Persépolis, le joyau du pays
Le taxi nous dépose près de l’entrée, une immense allée, visiblement prévue pour déverser des cars entiers de touristes ; on laisse nos sacs à dos à la consigne, car ils sont interdits sur le site. Une jeune fille s’ennuie derrière un guichet de souvenirs. Il est 9h, nous ne sommes que quelques visiteurs.
On aperçoit de loin la terrasse où se trouvent tous les vestiges, perchée sur d’immenses blocs de pierre, elle semble nous dominer volontairement. Un premier escalier à double volée nous emmène en haut de la terrasse, ses marches larges de 7 mètres ne sont hautes que de quelques centimètres, ce qui rend l’ascension... étrange. Une première source nous dit que ces marches permettaient aux cavaliers d’avoir accès à la cité sans descendre de leurs montures, une seconde source nous apprend que c’est en réalité pour que les sujets de l’Empire puissent monter l’escalier aisément, malgré leurs vêtements appesantis de riches ornements et leurs bras chargés de présents.
Une fois en haut, nous passons par La Porte de Toutes les Nations, monumentale, gardée par quatre gigantesques créatures : corps de taureau, ailes d’aigle, tête d’homme barbu. Ces colosses font forte impression, et se détachent nettement sur le ciel bleu de ce début de matinée.
Après avoir remonté une première allée, nous entrons dans le Palais des Cent Colonnes, dont il ne reste que quelques portes et quelques restes de colonnes (bases, chapiteaux). La taille de cet édifice est impressionnant : quelques colonnes ont été recomposées à leur taille originale pour que l’on puisse se rendre compte de la hauteur sous plafond... ça rigolait pas. L’intérieur des portes est décoré de bas reliefs dont certains représentent des combats entre l’empereur et un lion.
Nous passons ensuite le long des deux escaliers de l’Apadana, nord et est. C’est d’après moi la pièce la plus impressionnante de l’ensemble : les bas reliefs y sont extraordinairement bien conservés, et cela permet de réellement observer ce dont parle notre guide. Sur le premier escalier, on trouve plusieurs représentations d’un lion combattant un taureau (ce qui symbolise la fête du nouvel an perse, le Norouz), des fleurs de lotus (représentant le zodiaque), des cyprès du liban et une succession de soldats. Sur le deuxième escalier, on peut observer une procession de tous les peuples sujets de l’Empire Perse : babyloniens, arméniens, assyriens, mèdes, lydiens, indiens, nubiens... On reconnaît assez aisément chaque peuple aux détails de leur tenue vestimentaire : certains portent des bonnets ronds ou pointus, des tuniques à manches courtes ou longues, d’autres ont des barbes bouclées, certains types de bijoux. C’est incroyable que ces sculptures aient été si bien conservées, cela nous fait entrer bien plus facilement dans l’observation des conclusions des archéologues.
Nous traversons ensuite l’Apadana, dont il ne reste plus que quelques vestiges : des colonnes dont on ne distingue plus les détails des chapiteaux (qui sont très hauts, au demeurant, ce qui est étonnant à mes yeux), et quelques restes de statues, notamment animales. Mon regard est attiré par deux lions posés l’un à côté de l’autre à même le sol ; leurs dents sont finement découpées, leur expression est admirablement capturée et les contours de leurs têtes sont incroyablement lisses, ce qui m’a amené à me demander « mais comment faisaient-ils ça sans papier de verre ? ». Cette ancienne salle d’audience est d’une taille elle aussi gigantesque. Il est maintenant difficile de se figurer l’aspect qu’elle avait à l’époque, tant les restes sont peu nombreux, mais nous apprenons au cours de notre visite que son plafond s’élevait à plus de dix mètres, et qu’une charpente en bois permettait d’abriter les étoffes et autres richesses qui y étaient exposées pour le plus grand plaisir de Darius Ier, son commanditaire.
Nous nous dirigeons ensuite vers le Palais Tachara, qui a été construit et habité par Darius Ier puis par son fils Xerxès Ier. Sa taille est beaucoup plus modeste que celle des salles d’audience, mais ce qui est frappant est que ses portes et leurs encadrements (qui sont aujourd’hui toujours debout) ont pour la plupart été taillées dans un seul et même bloc de pierre – c’est d’ailleurs certainement pour cette raison qu’ils sont toujours debout. Ces portes sont toutes ornées de bas-reliefs sur leurs intérieurs. Les murs extérieurs sont eux aussi recouverts de bas reliefs de grande qualité qui étaient auparavant incrustés de pierres et de métaux précieux ; ornements qui ont été arrachés et volés lors du sac de la cité par les troupes d’Alexandre le Grand, vers 330 av.JC. Les motivations de ce dernier ne sont pas tout à fait certaines, toujours est-il qu’il pilla la ville, massacra ses habitants et brûla tous les palais, ne laissant que les structures de pierre à la merci du feu, et marquant ainsi la fin de l’Empire Achéménide.
Naqsh-e-Rostam, les tombeaux des rois
A quelques kilomètres de Persépolis se dresse le site de Naqsh-e-Rostam, où les rois achéménides se faisaient creuser des tombes monumentales directement dans la montagne.
Le culte zoroastrien a pour objet les quatre éléments, que l'homme doit vénérer au quotidien. Ainsi, à leur mort, il leur est interdit de se faire enterrer (cela souille la terre), incinérer (cela souille le feu) ou encore jeter dans la mer (cela souille l'eau). Les seuls moyens de se débarrasser d'une carcasse sont de la laisser à la merci du temps ou des vautours soit sur la pierre, soit en haut d'une "tour du silence". Les rois méritaient une sépulture plus digne, c'est pourquoi ils se faisaient creuser des tombeaux directement dans la pierre, à des hauteurs impressionnantes. Le site de Naqsh-e-Rostam compte quatre tombeaux creusés à flanc de falaise, ainsi que de nombreux bas-reliefs gravés à même la montagne, et qui avaient pour but de décorer ce lieu de recueillement. La plupart des bas-reliefs représentent des faits historiques et grandes victoires des rois achéménides et sassanides.
En face des tombeaux, se trouve un bâtiment de forme rectangulaire, dont la nature fait débat : il s'agirait d'un temple zoroastrien, probablement voué au culte du feu.