Carnet de voyage

Iran 2017

15 étapes
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Deux semaines avec Clara, à la découverte de la richesse culturelle, humaine et gastronomique de l'Iran ! Etapes : Téhéran > Ispahan > Chiraz > Persepolis > Téhéran.
Juillet 2017
16 jours
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Nous arrivons à Téhéran à minuit puis, n'ayant pas pu me rendre à l'ambassade en amont (contrairement à Clara qui avait son visa), nous attendons 1h près du guichet. Une fois sortis, Mandana (la cousine de Romain) et Afshin nous récupèrent en voiture et nous faisons 1h de route pour nous rendre chez les parents de Mandana, Monireh et Fahrad, chez qui nous logerons pour les 3 prochains jours.

Le visa

Pour l’obtenir, je me suis au préalable inscrite sur le site de l’ambassade d’Iran en France, leur ai fourni un paquet de documents et ai obtenu un récépissé. Il faut également fournir une attestation d’assurance et s’armer de patience... En fonction de sa nationalité, on paie un tribut (20€ pour certains asiatiques qui attendent eux aussi, 75€ pour moi). Après une heure de queue et quelques questions sur notre hôtesse à Téhéran, je finis par obtenir le précieux sésame : un visa pour un séjour de 21 jours en Iran.

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  • 11h - petit déjeuner fait de différents pains iraniens, beurre, confitures maison, thé et fromage frais.
  • Midi : départ avec Mandana et Afshin pour le palais Niavaran, dans le parc Sa'd Aabad.
  • 18h30 : retour chez Monireh et Fahrad. Monireh nous a concocté du "polo", du riz aux herbes aromatiques et aux fèves, accompagné de légumes mijotés (aubergines, poivrons, tomates et oignons) et du poulet en sauce. On apprend tous ces jolis mots en fârsi, et Mandana m'incite à les apprendre à Romain à mon retour en France ! On goûte le vin rouge fabriqué par Afshin et on se régale... On apprend également qu'on est invitées à dîner le soir-même chez la soeur de Monireh... donc on dîne à peine 2h après avoir déjeuné.
  • 21h : Après une présentation succincte à beaucoup trop de nouvelles personnes d'un coup, on prend des hors-d'oeuvre sur la table du salon, au-dessus d'un superbe tapis à dominante beige. On passe à table : galettes aux oeufs et herbes aromatiques (kuku), légumes cuisinés, pommes de terre, yaourt. Puis en dessert, une glace au safran avec vermicelles de riz, sirop de citron et gaufrette.
Photo de famille chez Mehri, la soeur de Monireh 

Le pain

Notre premier petit déjeuner en Iran est l’occasion pour nos amis Mandana et Afshin de nous expliquer les différents types de pains nationaux. 1. Le Sangak : à l’aspect rugueux, on pourrait le comparer à un naan plus épais et plus rigide. Il a une surface inégale et se déchire assez difficilement. 2. Le Barbari : il est fait de longs cylindres de pain d’un centimètre de diamètre et se texture peut être comparée à celle d’un bretzel. 3. Le Lavâsh : très semblable à du papier, de par son épaisseur et son découpage, le lavâsh se présente en grandes feuilles très souples et sa surface est parsemée de bulles – car il est cuit sur des plaques recouvertes de demi-sphères – qui lui donnent des airs de papier bulle. 4. Plus tard, à Ispahan, nous découvrirons le Taftun : plus épais et de forme ovale, c’est le seul pain levé qu’on ait pu goûter dans le pays !

Le palais du Niavaran

Ancienne résidence estivale du Shah, c’est désormais un musée qui abrite les meubles et objets de décoration qui appartenaient à la famille royale avant la révolution islamique. Je m’attendais à quelque chose de très aseptisé, mais cette décoration de très bon goût toute sixties/seventies était plus agréable : tapis persans très fins, tables et paravents en marquetterie, tableaux, porcelaine, tenues portées par le Shah et son épouse Farah. On baigne dans le luxe (mais de bon goût).

Le palais Mellat (ou palais blanc)

Deuxième résidence d’été du Shah et de sa famille, ce bâtiment situé dans le parc Saad Abad est bien plus pompeux. La décoration est très dorée et trop chargée, les salles de réception et salles à manger sont démesurées – les tapis qui recouvrent entièrement le sol de chaque pièce mesurent jusqu’à 145 m² ! On dit qu’ils font partie des plus grands tapis jamais tissés en Iran. Une chose me plaît néanmoins : la pièce centrale du premier étage, qui dessert toutes les salles de réception, est tout en hauteur et comporte des ouvertures sur les bords du toit : la lumière éclaire de côté une série de fresques qui illustrent des parties de chasse légendaires.

Dans le parc Saad Abad, on trouve quantité de palais, petits et grands, qui avaient été construits pour le Shah et étaient à son usage personnel (et celui de sa femme et de ses deux enfants). Ce parc de 120 hectares est l’endroit où s’est cristallisée la perte des réalités de Mohammed Reza Pahlavi, provoquant une bonne fois pour toutes la colère du peuple. Peu après la révolution islamique et la fuite du Shah à l’étranger, les Iraniens se sont rués sur ces palais, animés par une envie de détruire tout ce luxe ostentatoire.

Tapis persan et fresques dans le palais blanc 

Musées Behzad et Farschian

Toujours dans le parc Saad Abad, certains des plus petits bâtiments ont été reconvertis en musées exposant des œuvres de grands artistes iraniens. Parmi eux, Hossein Behzad et Mahmoud Farshchian, connus pour leur maîtrise de la miniature : illustrations aux lignes tantôt épaisses, tantôt fines, elles représentent pour la plupart des mythes perses ou illustrent des vers de grands poètes iraniens.

Tandis que Behzad nous impressionne par sa maîtrise du tracé et la finesse des traits de ses personnages, Farshchian nous émerveille avec ses explosions de couleurs et ses animaux fantastiques.

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Le métro

Mandana et Afshin nous emmènent faire un tour dans l’un des bazars de Téhéran en métro. Ils sont très inquiets qu’on se perde, mais malgré le nombre de personnes qui foulent les couloirs assez larges, rien de bien méchant comparé à l’heure de pointe à Saint Lazare.

Nous sommes un peu surprises de voir que le métro de Téhéran comporte un compartiment spécial femmes, qui est séparé du reste du wagon par une cloison en plexiglas. Après avoir envisagé l’hypothèse de la motivation religieuse (en théorie, les femmes ne doivent pas avoir de contacts physiques avec les hommes, donc pour les plus pieuses, l’heure de pointe peut être problématique), nous en sommes venues à penser que les femmes sont peut-être également victimes de harcèlement ou d’attouchements dans les transports publics.

Le bazar

Le grand bazar de Téhéran est très fréquenté, et par des personnes de tous types : jeunes comme vieux, hommes comme femmes, de différents milieux sociaux. Le bâtiment qui abrite les étals est ancien et très beau : un alignement de coupoles en brique orangée qui s’élance à une dizaine de mètres du sol ! Les commerçants nous haranguent pour nous vendre du thé, des épices, des tissus, des ustensiles de cuisine... ça négocie, ça hurle, ça se bouscule !

Dans l’immense marché couvert, impossible d’acheminer les marchandises en voiture, c’est donc aux hommes d’assurer le transport. Ils sont des dizaines à tirer ou pousser de grands chariots plats à roulettes – recouverts de carton ou parfois d’un indémodable tapis persan – et à se frayer un chemin parmi la foule pour livrer leurs clients.

Le grand bazar de Téhéran 
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  • Midi : nouvelle découverte gastronomique, un plat à base de persil et de haricots rouges cuits lentements en ragoût avec du limou amani (des citrons iraniens séchés très amers), servi avec du riz croustillant.
  • 15h : Fahrad nous emmène dans un quartier encore inconnu pour nous, appelé Sharihati. Ici, nous visitons un bazar plus petit et moins grandiose, celui de Tajrish. Fahrad nous mène dans les allées du bazar, puis sur l'esplanade de la mosquée Imamzadeh Saleh, où nous devons revêtir un tchador. On en profite pour entrer dans la salle de prière réservée aux femmes, tapissée de miroirs.
  • 18h : de retour à la maison, Monireh nous avait préparé de la pastèque et une boisson fraîche à base de sirop et de graines de chia. Afshin et Mandana nous aident à réserver nos hôtels à Ispahan et à Chiraz par téléphone : en effet, les hôtels pratiquent souvent des prix différents pour les Iraniens et pour les touristes. Afshin nous a donc obtenu des chambres à des prix défiant toute concurrence !
  • 20h : Nous partons avec Mandana et Afshin pour le pont de la nature (ou Pont Tabiat), conçu par une jeune architecte iranienne.

Le Pont Tabiat (pont de la nature)

C’est l’une des réalisations les plus récentes de la ville : un pont piéton qui relie les deux principaux parcs de la ville en enjambant l’autoroute. L’annonce est plutôt surréaliste, mais l’architecte qui l’a pensé (une jeune iranienne de 20 ans, Leila Araghian) a voulu en faire un espace de rencontres, de contemplation et de loisirs. Organisé sur trois niveaux dont les passerelles s’entremêlent, ce pont compte sur ses arches un café, un espace où faire du skateboard, des bancs à tire-larigot et une grande terrasse avec vue sur la ville et ses montagnes. De nombreux Téhéranais s’y baladent en couple, en famille ou entre amis, et une quantité impressionnante de selfies y est prise (y compris par nous), les jeux de lumière installés sur les pieds du pont et la vue sur la ville étant particulièrement photogéniques.


La monnaie

La devise de l’Iran est le Rial – un euro vaut environ 44 500 Rials. Etant donné le nombre de zéros à aligner derrière tous leurs prix, les iraniens parlent exclusivement en « Toman », ce qui revient à ôter un zéro au prix annoncé. Afshin nous donne un cours de fârsi pour nous apprendre les chiffres, histoire qu’on soit au point quand on devra se débrouiller lors de notre voyage. On a même eu droit à des interros surprise, portefeuille à la main !


Le tchador

A Téhéran, nous entrons dans deux mosquées, la première fois avec Mandana, la deuxième avec Fahrad. Evidemment, deux espaces distincts sont réservés aux hommes et aux femmes, et le port du tchador est obligatoire pour ces dernières. Des morceaux d’étoffe sont mis à disposition à l’entrée des salles de prière, et Mandana nous explique comment les poser correctement : le milieu du tissu bien en travers du front, on replie les bords latéraux pour encadrer le visage, on serre bien avec la main sous le menton pour ne pas que ça bouge et on s’assure que le tissu cache tout notre corps, façon chapiteau. A l’arrêt, tout va bien ; lorsqu’il faut marcher, cela se corse. Une main est prise sous le menton, l’autre se débat avec les pans sur lesquels on marche, ou qui s’accrochent dans notre sac (qui est resté en-dessous)... on comprend mieux pourquoi certaines femmes le tiennent entre leurs dents.

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  • 9h : Afshin nous dépose au terminal de bus, les bras chargés de provisions !
  • Voyage de quelques heures, lors duquel nous voyons défiler un paysage désertique
  • 16h : première balade dans les rues d'Ispahan. Nous logeons au sud, dans le quartier Arménien, il faut donc que nous traversions la rivière pour atteindre le centre-ville. Le lit de la rivière est très large, et il est pourtant presque totalement asséché ! Nous traversons au niveau du fameux pont des 33 arches (Pont Si-O-Seh).
  • Dans le bazar, nous croisons Milad qui nous indique les meilleurs endroits à voir dans la ville et nous finissons par le suivre jusqu'à la boutique de tapis de son cousin, Shantia.
  • En fin de journée, nous nous dirigeons vers la place de l'Imam (Naqsh-e-Jahan), mais tous les panneaux étant en fârsi, nous n'arrivons pas à nous localiser. Nous demandons notre chemin à un couple qui finit par nous y déposer en voiture (si la gentillesse des Iraniens était encore à prouver...)

Le climat

Dans le bus entre Téhéran et Ispahan, nous nous rendons compte que l’Iran est en grande partie un pays au climat aride. Téhéran est situé en altitude et les températures y étaient supportables (en moyenne 35°C), mais les étendues que nous traversons sont bel et bien désertiques et le climat y a l’air beaucoup moins sympathique : pas la moindre trace d’eau, très peu de végétation, et des couleurs allant du beige à l’ocre en passant par le caramel.


Je m’étais fait un peu de souci à propos de la température qu’il pourrait faire en Iran en juillet, mais je me rends compte que ce qui me gêne le plus est la sécheresse de l’air. Mon nez et ma bouche sont perpétuellement asséchés, j’ai besoin de boire très régulièrement. Heureusement, on trouve un peu partout dans les villes des fontaines d’eau fraîche qui permettent de remplir nos bouteilles vidées en quelques heures. Autres moyens de vérifier la sécheresse : le linge sèche à vitesse grand V et le Labello est notre meilleur allié !

Les tapis

Dans le bazar d’Ispahan, nous croisons Milad qui nous propose de nous aider à nous repérer et nous emmène dans la boutique de tapis de son cousin, Shantia. Ce dernier connaît tous les secrets de fabrication des tapis persans et nous explique tout ce qu’il y a à savoir sur le sujet.

1. Un sac de nœuds. Les tapis sont en laine, en soie ou en coton, et les matières peuvent être mélangées. Une trame de base est posée, puis les motifs du tapis sont dessinés en faisant des nœuds – plus le fil est fin, plus les nœuds sont rapprochés, et plus le dessin est précis. Les tapis les plus fins comportent 144 nœuds par cm² !

2. Une affaire de femmes. C’est le Shah Abbas Ier qui a fixé la plupart des motifs de tapis traditionnels. Auparavant, les motifs étaient tissés selon l’inspiration des femmes (car, oui, traditionnellement le tissage des tapis persans est un art exclusivement féminin) ou d’après l’héritage maternel. Le Shah a demandé à ce que des motifs définis soient établis et aient des significations bien particulières. Sur les tapis comportant une pièce arrondie centrale, cette pièce représente Allah, et l’on peut remarquer que les motifs représentés autour convergent vers le centre.

3. La règle des quatre quarts. Tous les tapis peuvent être coupés en quatre : lors du dessin, on ne conçoit qu’un quart du tapis qui est ensuite répliqué trois fois en miroir. La plupart des tapis comportent une ou plusieurs bandes extérieures qui comportent des motifs codifiés (serpents, fleurs...). Cette règle s’applique à la plupart des tapis, qu’ils soient tissés par des artisans de ville ou des nomades.

4. Dis-moi quelle est ta couleur dominante, je te dirai d’où tu viens. Les tapis à dominante rouge sont plutôt fabriqués à l’est de l’Iran (dans le désert), et ceux à dominante bleue plutôt dans l’ouest. Traditionnellement, les fils servant à la fabrication des tapis étaient teints avec des pigments naturels, issus de végétaux ou de minéraux (jaune = safran, orange = henné, bleu = lapis lazuli).

Explications dans la boutique de tapis de Shantia 

La place Naqsh-e-Jahan

Nous la découvrons lors de notre première soirée à Ispahan, sous une superbe lumière descendante qui nous offre un panorama ton sur ton : le bleu des mosaïques des deux mosquées est parfaitement assorti au bleu indigo du ciel. Nous trouvons aussi quantité d’Iraniens qui profitent des étendues d’herbe de la place et de la relative fraîcheur de la fin de journée pour pique-niquer en famille. Un tapis persan est étendu au sol, et chaque groupe a son petit panier en plastique contenant des fruits, du pain et un thermos de thé. Cette place est démesurée : elle a été pensée pour que s’y disputent des matches de polo sous le règne du Shah Abbas Ier, pour que ce dernier puisse les suivre depuis le balcon de son palais, situé sur le versant ouest de la place. 500m de long, ce n’était pas de trop !


Ispahan : Place Naqsh-e-Jahan et Pont Si-o-Seh 
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  • 10h : Nous parcourons une grande partie du bazar près de la place Naqsh-e-Jahan. Nous découvrons les principales spécialités artisanales de la zone d'Ispahan : la marqueterie, le travail du cuivre, et les nougats à la pistache appelés "gaz".
  • 11h : Nous visitons le palais Ali Qapu, dont l'entrée est au centre de la place Naqsh-e-Jahan. Dans les étages, une terrasse grand ouverte sur la place nous offre une vue imprenable.
  • 15h : Visite de la somptueuse mosquée de l'Imam, toujours située sur la place Naqsh-e-Jahan.
  • 17h : Visite de la cathédrale Vank, en plein quartier arménien, où nous logeons.
  • 21h30 : Départ de l'hôtel (où nous avons pique-niqué) vers le pont des 33 arches, qui est joliment éclairé et assez animé by night.

Le palais Ali Qapu

Construit sur la place Naqsh-e-Jahan, ce palais nous montre depuis le sol une partie de son architecture en bois. Après avoir escaladé de hautes marches recouvertes sur leur tranche de faïence multicolore, nous arrivons sur la terrasse, qui s’élève à 10 mètres du sol et offre une vue imprenable sur la place et ses deux mosquées bleues. La terrasse est recouverte d’un plafond aux décors géométriques réalisés en marqueterie et soutenu par des piliers en bois assez fins – on se demande d’ailleurs comment des piliers aussi chétifs peuvent soutenir un tel poids. On pénètre depuis la terrasse dans une première salle aux fresques murales très fines, représentant des motifs géométriques et quelques figures végétales et animales. Les fenêtres en forme d’ogive sont recouvertes de grillages en bois aux formes géométriques elles aussi, et confèrent à ce lieu une lumière tamisée qui permet de mieux apprécier les fresques. Après quelques volées d’escaliers supplémentaires, on arrive au sixième étage, où se trouve la salle de musique dont les murs et les coupoles de plâtre sont parsemées de nombreuses ouvertures aux formes variées et parfois étranges. Certains experts pensent que ces ouvertures servaient à améliorer l’acoustique de cette pièce lors des concerts donnés en l’honneur du Shah.

Le palais Ali Qapu 

La mosquée de l’Imam

Difficile de ne trouver qu’un seul mot pour définir cette mosquée : grandiose, peut-être, mais tout en restant simple. Sa construction est elle aussi à l’initiative du Shah Abbas Ier, qui a pris pour prétexte que la grande mosquée déjà présente sur la place était trop petite ! Celle-ci en impose dès le portique (qui donne sur la place Naqsh-e-Jahan), de je-ne-sais combien de mètres de haut, et le gigantisme se poursuit dans la grande cour carrée qui dessert quatre iwans. Le plus impressionnant est celui qui se trouve face à l’entrée, avec sa coupole à l’acoustique extraordinaire : un carré de pierre au sol indique l’endroit où l’écho sera à son paroxysme sous la coupole... et c’est impressionnant, car en s’éloignant d’à peine un mètre, l’écho n’existe plus ! L’entrée principale de cette coupole est fermée pour travaux, des hommes sont en train de monter des échafaudages hauts de dizaines de mètres – sans aucune sécurité, évidement. Nous les regardons évoluer avec agilité entre les barres métalliques et se lancer des outils les uns aux autres à plus de 20 mètres du sol. Les couleurs des mosaïques est particulièrement frappante. Tous les murs sont tapissés de petits carreaux de faïence de seulement 3 tons distincts : bleu foncé, jaune et vert. Un ouvrier en charge de la réfection des mosaïques m’explique que ces trois couleurs symbolisent respectivement le ciel, le soleil et la nature, trois thématiques phare du Coran.

La mosquée de l'Imam 

Le quartier arménien d’Ispahan

Nous trouvons à deux pas de notre hôtel un nombre impressionnant de cafés à hipsters, tenus par des hipsters – et, oui, le hipster Iranien a plus de style que toi. Ce quartier a l’air d’être le repaire des jeunes branchés d’Ispahan, qui y affluent lorsque le soleil se cache, poir profiter de la fraîcheur sur la place Jolfa, qui est également le nom du quartier arménien.

A noter qu’à Jolfa se trouve la plus belle église d’Iran : la cathédrale orthodoxe Vank. Sa construction est lancée par la diaspora arménienne au 17è siècle, et ces derniers s’inspireront de plusieurs influences pour sa conception : la coupole est de style islamique rappelle les dômes des mosquées et est entièrement composée de briques blondes, comme tout le reste des murs et de l’enceinte. L’intérieur est lui tapissé de fresques évangéliques d’inspirations hollandaise et italienne. Très coloré et richement décoré, l’intérieur contraste terriblement avec l’extérieur, bien plus sobre. Un bel îlot d’orthodoxie au beau milieu d’une mer de mosquées !

La cathédrale Vank 

Le pont des 33 arches (Si-o-Seh)

Nous étions déjà passés par ce pont la veille pour aller vers le bazar, la longueur est impressionnante et nous avions eu la surprise de trouver la rivière qu’il enjambe entièrement asséchée – ce qui n’a pas l’air d’être anormal, à en croire les locaux. Nous y retournons cependant de nuit, car on nous a incitées à aller nous mêler aux nombreux Ispahanais qui vont s’y installer une fois le soir venu. Nous le traversons et nous installons près de l’un de ses pieds. Il ne faut pas longtemps avant qu’un Iranien, Arash, n’engage la conversation avec nous. Nous discutons avec lui pendant une bonne heure (il parle très bien anglais, contrairement à la plupart des Iraniens), nous en profitons donc pour lui poser des questions sur la vie à Ispahan et le mode de vie iranien. Plusieurs autres personnes écoutent notre discussion et semblent frustrés de ne pas pouvoir y prendre part. Un jeune homme s’installe près de nous et joue un morceau de guitare. Des couples passent, des famille s’installent pour pique-niquer. La chaleur est retombée, l’ambiance est décontractée et très agréable. Arash finit par recevoir un coup de fil de son cousin, Koroush, qui nous propose de nous ramener à notre hôtel avec sa voiture. Quand on vous dit qu’ils sont adorables, ces iraniens !

Le pont des 33 arches by night
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  • 10h30 : Visite de la mosquée du vendredi (Jomeh), debout depuis le 10è siècle. Une merveille d'architecture qui laisse voir le passage du temps.
  • Traversée du bazar, retour sans le vouloir à la place Naqsh-e-Jahan
  • 18h : Marche jusqu'au pont Khaju, où de nombreuses activités sont en cours. Un groupe de personnes s'est réuni sous les arches du pont, et profitent de l'acoustique pour chanter en polyphonie. Plusieurs hommes et femmes de différents âges viennent nous parler, curieux.

La mosquée Jomeh

Cette mosquée n’en a pas toujours été une. La construction du bâtiment a été lancée au 10è siècle, et c’était à l’époque un lieu de culte pour les zoroastriens, l’une des premières religions installée en Perse (voir infra). Sa partie la plus ancienne est composée de briques marron entremêlées les unes aux autres, formant parfois des motifs esthétiques. Après avoir franchi une salle faite de colonnades relativement récentes visiblement utilisée comme salle de prière au vu des tapis enroulés dans un coin et de la bibliothèque remplie d’exemplaires du Coran, on pénètre dans une pièce surmontée d’une gigantesque coupole. Impossible de savoir depuis quand cette coupole est debout (notre guide n’en parle pas et aucun panneau ne nous aide sur place), mais l’irrégularité de la pose des briques et l’absence de revêtement intérieur nous fait croire qu’elle n’est pas toute jeune. En tous cas, la hauteur sous plafond me laisse sans voix. En sortant, on tombe sur un portique très musulman, semblable à celui qu’on a déjà vu à la mosquée de l’Imam (des mosaïques, du bleu, des alvéoles en nid d’abeille). On arrive dans une immense cour carrée bien plus récente elle aussi où plusieurs hommes s’affairent : un mollah assis sur une chaise semble en plein travail – il est néanmoins plus sympathique que ceux qu’on a croisés jusque-là et nous lance un « hello » – plusieurs hommes nettoient les bassins servant aux ablutions, un autre balaie... c’est le grand ménage de printemps.

Nous parcourons l’iwan qui se trouve en face et trouvons des structures similaires à notre coupole : des briques marron, des colonnades surmontées de petites coupoles aux briques entremêlées et ouvertes sur le ciel, des gravures sur les murs qui présentent des motifs géométriques ressemblant à des labyrinthes. Encore une fois, pas moyen de savoir qui les a conçus ni de quand elles datent, mais c’est bien la première fois que nous en voyons en Iran.


Ce bâtiment mêle de nombreuses influences architecturales : on y retrouve des particularités seldjoukides (11è-13è s.), ilkhanides (13è-14è), timurides (14è-16è), savafides (16è-18è) et turcomanes (18è). Après avoir été conquise par les musulmans, elle tombe entre les mains des juifs qui en font une synagogue (nous sommes en plein quartier juif historique), puis redevient une mosquée. Son nom signifie « mosquée du vendredi » en fârsi.

La mosquée Jomeh 


Les zoroastriens

Le zoroastrisme, devenu religion officielle de l’Empire perse au 3è siècle, prône un respect des quatre éléments, c’est notamment pour cela qu’ils n’enterraient ni n’incinéraient pas leurs morts, pour ne pas souiller la terre et le feu – les personnages les plus haut-placés avaient des tombeaux creusés dans la pierre, à l’image des tombeaux de Nasqh-e Rostam, dont je parlerai plus tard, et les plus humbles voyaient leur carcasse se décomposer sur un rocher plat ou au sommet d’une « tour du silence », à la merci des charognards qui évitaient la propagation de maladies. Suite à la conquête arabe, le pays se convertit à l’Islam au 7è siècle, et les zoroastriens se réfugient dans les montagnes du nord et au nord de l’Inde, où ils subsistent toujours aujourd’hui – mais la loi actuelle les oblige à se débarrasser de leurs macchabées différemment.

Motifs géométriques d'inspiration zoroastriene gravés dans les murs  de la mosquée Jomeh

Le pont Khaju

Après la superbe soirée passée au pied du pont Si-o-Seh, nous voulons retenter l’expérience près du pont Khaju, qui est connu pour sa beauté. En effet, des salons de thé étaient installés dans des alcôves nichées sur le pont et décorées de très belles fresques à fond blanc. Ce pont est effectivement très esthétique, surtout à la tombée du jour lorsque la lumière est moins blanche et verticale.


Comme la veille, de nombreux Ispahanais se retrouvent là pour partager des activités communes : une vingtaine de personnes réfugiées sous les arcades chantent des chansons traditionnelles iraniennes en battant la mesure avec leurs mains, d’autres jouent au volley, d’autres encore font s’envoler des cerfs-volants qui remplissent rapidement le ciel. La plupart sont juste assis là, lisant un journal ou observant l’une ou l’autre des activités en cours. Une vieille dame tente de nous parler mais ne connaît que le fârsi, un jeune homme nous rejoint et assure la traduction dans un français impeccable (il nous dit que sa mère est professeur de français... mais quand même !), puis 4 ou 5 autres personnes se joignent à la discussion et tout le monde nous pose plein de questions, notamment à propos de notre choix de voyager en Iran, et la vision qu’ont les Européens de leur pays. Ils ont souvent l’air surpris lorsqu’on leur dit que les Français de retour de voyage en Iran affirment que le pays est superbe et les habitants incroyablement généreux. Tout le monde se presse autour de nous pour avoir une photo souvenir, nous nous prêtons au jeu !

Une fin de journée au pont Khaju
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  • 10h : Nous prenons le bus direction Chiraz
  • 17h : Nous arrivons sous une chaleur de plomb. Le temps de faire le check-in à l'hôtel et de dîner, nous n'avons pas de temps pour visiter.

La glace à la rose et au safran

L’une des spécialités culinaires de Chiraz est une glace, et ce n’est pas étonnant vu la chaleur qu’il y fait. Des villes que nous avons visitées, c’est celle qui est le plus au sud donc les températures dépassent les 40°C tous les jours.

Le Paludeh est une glace en plusieurs niveaux : au fond, on trouve des vermicelles faits à base de farine de riz et de sucre, qui baignent dans de l’eau amidonnée glacée parfumée au sirop de rose, puis est déposée par-dessus une couche de glace au safran. Comme ça, ce n’est pas forcément très appétissant, mais c’est en réalité très bon ! Le safran donne une couleur jaune vif à la glace, et l’eau de rose est particulièrement colorée elle aussi, et lorsqu’on mélange un peu les vermicelles, cela donne un aspect assez peu ragoûtant au mélange, mais la saveur est là !

Un paludeh, dégusté au jardin 
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  • 10h : Visite de la citadelle de Karim Khan, longtemps siège de la dynastie des Zand.
  • 12h : Marche jusqu'au jardin Eram, qui est très loin ! La chaleur est écrasante.
  • 14h : Petite glace dans le jardin, lecture et repos dans l'herbe du jardin botanique.
  • 19h : Passage près de la porte du Coran, où de nombreuses familles profitent de la baisse des températures pour pique-niquer... au milieu de la circulation.

La citadelle de Karim Khan

Construite au 18è siècle en briques, elle a été le siège du pouvoir sous la dynastie des Zand, qui voulaient faire de Chiraz la nouvelle capitale de leur empire et ainsi supplanter Ispahan qui émerveillait par sa magnificence. Un jardin planté d’orangers et un petit bassin rendent l’atmosphère un peu plus respirable, car l’épais mur d’enceinte et le sol sablonneux réfléchissent la lumière et n’aident pas à évacuer la chaleur. Cet endroit a servi de prison juste après la révolution islamique (dans les années 80), donc les murs ont été sérieusement endommagés. On peut néanmoins toujours contempler de très beaux morceaux peints sur les plafonds, ainsi que de très beaux vitraux donnant sur la cour intérieure. Dans le coin sud-ouest de la cour se trouve l’entrée du hammam royal : on descend quelques marches et on se retrouve dans une première pièce semi-enterrée dont la fraîcheur est agréable. Un bassin central est entouré de plusieurs grandes niches dont les murs et le plafond sont recouverts de décors floraux et animaliers en stuc. Une deuxième pièce bien plus grande donne accès aux anciens bassins (chaud et tiède) et comporte une très belle coupole.

La citadelle Karim Khan 

Le jardin Eram (Bagh-e Eram)

Eram signifie « paradis » en fârsi, et on comprend pourquoi : les jardins sont des oasis de fraîcheur dans cette ville en surchauffe. Ce jardin-ci est botanique, on y trouve toutes sortes de plantes – arbres fruitiers, palmiers, conifères, massifs de fleurs, plantes aquatiques et évidemment toute une section dédiée aux roses de Perse. Un palais se trouve en son centre, il est recouvert de fresques en faïence représentant des personnages ou des scènes typiques, et on peut également y lire des inscriptions en fârsi et y voir des bas reliefs façon Persépolis. Un grand bassin s’étend devant le palais et l’eau s’écoule dans un canal tapissé de carreaux de faïence bleue qui se divise en plusieurs sous-canaux qui eux-mêmes se terminent par des écluses. Une fois les écluses relevées, l’eau se déverse dans la terre et grâce à un système de sillons creusés et à l’inclinaison du terrain, cette eau arrose les différents arbres à proximité. Le plus étonnant, c’est que Chiraz est entourée de montagnes aux tons ocres désertiques ; la température et la sécheresse de l’air (pires qu’à Téhéran et Ispahan) nous rappellent que le désert n’est pas loin ; pourtant, nous voilà au beau milieu de la verdure, allongées dans une herbe bien touffue et bien grasse. L’art du jardin et la culture des roses étant millénaires à Chiraz, ce n’est pas l’acheminement de l’eau par canalisations qui a rendu possible la culture de tant de plantes différentes, on en déduit donc qu’il y a des sources non loin et que les Iraniens maîtrisent très bien l’art de l’irrigation !

Le jardin botanique Bagh-e-Eram 

Un pique-nique coûte que coûte

Une fois la nuit tombée, nous allons en direction de la porte du Coran qui se trouve près de là où nous logeons. Il s’agit d’une porte dans laquelle est renfermé un exemplaire du livre sacré, et à proximité se trouvent des jardins suspendus ; le guide nous disait que l’endroit était à voir et nous avions un peu de temps. Nous ne pensions pas tomber sur « the place to be » de Chiraz ! Nous regardons à peine la porte car nous sommes subjuguées par le nombre de Chiraziens venus prendre un pique-nique en famille à cet endroit : de nombreux tapis sont étendus sur un carré d’herbe entouré de deux bretelles d’autoroute. Nous n’en revenons pas. Les voitures passent à toute vitesse, les klaxons s’énervent, l’air est envenimé de pollution... clairement, ça n’aurait pas été notre premier choix. Nous en déduisons que les habitants n’ont pas énormément d’endroits où pique-niquer dans la ville, tous les jardins étant fermés à la tombée de la nuit.

Familles pique-niquant près de la porte du Coran

L’aubergine

Ah, l’aubergine ! Une institution en Iran... et celle qui m’a sauvé lors de plusieurs repas. Beaucoup de plats iraniens sont végétariens, mais dans certains restaurants on ne sert que des kebabs en version iranienne (poulet, agneau, bœufs) avec du riz en accompagnement. Mon seul salut était de demander si quelque part sur la carte écrite tout en fârsi se trouvait de la « bademdjoûn », ce qui faisait souvent rire les Iraniens : la petite Européenne ne connaît qu’un mot de fârsi, et ce mot est « aubergine ». Même en en mangeant presque une fois par jour, je me suis régalée tant ils la préparent bien. La plupart du temps, elle est pelée puis cuite jusqu’à être réduite en bouillie et mélangée à tout un tas d’épices (curcuma, safran, cumin, estragon...) et servie avec du yaourt et des herbes fraîches, des olives, du citron vert, des cerises confites, des oignons frits, des tomates fraîches... On la mange à la cuillère, la plupart du temps avec du lavâsh (le pain « papier bulle »).

Plats iraniens à base d'aubergine 
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  • 11h : Visite de la mosquée Nasir Ol-Molk, connue pour sa salle de prière ornée de vitraux.
  • 14h : Nous visitons les bains de Vakil, construits également sous la dynastie Zand. L'édifice est très bien conservé, et des personnages de cire ont été disposés dans les différentes pièces pour exposer les tenues traditionnelles, et pour faire découvrir les différents métiers qu'exerçaient les iraniens à l'époque. Les quelques bassins centraux subsistants ont été remplis de poissons. Les voûtes de l'édifice sont recouvertes de très belles représentations majoritairement florales et animalières en stuc.
Les bains de Vakil 
  • 19h30 : Nous nous rendons dans l'un des lieux les plus visités de Chiraz, la tombe du poète iranien Hafez. Nous lisons des revues du lieu presque magiques : il y régnerait une ambiance toute particulière, car les iraniens rendent visite à leur poète chéri en y respectant un silence mélancolique, récitant des vers ou chantant spontanément. Nous arrivons au coucher du soleil dans un très bel endroit, malheureusement envahi de touristes (iraniens pour la plupart), venant là pour prendre des selfies devant les plus beaux endroits du mausolée. Cependant, des plaques commémoratives traduites nous permettent de découvrir quelques vers du poète, principalement extraites du Diwân, son recueil de poèmes le plus célèbre. De retour à Téhéran, je parle de la beauté de ces vers à Fahrad qui sort de leur bibliothèque un très beau livre de poèmes d'Omar Khayyam illustrés. Constatant mon goût pour la poésie, Mandana m'offrit un exemplaire du Diwân en version bilingue, farsi et anglais.

"De mes yeux je suis l'esclave lorsque, malgré leur noirceur, Le compte de mes chagrins leur fait verses mille pleurs"

"Mon amour, comme le vent, quand tu passes sur ma tombe Dans ma fosse, de désir, je déchire mon linceul"

- Hafez

La mosquée Nasir Ol-Molk

Cette mosquée est différente de celle qu’on a vues jusqu’ici à Téhéran et à Ispahan. Tandis que les couleurs dominantes des mosaïques sont le bleu et le jaune dans les deux villes du nord, celle-ci nous apporte un peu de nouveauté avec ses carreaux de faïence aux tons majoritairement roses. Ici, pas de mosaïques, d’ailleurs, mais de grands carreaux de faïence peints et fixés aux murs et aux plafonds. Y sont dessinés des bouquets de fleurs ou des scènes de campagne, des maisons, des personnages... C’est beaucoup plus concret que les vagues représentations florales que l’on pouvait voir à Ispahan. La cour intérieure est bien plus petite que ce qu’on a vu jusqu’ici, et c’est assez agréable, cela lui donne un côté plus humain et accessible. Sur l’un des versants se trouve une salle de prière d’une grande beauté : trois colonnades d’arcades vertes et beiges, de superbes tapis persans recouvrant intégralement le sol, les deux murs nord et sud recouverts de très beaux motifs de faïence et surtout le mur donnant dans la cour centrale qui est une succession de grandes fenêtres aux cadres en bois recouvertes de carreaux de verre de différentes couleurs ; tout cela mis ensemble donne à cette pièce une ambiance hors du commun, à la fois tamisée et pleine de couleurs.

La mosquée Nasir Ol-Molk 

La condition vestimentaire et cosmétique de la femme en Iran

En Iran, les femmes (locales comme touristes) doivent se couvrir jusqu’aux chevilles et aux poignets et porter un foulard pour dissimuler leurs cheveux et leur cou. Elles doivent également dissimuler leurs hanches et leurs fesses sous un vêtement ample arrivant aux genoux. Tout cela n’est que de la théorie, car en pratique, les femmes ont réussi à se libérer de quelques-uns de ces carcans : les plus « modernes » des Iraniennes portent leur foulard au sommet de leur crâne, laissant apparaître une bonne partie de leurs cheveux et font passer un pan sur l’une de leurs épaule assez bas, ce qui laisse tout de même apparaître le cou ; nombre d’entre elles ne sont couvertes que jusqu’en-dessous du coude et retroussent un peu leur pantalon (certaines d’entre elles portent même des leggings). Un accessoire permet d’éviter de devoir porter une tunique ample et mal ajustée, le « manto » : il s’agit – comme son nom l’indique – d’un manteau de coton ou de lin qui descend jusqu’à mi-cuisse et qui ne se ferme pas sur le devant. Il est souvent agrémenté de galon ou de dentelle sur les extrémités et comporte des poches, et il permet surtout aux femmes de se vêtir d’un t-shirt à manches courtes et d’un pantalon ; ainsi en arrivant dans un lieu privé, elles n’ont qu’à enlever le manto et leur foulard pour être habillées plus légèrement et librement. Certaines femmes continuent néanmoins de porter des vêtements plus traditionnels : certaines portent un hijab (qui s’enfile comme une cagoule, ne laissant apparaître que le visage), d’autres un tchador, qui recouvre le corps tout entier. Pour Mandana, le port du hijab est obligatoire sur son lieu de travail (elle est professeure de musique), elle en a donc un dans son sac et l’abandonne au profit d’un foulard plus léger dès qu’elle a terminé sa journée de travail. Cependant, elle nous explique que lorsqu’elle se retrouve seule avec un élève dans une salle, elle a le droit d’ôter son hijab si l’enfant et ses parents sont d’accord.

A Téhéran, les femmes sont habillées pour la plupart de façon élégante, mêlant les matières, les couleurs et les effets de drapé. A Ispahan, nous remarquons que l’écrasante majorité des femmes sont vêtues de noir – ce qui nous marque également sont les étals de tissus des marchés : alors qu’ils étaient bigarrés à Téhéran, il n’y a ici que des variations de noir – noir uni, noir à rayures, noir à motifs. A Chiraz, il y a un peu plus de couleurs qu’à Ispahan, mais tout de même moins qu’à Téhéran.

Le maquillage et le vernis à ongles sont autorisés, ce qui a pour conséquence que les femmes en utilisent beaucoup : tous les yeux sont ourlés de noir et les lèvres teintées de rouge ou de bordeaux. A notre grand étonnement, la chirurgie plastique est autorisée et de nombreuses femmes en usent pour se faire refaire le nez. Visiblement, c’est un marqueur social, car nous ne comptons plus les femmes arborant un pansement sur le nez, signe qu’elles viennent de passer au bistouri.


En faisant ma valise, je me dis que résister à plus de 35°C avec un pantalon et des manches longues sera un calvaire, mais je me trompe. Le pantalon et les manches se supportent plutôt bien comparé au foulard : c’est lui notre ennemi. En plus de glisser toutes les 10 minutes (j’exagère à peine), il enferme complètement la nuque dans une barricade de chaleur – impossible de profiter de la moindre petite brise qui rafraîchirait la nuque. Nos cheveux ondulés et volumineux sont complètement plats, enfermés dans cette prison de tissu. Peut-être est-ce le manque de pratique, mais nous le supportons mal et ne parvenons pas à en faire un accessoire stylé comme les Iraniennes que nous croisons au quotidien et qui sont ravissantes malgré cette contrainte.

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Persépolis, le joyau du pays

Le taxi nous dépose près de l’entrée, une immense allée, visiblement prévue pour déverser des cars entiers de touristes ; on laisse nos sacs à dos à la consigne, car ils sont interdits sur le site. Une jeune fille s’ennuie derrière un guichet de souvenirs. Il est 9h, nous ne sommes que quelques visiteurs.

On aperçoit de loin la terrasse où se trouvent tous les vestiges, perchée sur d’immenses blocs de pierre, elle semble nous dominer volontairement. Un premier escalier à double volée nous emmène en haut de la terrasse, ses marches larges de 7 mètres ne sont hautes que de quelques centimètres, ce qui rend l’ascension... étrange. Une première source nous dit que ces marches permettaient aux cavaliers d’avoir accès à la cité sans descendre de leurs montures, une seconde source nous apprend que c’est en réalité pour que les sujets de l’Empire puissent monter l’escalier aisément, malgré leurs vêtements appesantis de riches ornements et leurs bras chargés de présents.

« La porte de toutes les nations » et ses gigantesques gardiens de pierre 

Une fois en haut, nous passons par La Porte de Toutes les Nations, monumentale, gardée par quatre gigantesques créatures : corps de taureau, ailes d’aigle, tête d’homme barbu. Ces colosses font forte impression, et se détachent nettement sur le ciel bleu de ce début de matinée.

Après avoir remonté une première allée, nous entrons dans le Palais des Cent Colonnes, dont il ne reste que quelques portes et quelques restes de colonnes (bases, chapiteaux). La taille de cet édifice est impressionnant : quelques colonnes ont été recomposées à leur taille originale pour que l’on puisse se rendre compte de la hauteur sous plafond... ça rigolait pas. L’intérieur des portes est décoré de bas reliefs dont certains représentent des combats entre l’empereur et un lion.

Nous passons ensuite le long des deux escaliers de l’Apadana, nord et est. C’est d’après moi la pièce la plus impressionnante de l’ensemble : les bas reliefs y sont extraordinairement bien conservés, et cela permet de réellement observer ce dont parle notre guide. Sur le premier escalier, on trouve plusieurs représentations d’un lion combattant un taureau (ce qui symbolise la fête du nouvel an perse, le Norouz), des fleurs de lotus (représentant le zodiaque), des cyprès du liban et une succession de soldats. Sur le deuxième escalier, on peut observer une procession de tous les peuples sujets de l’Empire Perse : babyloniens, arméniens, assyriens, mèdes, lydiens, indiens, nubiens... On reconnaît assez aisément chaque peuple aux détails de leur tenue vestimentaire : certains portent des bonnets ronds ou pointus, des tuniques à manches courtes ou longues, d’autres ont des barbes bouclées, certains types de bijoux. C’est incroyable que ces sculptures aient été si bien conservées, cela nous fait entrer bien plus facilement dans l’observation des conclusions des archéologues.

Bas reliefs des escaliers de l'Apadana 

Nous traversons ensuite l’Apadana, dont il ne reste plus que quelques vestiges : des colonnes dont on ne distingue plus les détails des chapiteaux (qui sont très hauts, au demeurant, ce qui est étonnant à mes yeux), et quelques restes de statues, notamment animales. Mon regard est attiré par deux lions posés l’un à côté de l’autre à même le sol ; leurs dents sont finement découpées, leur expression est admirablement capturée et les contours de leurs têtes sont incroyablement lisses, ce qui m’a amené à me demander « mais comment faisaient-ils ça sans papier de verre ? ». Cette ancienne salle d’audience est d’une taille elle aussi gigantesque. Il est maintenant difficile de se figurer l’aspect qu’elle avait à l’époque, tant les restes sont peu nombreux, mais nous apprenons au cours de notre visite que son plafond s’élevait à plus de dix mètres, et qu’une charpente en bois permettait d’abriter les étoffes et autres richesses qui y étaient exposées pour le plus grand plaisir de Darius Ier, son commanditaire.

Les vestiges de l'Apadana 

Nous nous dirigeons ensuite vers le Palais Tachara, qui a été construit et habité par Darius Ier puis par son fils Xerxès Ier. Sa taille est beaucoup plus modeste que celle des salles d’audience, mais ce qui est frappant est que ses portes et leurs encadrements (qui sont aujourd’hui toujours debout) ont pour la plupart été taillées dans un seul et même bloc de pierre – c’est d’ailleurs certainement pour cette raison qu’ils sont toujours debout. Ces portes sont toutes ornées de bas-reliefs sur leurs intérieurs. Les murs extérieurs sont eux aussi recouverts de bas reliefs de grande qualité qui étaient auparavant incrustés de pierres et de métaux précieux ; ornements qui ont été arrachés et volés lors du sac de la cité par les troupes d’Alexandre le Grand, vers 330 av.JC. Les motivations de ce dernier ne sont pas tout à fait certaines, toujours est-il qu’il pilla la ville, massacra ses habitants et brûla tous les palais, ne laissant que les structures de pierre à la merci du feu, et marquant ainsi la fin de l’Empire Achéménide.

Naqsh-e-Rostam, les tombeaux des rois

A quelques kilomètres de Persépolis se dresse le site de Naqsh-e-Rostam, où les rois achéménides se faisaient creuser des tombes monumentales directement dans la montagne.

Le culte zoroastrien a pour objet les quatre éléments, que l'homme doit vénérer au quotidien. Ainsi, à leur mort, il leur est interdit de se faire enterrer (cela souille la terre), incinérer (cela souille le feu) ou encore jeter dans la mer (cela souille l'eau). Les seuls moyens de se débarrasser d'une carcasse sont de la laisser à la merci du temps ou des vautours soit sur la pierre, soit en haut d'une "tour du silence". Les rois méritaient une sépulture plus digne, c'est pourquoi ils se faisaient creuser des tombeaux directement dans la pierre, à des hauteurs impressionnantes. Le site de Naqsh-e-Rostam compte quatre tombeaux creusés à flanc de falaise, ainsi que de nombreux bas-reliefs gravés à même la montagne, et qui avaient pour but de décorer ce lieu de recueillement. La plupart des bas-reliefs représentent des faits historiques et grandes victoires des rois achéménides et sassanides.

En face des tombeaux, se trouve un bâtiment de forme rectangulaire, dont la nature fait débat : il s'agirait d'un temple zoroastrien, probablement voué au culte du feu.

Naqsh-e-Rostam 
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  • 11h30 : décollage pour Téhéran. Nous préférons faire le trajet en avion, plus court et plus sûr que le bus.
  • 16h : Fahrad nous emmène faire des courses, et nous cuisinons des plats français pour nos hôtes (ratatouille et mousse au chocolat). Nous profitons de ce temps passé en cuisine pour poser des questions à Monireh et Fahrad sur les spécialités iraniennes. Monireh nous met à contribution pour la découpe du sangak !

Le riz

Le riz, c’est la base de l’alimentation iranienne. On se demandait comment un pays aussi sec pouvait bien en produire sans l’importer, et nous avons eu la réponse lors de notre voyage dans la région de Pars, où nous avons longé des rizières au beau milieu d’une zone aride !

On le cuisine sous différentes formes :


- Le chelo : riz blanc, servi nature.

- Le polo: riz blanc agrémenté de légumes secs, herbes, ou viande. Monireh nous en a préparé une version aux fèves et à l’estragon.

- Le riz croustillant: cuit dans le fond d’une grande gamelle, il est ensuite servi sous forme de gâteau qui est coupé à la pelle à tarte ! C'est en général comme cela que l'on sert le chelo de la veille.

Différents riz cuisinés 
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  • 21h : Mandana et Afshin nous emmènent en voiture en haut du Bam-e Tehran, un promontoire situé sur la montagne qui borde Téhéran au nord. De là, la vue est imprenable sur la ville, qui nous semble encore plus immense. Nous nous promenons longtemps le long du belvédère, une fête foraine y est installée, ainsi qu'une scène où défilent des humoristes.
Vue sur la ville depuis le belvédère de Bam-e Tehran 
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  • Matinée tranquille, puis nous déjeunons avec Mandana et Afshin.
  • Nous prenons le métro pour aller visiter le Palais du Golestan, qui se trouve en centre-ville, près du grand bazar que nous avons visité le premier jour. Le palais se trouve dans la citadelle Arg-e-Soltanati, qui a été construite sous la dynastie des savafides, au 16è siècle. Le palais du Golestan a été rénové au 19è siècle, et a servi de salle de réception pour la famille des derniers Shahs. Le bâtiment étant ancien et composé de matériaux précieux et fragiles, nous devons porter des couvre-chaussures, ce qui parachève notre style raté, vu que nous sommes toujours incapables de porter correctement le foulard, même après 2 semaines.
  • La plupart des salles que nous visitons sont tapissées de miroirs, ce qui est un peu gênant pour nous mais qui doit être plutôt agréable lorsqu'on est aussi imbu de soi-même qu'un monarque. Nous croisons une touriste française qui nous dit : "A l'époque, le selfie n'existait pas mais ils s'aimaient quand même !".
  • Nous voyons également dans le complexe des édifices appelés Badguirs ("attrape-vent"). Il s'agit d'un ingénieux système de ventilation : les tours sont percées de fentes verticales dans lesquels le vent s'engouffre à grande vitesse, il passe ensuite dans des tuyaux qui aboutissent dans une salle en sous-sol, où se trouve également un bassin, permettant ainsi de la rafraîchir.
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  • Nous profitons de cette journée calme pour aller rendre visite à Afshin et Mandana chez eux. Etant tous les deux professeurs de musique, ils nous font des démonstrations, notamment Afshin qui est un vrai virtuose au santoor (alors qu'il est professeur de piano).
  • Le soir, nous nous rendons dans la rue Tir, où se trouvent de nombreux food-trucks et autres restaurateurs ambulants, avec Mandana, Afshin, Monireh et Fahrad. Nous goûtons les falafels iraniens et profitons de l'ambiance de la ville, beaucoup plus animée une fois le soleil couché et la température redescendue.