle défensif, avec des murs très épais et des fenêtres petites et en hauteur.

J'ajouterai que la circulation automobile est infernale, et que l'on mange très copieusement pour 2-3 euros. Le café, qu'il soit turc ou espresso, est à 50 centimes et je n'ai pas l'impression qu'on boive beaucoup de bière.

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Depuis le milieu de la nuit, il pleut bien. À 10h je me décide à partir quand même, après avoir échangé quelques mots avec Feri la propriétaire qui est vraiment gentille.

C'est la pluie battante, c'était pas prévu. À la sortie de la ville je jette un coup d'œil au pont ancien à plusieurs arches, à côté du nouveau.

Trajet dans la campagne, un peu bocagère avec arbres épars, quelques vaches, en face des monts peu élevés coiffés de nuages.

Juste à midi je m'arrête à un resto, pas possible de manger dehors. Des qebabs (boulettes allongées de viande de bœuf), crudités c'est bon et c'est 2euros avec le café.

Vers la frontière le paysage est plus sauvage, des collines rousses couvertes d'une végétation buissonnante. À la douane un seul contrôle. On ne se comprend pas trop avec le douanier mais on rigole.

Et voilà l'Albanie, ce pays si mystérieux. Ne ressemble pas aux autres pays traversés. Paysage vallonné, agriculture traditionnelle, quelques vaches ou chèvres et des troupeaux de moutons accompagnés du berger. Sur la route je croise des gens qui marchent, des femmes surtout, et m'exerce au "mirë dita", bonjour. Il pleut moins, des nuages stagnent mais on aperçoit de hauts monts enneigés.

Les voitures roulent vite et pas toujours à droite. Différence de parc automobile avec les pays precedents où la Golf (anciens modèles) dominait. Là c'est des Mercedes des Audi et divers 4x4 où SUV. J'en déduis qu'ici il n'y a que les riches qui ont des voitures.

Je quitte la route de Kukes, puis celle de Valbonë les montagnes du nord où cyclistes et touristes vont tous, et ai peut être tort de ne pas aller à Bajram Curi, seule ville du coin, où j'aurais pu retirer des leks.

Il y aurait un dénivelé descendant de 400m depuis la frontière. Ça ne se sent pas trop, la route monte et descend sans arrêt. Ça va se mettre à monter fort sur les versants rocheux de la vallée rocheuse de la rivière Valbonë.

Le paysage, dans ces rochers sombres, avec des carrières, des pylônes, n'est pas très avenant, le bled ou j'arrive non plus. Une supérette, un café, un grand bâtiment kitsch... J'interroge des ados. Ils me dégotent une chambre chez l'habitant, fort austère mais il y a ce dont j'ai besoin. 10 euros, j'aurais peut être du négocier...

Je descends vers le départ du bac que j'ai le projet de prendre jusque Koman. 7 euros pour les passagers mais 10 pour le vélo. 6h ou 13h. Le mieux serait de se lever tôt...

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Je commence par me faire engueuler en albanais par ma logeuse. Je finis par comprendre : elle croit que la petite chienne qui me suit depuis hier est à moi et qu'elle était avec moi dans la chambre !

Je prends le bac à 13h. C'est plein de touristes arrivés en minibus.

Le lac est un barrage sur les gorges (la Drini), un parcours d'autant plus agréable que les nuages s'écartent, et ENFIN pour la première fois depuis bien 2 semaines, voilà le SOLEIL ! Le trajet dure un peu plus de deux heures pour environ 50km. Les pentes sont raides, parfois relativement douces et boisées, parfois à pic quand les rives se resserrent.

Le ferry s'arrête juste avant le barrage de Koman. Quelques bâtiments se serrent entre la rive et les rochers, mais où est la route? Elle passe dans un tunnel, 450m de long. Pas de panique, c'est éclairé, et Je passe après tout le monde, tranquille. La descente est raide vers le pont qui traverse la rivière. Le parapet est arraché mais plus ennuyeux la chaussée est complètement défoncée. Dans les cahots je perd mon téléphone qu'un conducteur de voiture germanophone ramasse et me rend. Il fonctionne encore.

Je n'irai donc pas bien vite, en plus ça monte et descend raide sans arrêt. Et je suis gênée par le soleil mais là ne nous plaignons pas! En contrejour soudain apparaissent devant moi... deux cyclistes avec sacoches. Where are you from? France! Me too. Ce sont deux jeunes qui viennent du Monténégro mais par la côte, ils ne prennent pas le même chemin que moi mais vont aussi en Grèce.

Je ne vais faire qu'une douzaine de kilomètres, le coin est assez désertique et plutôt rocheux, au premier café où je passe, on me propose une chambre à 5 euros, c'est pas cher mais pas terrible, je préfèrerai dormir dans mon duvet... Par contre il y a vue sur la montagne. La seule langue étrangère qu'ils parlent ici c'est... le grec. ça ne m'aidera pas beaucoup.

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Ce matin le ciel est couvert et il souffle un vent fort qui par chance a plutôt tendance à me pousser, ce qui m'aide parfois dans les côtes. La chaussée est toujours mauvaise, mais certains tronçons sont refaits et en avançant vers des zones un peu plus habitées sont état s'améliore quand même. Les habitations, elles sont fort rares au début, et proches de la route, soit en bas vers le lac, soit plus loin vers l'intérieur des terres, dans des fonds où il doit y avoir un peu de terre à cultiver.

La route longe toujours le lac aux eaux bleues. sous des collines blanches et arides, au dessus desquelles on peut apercevoir de hautes montagnes. Par contre au bord de la route apparaissent des pins maritimes, et puis on voit aussi des grenadiers, couverts de grenades, des figuiers, des kakis, bref l'influence de la méditerranée se fait sentir... et encore plus à l'arrivée dans la plaine, un peu avant le bourg de Vau i Dejës. Il y a même des canisses et des oliviers.

De là jusque Shkodër c'est la plaine parsemée de maisons avec leur citerne sur le toit comme en Italie du Sud. On voit des montagnes de toux les côtés. Il fait chaud voire un peu lourd.

À Shkodër, pour la première fois depuis la Suisse, je me fais herberger par des cyclistes, Susan et Chuck, plus âgés que moi mais qui sont toujours d'infatigables voyageurs. Il y aura d'autres cyclistes, un couple d'Allemands avec leur petite fille de 8 ans en voyage pour 2 ans.

 Shkodër
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Avant de partir de chez Susan et Chuck il faut laisser l'empreinte de sa main sur le mur et faire la photo souvenir. Bon voyage aussi à la famille de cyclistes allemands partis pour 2 ans avec la petite de 8 ans.

Chuck m'a concocté un itinéraire pour aller au lac d'Ohrid en passant par les montagnes. Je n'irai pas à Tirana.

Au début tout va bien, tout droit dans la plaine. Mais bientôt plus d'asphalte, des pistes plus ou moins bonnes jusqu'à ce que je me retrouve... sur un chemin de terre tout boueux. J'en essaie d'autres qui s'avèrent pire. Un agriculteur sur son tracteur et qui parle italien m'aide à retrouver l'asphalte, et la grand-route, tant pis!, jusque Lezhë.

Plus calme que la nationale... 

Je passe la ville et demande à une dame qui garde ses chèvre à planter ma tente dans son pré. Il faudra attendre l'autorisation de son mari et planter à la nuit. Mais ils sont vraiment gentils. Mire me donne du pain et du fromage qu'elle a fait, excellents, rien à voir avec ce qu'on trouve dans les magasins.

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Beau temps mais vent fort le matin

Quand je me réveille, le soleil brille déjà fort, avant de partir je vais prendre le café chez Mire qui me donne encore du pain et des fruits, kakis et grenades, je décolle vers 10h30, ce qui est trop tard par rapport à la distance que je prévoyais de faire aujourd'hui.

Dans la première partie du trajet c'est plat..mais j'ai le vent en face. C'est une route relativement tranquille, dans une campagne d'habitat dispersé. Avant Milot on traverse sur un pont interminable le fleuve , le Mat, presque un filet d'eau au milieu d'un très large lit de galets. Je suivrai ensuite son cours. Sur 6km c'est un route importante qui traverse le pays en travers, de Kukès vers Tirana et Durrës. Dommage que la bande latérale ne soit pas un peu plus large. Des vendeurs ont installé là où il y a de la place leurs étalages, fruits et légumes surtout, mais aussi poisson.

La route que je prend après la bifurcation continue à suivre le fleuve, qui se resserre dans des gorges, ça a encore été l'occasion de construire des barrages, et créer des retenues d'eau bleu-vert, du plus bel effet aujourd'hui avec le beau temps. Il y aura un tunnel de 250m environ, droit et éclairé.

Le paysage est beau, lac, rochers, montagnes lointaines, la route n'est que montées et descentes. La chaussée, il faut s'en méfier, elle est bonne, et soudain complètement défoncée. Il y a moins de circulation que sur l'autre route, mais quand même beaucoup de voitures, les Mercedes toujours majoritaires, et aussi des camions. Autre raison de voir des voitures vous arriver dessus: les écarts qu'ils font pour éviter les cassis...Jusqu'au début de l'après-midi, ça va, mais après je commence à trouver ça dur et à souffrir des reliefs et de la circulation. J'apprécie ainsi moins le paysage, qui est très beau, plus humanisé maintenant, des maisons, des petits champs, des prés d'herbe très rase et des meules des foins, des vaches. On surplombe les retenues ou les rivières, et on admire les hautes montagnes à l'horizon.

Avant d'arriver à Burrel, la seule ville du parcours,il faut descendre dans une vallée et remonter pour entrer dans la ville qui est sur une hauteur. On y rencontre des gens en costume traditionnel, grandes robes noires et foulard noir ou blanc pour les femmes, quelques hommes avec un fez. Au milieu d'une place la statue de Zog Ier, roi albanais du XXème siècle.

Et ensuite la route descend pour de bon dans une large vallée, et maintenant ça roule. Des panneaux indiquent un camping à 10km, à un meilleur rythme je peux y arriver avant la nuit. C'est tout petit, au milieu de bâtiments religieux. Il y a là un des Hollandais en camping car. Un emplacement plat sous des margousiers, la douche chaude, une table où je peux m'installer pour ma faire la tambouille. Un bon endroit!

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Un temps splendide, une route moins encombrée que celle d'hier.

La journée commence dans la plaine agricole, meules de foin, de maîs, vaches qui se baladent, maisons aux toits de tuiles rondes entourée de jardins où poussent des arbres fruitiers (kakis, noix, pommes, coings..) et les treilles pleines de raisin, et où courent poules, pintades, dindons.

 Vallée et monts

Et puis la route va grimper au-dessus de la vallée. 650m de dénivelé. Raide surtout au début. Ils se montent sans souffrance, par ce beau temps et ce magnifique paysage.

Après un virage l'environnement devient plus sauvage, les pentes sont faites d'une roche friable, avec des lits de galets.

En haut un café restaurant station service pas du tout accueillant, la ville qui est en dessous, Bulqize, minière (chrome ?) et industrielle, non plus.

C'est Skanderbeg le héros national albanais qui va m'accueillir, sur une place de pique-nique à côté de sa statue. Il a remporté ici une victoire contre les Turcs au 15eme siècle.

Passé 15h le soleil baisse déjà. Il éclaire d'une belle lumière la vallée du Drin et les montagnes plus ou moins lointaines. Je termine la journée dans ce vaste paysage. Je ne passerai pas la frontière, je demanderai à planter ma tente chez un habitant. Vue sur la montagne et la lune qui se lève.

La dame a peur que j'aie froid et m'amène une bouteille d'eau chaude en guise de bouillotte. Pas de pieds gelés ce soir !

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Brouillard ce matin. La tente est trempée. Mes hôtes m'offrent le café (meilleur que dans les bars) et on fait une séance de photos.

Je ne vois pas grand chose en entrant en Macédoine. Le brouillard se lève sur le minaret de Debar, Dibën en Albanais. Je n'entends parler que cette langue mais curieusement quand je m'adresse à quelqu'un on me répond en macédonien. Plus facile à comprendre d'ailleurs.

Une grande animation règne dans la ville. Mais beaucoup plus d'hommes que de femmes. Je perds beaucoup de temps à chercher le bancomat, puis boulangerie et épicerie. Au café il n'y a même pas de toilettes pour femmes.

Avec tout ça il est déjà 11h. Mais maintenant c'est le beau temps. Je descends plein sud vers le lac d'Ohrid, suivant le Drin, sur lequel sont construits plusieurs barrages. La route va donc surplomber la rivière dans son état naturel ou des lacs bleus. Au début beaucoup de relief, ensuite c'est plus tranquille. C'est un parcours agréable, on voit moins les hautes montagnes, mais c'est beau cette rivière, ces lacs, ces rochers abrupts ou ces pentes boisées aux couleurs d'automne.

Un des lacs de retenue peu après Debar 

Par contre ça manque d'endroits où s'arrêter et de soleil... Je n'arriverai pas à faire sécher la tente. Il n'y a en outre aucun village sur le trajet.

On commence à voir des habitations en s'approchant de Struga, et bientôt c'est l'encombrement urbain. Ça se termine par une piste cyclable de 70cm de large entre deux parapets où les cyclistes roulent dans les deux sens. Au bout on arrive à la berge du lac, dans les roseaux.

En suivant la rive, à distance car c'est marécageux, je vais trouver plusieurs petits campings. Je m'arrête pour regarder l'un d'eux, un gars sympathique arrive. C'est ouvert, 7 euros ou 420 dinars, ça me va. Il m'offre un raki après que j'aie monté là tente à ras de l'eau. Il dit qu'ici les gens sont à 90% albanais.

La pleine lune se lève au-dessus du lac.

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J'ai entendu des cris d'oiseaux toute la nuit. Réveil avec le soleil. Autour des roseaux nagent des foulques, des cormorans et des mouettes.Pas de brouillard ce matin, seulement une fine brume, et une belle lumière. Il fait frais mais bon au soleil.

La vue depuis la tente au réveil 

Aujourd'hui je retourne en Albanie, je me rends à une trentaine de kilomètres plus loin au bord du lac. Logiquement ça devrait être de tout repos. Oui, mais...au bord du lac ça ne passe pas, la douane est au-dessus, sur un col dans les montagnes, 328m plus haut plus exactement. Qu'il va falloir se coltiner...

J'ai fait et referai plus, mais cette montée me semble particulièrement dure, la route traverse des forêts mais c'est assez monotone, elle est large (3 voies, toute droite, assez fréquentée, la pente ne se voit pas mais elle est vraiment forte. Il n'y a pas de vent, je sue à grosses gouttes. Une bonne surprise quand même, la montée s'arrête avant la douane. C'est un poste frontière important pour le transport des marchandises, une grande quantité de camions attend là.

Redescente immédiate. Une chaussée toute neuve, la vue sur le lac, des pentes calcaires, des pelouses vertes. Pas mal de circulation mais grâce aux lacets les voitures ne peuvent pas prendre trop de vitesse. En bas, la route est tout au bord du lac. Je m'arrête pour voir une petite église (orthodoxe) au bord de la route. Elle n'est pas ancienne mais très jolie. Et là je me rends compte qu'il y a un espèce de trottoir en bon état, de l'autre côté de la rambarde de sécurité. Rien n'indique qu'il s'agisse d'une piste cyclable, mais c'est vraiment agréable de rouler dessus, on peut réussir à s'abstraire du bruit des voitures si on ne risque rien.

L'eau du lac est très claire et très calme. Sur la rive poussent des roseaux, leur couleur jaune s'accorde bien avec la couleur gris-bleu du lac et des montagnes à l'arrière plan. Les oiseaux sont toujours là. De petites barques jaunes sont amarrées entre les roseaux. Les pêcheurs sont rentrés, ils vendent leur poisson, dans des viviers pour les plus riches, dans des sacs en plastique pour les autres.

Pogradec n'est pas un petit bled maïs une grande ville, on voit de loin ses grands immeubles. Et une ville très vivante, une atmosphère occidentale d'opulence. On trouve enfin de vrais supermarchés et des boulangeries ne (Furre buke) qui font aussi pâtisserie à tous les coins de rue. Les abords du lac sont bien aménagés, parcs pontons et promenades où l'on savoure la douceur de vivre.