Cap-Vert / Espagne / Guadeloupe / Guatemala / Îles Vierges britanniques / Jamaïque / Maroc / Martinique / Portugal / République Dominicaine / Saint-Vincent-et-les Grenadines

Vogue Daffy!

Août 2017
1000 jours
2
1
août
Dans le golfe du Morbhian - Mouillage de KERNERS - 1er Juillet 2017
Sur la Rance - Port de la Vicomté sur Rance - 15 Aout 2015

DAFFY est un voilier robuste en aluminium. Dériveur intégral de la série des DAZIBAO de l'architecte Jean-François ANDRE bien connu pour ses bateaux de voyage.

Notre moyen de transport, qui est également notre maison, mesure 9,15 m de long sur 3,38 de large. C'est un des plus petits modèles réalisé avec ce mode de construction increvable. Le choix de cette longueur a été dicté pour sa simplicité de manœuvrabilité et pour le très bon rapport coût d'entretien / sécurité / confort.

En chantier - 01 Avril 2016 

A peine 4 ans plus vieux que nous, il peut se faufiler dans bien plus d'endroits que d'autres bateaux de croisière que l'on croisera. Son faible tirant d'eau (60 cm dérive relevée) permet de s'approcher au plus près des cotes pour trouver les meilleurs abris en cas de mauvais temps et son fond plat nous permet de nous poser sur les plages de façon stable pour pouvoir contrôler et éventuellement faire des retouches sous la flottaison le temps d'une marée. Nous le qualifions souvent de 4x4 des mers, idéal pour notre programme bien qu'il ne soit pas une flèche...

Sur la Loire - Ponton des chantiers de l'Esclain - 22 Juin 2017 

Ci joint l'adresse du site de Jean François ANDRE : http://www.jfandre.com/

1
août
Avant travaux 
• • •

Suite à quelques navigations autour de la Bretagne il nous a paru évident de s'approprier notre bateau en lui faisant une nouvelle beauté. De plus, les navigations des deux anciens propriétaires étaient uniquement au week-end, l'optimisation de l'espace de rangement n'était donc pas nécessaire à l'époque.

Nous avons donc entamé quasiment 1 an (8 mois uniquement soir et week-end ou congés et 2 mois à temps plein) de travaux touchant à tous les éléments de DAFFY, à sec, au chantier de l'Esclain de Nantes. Reparti de la coque nue en Mai 2016 c'est en Juin 2017 qu'elle replonge dans l'eau bien équipée cette fois.


Au programme :

  • Inspection de l'ensemble de la coque par l'intérieur
  • Ouverture d'un coffre sur bâbord arrière
  • Ouverture d'une baille à mouillage sur la pointe avant
  • Isolation complète en Panneaux de mousse PU / Panneaux de Liège / Mousse PU projetée
  • Création de la plateforme escamotable arrière et coffre pour bouteille de gaz
  • Réfection de tout les vaigrages et aménagements intérieurs
  • Circuits pour les fluides (Electricité - Eau - Gaz)
  • Equipements (Chauffage - Toilettes - etc...)
  • Installation d'une production électrique par panneaux solaires
  • Fabrication d'un réservoir d'eau douce sous le lit breton
  • Electronique de navigation
  • Entretien complet du moteur
  • Réfection des câblages électriques du mât
  • Changement du grément dormant
  • Retouches des voiles par un voilier
  • Nettoyage et ajustements du grément courant
  • Renfort et création d'un portique arrière
  • Préparation de l'annexe
• • •
En travaux 
Au quotidien 

Nous savons bien que nous aurions pu en faire encore davantage mais nous nous réservons encore un peu pour le voyage. Ça nous occupera au mouillage. Il nous semble que nous sommes prêts et que les éléments vitaux (ou de sécurité) sont à poste pour notre départ prévu début Août 2017.

5
août

C’est le grand départ de France, vers l’Espagne ! Nous partons de Lorient (suite à un très bon we entre copains à Noirmoutier donc gonflés à bloc), escortés jusqu’au nord de Groix par Tunoulé (Alain et Pascale à sa barre) qu’on remercie encore ! Bientôt, on ne voit plus la terre, bientôt les quarts vont se mettre en place ; c’est une première pour nous de naviguer à deux sur plusieurs jours sans escale.

• • •

Bilan des courses :

350 milles nautiques

4 jours et 3 nuits

4,38 nœuds en moyenne (peut mieux faire...)

3 vomitos (et bim ! 3-0 pour Manon !)

0 douche

1 aller-retour en tête de mât (pas pour la vue)

500 gr de riz mangé (sur 100 kg embarqués c'est déjà ça)

X dauphins et 3 baleines (de loin)

3 sacs plastiques péchés / 0 poisson (peut mieux faire...)

Entre autres…

• • •

Jour 1 : On prend nos marques. 24h au près pour gagner de l’ouest (c’est l’allure la plus désagréable pour un voilier, on essaie de remonter au vent, ça gite et ça tape sur les vagues !)

Hector a aussi droit à ses sorties en mer 


Jour 2 : Le vent nous lâche, le moteur prend la relève, la mer est calme. En prime, impossible d’affaler la petite voile d’avant (le solent qui nous sert pour le près - différent du génois sur enrouleur que nous avons aussi), la poulie en tête de mât doit coincer la drisse ; il faut monter voir ce qu’il s’y passe…Arnaud s’y colle dès le réveil : ce n’est pas une mince affaire, même sur une mer calme, le mât joue au balancier. Au final, la drisse était piégée dans la poulie de telle façon qu'elle a dû être coupée pour laisser partir la voile. La poulie est définitivement hors d’usage, il faudra en retrouver une à l'escale. Le reste de la journée se déroule sans encombre.

Les restes de notre poulie 


Jour 3 : Journée festive ! On déploie le spi dans le très peu d'air que l'on a (on éteint enfin le moteur) ! C’est une première, il tient bon, le pilote électrique aussi, pas besoin de barrer ! Puis on sort les casseroles et les légumes, les planches à découper, les aromates ! La gastronomie à bord monte d’un cran ! Pendant ce temps-là, les dauphins ouvrent le bal et c’est un vrai festival sur la mer, les baleines s’offrent le final avec quelques jets puissants, montrant à peine leur dos. Cependant, en attendant, on ne pêche toujours rien…

Sous spi 
Gascogne 

Jour 4 : Terre en vue ! Ça sent bon l’arrivée… patience, on suit la côte de la Galice qu’on découvre belle et l’ancre touchera terre 10h plus tard dans une crique en face du petit village d’Ares.

Au mouillage à Ares 
9
août

Ça y est on a fait notre première pêche ! Pas vraiment ce qu'on en attendait mais il y a à manger pour deux sur cette bête là...

Finalement, Manon, prise de remords, lui rend sa liberté. Vole petit goéland !!

L'envol du goéland 
14
août
14
août

Navigation usante dans un brouillard épais. Visibilité réduite à 300m tout au plus. On ne peut pas lacher la veille une seule minute. Heureusement pour nous, pas de cargos à l'horizon, du moins c'est ce qu'on croit...

22
août
Portugal 

Le pavillon portugais est hissé sur Tribord ! On avance sur notre route.

L'escale de Nazaré est une escale forcée par la météo. Non pas que le vent ou la mer fussent méchants non, c'est le brouillard qui refait des siennes. Pire que la navigation précédente, cette fois c'est à la tombée de la nuit que cet épais nuage nous tombe lui aussi dessus. Visibilité 30m dans les pires moments. Nous sommes obligés de signaler notre position à la VHF pour nous assurer que les autres bateaux (surtout les nombreux cargos de la zone) naviguant dans notre secteur soient au courant de notre présence. Pour certains qui se posent la question (et d'autres qui nous ont pourtant conseillé à maintes reprises de le prendre), nous n'avons pas d'AIS à bord, donc pas de moyen très efficace de faire savoir nos intentions ou de connaitre celles des autres occupants de la zone, on trouve donc d'autres astuces comme on peut.

Une fois à l'escale, le lendemain, l'ancre crochée dans le sable de la plage de Nazaré, c'est la houle qui s'en mêle rentrant de plus en plus fort sur notre mouillage et s'écrasant littéralement sur la plage d'en face. Solange, la mère de Manon, a eu la bonne idée de nous envoyer un message expliquant que Nazaré est rentrée dans l'histoire du surf pour la hauteur de ses vagues monstrueuses. Au passage, on vous invite à aller voir ce site très didactique sur la formation de ces monstres à Nazaré : Lien.

La nuit sera encore un peu longue...

24
août
24
août

Une navigation de 70 milles nous attend aujourd'hui pour rejoindre Cascais, puis Lisbonne au départ de Nazaré. Encore une navigation avec un temps très changeant. Des pétoles au moteur pour ne pas trop tarder la nuit si possible, des heures sous spi, de l'humidité dans l'air et des poussées de vent ou l'on navigue sous voilure réduite (2 ris sur la GV et quelques tours dans le génois). Un condensé d'émotions en une journée. Au niveau émotion justement, nous serons servis en notant une pointe à 9 noeuds en passant les "Cabo da Roca" et "Cabo Raso". Une performance qui ne nous arrivera pas tous les jours, vous l'aurez compris.

Au passage, une petite photo de pécheurs en face de Peniche (comme la péniche oui).

 Corcel das ondas - Peniche

Enfin, après une nuit à Cascais où, dès notre arrivée un concert de Fado se fait entendre depuis la citadelle (nous sommes bien au Portugal), nous naviguons sur le Tage. La tour de Belem est dépassée, la réplique du Corcovado également, le pont du 25 avril franchi, la place du commerce de Lisbonne est en vue. Nous finirons finalement au calme dans la baie de Seixal toujours sur notre ancre.

Mouillage de Cascais 
Lisbonne depuis le Tage 
Un aperçu de la belle Lisboa en quelques photos 
Ancien moulin à marée de Seixal (Lisbonne en arrière plan) vu de notre mouillage 
29
août

Petit intermède familial et viticole sur la terre ferme

• • •

L’idée est partie de pas grand-chose : "et si on allait faire les vendanges cette année ?!". On a le temps, on n’est pas (si) loin, c’est l’occasion de revoir la famille et les copains du coin, et c’est surtout l’occasion pour Manon d’en savoir un peu plus que "les vendanges c’est couper du raisin". Cette année les vendanges sont arrivées très tôt, et deux jours après notre arrivée à Seixal, la mère d’Arnaud nous annonce la date. On commence mardi 29 août à 8h précises ! Ce qui nous laisse peu de temps pour laisser le bateau et le piaf entre de bonnes mains pour dix jours. Chose faite, nous atterrissons le 28 au soir chez les parents d’Arnaud.

Le lendemain, nous retrouvons toute l’équipe de vendangeurs au café. La famille est au complet, quelques pièces rapportées, des cousins, et seulement deux vendangeurs du coin. La première journée sera caniculaire. Il paraîtrait qu'en champagne quand deux chats s’enc..lent, c’est la canicule, allez savoir... On en profite même pour confirmer un autre célèbre dicton (qui s’est par ailleurs déjà confirmé sur la mer), soleil au zénith, coup de soleil…sur la truffe !

Belle chemise 

Dans les vignes c'est chacun son rang, dans le sens de la montée (notre dos nous en sera – un peu – reconnaissant), les seaux se remplissent, se vident dans des caisses trouées, elles-mêmes chargées sur la chenillette (petite machine qui permet de se faufiler dans les rayons avec les caisses) puis ramenées jusqu’au camion. A 90 caisses environs, soit 4 tonnes, le pressoir peut être chargé. Les caisses sont alors posées sur un ascenseur, puis versées automatiquement dans le pressoir.

Chargement du pressoir 

Une particularité du champagne rosé de Brigitte est qu'il est réalisé par macération. En d'autres termes, c'est la peau du raisin noir qui donnera cette couleur au vin, en plus de ce goût plus fruité, en restant en contact avec le jus pendant quelques jours. Techniquement impossible à faire avec le pressoir classique c'est donc au pied que l'on foulera le raisin. Cette année, comme l'année précédente, une petite cuvée sera réalisée de la même manière avec des chardonnay (raisin blanc), non pas pour la couleur mais pour le goût.

Foulage du chardonnay 

Les vendanges se révéleront dans l’ensemble très belles malgré le coup de gel de janvier, qui a surtout touché la quantité (particulièrement des raisins blancs) et non pas la qualité.

De retour au Portugal nous faisons une halte par Porto pour (re)visiter quelques caves de ce vin homonyme. Il s'avère qu'il y a également une macération pour le Porto. A la question "est il encore pressé au pied ?" on nous répondra par la négative, "c'est très peu hygiénique et moins écologique". On cherche encore pourquoi...

13
sept

Sines, que l'on prononce "Sintche", devait être pour nous une simple escale "abri" en attendant une mer un peu plus calme pour pouvoir passer le cap Saint Vincent nous ouvrant les portes du sud du Portugal. Elle s'est finalement révélée assez sympathique. Une petite baie, très abritée de la mer et du vent, bordée d'une plage ratissée tous les matins, où cohabitent pécheurs sur la partie ouest et plaisanciers sur la partie est. Une église et des remparts surplombent cette plage nommée Vasco de Gama en l'honneur de l'homme né précisément ici. Il veille encore la mer du haut de sa colline.

Sines 
18
sept

La descente jusqu’au cap Saint Vincent a été encore trop tranquille car au moteur. En même temps que la côte ouest du Portugal s’efface, une autre se découvre, l’Algarve est devant l'étrave de DAFFY. Nous poussons jusqu’à Alvor et entrons de nuit dans le rio du même nom, nous guidant des scintillements verts et rouges. Des bateaux sont mouillés dans l'entrée à cause de leur tirant d'eau ne leur permettant pas de s’aventurer plus loin. De notre côté, nous remontons la dérive et sortons des sentiers balisés pour aller poser l’ancre dans moins d'un mètre d'eau. Au matin, nous découvrons un paysage sublime mêlant eau et sable sur un arrière plan de montagnes. Les oiseaux sont nos principaux voisins. C’est beau et très tranquille, on s’y sent bien.

Cabo Sao Vicente 

Nous ressortons en annexe de notre petite bulle pour nous jeter dans la jungle des touristes qui sont aussi venus voir les plages alentours. Il parait qu'elles font partie des plus belles plages du monde. En effet, la côte, de la pointe de la pitié (ponta da Piedade) à la plage des étudiants (praia dos estudiantes), prolongeant la ville de Lagos, est extraordinaire. Elle est déchiquetée et prend toutes les couleurs possibles dans une palette allant du rouge au jaune-beige. La mer a creusé des grottes, a dessiné quelques plages où s’entassent malheureusement les promeneurs faute de place. De gros rochers se dressent, isolés, sur la mer. Nous slalomons à la fois entre ces rochers et la côte, à la fois, entre bateaux de pêcheurs transportant les touristes ou encore canoës. Non contents de pouvoir profiter du paysage hallucinant en solos sur notre propre petit bateau, nous ne nous risquons pas à entrer dans les grottes de peur qu’un des boudins de l’annexe y laisse sa flottabilité…

Vues des plages de Lagos 

Au retour, nous faisons un détour par Lagos pour voir un peu de la ville, et commencer à découvrir l’architecture du sud du Portugal, ainsi que la marina qui abrite d’énormes bateaux. Un salon de jardin entier a même trouvé sa place sur l’un d’eux ; nous figurons réellement, avec DAFFY, dans la catégorie des tout petits… Nous retournons au bateau, et, plus tard dans la journée, nous enfonçons dans la lagune en direction d'Alvor. L’arrivée par le port est très jolie, et nous nous limiterons à la vieille ville, plus typique. Nous repartons, notre soif étanchée, et muni d’un nouveau dicton : « Si vous êtes venus boire pour oublier, merci de payer avant ».

21
sept
21
sept

La prochaine étape de notre voyage fut Faro. L’entrée dans l'immense baie se fait avec la marée montante où nous rencontrons un courant de quelques 4 nœuds qui nous porte vers l’intérieur. Nous faisons route dans un dédale de lagunes, jusqu’aux portes de la ville. Nous sommes un peu déçus par celle-ci, l’environnement n’est pas commun et mérite le détour mais la ville ne nous charme pas tant que ça avec ses grands buildings qui écrase son cœur historique.

Au mouillage devant Faro 
Faro 

Nous réussissons néanmoins, à l’initiative du capitaine (Arnaud), à nous faufiler dans un petit mouillage, en jouant avec nos différentes ancres, et le bateau se pose dans les herbes hautes à marée basse. Nous n’avons peut-être pas de salon de jardin à bord mais vue sur un jardin « privé » avec cette végétation qui nous entoure. Nous n’allons néanmoins pas nous y promener, sauf à vouloir s’envaser. Les oiseaux sont toujours là, hérons et aigrettes surtout. D'autres compagnons à ailes passent au dessus du bateau, au rythme incessant d'un par dix minutes hormis la nuit. C'est un peu pesant à la longue, sans doute ce qui nous motivera à aller plus loin.

Notre jardin "privé" 
Tranquillité garantie...!

Nous décidons d’aller de l’autre côté de la baie, vers Olhão dans le but de trouver plus de sable que de vase. Nous mouillons un peu loin de la ville, en face de l’île de Culatra pour être plus tranquilles. Nous choisissons un endroit où nous nous posons à chaque marée basse sur le sable blanc d'une île déserte. Seuls au monde, comme des naufragés volontaires avec, cependant, la visite de quelques oiseaux dont des cigognes. Un rythme s’installe, l’eau se retire, puis revient, puis se retire… nous en profitons pour aller gratter la coque et limiter l’avancée des envahisseurs (algues, coques, berniques) qui colonisent franchement le bateau, faisons un peu de pêche à pied à l'occasion. On se baigne, un peu, c’est toujours aussi froid !

On est bien 
 Visite du matin

Olhão s’avère plus sympa que Faro, avec ses rues blanches ou pavées d'Azulejos et son grand marché séparé en deux halles, l’une pour les légumes/fruits, la viande et le fromage, l’autre entièrement dédié au poisson et il y a de quoi !

Nous faisons la connaissance d'Eduarda et Manuel, les parents de Sofia, la belle-sœur de Manon, qui habitent Moncarapacho, à 8 kilomètres d’Olhão, à l’intérieur des terres. Ils nous embarquent chez eux et nous sommes ravis de pouvoir nous éloigner un peu de la côte, de nous enfoncer un peu dans l’Algarve pour voir les orangers, amandiers, citronniers, bananiers, grenadiers, figuiers et autres oliviers qui poussent et donnent des fruits à profusion. Que de bons moments passés en leur compagnie, une hospitalité sans précédent.

Comme le réclamait Manon depuis notre départ, sans pour l'instant avoir trouvé la bonne occasion, le dernier aperçu du Portugal se fera devant un concert de Fado à l'auditorium d'Olhão en compagnie d'Eduarda et Manuel.

Les hauteurs de Moncarapacho 
• • •

L’Algarve, du cap Saint-Vincent au Moncarapacho. Ces belles étapes clôturent notre séjour au Portugal, elles nous auront emmenés de dépaysements en rencontres. Nous sommes gonflés à bloc pour aller plus au sud. Départ prévu pour dimanche 1er octobre.

5
oct

La route plus traditionnelle empruntée par les voyageurs au long cours nous aurait amenés tout droit du Portugal aux îles Canaries mais nous avons décidé de faire une courte escale au Maroc avant cela pour quelques raisons simples. Premièrement, une escale de plus coupe la traversée en deux, on ne dira sans doute jamais non à ça. Deuxièmement, Arnaud a déjà mis les pieds au Maroc en ayant gardé un très bon souvenir. Et puis finalement, on peut d'ores et déjà dire que DAFFY a mouillé sa carène sur un autre continent, et pas n'importe lequel ! L'Afrique !!

Pavillon Marocain hissé ! 

Il nous aura fallu trois jours et demi pour arriver à notre destination depuis notre dernière étape Portugaise. Trois jours et demi qui se sont révélés encore plein de surprises. La plus grosse d'entre elles fut qu'enfin, notre ligne de traîne s'est révélée utile. Et oui, après tant d'efforts, d'abnégation, de remises en question, de colère et parfois même de désespoir nous remontons un poisson à bord ! Un énorme maquereau de quelques 30 cm passera entre les mains sans pitié de Manon. Il était tellement gros que l'on ne le trouvera même plus dans la casserole une fois cuisiné, c'est dire...

Trêve de plaisanterie, Arnaud va vraiment finir par déprimer s'il ne remonte pas plus costaud. Le thon en boite devient lassant.

Notre première prise 

Du point de vue navigation nous avons encore dû utiliser bien trop le moteur selon nous. Presque deux jours de ronron incessant nous poussant à une vitesse qui fait chuter notre moyenne alors que cette fois, la navigation à voile nous a bien portés. Un peu plus de 6 nœuds en moyenne le deuxième jour grâce à un vent établi entre 25 et 30 nœuds venant tout droit du détroit de Gibraltar. Le seul bémol de cette journée sous voile est l'état de la mer avec une houle croisée qui nous secoue tous les deux (heureusement, Hector, le perroquet, est là pour veiller). On apprend beaucoup de nos erreurs et celle-ci, on évitera de la faire de nouveau. Je m'explique : nous sommes restés 10 jours en "terriens" avant de reprendre la mer pour une navigation de plus de 300 Milles. Nous partons donc non-amarinés, somme toutes dans des conditions que l'on savait, grâce à la météo, relativement sportives. Résultat des courses : Manon -> 6 ; Arnaud -> 2. Beau score... La prochaine fois, on naviguera une petite journée avant une traversée pour nous remettre dans le bain.

Nous ne verrons quasiment pas les côtes Africaines tellement la brume au dessus de la terre est épaisse. Plus nous approchons de notre destination, plus notre champ de vision s'amoindrit. Nous faisons une nouvelle fois route sans voir plus loin que notre étrave pendant environ 6h pour nous mettre finalement à l'abri dans la baie d'Essaouira à 1h du matin.

Essaouira n'est pas connue comme la ville la plus typique du Maroc car de nombreux touristes y ont leurs habitudes et pourtant c'est un vrai dépaysement. Une effervescence sans pareil sur le port dédié uniquement à la pèche, des couleurs chaudes aux murs, sur les vêtements ou les étals, des odeurs parfois intimidantes allant du dromadaire au poisson écrasé au sol en passant par un mélange d'épices de cuisines alentours ou d'odeur de bois fraîchement travaillé. Les sons sont également de la partie avec un brouhaha incessant si ce n'est à l'heure de l'appel à la prière qui résonne elle aussi sur les remparts de la médina.

Médina d'Essaouira 
Plage d'Essaouira 

Nous faisons une halte chez Hakim qui nous offre volontiers le thé dans sa petite boutique. Lors de la première venue d'Arnaud à Essaouira il y a 5 ans, Hakim avait déjà été d'une extrême gentillesse. Il nous informe sur les bons plans du secteur ou les vrais prix des services ou marchandises ici. Etant cuisinier le soir il sait de quoi il parle lorsqu'il parle d'épices. Et c'est notamment grâce à lui que nous avons découvert un marché berbère à une petite demie heure de route dans les hauteurs de la ville. Il nous renseigne également sur les hammams de la médina. Ces mêmes qui ignorent ce que publicité veut dire et dont la porte d'entrée ne laisse rien deviner. On s'empressera d'aller les fréquenter pour notre plus grand plaisir.

Voici l'adresse d'Hakim que l'on vous conseille d'aller voir si vous voyagez dans les parages : 26 Rue Annasar 44000 ESSAOUIRA

Barques de pêcheurs
Pêche aux requins 

Pour nos amis marins qui arriveront également par la mer, soyez rassurés pour votre matériel amarré dans l'enceinte du port. Bismilah, le gardien des lieux, veille, de jour comme de nuit, sur le petit ponton réservé à la plaisance. Il nous permet d'en apprendre un peu plus sur le port et son fonctionnement ou la pêche qui se pratique ici. Notamment celle du requin. C'est facile : vous prenez deux ou trois courageux, une barque, trois jours, cinq cent hameçons répartis tous les 20m sur une ligne, des sardines en guise d’appâts et c'est parti pour remplir 3 caisses et demi de requins ! Au bas mot 25 bêtes de différentes espèces, selon lui, tout est bon à prendre du moment que ça se vend.

Bismilah 
12
oct
12
oct
Graciosa Island

Graciosa - 1810 Milles

Terre en vue !

La première nuit de notre escale aux Canaries n’apporte pas vraiment le repos espéré après une traversée. Nous sommes réveillés à 2h du matin par des rafales assourdissantes. L’archipel des Canaries est connu pour ses vents stables venant du Nord-Nord-Est quasiment toute l’année. Ironie du sort les rafales viennent du Sud-Sud-Est. Le vent est très chaud (35°C au bas mot), très sec (occasion de bien sécher l’intérieur du bateau), limite suffocant et chargé de poussière. Directement arrivé du Sahara. Quelques 5h plus tard, le mouillage de la baie del Salado, où nous sommes, commence a vraiment être agité, le bateau monte et tape sur les vagues formées par la puissance du vent. N’ayant pas d’informations très précises sur notre NAVTEX (météo du bord) on décide d’appeler Gus, le frère d’Arnaud, à la rescousse. Le lien est rapidement fait avec Ophelia, l’ouragan né entre les Açores et Madère. Ça dérègle jusque loin ces bêtes-là. L’idée de changer de mouillage pour aller de l’autre côté de la baie, à l’abri de Lanzarote, est partagée par nos voisins de mouillage, Manon ayant chaussé ses palmes pour aller discuter avec eux. Ainsi TIMBUKTU, dont nous ne connaîtrons jamais la nationalité, SEPTEMBER, des suisses déjà rencontrés à Essaouira, et DAFFY se retrouveront le long de la playa del risco. Le contraste est sidérant. Le vent continue de souffler mais la mer est calme, en d’autres termes, un soulagement. D’ici nous voyons mieux le relief impressionnant de Lanzarote. C’est sombre, aride mais grandiose.

Côte nord ouest de Lanzarote 
Playa del Risco 

Une petite vie de Robinson se met en place. On profite de la plage, de l’eau claire et plus chaude qu’au Portugal (24°C), des ballades sur la terre ferme. On en profite aussi pour nettoyer l’annexe qui a encore cette odeur de poisson qui lui colle aux boudins, derniers stigmates du Maroc. Les fonds ne sont pas surchargés de vie marine mais on voit néanmoins quelques beaux spécimens, poissons perroquets, ophiures, oursins, etc… On profite de ce temps libre pour de nouvelles expériences. Manon a droit à sa session de WakeBoard avec la planche de kite tirée par l’annexe ; Arnaud a droit à son baptême de plongée (Manon en encadrante) sous le bateau.

Wake Manon 

Le dimanche on décide d’aller sur la plage pour une petite rando. On a sous-estimé la houle qui commence à rentrer dans le mouillage. En arrivant sur la plage, l’annexe part en surf sur une dizaine de mètres, de quoi la remplir totalement d’eau, immergeant chaussures et appareil photo. La housse de l’appareil l’ayant bien protégé de la noyade, pas de dégâts à déclarer. Cette même houle arrivant de l’ouest commence à menacer le bateau, il est temps de retourner sur le mouillage de la Graciosa. On va enfin pouvoir mettre le pied sur cette petite île.

Quoi de mieux qu’une balade à vélo pour la découvrir ? C’est parti pour une trentaine de kilomètres sur pistes sableuses ou caillouteuses, nous emmenant de plages en plages, à la découverte des deux petits villages de l’île ou au somment d’un ancien volcan. Petite île, grand dépaysement.

La Graciosa 
On a pédalé sur la lune 
18
oct
18
oct
Navigation au nord de Lanzarote 

Une petite navigation tranquille d’une demi-journée le long des côtes nord de Lanzarote nous amène dans la baie d’Arrecife, capitale de cette île. Nous mettons notre ancre au repos pour cette escale et nous nous amarrons, après vérifications, à l’un des quelques corps-morts (blocs de béton) qui parsèment le mouillage. Ce n'est pas payant car personne ne gère ces mouillages, ça nous va bien. Nous avons vue sur la ville et plus particulièrement sur le château de San Gabriel ainsi que le Real Club Nautico où nous viendrons régulièrement amarrer notre annexe.

Avant même d’avoir bien parcouru la ville, nous louons une voiture à l'aéroport pour trois jours de visites bien terriennes. Le site de location annonçait une fiat panda, nous hériterons d’une fiat 500 nous programmons quand même d’y dormir dedans le soir-même… Arnaud pilote et Manon co-pilote, la carte entre les mains. Notre premier stop s’appelle Téguise. Jolie petite bourgade dont le centre piéton mérite qu’on s’y perde un peu. Il en est de même pour ses nombreuses boutiques d’artisanat réellement prenantes. Les murs blancs des maisons contrastent avec les portes et les fenêtres en bois sombre.

Téguise 

Nous reprenons la route, direction "El Mirador del Rio". Notre précédent post sur la Graciosa parlait de notre mouillage au pied des falaises au nord de Lanzarote. Le site vers lequel nous nous dirigeons surplombe ce mouillage. N’ayant pas eu le temps d’y monter à pied lors de notre stop à la Graciosa, c’est l’occasion. "El Mirador del Rio" fait partie d’une série de sites touristiques très bien intégrés au paysage de l’île grâce à un architecte et artiste César MANRIQUE. Il est né à Arrecife et a donné sa vie professionnelle au développement du tourisme de son île. On retrouve partout son nom.

Mirador del rio 

Arrivés au mirador, nous pénétrons dans une grande salle toute vitrée qui semble suspendue dans l’air à quelques 400 mètres au dessus de l'eau. Un balcon extérieur serpente autour de cette salle et offre un panorama spectaculaire sur l’archipel Chinijo dont la Graciosa fait partie.

Playa del Risco 
Route des crêtes du Mirador

Après avoir eu la tête dans les nuages, les deux sites suivants nous ramènent à la terre ferme : los "Jameos del Agua" et la "Cueva de los Verdes". Ils font tous deux partie d’une ancienne coulée de lave longue d’une vingtaine de kilomètres, à la fois sous terre et sous l’eau de l'atlantique.

Los "Jameos del Agua" correspond à une portion de la galerie dont le toit s’est effondré à certains endroits et qui s’est remplie d’eau douce. Une espèce unique et protégée y a élu domicile : un crabe/langouste albinos. L’endroit possède aussi son auditorium niché dans la partie amont de la coulée de lave et dont la voûte naturelle a dû être consolidée pour l'accueil du public au moyen de techniques très poussées d'injections de polymères dans la structure. Le défi a été de réaliser ces renforcements sans dénaturer le lieu bien entendu. Pari réussi, c'est très chouette !

La "Cueva de los Verdes" sera peut-être le site le plus inédit de la journée puisqu’il nous emmène dans les entrailles de la terre. Cette fois, nous sommes accompagnés par une guide sur près d’un kilomètre sous terre. Nous marchons littéralement à l’intérieur de la coulée de lave qui s'est solidifiée sur l'extérieur laissant s'écouler la lave en fusion à l'intérieur. On imagine encore les dernières gouttes de lave dans ce tunnel car les parois au dessus de nos têtes sont ornées de milliers de "stalactites". Petite anecdote que l'on apprendra durant la visite : les lieux que l'on visite ont servi de cachettes aux habitants de l’île durant les attaques de pirates venus de la côte africaine voisine. Arrivés près de la sortie, où nos yeux habitués à l'obscurité nous brûleront, une figure hideuse imprimée dans la roche nous regarde passer, le monstre de la grotte parait-il.

Los jameos del agua - Cueva de los verdes 

Nous revenons le soir même dans la grotte puisqu’un concert y est prévu : "Landscape Project". A l’image de la coulée volcanique, lisse puis rugueuse, la musique alternera des moments lyriques au piano, violoncelle, guitare électrique et voix, avec des moments incompréhensibles dont le résultat le plus démonstratif sera l’état de l’archer du violoncelliste : ébouriffé et hirsute. On reste clairement perplexe mais l’endroit et l’acoustique valaient le détour.

Après une nuit étonnement bonne dans notre pot de yaourt nommé fiat 500, nous visitons la région centre de l’île et ses "bodegas" ou vignobles. Ici les vignes ne sont pas en rayons mais éclatées en de nombreux îlots creusés, protégés par de petits murets de pierre. Ils parviennent ainsi à récupérer le maximum d'eau de rosée et limitent les effets du vent. On remarque quand même ici et là quelques plants en ligne, mais toujours protégés par un mur. La course au meilleur rendement dictant encore sa loi sur les paysages. Il reste quelques grappes sur certains plants, on goûte, c’est très sucré et plutôt bon malgré le stade avancé de la maturation. Nous ne visiterons qu’une cave, "El Grifo", une des plus anciennes maisons a priori très fréquentée de l'artiste MANRIQUE. Après une visite du musée que les propriétaires ont mis en place dans leurs locaux, place à la dégustation. Nous goûterons six vins du plus sec au plus liquoreux. Mentions spéciales pour les "Malvasia semidulce collecion" et "Moscatel de Ana". Nous reprenons joyeusement la route et rentrons au bateau pour la nuit.

Paysages viticoles de l'île 

Le lendemain, le parc de Timanfaya, la vallée des volcans, nous attend. Avant de pénétrer dans le parc nous passons par "Los Hervideros", des grottes creusées par la mer dans d'anciennes coulées de lave et par le village d'El Golfo et sa lagune verte très intrigante. Ce vert serait du à des algues en suspension et au taux de salinité de l'eau plus élevé qu'en mer morte. Des plages de galets ou sable noir où surfeurs s'en donnent à cœur joie bordent la plupart de ces côtes.

En vrac (Ne sachant pas quoi mettre comme légende...) 

Au milieu du parc le restaurant El Diablo accueille les visiteurs. Il a la particularité de cuire ses viandes et ses poissons sur le "feu de la terre", une source de chaleur gratuite et inépuisable. Le parc étant interdit à la circulation ou aux promenades autres, un car nous emmène à la découverte de ses volcans, coulées de lave et cratères pendant qu’une voix off fait le guide. C'est splendide. Nous revenons autour du restaurant et assistons encore à quelques manifestations de cette source de chaleur, que ce soit par un fagot de bois qui s’enflamme au seul contact avec la paroi d’un trou dans la terre ou les geysers d’eau chaude. Yannick NOAH qui assistait en même temps que nous à la visite, s’exclamera d’ailleurs que c’est fabuleux et plaisantera sur le fait que le guide a bien fait de lui dire de ne pas s’asseoir trop près du geyser devant les risques encourus par son postérieur…

Lagune verte d'El Golfo 

La suite de cette escale sera plus technique et manuelle. On ressort la machine à coudre, on dépose la grand-voile chez le voilier, on répare le radar qui ne marchait plus depuis notre départ, grattons la coque, achetons une deuxième batterie pour le moteur de plus en plus réticent à démarrer, complétons notre collection de bocaux, optimisons les rangements du bateau, etc, etc... On ne s'ennuie pas.

On profite de ces moments tranquilles au bateau pour aller voir nos voisins de mouillage. On fera entre autre la rencontre de Pierre et François à bord de MissRoukette et surtout Gérard à bord d'Anahita. Il y a de grandes chances qu'on recroise la route de Gérard sur nos prochaines étapes.

Une bonne adresse pour nos copains voileux : MSails tenu par Gonzalo. Un voilier très sympa, qui a très bien travaillé pour notre GV et qui a surtout respecté ses engagements de délais. Le prix nous parait très honnête pour le temps passé. -> MSails - 1 calle el Claudiano - Arrecife. Y passer avant 16h.

4
nov

On fera un petit détour rapide par le sud de Lanzarote. Nous voulions visiter le "Museo Atlantico", un musée sous-marin. Des statues en béton neutre ont été immergées entre 10 et 15 mètres de profondeur. Nous n'allons pas vous décrire ce que l'on s'attendait à voir mais plutôt vous renvoyer vers ce lien.

Nous sommes mouillés à côté du musée. Ne voulant pas payer le prix fort d’une plongée (comptez environ 150 euros à tous les deux), nous prenons l’annexe un dimanche et y allons munis de nos palmes, masques et tubas pour être les plus discrets possibles. Le matériel de plongée que l'on a à bord aurait fait un peu plus suspect si un éventuel gardien était venu nous déloger. N’étant pas très performants en apnée, nous aurons du mal à aller voir de près les œuvres, nous laissant frustrés à scruter depuis la surface. Nous verrons quand même les figures "Immortel", "Franchir le Rubicon" et "Le jardin hybride". Il nous semblera également reconnaître quelques barracudas au milieu de très gros bancs d'autres petits poissons ayant colonisés les lieux.

7
nov

Nous attaquons la seconde île, Fuerteventura, la plus proche de l’Afrique et du Sahara, aride et plus plate que ses congénères. Les eaux de Fuerteventura sont dites très poissonneuses. C'est notre chance !

Nous attendons que le vent se lève pour nous pousser vers le sud. Peu matinal ce jour-là il se décidera vers 11h. Branle-bas de combat, on hisse la voile d’avant. En effet, le vent s’étant décidé à bien souffler, le génois seul fera l’affaire et nous poussera gentiment sur une moyenne de 5,5 nœuds. Il fait bon reprendre la mer.

Quelques temps après le départ, Arnaud aperçoit un puis deux poissons volants ! Ils nous paraissent énormes et tout droits sortis d’un autre temps où les poissons pourraient voler au-dessus des vagues. Quelle drôle d'adaptation de la nature. Bref, qui dit poisson volant dit chasseurs à l’affût… la ligne ne se fait pas prier pour être déroulée. Puis c’est l’attente. Arnaud bondit d’un coup. Un aileron ! Il apparaît trois fois à 50m sur tribord. Très grand (1,5m estimé), fin (30cm), noir profond, nous ne saurons pas quelle est cette espèce. Un orque ?

Notre ligne est toujours molle… eaux poissonneuses… vraiment ? Arnaud se décide à aller vérifier de nouveau la tension un peu plus tard quand le soleil commence à être bien bas sur l’horizon, l’heure serait-elle propice ? Nous tenons quelque chose ! Le poisson se débat et refait surface de temps en temps provoquant de petites gerbes d’eau. Re-branle-bas de combat : le seau, l’épuisette, une planche, un couteau, l’alcool, et puis vite, il faut le remonter avant qu’il décroche. Pendant que Manon farfouille dans le coffre arrière, une ombre vient se poser sur son épaule et provoque un hurlement strident de sa part. Le pauvre petit moineau venu se réfugier, exténué, sur le bateau, est accueilli de façon un peu brutale. Il va se mettre à l’abri sous la capote alors qu’Arnaud ralentit un peu le bateau. Manon relève la ligne et bientôt nous voyons apparaître des couleurs un peu fluo, vert-bleu-jaune, sa crête se dressant fièrement ; c’est une daurade coryphène ! Arnaud exulte ! Deux kilos cinq environs qui nous feront trois repas.

Il est pas beau ... ce poisson ... ? 

Un peu plus tard, de nouveaux ailerons, plus petits mais dont la "démarche" nous fait penser à des requins, apparaissent à la surface. Auraient-ils été attirés par le sang de la tête de la daurade balancée à la mer quelques minutes plus tôt ? Arnaud se prend alors à rêver de pêcher un petit requin, toujours plus, toujours plus…

Cette fois, le soleil a bien disparu ainsi que notre petit moineau qui a dû aller se trouver un coin plus tranquille devant toute cette activité sur le bateau. Nous arriverons donc de nuit dans la petite baie de las Playitas. Nous sommes seuls au mouillage. Nous ressortons la pièce de daurade qui attendait sagement qu’on s’occupe d’elle et cuisinons la moitié au court-bouillon, l’autre au four. Du boulgour pour accompagner le premier morceau, des pâtes complètes pour l'autre. Ça nous fait un bon prétexte pour encore remercier Rémy et Mireille THIEULOY, tenants du Moulin du Mas de Daudet, qui nous régalent tous les jours avec pâtes, lentilles, pois-chiches (qui germent en ce moment même), boulgour et farines en tout genre nous servant à faire nos pains, naans, ou autres biscuits pour le petits déjeuner.

Naans 
8
nov
8
nov
Punta del Morro Jable

Morro Jable - 1920 Milles

Le lendemain matin, brassés par le clapot qui est rentré toute la nuit, nous levons le camp rapidos. Enfin nous essayons dans un premier temps. En effet l’ancre est bien prise et ne veut lâcher prise. Le bateau fait des à-coups en revenant à son ancre à chaque fois que les grosses rafales essayent de le repousser vers le large. Ça tape sur le matériel sans vouloir lâcher, ce n'est pas bon, si ça continue comme ça il y a bien quelque chose qui va céder. Arnaud remet un peu de chaîne pour libérer les contraintes et Manon plonge pour aller voir ce qu’il se passe. L’ancre est à moitié enfouie dans le sable, seule la pointe semble prise sous une petite roche plate. Nous la débloquerons et la remonterons à bord bien facilement finalement.

Tous les mouillages à l'est de Fuerteventura dans lesquels nous pensions nous abriter pour quelques jours se révèlent à l’image de celui que nous venons de quitter, rouleurs, houleux. Nous descendons donc jusqu’au sud de l’île et entrons dans le port de Morro Jable. Après avoir essayé d’appeler le port sans succès, que ce soit par VHF ou par téléphone, il semblerait qu’ici ce soit pour chacun, « demerden sie sich ». Nous nous mettons donc à couple d’un grand voilier dont le propriétaire semble être absent, dans le petit bassin à côté de la marina, qui semble appartenir au Real Clube Nautico.

Nous profiterons de ce moment au calme d'un port pour aller randonner dans les hauteurs du parc naturel de Jandia sur la presqu’île du même nom. L'endroit est désert et aride. Seules quelques chèvres errent dans le coin à la recherche des dernières branches des minuscules arbustes parsemés.

Presqu’île de Jandia 
19
nov

Après quelques nuits au calme dans le petit port de Morro Jable, il est temps maintenant de hisser les voiles, direction le Cap Vert. Cette traversée s’annonce la plus longue pour nous depuis notre départ, loin des terres pendant plus d'une semaine. Nous espérons arriver huit jours plus tard.

Le premier jour, il y a toujours un peu d’appréhension, quel sort nous réserve la météo qui était assez forte à la veille de notre départ ? Allons nous avoir du vent ? De la mer ? Croisée, comme elle est a priori très souvent entre les deux archipels ? On est trop excité pour dormir et pourtant il faut emmagasiner du sommeil pour les quarts de nuits à venir. Le pilote prend la barre dès les voiles réglées. Et le bateau file bon train. On touche assez souvent les 5,5 nœuds, on espère maintenir cette moyenne pour quelques jours. La vie à bord s’écoule doucement. On lit beaucoup, on écoute de la musique et des podcasts de France Inter, rares moments où l’on se reconnecte à la terre ferme, et on cuisine. La mer n’est pas si terrible pour l’instant. On fera même des crêpes pour entretenir le moral ! On pêche aussi mais le poisson ne veut pas mordre, du moins pas pour l’instant…`

Les nuits se dévoilent à nous. Grandioses. Sans lune, les étoiles s’en donnent à cœur joie. On découvre un ciel différent, on cherche de nouvelles constellations même si on ne les connait pas encore, on les dessine nous même. Il semble aussi que des centaines d’étoiles se soient décrochées du ciel, et, tombées dans l’eau, elles éclairent notre sillage ; ce n’est en fait que du plancton. Peu de cargos sont en vue, nous sommes bien seuls sur la mer avec le chant de l'étrave de DAFFY qui marche encore très bien.

Les deux premiers jours le ciel est voilé et lorsque l'on a des éclaircies le soleil est derrière les voiles, de fait on remarque que les panneaux solaires ne chargent pas tant que ça et que le pilote pompe allègrement sur les batteries. On allume donc le moteur pendant une nuit pour recharger les batteries ce qui ne nous emballe pas du tout. On se passe allègrement du ronron assourdissant de l'engin. Le lendemain, on reprend donc la barre en main pour laisser un peu souffler les batteries et qu’elles se rechargent une bonne fois pour toutes. Arnaud se replonge aussi dans les réglages de notre pilote. Il finit par le rendre plus efficace et mieux répondant devant la vague qui le déséquilibre toujours par le côté.

Le poisson se décide finalement à mordre, c’est une daurade coryphène ! Elle tire Arnaud de sa sieste matinale mais le réveil en vaut la chandelle, elle parait plus longue que la dernière. Elle finira au four « en croûte de riz ». De vrais gastronomes !

La navigation aura aussi été rythmée par les manœuvres de la grand-voile : hisser, ariser, affaler, hisser, ariser, affaler. Et la drisse de grand-voile, fatiguée des allers-retours a sans doute voulu tenter la fuite en s’échappant des mains d’Arnaud. Le voilà en train de sautiller bras tendus, en l’appelant : "reviens petite drisse !". Cette dernière nous nargue, valsant au dessus du bateau et finit par revenir se glisser dans sa main. Soulagés, nous avons évité une nouvelle ascension en tête de mat.

Mais voilà que c’est le tour d'Hector, le perroquet d’Arnaud, qui a décidé durant son troisième jour à l'extérieur de quitter le navire et de rejoindre un paradis sans doute peuplé de poissons volants, de poissons perroquets ou de grands oiseaux marins. La nouvelle nous met à terre. Nous devrons continuer la route sans lui. "Ciao grand bonhomme !".

Salut mon beau, tu vas nous manquer 

C’est alors que des dauphins tachetés nous rendent visite et nous offrent leurs plus belles cabrioles. Leurs sauts atteignent facilement trois mètres et ils n’hésitent pas à se laisser retomber comme de vulgaires crêpes en un plat mémorable après des contorsions sans pareils dans les airs.

Après sept jours le Cap Vert se fait sentir, des effluves terrestres nous parviennent, un halo de lumière est visible au loin dans la nuit. L'arrivée est pour demain comme prévu. Les poissons volants sautent dans tous les sens en un balai incessant, ça égaie notre atterrissage. Nous apercevons enfin les côtes, et c’est l’euphorie, l’excitation d’une nouvelle terre à découvrir, le plaisir et le soulagement de se dire qu’on l’a fait, qu’on est arrivé à bon port.

La Cap Vert nous charme dès notre arrivée. Sal, la première île où nous mouillons n’est pourtant pas la plus belle de l’archipel a priori, mais l’ambiance dans les rues, le gens croisés, les sourires échangés constituent un accueil des plus chaleureux. Le soir même de notre arrivée (dimanche), c’est soir de fête à Palmeira. Jay, le cap-verdien qui s’occupe du mouillage, nous souhaite la bienvenue et nous indique que les formalités à la police peuvent attendre demain, en attendant nous pouvons vagabonder comme bon nous semble dans les rues. On commence par s’écrouler dans notre lit sous la chaleur et la petite fatigue accumulée depuis la traversée. Nous nous réveillons par une température plus clémente à la tombée de la nuit et filons reprendre contact avec la terre ferme. Une grande bière et un plat de poisson ou de crevettes pour fêter notre arrivée. Nous ne sentons pas de mal de terre mais sommes néanmoins sur un petit nuage. Un petit zouk se lance dans le bar d’à côté, la fête a déjà commencé.

Arnaud commence à travailler sur les bateaux voisins de mouillage. Pas une grosse besogne puisque ce n'est qu'un feu de mat à installer mais ça nous paiera quelques pontches ou grog en ville.

Arnaud au travail sur Monami, bateau australien

Cette escale est marquée également par la rencontre de deux autres bateaux, arborant pavillons français et belge, et hébergeant chacun un couple de jeunes de nos âges. Respectivement, Mathilde et Yann sur Que Bonito, ainsi que Toah et Cyril à bord de Tabernac. Nous nous suivons depuis ce jour, d’escale en escale, d’aventure en aventure, de pêche en pêche, de jeu de carte en jeu de carte et surtout d’apéro en apéro !

Au mouillage de Palmeira avec Tabernac et Que Bonito en arrière plan 
3
déc

Ayant quitté Sal, São Nicolau s’offre désormais à nous, avec son lot de nouvelles rencontres. Elle contraste surtout de manière saisissante dans ses paysages. L’île est verte, montagneuse, et fournit de quoi vivre à ses habitants, de la pêche aux cultures avec maïs, haricots, manioc, bananes, papayes, goyaves, oranges, pommes de terre, et même tomates, concombres, choux et courges. Elle nous fournit surtout à nous un bon prétexte pour aller nous dégourdir les jambes et même hériter de bonnes courbatures qui nous tiraillent. En effet, l’île se prête aux randonnées avec ce relief impressionnant. Ici les pentes sont raides ! On vous laisse découvrir les lieux en quelques photos.

Nos 3 randos en 23 photos 

Accompagnés des amis de Tabernac on rencontre un couple d'italiens, Anna Maria et Stephano ainsi que Laurent, un français qui depuis deux ans a lâché toute sorte d'activité pour vivre six mois ici et six mois à Lisbonne uniquement pour le plaisir qu'il trouve dans la pêche. Anna Maria et Stephano eux sont arrivés au cap vert il y a quatre ans après avoir travaillé pendant une carrière entière à développer des tissus techniques pour les plus grands cyclistes du monde. Nous auront droit à une nuit de pêche au requin depuis la plus belle plage de l’Île avec barbecue de mise. Aucune prise ce soir malgré une très belle touche avec le moulinet qui siffle tout ce qu'il peut. Ils auront plus de chance le lendemain en ramenant trois petits specimens sur le sable.

12
déc
12
déc
Fou de passage en navigation 

Nous arrivons dans le courant de la première semaine de décembre à Mindelo, deuxième ville et capitale culturelle du Cap Vert, et capitale de l’île Sao Vicente. C'est la dernière étape pour beaucoup avant la transat' (il faut comprendre transatlantique (traversée de l'océan du même nom)), donc lieu de convergence et de rencontre de nombreux bateaux, à majorité française qui plus est. Que Bonito et Tabernac, nos amis rencontrés à l'arrivée dans le pays, nous rejoignent rapidement. Mindelo est une grande ville mais nous nous familiarisons rapidement avec le centre-ville, son marché municipal, celui aux poissons, sa grande place avec son marché africain, les bars animés et connaissons bientôt chaque rue par cœur. Et si une rue nous échappe les locaux ont plaisir à nous renseigner. Ils ont toujours le sourire, et nous interpellent facilement dans un français qui souvent nous étonne.

Porto Grande, baie de Mindelo 

Le mouillage est grand, chacun peut étaler des mètres et des mètres de chaîne pour parer aux rafales qui secouent régulièrement les bateaux. C’est un balai d’arrivées et de départs entre les bateaux qui filent visiter d’autres îles, ceux qui partent transater au son des cornes de brume de bateaux-amis et suivis par des annexes, caméras aux poings. Il y a aussi ceux qui vont pour quelques jours à la marina ou qui, de la marina, reviennent sur le mouillage qui est beaucoup plus confortable au dire des gens amarrés aux pontons. Nous rejoignons la terre en amarrant l'annexe au bar que nous baptiserons le "bar des pécheurs", étant donné que ces mêmes locaux hébergent le club de pêche sportive de la ville et un club de plongée soit dit en passant. Les murs sont tapissés de marlin, daurade coryphène ou sirène aux cheveux longs. En d'autres termes, le rêve pour certains pécheurs passionnés. Nous devenons rapidement des habitués de l’endroit, saluant un bon nombre de personnes et croisant les autres voyageurs transformés en accro-au-net pour quelques heures de re-connexion à la toile. Le gardien des lieux retrouvera notre annexe crevée coulée au pied du bar, moteur sous l'eau. Une petite réparation non prévue s'imposera.

Moteur de l'annexe au banc d'essai après démontage intégral 

Ici, les soirées sont parfois plus occupées que le jour, rythmées par le son des guitares, cavaquinhos, percussions et autres instruments dans de petits bars ou même dans la rue. A croire que tout le monde chante ou joue d'un instrument dans le coin. Parfois on commence et/ou finit la soirée sur un bateau ami, et parfois même, le soleil nous cueille alors que nous sommes toujours à bord. Cesaria Evora a énormément marqué les cap-verdiens et la musique du cap vert. Elle reste présente encore aujourd’hui à travers toutes les générations. Pour preuve, un concert en son hommage, donné pour le 6éme anniversaire de sa mort, le 19 décembre réunit petits et grands, devant ce qui fut sa maison, autour de ses plus belles chansons. Il sera clôturé par un saudade plein d’émotions chanté à pleine voix par l'ensemble des personnes présentes.

Nous rencontrons régulièrement de belles personnes à qui il faut vite dire au revoir, avec lesquelles nous échangeons adresses mail en espérant se retrouver à l’occasion d’une autre escale. Les rencontres sont spontanées, le contact est rapide, les liens se serrent facilement devant les échanges et les expériences similaires vécues. Cela nous fait particulièrement drôle de dire au revoir à Que Bonito et Tabernac qui s’élancent à travers l’océan les 19 et 20 décembre, puis le départ de Courlevent, une jeune famille (Olivier, Aurélie et la petite Zélie âgée de 8 mois) que l'on a beaucoup appréciée, le 21 décembre. Nous rencontrerons enfin Christine et Bruno, et Nina, leur Yorkshire, qui nous invitent à bord, à l’origine en demandant à Arnaud s’il peut monter au mât pour eux et vérifier leur gréement. S’en suit une petite bière bien fraîche en guise de remerciement et parce qu’il serait dommage de se quitter comme des bêtes. Les langues se délient de plus en plus à mesure que le décapsuleur résonne et bientôt, il faut passer au pastis. Les anecdotes vont bon train, le couple nous raconte leur premier voyage entre 2010 et 2016 à bord de Coktail, premier du nom. Aujourd'hui c'est sur Coktail 2 qu'ils vivent. Ils sont étonnants de par leurs histoires et leurs expériences vécues. Ils nous encouragent vivement dans notre lancée, on les en remercie d'ailleurs chaleureusement. Non désireux de s’arrêter en si bon chemin ce soir là, nous partons en annexe à terre et retrouvons d’autres navigateurs en escale avec lesquels nous faisons raisonner le bar de nos pieds et de nos mains, lui qui sonne déjà au rythme de trois musiciens cap-verdiens.

Départ de Yann et Mathilde sur Que Bonito 
Départ de Cyril et Toa sur Tabernac 

Une autre belle rencontre en la personne de Norberto et sa famille à l'occasion des fêtes. Norberto, l'homme au bandana rouge, aime et vit pour la mer. Son métier tourne autour de celle-ci car il est en charge de répertorier et suivre les espèces marines les plus belles dans le but de créer des réserves marines pour leurs protections. Il a par exemple déjà œuvré aux Açores, son île d'origine, et c'est aujourd'hui au Cap vert qu'il est confronté. Entouré d'une dizaine de biologistes marines c'est après les Requins, notamment baleines, Raies Manta et autres grosses bêtes qu'il en a. On passera un beau réveillon de Noël à ses cotés, puis c'est accompagné de sa famille et de ses amis que l'on passera le premier janvier à bord de son bateau, très beau soit dit en passant, sous les éclats du grand feu d'artifice de Mindelo. On espère vivement le recroiser plus loin sur la route, ou sur les rivages de son archipel.

Le bateau à l’arrêt est bientôt recouvert d’une bonne pellicule de poussière brun-orangée qui imprègne tout, du pont, aux bouts, en passant par la tête du mât. Une averse a beau nous laver tout ça, la poussière revient vite. C’est d’ailleurs à cause d’elle que Mindelo parait flotter constamment dans la brume, et que l’île, Santo Antao, pourtant toute proche, est rarement visible. Quelques travaux d’adaptation sont nécessaires pour préparer le bateau à la venue de deux nouveaux équipiers pour la transat' : Claire et Rémi qu'on vous a déjà introduits dans un de nos mails. On coud un rideau pour préserver l’intimité des toilettes, une toile anti-roulis pour assurer à tous un sommeil réparateur quand le bateau gite (et qu’on ne roule pas les uns sur les autres). Le plein d’eau est multiplié par deux et l’on retrouve bientôt des bidons d’eau minérale cachés dans tout le bateau. De nouveaux filets apparaissent pour accueillir les fruits et légumes frais qui nous protégeront du scorbut aussi longtemps que possible. On fait des bocaux un peu rapidement malheureusement. Il y aura donc un bon paquet de loupés...

L’idée nous trottait dans la tête depuis quelque temps avec Arnaud de plonger ensemble. Pour cela il fallait d’abord qu’Arnaud se forme. Après un peu de théorie, quelques exercices en piscine et surtout quatre plongées en milieu naturel, il est désormais détenteur du niveau OpenWater ; lui permettant de plonger en autonomie jusqu’à 18 mètres. Les sites où le club nous emmène ne nécessitant pas plus. Contraints par une mer agitée, peu de spots restent accessibles. Arnaud fera ses deux premières plongées, dont une épave de la seconde guerre mondiale, seul avec son instructeur et Manon le rejoint pour les deux dernières. Les fonds sont très beaux mais surtout très poissonneux. Nous n’aurons pas vu les raies manta ni requins baleine tant espérés mais cela nous encourage pour la suite.

Première plongée bouteille ensemble 
Ile aux oiseaux marquant l'entrée de porto grande 

Comme dit ci dessus, Santo Antao est l’île voisine de Sao Vicente. Ayant attendu que l’équipe soit au complet pour nous y rendre, nous rejoignons Claire, déjà sur place, avec Rémi, fraîchement atterri au Cap Vert. Nous laissons le bateau sous la garde avisée de son ancre et prenons le ferry pour parcourir les quelques milles qui nous séparent de notre destination. Claire nous attend à l’arrivée, direction le gite de Vito, un italien arrivé huit ans plus tôt à Paul, sur la côte Nord Est de l'île. Un aluguer (taxi cap verdien) nous conduit sur la route qui longe la mer, la vue est de plus en plus belle, les paysages tirant de plus en plus au vert. Même un peu dissimulée dans une brume tenace, l’île dévoile des paysages grandioses, digne des plus beaux films du tout Hollywood. Vito nous accueille dans son gite, un peu à l’écart du village. Les affaires à peine déposées dans les chambres, nous partons sur les chemins de randonnée. Avisés que nous sommes, nous préférons partir le ventre bien plein. Quelques beaux morceaux de murène grillés et quelques bières y trouveront une place confortable. L’aluguer nous dépose au sommet du cratère : "la cova de Paul" et nous redescendons dans la vallée en suivant tantôt des chemins dont l’inclinaison ferait pâlir le dahu en personne, tantôt en croisant de petites bourgades. Bananiers, caféiers, cannes à sucre, entre autres, nous accompagnent tout au long du chemin jusqu’au gîte.

Vallée de Paul 

Le soir, ayant eu vent d’une pizzeria qui mérite le détour, nous confirmerons que ladite pizza valait bien un petit arrêt. Le lendemain, nous partons aux aurores sur les conseils de Vito. Il nous a préparé un petit-déjeuner de roi que nous emportons pour le dévorer dès le début de la randonnée. Cette dernière ne nous emmènera jamais bien loin de la mer et nous longeons la falaise pendant des heures, le bleu d’un côté, le vert de l'autre, respectivement une étendue à perte de vue et des pics vertigineux. Arnaud en éclaireur, Claire juste derrière, Rémi et Manon en queue de peloton. Rendus à Ponta do Sol, ville de l’arrivée de la randonnée, plus personne ne retrouve personne. Rémi et Manon finissent par retrouver Claire sur la place du village, Arnaud est introuvable. Il apparaît un peu plus tard, désespéré de ne pas nous trouver lui non plus. Il nous attendait à l’entrée du bourg dans un petit coin ombragé. Endormi, car un peu lassé d'attendre, Claire, Rémi et Manon seront sans doute passés devant lui sans le voir.

Deux beaux spécimens 

Nous rentrons au gite et ressortons plus tard trouver une connexion internet pour vérifier la météo qui nous permettrait peut-être de hisser les voiles le surlendemain. A défaut d’une bonne connexion internet, nous tombons sur un très bon ponch maracuja, dans un bar très sympathique dont le tenant, Edilson, tout aussi sympathique, parait avoir quelques longueurs d’avance sur nous, au niveau du ponch ou de quelle qu’herbe que ce soit. Après de nombreuses tournées, et des tours de belote à n’en plus finir, il est temps de regagner nos peinâtes. Nous héritons au moment de payer notre ardoise d’un tableau home made par Edilson, représentant toutes les îles du Cap Vert. A défaut d’une paroi assez grande pour l'accrocher dans le bateau, il a tout de même trouvé une petite place à nos pieds dans notre lit. On s'est dit qu'en cas de coup dur, si le gouvernail nous lâche, on aura de quoi le remplacer.

• • •

Voici un brin de lecture pour occuper votre temps libre :

Blog de Tabernac : http://tabernacenatlantique.blogspot.com/

Blog de Que Bonito : https://www.facebook.com/sangriasurlatlantique/

Blog de Cocktail : http://www.catamarancocktail.com/

Site de Norberto : http://norbertodiver.pt/our-story/

21
janv

2250 milles

16 jours, 12 heures et 51 min

5,67 nœuds de moyenne

Record de vitesse à 12,88 nœuds (en surfant sur une vague)

2 vomitos seulement

6 belles daurades

2 douches par semaine pour tous les 4


C'est parti avec les gâteaux de Mamie Rémi (la grand-mère de Rémi)

Ça y est nous hissons les voiles dans la baie de Porto Grande. Nous sommes le 5 janvier, il est 6h. Daffy retrouve enfin la mer et nous aussi. Mindelo s'éloigne rapidement, nous laissons le cap-vert dans nos cœurs et dans notre sillage. Nous croisons encore quelques bateaux et puis rapidement nous sommes seuls sur l'eau. Le temps que chacun prenne son rythme, les siestes sont nombreuses et peu espacées ! Le bateau file, heureux semble-t-il de ces retrouvailles avec l'écume du grand bleu, porté par le génois seul. La mer nous secoue et met à mal nos estomacs de terriens, personne n'est pourtant encore penché sur les filières, on s'amarine doucement mais sûrement. Le premier repas sera néanmoins peu difficile à cuisiner mais facile à vomir si besoin : purée mousseline où tout le monde se sert à même la casserole (on minimise la vaisselle pour le début). Les quarts se mettent aussi en place petit à petit ; très rapidement chacun assure seul son tour de garde et découvre un ciel étoilé que rien ne pollue. Les étoiles filantes nous laissent bientôt à court d'idées de vœux.

Pêche et p'tit déj 

Quand le jour revient, vite, il faut pêcher. Et ça mord ! Une daurade coryphene ! Nos estomacs plus accrochés, on en garde une partie crue pour un ceviche : poisson cuit au citron, ail, oignons et coriandre fraîche. Plus tard on réitère la recette en ajoutant du lait de coco. On se dit alors que de l'ananas serait le bienvenu. Les copains nous ont offert des boîtes de conserve pour notre départ et ont pris soin de retirer les étiquettes pour la surprise. Il nous semble pourtant reconnaître la forme et la taille des boîtes d'ananas dans le lot ; on se lance ! La suite en vidéo...

Ananas ou pas ananas ? 

Un grand merci à Maxime et Hélène pour les lentilles et les tomates pelées (nous avons fait deux tentatives) qui ont tout de même rejoint nos estomacs. On a bien pensé à vous grâce à ces boites. Il y en aura d'autres pour les prochaines traversées.

Plus tard, il y aura une daurade en croûte de riz, et puis de la daurade à l'étuvée, et puis de la daurade à la vapeur, encore et toujours de la daurade. En effet, dans l'ensemble, elles semblent assez réceptives à nos leurres, quelque soit celui qui frétille à l'arrière de Daffy. Les deux hommes aimeraient bien pourtant se mesurer à plus gros et plus résistant. Pourquoi pas un thon ou un marlin ? Mais la daurade sera la plus fidèle... Au moins la première semaine car la deuxième, nous croisons tellement de sargasses (algues dérivantes) dans l'eau qu'il devient impossible de jeter la ligne sans vouloir se lancer dans une espèce de choucroute de la mer.

Nous sommes bien seuls sur l'eau, tout à notre solitude ; seuls quelques oiseaux viennent planer autour du bateau. Paille-en-queue, fous, et autres petits piafs. Pas beaucoup de bateaux, seulement deux sur la traversée, aucun dauphins et pas de baleines non plus, la mer paraît si vide. Pas vide de poissons volants en tout cas ! Le jour on les voit planer sur des distances incroyables. La nuit est plus cruelle pour eux qui ne voient plus le bateau qui croise leur trajectoire de vol et les envoie atterrir sur une tôle d'aluminium, si différent de leur baignoire naturelle. Certains même croisent un humain au milieu de leur vol plané. Ce dernier laisse généralement échapper un juron dans un grand cri qui réveille tout l'équipage et se jette sur le pauvre diable qui tressaute dans tous les sens pour essayer de le remettre à l'eau. Les autres malheureux sont retrouvés dispersés sur le pont au petit matin.

Toute cette immensité pour nous c'est aussi le plaisir de chanter à tue tête ou danser comme des petits fous sans déranger les voisins.

Dirty Dancing 

On joue aux cartes, tarot ou belote surtout, aux dés, on se lance dans la confection de pain à la poêle ou au four, de crêpes,...

Voiles en ciseau tangonnées 

Les manœuvres sont relayées au strict minimum. Le bateau file bon train, le pilote est aux commandes et ne se laisse pas dérouter ou si peu. La grand-voile est hissée, réduite, parfois affalée et renvoyée de nouveau. Les voiles sont le plus souvent en ciseaux avec le génois tangonné accompagné du solent ou de la grand voile pour mieux stabiliser le bateau. L'idée c'est d'aller vite mais que ça reste confort ! Sinon ça devient vite comme dans un tambour de machine à laver et les bosses et bleus s'accumulent sur les mollets, cuisses et bras... Le mieux c'est encore de rester couché ! Un jour où le vent faiblit un peu, nous décidons d'envoyer le spi. L'affaire est pliée en 5 minutes car le spi se déchire à peine gonflé. Mal préparés, pris de court, le vent s'est engouffré par les anciennes déchirures plus ou moins bien rafistolées. On remballe dépités et on reste avec nos voiles en ciseau en se disant qu'on aurait mieux fait de rester couchés...

Lever de soleil 

Les jours passent au milieu des livres, de la musique et de nos échanges, les milles sont engloutis, la moyenne oscille entre 5 et 6 noeuds, avec des pointes régulières à 7, 8, parfois 12 noeuds ! Nous comptons les jours jusqu'à la terre ferme, en regardant le petit curseur de notre GPS se déplacer sur la carte. Les quarts ne sont jamais les mêmes, et sont décidés pendant le repas du soir. Selon la fatigue, l'envie, chacun exprime les heures qu'il souhaite faire pour la nuit, en compagnie d'un ciel étoilé grandiose ou d'un lever de soleil timide. Le sommeil est généralement très entrecoupé et propice aux rêves, et surtout au fait de s'en souvenir. Certains rêvent que nous avons un âne sur le bateau, que ce pauvre bougre est tombé à l'eau, qu'il faut aller le chercher. D'autres rêvent déjà de l'arrivée et dans leur rêve un gros bouchon de bateaux se crée aux portes de la Martinique comme un départ en vacances prévu rouge par bison futé ou une sortie du périphérique de Paris....

Terre en vue ! 

Et puis, le bouchon en moins, le rêve devient réalité et nous apercevons le matin du 17ème jour les formes encore floues de la terre. Terre en vue ! Il paraît si irréel de voir un petit bout de terre se profiler à l'horizon quand les yeux n'ont vu que la mer pendant des jours et des jours. C'est très vert, ça nous change du Cap (pourtant) Vert et des Canaries. Nous approchons doucement, nous faufilons entre les bouées des pêcheurs, croisons quelques tortues accueillantes, quelques palmiers qui ploient comme pour nous saluer et rejoignons la quelque centaine de bateaux au mouillage. L'ancre plonge dans l'eau. On s'empresse de la rejoindre juste après quelques coups de fil aux familles, surtout aux mamans, pour leur dire simplement : "Ca y est maman, tu peux dormir tranquille".

21
janv

Le soir même de notre arrivée nous mettons pied à terre, un peu faiblards, un peu chancelants mais finalement sans mal de terre. Pas même après quelques ti-punch accompagnés de nos premiers accras. Nous allons fêter l'arrivée chez Alain qui nous accueille de son plus bel accent martiniquais ainsi qu'avec sa cuisine pleine de couleurs et de saveurs. La chaleur de l'île nous gagne. Nous rentrons nous coucher sans compartimenter la nuit, sans quart, elle est toute à nous. Le bateau semble être posé sur le sable tellement il ne bouge pas. On se croirait presque dans un vrai lit. Le lendemain, Arnaud se motive et part chercher le petit déjeuner en annexe. C'est un festin à la française (baguettes et viennoiseries). Le lendemain ce sera le tour de Rémi. Ces dames se régalent.

Les journées sont ponctuées de baignades et d'explorations des fonds sous marins. L'eau est plus claire et encore plus chaude qu'au Cap Vert mais la faune est un peu timide pour le moment. Nous rapprochons le bateau de la ville ; avec le nombre impressionnant de bateaux au mouillage il nous faut faire des kilomètres en annexe pour débarquer. Nous sommes maintenant tout proches d'un tombant intéressant où les fonds, qui descendent jusqu'à une vingtaine de mètres, sont plus jolis et recèlent de trésors : poulpe, poissons-lions et langoustes. Tout finit à la poêle ou à la casserole grâce au savoir-faire ou à l'improvisation des deux hommes.

À côté de notre petite routine, quelques tâches s'imposent : refaire l'avitaillement, et réparer, corriger, modifier les quelques équipements du bateau qui ont un peu souffert pendant la transat'. Même un peu de couture s'improvise, le résultat sera bientôt exposé dans un prochain article.

Après une semaine dans le même mouillage, l'euphorie de l'arrivée passe. On commence à fatiguer de Sainte-Anne. La vie y est chère et la ville est surpeuplée de touristes arrivant, pour la majorité d'entre eux, comme nous, en bateau, augmentant la moyenne d'âge et souhaitant retrouver les plaisirs de la terre ferme mais avec un peu plus de moyens que nous n'en avons. L'ennui nous gagne. Sans doute la raison pour laquelle Claire part en randonnée à l'intérieur de l'île. Nous partons, avec Rémi, marcher le long de la "Trace des Caps", une randonnée facile longeant le sud de la Martinique. La ballade est agréable. Parfois à l'ombre des arbres, parfois sous le cagnard de la "Savane des pétrifications". Pour nous la ballade se terminera sur des plages où la faune y est très peu vêtue et un peu rouge écrevisse à certains endroits du corps. Sur la route du retour les nuages nous cueillent. Une pluie torrentielle ne va pas tarder.

Ballade sud de la Martinique 
30
janv

Quelques jours avant notre départ de Sainte-Anne, Claire nous annonce qu'elle ne continuera pas le voyage avec nous. Elle reste en Martinique. Nous partons donc à trois avec Rémi, vers le sud. Plus particulièrement vers les douces Grenadines. A l'aller nous prenons notre temps et faisons un stop pour la nuit à Sainte-Lucie dans une toute petite anse déserte. Nous retrouvons le plaisir du mouillage sauvage, seuls. Nous ne mettrons pas le pied à terre sur l’île car nous repartons à l'aube dès le lendemain pour attraper le lever du soleil au dessus des pitons, célèbres pointes rocheuses au sud de Sainte Lucie, surgissant brutalement de l'eau et atteignant quasiment 800 mètres d'altitude. Nous sommes à l'heure au rendez-vous et savourons le spectacle.

Pitons de Sainte Lucie 
31
janv
31
janv
Bequia Island

Bequia - 5250 Milles

C'est plutôt l'archipel des Grenadines que nous visons alors nous laissons tomber Saint-Vincent bien que l'île soit sur la route. Nous profitons d'une brise soutenue après Saint-Vincent pour filer droit sur Bequia, la première île de l'archipel, et y arrivons avant la tombée de la nuit. Nous y ferons les formalités d'entrée le lendemain matin. L'île sent bon la douceur de vivre, elle est fleurie et colorée. Et les habitants, habitués à recevoir du tourisme, nous accueillent avec de larges sourires. Nous décidons de ne pas perdre de temps à installer l'annexe pour cette très courte escale. Nous sommes donc déposés à terre par un "boat boy", une des nombreuses petites barques proposant services en tout genres (taxi, eau, essence, langoustes, lessives,...).

Nous apprenons alors en relevant nos mails que Tabernac nous suit de près et nous décidons de les attendre ici, ils devraient arriver dans la journée. Ils poursuivent également vers le sud à la découverte des Grenadines et font une halte sur Bequia. Nous les croisons un peu plus tard et combinons de nous retrouver le soir même. Ne voulant toujours pas mettre l'annexe à l'eau, nous partons, à la tombée de la nuit, à la nage munis d'un sac "étanche" avec des affaires de rechange et de quoi payer les quelques tournées prévues pour fêter les retrouvailles. Rémi prend le sac sur son dos et saute à pieds joints dans l'eau ! De quoi tester son étanchéité en situation réelle. Les affaires sont, malgré cela, sèches quand nous les enfilons, une fois arrivés sur la berge. Quelques locaux nous interpellent : "Vous venez d'arriver à la nage ? Vous avez penser aux requins ?" Parce que comme ils disent : "We never know" avec un grand sourire énigmatique. Nous pensons alors au retour. Il va nous falloir retourner à l'eau lorsqu'il fera nuit noire si l'on veut rejoindre le bateau...

Finalement rentrés sains et saufs, les belges nous rappellent à la VHF et entonnent un joyeux anniversaire à l'unisson, il est minuit, nous sommes le 1er février et Arnaud fête ses 28 ans. Merci les copains !

1
fév
1
fév
Canouan Island

Canouan - 5270 Milles

Nous partons tôt le lendemain et faisons route vers Canouan. Encore à portée de VHF, Tabernac nous propose à notre départ, un rendez vous quelques jours plus tard aux Tobago Cays. Accepté !

Suite à une courte et agréable navigation de quelques heures, nous jetons l'ancre et partons à terre munis de nos palmes, masque et tuba. Nous voulons passer de l'autre côté de l'île où un récif corallien délimite un lagon bleu turquoise appelé "the pool" (la piscine). En chemin nous croisons un pêcheur, William, équipé d'un fusil harpon, d'un lasso a langouste et de sa bouée, il nous y accompagne pour notre plus grand plaisir.

Il nous explique en marchant que, dernièrement, un italien a acheté la moitié de son île pour installer un hôtel resort de luxe. Il rigole en racontant qu'il n'a pas pu privatiser le lagon. Ce dernier fait le bonheur des habitants de l'île et surtout leur apporte de quoi vivre. Le paysage est digne des plus belles photos de magazine. L'eau est turquoise, le sable est blanc écarlate, les plages sont désertes. Nous sommes seulement rejoints par un catamaran qui vient mouiller dans la piscine et déverser sa dizaine de kitesurfeurs pour une session de quelques heures. Nous parcourons cette piscine géante de long en large. Rémi et Arnaud essaient de rejoindre la barrière de corail en vain pour voir ce qu'il se passe derrière. Manon, moins têtue, essaie de les suivre mais abandonne plus rapidement devant la force du courant. En se dirigeant alors vers William, bien visible avec sa bouée orange qui le suit partout, elle tombe nez à nez (façon de parler) avec un requin citron. Ni une ni deux, d'un commun accord non explicite, chacun prend ses jambes à son coup (encore une façon de parler) et détale dans une direction opposée. Elle rejoint précipitamment William et son précieux fusil harpon. Il a repéré des langoustes et essaie de les déloger. Une raie pastenague est dissimulée dans le sable juste à côté du récif, une deuxième se cache un peu plus loin. C'est un festival de poissons et d'espèces en tout genre. Les garçons nous rejoignent bientôt et aident William dans sa pêche. Au total il ramènera cinq langoustes que nous lui achèterons à un prix dérisoire et un lambi qu'il dépiautera sur la plage en croquant dans quelques parties crues de l'animal devant nos yeux mi amusés mi effarés.

Le lendemain, nous décidons d'aller, nous aussi, mouiller dans la piscine au vu de notre faible tirant d'eau. Nous naviguons à vue, Arnaud aux commandes, Rémi et Manon à la veille. L'eau claire dessine très distinctement le chemin à suivre et nous sommes bientôt dans deux mètres d'eau, entourés du récif qui gronde au loin, l'ancre enfouie dans le sable. Nous sautons à l'eau sitôt le moteur éteint, heureux de retrouver notre terrain de jeu au pied de notre maison.

Eau turquoise de notre piscine 

De nouveau à bord nous sommes accostés par le personnel de l'hôtel en zodiac. L'homme, peu engageant, brandit un document et nous indique que nous ne pouvons pas mouiller là. Il nous tend le document, nous laissant vérifier et nous voyons effectivement que ni mouillage ni kitesurf n'est autorisé depuis 2016, date qui correspond à l'installation de l’hôtel de l'italien. Qu'en est-il du catamaran hier ? Déçus, si ce n'est dégoûtés, nous nous préparons à lever le camp. Le zodiac, un peu insistant, tourne autour de nous pour s'assurer que nous quittons bien les lieux. Ça sent à plein nez l'arrangement entre l'italien et le gouvernement. Un si petit voilier dans un si beau lagon, il faut croire que ça fait tâche.

4
fév
4
fév

Tobago Cays, here we go ! Plus tôt que prévu puisque nous nous sommes malencontreusement fait virer. Nous sommes malgré tout vite consolés en arrivant derrière le récif "Fer à cheval" qui protège certaines îles du petit archipel des Tobago Cays. Encore un décor à couper le souffle qui nous attend.

Nous savons d'avance que nous pénétrons dans un parc national où les nuits sont payantes. Cela dit, les gardes du parc, que l'on a vus quelques fois à couple de gros catamarans de location ne viendront jamais rien nous réclamer. Nous passons notre temps dans l'eau où il y tant à voir. Nous débarquons sur les minuscules îles pour aller chatouiller les iguanes ou nous mettre à l'ombre des palmiers. Une vie de Robinsons sans la chasse, la pêche ou le feu qui sont tous trois interdits, la sieste en prime.

Petit paradis de Tobago Cays 

Tabernac nous rejoint bientôt mais le vent soufflant déjà fort depuis quelques semaines se lève davantage malmenant les bateaux au mouillage qui petit à petit se vide. Tabernac lève le camp plus rapidement que prévu. Il en va de même pour nous.

Coucher de soleil depuis notre mouillage 
Bienvenue dans les Grenadines 
6
fév
6
fév

Nous poussons jusqu'à Union Island, et allons nous abriter dans Chatham Bay. La mer est d'huile dans la grande baie mais nous prenons de belles claques à chaque rafale. Elles couchent littéralement le bateau qui tire sur son ancre. Nous dépensons l'argent qui aurait dû servir à payer les dernières nuits au mouillage. On sait que la remontée de l'arc antillais ne va pas être aisée, au près, avec ce vent qui ne cesse de souffler fort, cela nous arrange bien d'avoir quelques billets en trop pour se faire plaisir.

Nous poussons par la terre jusqu'à Clifton, de l'autre coté de l’île, pour faire les formalités de sortie alors que Rémi prendra trois bonnes heures à refaire une beauté à la coque pour gagner quelques dixièmes de nœuds si précieux quand on est au près, ce qui nous attend dès le lendemain matin.

9
fév
9
fév

C'est parti pour deux jours de près dans un vent soutenu. Deux ris dans la GV et le solent sur l'étai largable font avancer correctement le bateau. Nous savons que nous avons une fenêtre de deux jours un peu plus calmes que les autres, il faudra donc idéalement faire les 120 milles qui nous attendent d'un trait. Comme nous l'avons laissé entendre, le près est une allure qui fait gîter le bateau, compliquant toute chose à faire, place le bateau face aux vagues et le fait taper autant qu'il nous tape sur les nerfs. Surtout quand les dites vagues se transforment en seaux d'eau qui se jettent intégralement sur le premier être humain placé en travers de leur route. Les deux hommes assurent presque l'intégralité de la nuit pendant que Manon ronge son frein. Saint-Vincent nous offre une certaine accalmie et des dauphins viennent même nous voir. Cependant, dès qu'on se trouve entre deux îles, exposés à la houle qui arrivent de l'autre coté de l'Atlantique et au vent qui accélèrent les prévisions en s'engouffrant dans les canaux, le même cinéma recommence. Nous finissons laborieusement par approcher les côtes martiniquaises et allons mouiller dans la grande anse d’Arlet. Le bon de l'esprit humain est qu'il oublie vite, surtout quand on le place devant une bière, une pizza et une montagne de glace sitôt débarqué. Ne reste que les belles images et les bons souvenirs des jours passés plus au sud.

A présent, place au carnaval ! Nous parcourons au moteur les quelques miles qui nous séparent de la rade de Fort de France et allons mouiller au bord de la plage du centre ville. Juste de quoi sentir l'ambiance qui se met déjà en place. Marine, une amie d'enfance de Manon, et Adrien, son copain, sont justement en Martinique en ce moment. Ils nous embarquent jusqu'au Carbet, à côté de Saint-Pierre pour une soirée carnaval haute en couleur sur le thème d'Hawaï. Nous retrouvons la famille d'Adrien dont la sœur est installée avec son mari au Carbet. Une douche s'impose et un apéro s'improvise. Ensuite tout le monde se glisse dans son plus beau déguisement. Rémi et Arnaud se transforment le temps d'une soirée en superbes hawaïennes dont les déhanchés font pâlir les martiniquaises. Nous retrouvons le plaisir de dormir dans un lit, hébergés chez les parents d'Adrien que nous remercions à nouveau au passage, et si ça tangue un peu, ce n'est pour une fois, pas à cause du bateau.

Nous rentrons le lendemain à Fort de France un peu déphasés, sans doute encore un peu à errer sur les plages d'Hawaï. Nous sommes catapultés dans le carnaval qui bat son plein dans les rues. Nous remettons quelques fleurs autour du coup, des chevilles et dans les cheveux et prenons part à la fête. Le vidé, comme ils disent ici, ne connaît pas d'interruption. Tout ça bien entendu en musique et en couleurs. Nous regagnons le bord avec la nuit qui tombe pour une nuit de sommeil bien méritée.

Rémi veut passer quelque temps en France avec sa famille avant de rentrer en Guyane commencer son nouveau contrat. Il est donc temps pour lui de prendre un vol qui nous remettra en tête à tête avec DAFFY. Nous nous retrouvons avec plaisir. C'était pourtant bon d'avoir de la compagnie à bord, merci les amis.

16
fév
16
fév

Avant de prendre la route pour la Guadeloupe nous recroisons Qué Bonito le temps d'une soirée. Le nombre de ti-punch est à la hauteur de la joie de se retrouver. Ils devraient nous rejoindre en Guadeloupe mais ils partiront un peu plus tard tellement la météo n'est toujours pas encourageante. Nous filons le lendemain de nos retrouvailles et mouillons à Saint Pierre, toujours en Martinique, aux portes du canal pour la Dominique. Nous attendons de meilleures conditions pour le traverser. Quelques ploufs dans l'eau, une petite visite de la ville, son ancien théâtre, sa prison bien connue, les formalités de sortie faites, nous appareillons le 16 Février vers la Dominique et nous ne sommes pas les seuls à avoir attendu cette accalmie. Une myriade de bateau fend la mer en une file indienne qui s'étend à perte de vue. Quelques heures plus tard, nous sommes seuls sur l'eau, les derniers, comme très (Arnaud dira trop) souvent. Le canal n'est pas très accueillant ni hospitalier. Toujours au près, les vagues secouent le bateau mais Arnaud tient bon. Manon s'est retirée discrètement sur une couchette à l'intérieur. La Dominique apparaît petit à petit, la forêt semble bien défraîchie mais les habitations nous semblent toujours debout. Pour rappel, ou information pour d'autres, La Dominique a été ravagée par le cyclone Maria en Septembre 2017. La suite sur ce lien. N'ayant qu'un tout petit intervalle d'accalmie dans ce vent qui ne cesse de souffler et étant attendus le 26 pour l'arrivée de la famille d'Arnaud, nous ne passerons malheureusement qu'une nuit sur la côte Dominicaine. Le mouillage est sauvage, l'eau est assez claire. On y devine souches, rondins et branchages posés au fond de l'eau, vestiges du passage du cyclone. Les arbres ne sont plus que des baguettes feuillues plantées dans le sol, servant de tuteur à la maigre végétation qui renaît seulement.

Paysages Dominicais 
17
fév
17
fév

Nous laissons la Dominique derrière nous et continuons vers la Guadeloupe, Karukera de son nom amérindien, "l'île aux belles eaux". Le canal jusqu'aux Saintes est protégé par Marie-Galante, nous laissant un peu de répit avant d'entamer le dernier tronçon, des Saintes à la pointe sud de la Guadeloupe. Ce dernier est bref mais agité. Sitôt passé derrière la Guadeloupe le calme est saisissant et il nous faut bientôt allumer le moteur pour pouvoir avancer. Nous parcourons en deux fois toute la longueur de l'île jusqu'à Deshaies, tout au nord de la côte caribéenne, notre escale pour les semaines à venir. C'est sans doute l'un des meilleurs mouillages de la côte sous le vent, il est donc très prisé mais avec un important turn-over de bateaux, on y trouvera forcément une place sûre. Le mouillage est cerné de collines verdoyantes, le village est paisible et joli. Des pélicans semblent s'amuser à pécher dans la baie et des tortues sortent souvent la tête de l'eau, il est aussi facile de les croiser sous l'eau.

La première semaine ici sera consacrée à l'organisation de la venue du petit frère, de la grande sœur, du beau frère et des neveux d'Arnaud, Roméo 5 ans - sacré danseur - et Jéromine 1 ans - petite puce tout sourire. C'est ce qui s'appelle une invasion de Maillard mais qui est la très bienvenue et nous amènera encore une grande bouffée d'air frais, de belles tranches de rire et une certaine envie de remettre ça.

Une fois les clés du logement récupérées, les voitures également, mais surtout la tribu réceptionnée aux portes de l'aéroport, nous partons à la découverte de l'île. La nature est démesurée et n'en a parfois que faire de ce que l'humain a pu construire. Nous nous rappellerons de ce figuier étrangleur qui a englouti une ancienne prison. Ses prisonniers en sont à jamais délivrés. Ses larges et puissantes racines remplaceraient presque les murs des anciennes geôles.

Prison de Petit Canal 

Dans le lagon que l'on appelle le "Grand Cul de Sac Marin", la mangrove, elle, forme des barreaux naturels de ses racines plongeantes pour protéger les jeunes poissons qui grandissent tranquillement à l'abri des prédateurs. Tout un écosystème sauvegardé se développe au sein de son système racinaire, où les uns dépendent des autres. Nous sommes au cœur d'un lieu où le bleu cristallin du lagon côtoie le vert profond de la mangrove, où l'eau douce rencontre l'eau salée, où les îlets déserts vont et viennent au gré des courants et dont les seuls habitants sont les bernard-l'hermites ou les frégates.

Grand cul de sac marin 

La forêt, ou la jungle telle qu'elle nous l'apparaît, nous plonge dans un autre monde, de fraîcheur, et de grandeur. Les arbres peuplent chaque centimètre carré du sol et bouchent le ciel ; eux seuls ont droit au soleil quand nous sommes dessous. La pluie, généreuse ici, les abreuve en quantité suffisante. On pourrait presque s'habiller d'une de leurs feuilles sans que ce soit juste une petite feuille de vigne qui cache seulement les parties intimes. Les sentiers sont taillés à travers la végétation et il faut continuellement rouvrir la trace si l'on ne veut pas qu'elle disparaisse.

Quand on s'enfonce dans leurs profondeurs, l'œil accroche soudain un rideau argenté : les chutes du Carbet. Elles auraient, de par leur hauteur, permis à Christophe Colomb de trouver de l'eau douce. Aujourd'hui elles permettent en tout cas encore de s'en émerveiller. Nous trouverons de plus petites cascades pour se baigner où la température de l'eau nous refroidit quelque peu (au sens littéral et figuré).

Animaux de la Guadeloupe 

Les oiseaux, un raton laveur parfois, savent que le touriste est gourmand et qu'il a toujours un petit paquet de gâteaux pas loin ; ils n'hésitent pas à s'approcher. Roméo en fera l'expérience en nourrissant un oiseau sauvage de sa main.

La soufrière domine l'île et culmine à plus de 1400 mètres. Cœur chaud de l'île, elle pousse encore des soupirs sulfureux à son sommet. Son ascension se fait tantôt enveloppé dans les nuages, tantôt perché au dessus des îles dont les plus lointaines sont visibles.

Randos / Cascades 

Le plaisir des sens continue. Nous visitons deux distilleries. La récolte de canne à sucre bat son plein en ce moment. Nous croisons souvent des tracteurs qui croulent sous les cannes et en perdent en chemin, comme s'ils balisaient la route du rhum. On apprend que le rhum agricole est le seul rhum qui soit vraiment issu de la distillerie du jus de canne à sucre, les autres sont issus de la mélasse, résidu de l'industrie sucrière et souvent bourrés de saveurs annexes telles que le caramel, la vanille, pour plaire aux consommateurs et être plus doux en bouche et au nez.

Nous ferons également un tour à la maison du cacao. La dégustation va de la cabosse à la graine de cacao fermentée, torréfiée et moulue pour nous emmener jusqu'à la tablette que l'on connait mieux. Nous goûterons le 100 %, sans sucre donc, encore considéré comme du cacao et le chocolat de 90 à 70 % (pour ce dernier sur 100g : 70g de cacao pour 30g de sucre) aux éclats de café, gingembre ou manioc. Nous goûtons le chocolat chaud version sans lactose, infusé dans de l'eau chaude comme le faisaient, entre autres, les Arawaks, Mayas ou Aztèques à leur époque.

Maison du cacao 

Cette escale, c'est aussi la découverte des cassaves de Germaine servies de son plus bel accent. Passionnée de manioc, elle en fait des galettes appelées cassav - version guadeloupéenne de nos galettes bretonnes, que l'on peut fourrer selon ses envies. Elle en profite pour nous parler du manioc et à l'entendre parler, il semble être le remède à tout les maux du monde.

Au bout de quelques jours on prend le pli en se surnommant "chewi doudou". Même dans les bouchons, très réguliers en Guadeloupe, on se dit "pa ni pwoblem", on coupe à travers les petits bourgs et on finit pas s'égarer et perdre autant de temps que dans les bouchons. Toute autorité s'envole en essayant une autre version du "Roméo on rentre" - "Woméo on wentwe" ou du "Arrête de pleurer Jéromine" - "Awete de pleuwé Jéwomine".

Pointe de la grande vigie / Porte d'enfer / Trou ma'ame Coco

Il est temps de rentrer, la famille d'Arnaud dans le froid métropolitain, et nous dans notre petit bateau qui nous a attendu sagement. Le foie va pouvoir se reposer un peu de tous ces chouettes apéros. On a fait le plein de famille pour un petit temps, il nous faudra certainement une piqûre de rappel bientôt pour lutter contre une certaine nostalgie. On dit aussi adieu - temporaire - à la douche, à la machine à laver, au robinet, etc...

On dit aussi au revoir à "Qué Bonito"... Qué bonita cette rencontre ! On retrouve ainsi Yann et Mathilde à la marina de Pointe-à-Pitre pour un dernier apéro le soir où nous déposons la famille Maillard à l'aéroport. De leur côté le bateau est vendu et le voyage prend fin dans quelques jours. On espère les recroiser, sur terre ou sur les flots, qui sait, peut-être sur un nouveau bateau. De notre côté, nous sommes encore en Guadeloupe pour quelques semaines, car elle a sans doute encore bien des choses à nous montrer.

Guadeloupe en famille 

À commencer par des dauphins ! Ils viennent visiter le mouillage de Deshaies que l'on vient de retrouver. Des ailerons passent entre les bateaux et nous les approchons en annexe comme jamais nous n'avons pu le faire. Ils ne voudront malheureusement pas, cette fois ci, nager avec nous. Puis Arnaud veut passer au niveau supérieur de plongée : le niveau "Advanced Open Water DIver" de chez PADI. On s'adresse pour cela à Cyril qui tient son club de plongée, Calypso, à Deshaies ; on vous le recommande chaudement ! Manon l'accompagne pour quatre des cinq plongées qui constituent sa formation : une première remise en jambes, une épave, "l'Augustin Fresnel", dépolluée et immergée volontairement par 35m de fond, une plongée de nuit au pied du gros Morne dominant le mouillage bientôt endormi, une plongée d'orientation au milieu d'un corail en pleine forme et une plongée profonde à 50m pour tester les effets de la narcose à l'azote.

PRUDENCE ! 

Les rencontres vont bon train, à commencer par le bateau Cyrano, dont les occupants nous invitent à l'apéro alors qu'on cherchait à leur emprunter des outils. Outils, ils n'ont pas, mais du rhum, ça oui ! Ce couple de retraités voyage depuis bien des années et, se coupant régulièrement la parole, ils nous font rêver à travers leurs destinations passées, et nous donnent de nouvelles idées pour la suite. En parlant de rêve, le bateau Rêvade, Pascal et Lorraine à son bord, déjà rencontré à deux reprises, nous convie à un apéro à quatre bateaux. Nous faisons alors la rencontre de , encore un couple de retraités qui achève prochainement son tour du monde en 5 ans, et Balthazar, un couple de jeunes, Sylvain et Clémentine, partis un peu après nous pour 3 ans. Iô nous parle de Polynésie avec des étoiles dans les yeux et Balthazar pense à la suite avec la même ferveur. Nous espérons bien les recroiser, surement au Guatemala, pour la saison cyclonique.

En même temps il nous faut reprendre le quotidien du bateau et ses innombrables travaux. Cette fois ci il devient urgent de changer quelque peu notre système de barre qui commençait à franchement fatiguer depuis les grenadines. Cela implique de commander des pièces qui arrivent à la marina de Pointe à Pitre quelques jours plus tard. Non véhiculés, on échauffe notre index, qui, ici, est le doigt de la main indiqué pour faire du stop plutôt que le pouce. Et ça marche ! On montera au total dans sept voitures (trois à l'aller et un petit bout en bus, et quatre au retour). Les rencontres sont très différentes et les moyens de locomotion en font une belle vitrine. On passera de la scénic touchant bientôt la fin de vie à la mercedes automatique hyper-climatisée en passant par le 4x4 tout équipé d'un représentant d'entreprise. Pourtant dans l'ensemble, les gens s'arrêtent bien volontiers et partagent un petit bout de trajet autant que de vie avec nous. Deux jours seront nécessaires pour finaliser les travaux et le résultat nous inspire confiance. On va pouvoir reprendre la mer dans un futur très proche.

Mais avant cela il nous reste des choses, enfin plutôt des amis, qui nous retiennent encore ici. On attend de voir pointer à l'horizon les voiles de Tabernac et d'Amazonia, notre voisin alors qu'on était encore en chantier à Nantes. Thomas, propriétaire d'Amazonia retapait alors un "Écume de Mer", lui donnant une seconde vie qui a commencé par une traversée de l'Atlantique jusqu'au Brésil pour ensuite le laisser au mains d'un apprenti marin voulant goûter aux embruns. Ils doivent rallier ensemble la Guyane à la Guadeloupe et rejoindre notre mouillage. Tabernac est le premier arrivé et les retrouvailles sont joyeuses et bien arrosées. Les bateaux sont voisins au mouillage, toute occasion est bonne de converser. Et puis, eux vont bientôt repasser de l'autre côté de l'Atlantique et retrouver la Belgique. Alors c'est l'occasion d'en profiter encore un peu et d'ouvrir de nouvelle boites de conserve surprises pour marquer le coup. On cherchait quelque chose à tartiner pour l'apéro ; on se tourne vers les boites marquées "Francis et Clémentine" qu'on remercie au passage ! On tombe sur des calmars farcis (qu'on ne tartinera pas) et un met carné dont on ne saurait véritablement dire la vraie appellation (mais qu'on ne tartinera pas non plus). Même culinairement on voyage !

Merci à Clémentine et Francis, c'était inconnu mais goûtu ! 
Equipage de TABERNAC au mouillage de Deshaies 

Le site internet de Calypso plongée à Deshaies : http://glplongee.fr/

8
avr

Nous y voilà, Karukera, il faut maintenant quitter tes belles eaux. Direction les îles vierges britanniques, qui, on l’espère, ont gardé un peu de leur virginité. On salue nos compagnons de voyage en quittant le mouillage, en espérant les revoir à Namur, devant une belle pinte bien fraîche pour changer du rhum bien tassé.

Nous hissons les voiles, et c’est comme si l'on n’avait pas navigué depuis hier. Le vent nous pousse comme pour nous encourager à aller voir ailleurs. Trois petits jours de navigation nous attendent à slalomer entre les îles. Montserrat, dont le volcan gronde encore, et dont la moitié de l’île est fermée aux habitants. Puis Nevis et Saint Kitts, Saba, Antigua, Saint Barthélémy et Saint Martin. Les quarts sont calmes et la voie lactée est bien au rendez-vous. Nous apercevons bientôt l’archipel que nous visons au loin et cherchons la passe qui nous fera entrer à l’intérieur du chapelet d’îles. Le génois seul, bien gonflé, tire le bateau et l’amène dans un nouveau décor bien vert au premier regard. Bien vert, et pourtant on remarque déjà les séquelles d’Irma qui a frappé dernièrement. Nous jetons l’ancre devant une belle plage de sable blanc, près de Spanish Town, sur l’île de Virgin Gorda, où nous ne ferons nos formalités que le lendemain étant donné que le soleil est déjà bas sur l’horizon. On saute à l’eau vérifier la bonne tenue de l’ancre et remontons dare-dare l’instant d’après. Un bon gros barracuda nous offre son plus beau sourire carnassier sitôt la tête sous l’eau… On y retourne quand même, il rôde mais a l’air plus curieux qu’agressif. On repère l’ancre, mal prise, Arnaud la cale sous une pierre et on écourte la session dans l’eau.

Le lendemain matin, nous débarquons à terre. Les dégâts sont importants. Nous traversons un chantier maritime rempli d’épaves et de bateaux rescapés. Des coques sont éventrées, des mâts tordus ou brisés et ça s’active déjà pour remettre ce qui peut l’être à l’eau. A l’immigration, nous retrouvons notre voisin suédois de mouillage qui occupe un tout petit bateau de 6 mètres. Le fonctionnaire s’étonne en lisant sa fiche : "Votre bateau, il mesure 20 pieds ? 20 pieds ou 20 mètres ? 20 pieds, vous êtes sûr ?". "Oui oui, 20 pieds ce qui fait 6 mètres !", répond Frédérick, le propriétaire du bateau, avec un grand sourire. Puis c’est notre tour ! Le fonctionnaire est cordial mais menaçant. Nous n’avions pas le droit de mouiller avant d’avoir fait nos formalités d’entrée, nous devions attendre, amarrés au ponton prévu à cet effet. Il parle de prison, de nous faire retirer le bateau. Nous prenons des airs contrits (et un peu consternés) et mimons un "oui-oui désolé" de la tête. Nous obtenons néanmoins notre laisser-passer et réintégrons notre bord. Finalement, qui du barracuda ou du fonctionnaire était le plus menaçant… ?

The baths 

Nous laissons passer la chaleur de midi et partons plus tard en exploration vers un site appelé "The Baths". Nous laissons l’annexe sur la plage et finissons à pied. L’heure commence à être tardive, il n’y a plus âme de touriste qui vive. Nous avons presque les lieux pour nous. Les Baths sont une agrégation de gros blocs de granite qui reposent les uns sur les autres dans un équilibre miraculeux, formant grottes, tunnels et petites baignoires. Une sorte de partie de pétanque jouée par des géants. On déambule ainsi au milieu de ces mastodontes en priant pour ne pas déclencher une avalanche en butant malencontreusement contre le petit caillou qui retenait toute la pyramide. On serre les fesses, on rampe, on passe de profil tels de vrais égyptiens, on baisse la tête – oups aie pas assez – et on escalade. On retourne enfin sur la plage pour attraper le coucher du soleil.

Coucher du soleil à Spanish town 
11
avr

Après avoir joué les apprentis explorateurs, minuscules lilliputiens au milieu d’un jeu de boules géant, nous continuons notre rêve d'enfants en partant à la recherche d’un trésor perdu, enfoui dans les grottes de Norman Island. Nous mouillons dans une baie bien protégée non loin de là, près d’un petit cargo échoué. "The Caves" consistent en fait en trois grottes où auraient été trouvés, selon la légende, des gallons d’or qui auraient inspiré "L’Ile au Trésor" de Stevenson. On a beau farfouillé dans le fond de la grotte armés de nos tubas, on ressort bredouille. Tant pis, on a déjà le bateau de pirates, le trésor attendra. On se retrouve ensuite sur un autre site à 1 mile de là, "The Indians". On croise du gros (poissons), beaucoup de perroquets (toujours poissons), et de beaux fonds, entre tombant et tunnel sous-marin. On revient au bateau affamés et lessivés. La suite, et fin de la journée, n’est donc pas des plus énervée.

Cargo échoué au mouillage 

On fait un détour par l’île de Tortola, la plus grande de l’archipel, pour aller chercher une bouteille de plongée pour Arnaud, commandée dans un club, et faire quelques courses. De nouveau les témoins du passage d’Irma sont flagrants. Un mât sort de l’eau au beau milieu de nulle part et on devine le reste, coulé au fond. Les pontons sont brinquebalants ou effondrés. Certains toits se sont envolés.

Retour à Norman Island où nous squattons une bouée d’amarrage de clubs de plongée pour faire notre première plongée en autonomie totale. Totale ou presque puisque nous sommes suivis tout au long de notre plongée par un gros pagre attachant. Cette plongée, malgré de beaux fonds et une profusion de poissons, ne sera sans doute pas notre plus belle mais est réussie. Surtout qu’Arnaud nous ramène à bon port, juste en dessous de la bouée d’amarrage.

C'est-y pas beau là-dessous ? 
15
avr

Notre dernière escale s’appelle Jost Van Dyke. Nous y ferons nos formalités de sortie. Le village est de plein pied sur la plage et les bar-restaurants en sont les principaux occupants. Le Foxy’s a une réputation qui le précède et on y trouve une maxime pour contrer les effets d’Irma « I Require More Alcohol ». Nous préférons partir avant de la mettre en application et hissons les voiles vers la République Dominicaine.

18
avr

Nous quittons les Îles Vierges Britanniques (BVI) et passons au nord de ses sœurs jumelles américaines. Alors que la nuit tombe, des flashs éclairent soudain le ciel et n'augurent rien de bon. Des nuages noirs font tomber encore davantage l'obscurité de la nuit. L'orage gronde et les éclairs semblent plutôt localisés au sud de notre position, au dessus des îles. C'est une navigation très stressante avec des grains qui nous poussent encore à 5 noeuds alors que toutes les voiles sont affalées. Le cap est tenu au nord des grandes antilles et nous arrivons quelques dizaines d'heures après aux abords de la République Dominicaine. Pensant nous arrêter "discrètement" pour la nuit nous avons repéré une grande baie assez loin de toute ville pour mouiller et nous accorder un bon sommeil récupérateur. Nous arrivons alors que la nuit est déjà bien noire mais ça ne suffit pas pour assurer notre discrétion puisqu'une barque nous fonce droit dessus dès que la pointe de l'ancre effleure les fonds. Deux hommes armés nous réclament en espagnol notre "despacho" (en gros notre permis de transiter d'un lieu à l'autre à l'intérieur de la République Dominicaine sauf que nous n'avons même pas fait notre entrée dans le pays...). On explique le plus calmement du monde qu'on arrive seulement des BVI et qu'on voudrait faire un stop pour la nuit. L'un des deux appelle quelqu'un au téléphone, se marre un peu pendant que l'autre tient fermement sa mitraillette d'une main. On se sent un peu seuls d'un coup. Puis soudain il raccroche et nous dit que tout est ok, qu'on peut passer la nuit tranquilles et qu'il nous faut juste repartir demain matin au lever du soleil.

Finalement le lendemain matin on se dit que tant qu'à avoir mis un pied en République Dominicaine autant faire un stop pour de bon. Nous sommes au sud de la baie de Samana, il nous faut la traverser de part en part pour faire les formalités à Santa Barbara de Samana. Il est à noter que les baleines bleues profitent de la baie de janvier à mars pour mettre bas et repartir avec leur petit. Il est tard, mars est déjà bien derrière nous mais on guette, on scrute. Arnaud renonce et rentre. Manon renonce un peu aussi mais reste dehors. Soudain, juste à côté du bateau, un souffle, puis un cri : "Arnaud, baleines !" Elles montrent leurs dos, un grand et un petit, elles respirent en geysers impressionnants. On attend et on redoute l'instant où la queue va sortir de l'eau car c'est à ce moment-là qu'elles plongent et qu'on ne les voit plus. Et pourtant, quelques temps après avoir vu cette fameuse queue, elles réapparaissent, les mêmes ou d'autres congénères et c'est le même ballet qui recommence. Il va falloir nous croire sur parole car nous n'avons pas d'image à l'appui. Aucune envie de perdre une miette de ce beau moment qui ne dure que très peu de temps.

Santa barbara de Samana 

Nous arrivons finalement à Santa Barbara et tombons sur notre voisin des BVI et son petit bateau. Seul changement : ils sont deux dessus ! Le suédois a pris une bateau-stoppeuse française. Il est à coté d'un autre bateau, portant également pavillon suédois, qui fait presque trois fois la taille du sien. Pas question de descendre du bateau avant la visite des autorités, on en profite pour ranger un peu tout le bazar qu'on s'autorise pendant les navigations en se disant qu'on rangera au mouillage. Les autorités ne mettent pas un pied dans le bateau (on a bien fait de ranger...), ils nous posent les questions habituelles, ne reste que l'immigration à faire le lendemain. En attendant, nous passons la soirée avec nos deux voisins de mouillage suédois. Une bouteille de schnaps est sortie et les deux suédois chantent chacun leur tour à chaque nouvelle tournée une petite chanson de pochtron pendant qu'on lève nos verres. Puis on les vide cul sec. On espère vaguement que leur répertoire musical s'assèche aussi vite que nos verres ou on va bientôt chanter Swedish aussi bien qu'eux. Vient le tour des frenchies et nous faisons une piètre interprétation du rhum, des femmes, et de la bière non de...hop cul sec. Allez on va se rentrer nous, ça vaut mieux...

Le lendemain, formalités faites, nous retraversons la baie direction "Los Haïtises", un parc national. D'un côté de ce parc, la mangrove, de l'autre de gros blocs rocheux posés ça et là, colonisés par la verdure, qui pend, s'emmêle, s'immisce dans la roche. Et par dessus tout ça les oiseaux, hérons, frégates, pélicans, vautours, qui nichent et se posent sur ces promontoires naturels. La nature a sculpté ces lieux à en faire pâlir le meilleur des architectes. Nous croisons parfois quelques barques mais passons notre première nuit dans un silence absolu, sur une eau des plus calmes. Seuls les nonos, ces petites mouches assoiffées de sang, nous font littéralement ch**r.

Au matin, nous prenons l'annexe et allons nous perdre dans les dédales arborés quand il s'agit de la mangrove, ou dans les dédales rocheux de l'autre côté. Nous découvrons les cavernes dans lesquelles a vécu le peuple amérindien des Haitises et dont ils ont peint les parois de figures diverses. La fraîcheur des lieux contraste fortement avec la chape de plomb étouffante de chaleur que l'on retrouve à la sortie. Dans une autre caverne, un garde du parc nous accompagne et nous montre de sa lampe torche les nouveaux ou peut être les plus anciens occupants des lieux : les chauves souris. Pendues au plafond, elles attendent la nuit pour s'aventurer dehors.

Los Haïtises 

La pluie nous cueille à la sortie de la grotte et nous attendons que ça se calme en partageant quelques mots avec les gardes devant leur maison de fonction. La communication n'est pas des plus aisées mais chacun essaie de raconter un peu son quotidien.

Nous rentrons au bateau pour notre dernière nuit dans cet essaim de verdure, de tranquillité et de nonos surexcités ! Et nous retournons finalement à Santa Barbara, déjà nostalgiques de l'endroit mais soulagés de mettre un terme à ces démangeaisons qui nous lanceront néanmoins quelques piqûres de rappel même plusieurs jours après.

Nous partons à la découverte de la ville que l'on découvre très bruyante et animée. Des motos, des camions à l'américaine, des voitures, des tuk-tuk et on en passe... Nous aurons au moins eu un aperçu de l'agitation qui y règne et des gens que l'on trouve très sympas et aidants puisque nous ne ferons pas d'autre arrêt dans ce pays. Enfin si, un dernier, discrètement, juste un mouillage pour la nuit, loin des villes, sous le clair de lune, et cette fois, nous passerons inaperçus.

27
avr
27
avr

Une navigation de quelques jours qui ne devrait pas poser de problème nous attend pour rejoindre la Jamaïque. L’orage rode toujours dans les parages mais on passe pour l’instant entre les éclairs et les gouttes. Le seul passage que l’on craint un peu est entre Haiti et Cuba, pour rejoindre la pointe Est de la Jamaïque. On a prévu un peu juste sur l’essence et on sait bien que dès l’entrée dans le canal on va se retrouver dans une pétole (calme plat) monstre. On trouve d’abord un vent qui nous pousse trop légèrement au près, puis plus de vent du tout pendant une vingtaine d’heures. Il nous faut garder quelques litres pour l’arrivée que nous préférons faire au moteur. On surveille, on espère le retour du vent, on fait quelques heures toutes voiles affalées, le moteur au repos, car la mer est tellement calme et lisse qu’elle permet de se croire dans un mouillage abrité alors qu'on est à plus de 50 milles de toute côte. Enfin, une légère brise vient gratter la surface de la voile et nous fait reprendre de la vitesse progressivement. Nous arrivons de nuit dans la petite baie de Bowden Harbour. Quelques bateaux sont déjà au mouillage, sans leurs feux de mouillage, la lueur de la lune permettant de les distinguer malgré tout. Ce sont deux bateaux français dont nous ferons la connaissance lors d’une chouette soirée et plus, et qui naviguent de pair depuis le Cap-vert. Ils poussent en Colombie dans quelques jours.

Au matin, interdiction de quitter le bateau tant que toute la panoplie des services administratifs n’est pas passée nous voir. Cette fois on a laissé le bateau dans son désordre et dans son jus de nav'. Pas de chance, les autorités jamaïcaines seront les plus procédurières et viendront à bord par deux fois. Ce sont d’abord les gardes côtes qui nous soumettent à un interrogatoire complet, puis une personne en charge de la santé et l’alimentation qui vérifie notre stock d’eau et de nourriture. Elle nous fait clairement comprendre que c’est la dèche chez nous. Nous mettons alors pied à terre pour rencontrer les services de l’immigration et des douanes. Et tout ça pour la modique somme de zéro dollar jamaïcain, nous n’avons rien déboursé. Pour l’instant…

Bowden Harbour est un poste de garde-côtes et il n’y a pas grand chose à des kilomètres à la ronde. Ils sont en autarcie et s’organisent un petit quotidien, loin des rumeurs de la ville, jeux de domino et parties de football comprises. On interagit un peu avec eux. Surtout avec leur préau, havre de fraicheur, qui nous soulage un peu de la chaleur écrasante et torride qui règne ici. La nature s’avère déjà très belle, la côte n’est que peu construite et laisse tout loisir aux arbres et bambous géants, de coloniser les lieux. La saison des mangues est imminente, et les manguiers font légion. Mais c’est sans compte les bananes, ananas, papayes et goyaves… Les Blue Mountain, au loin, élèvent l’horizon et le morcellent. Des lambeaux de nuage s’y accrochent d'une manière très poétique.

On part à la découverte de la ville voisine dans un minibus collectif lancé à pleine balle sur les routes jamaïcaines. Ici on roule à gauche. On se frotte à la gastronomie locale et faisons subir un léger traumatisme à nos papilles et systèmes digestifs peu habitués à tant de piquant. Au menu : bananes, patates et patates douces, un petit rond de pâte cuit dans l’eau (encore non identifié à ce jour), un peu de poisson et de viande, de choux et de carottes râpés histoire d'apporter un peu de fraîcheur. Ici, impossible de passer inaperçus, et même si l’on a soigné notre bronzage, on reste deux blancs au milieu de noirs. On découvre le "patois", leur anglais à eux, un peu comme le créole des Antilles Françaises. Et cela donne des conversations un peu cocasses où, à force de faire répéter notre interlocuteur, on fait comme si on avait compris. Rien que leur accueil et leur gentillesse nous font nous sentir bien.

L'arrivée en Jamaïque sera aussi notre premier contact avec la saison des pluies qui arrive petit à petit. De véritables trombes d’eau nous tombent littéralement dessus depuis quelques jours. Une bonne occasion de repérer les petites fuites du pont de DAFFY. La plus importante d'entre elles est repérée au lendemain d'une nuit de pluie ininterrompue : elle est pile-poil au dessus de l’ordinateur… on l’essore un coup et le séchons comme nous pouvons, miracle, la machine repart (après quelques ratés, certes) ! Ce même matin nous découvrirons également notre annexe comme jamais vue auparavant.

Annexe remplie d'eau de pluie 
3
mai

Nous organisons un petit intermède pour aller découvrir Kingston, en laissant le bateau sous la surveillance des gardes-côtes. Le prix des bus locaux est tellement dérisoire qu’on en vient à se demander si on n’a pas payé qu'une seule place pour deux. Impression renforcée quand Manon se retrouve sur les genoux d’Arnaud qui lui même est coincé, les jambes engourdies, entre deux autres personnes tellement ils remplissent leur bus. Le trajet se déroule sans encombre, les paysages nous ravissent. À plusieurs occasions on se considère chanceux, ici ça déboîte sur un coup de tête, sans aucune visibilité, tout en klaxonnant allègrement. Ça dépasse systématiquement lorsque le véhicule de devant n'est pas assez rapide, peu importe si nous sommes dans un virage ou qu'il y ait une voiture en sens inverse. On comprend mieux pourquoi on doit subir de la musique pop acclamant Jésus à tue-tête, sans doute que ça crée une aura protectrice. Arrivés à Kingston, nous nous mettons en quête de notre airbnb. En demandant en toute innocence notre chemin, nous tombons sur quelques personnes qui, l’air grave, nous déconseillent formellement le quartier du "lovely appartement" réservé, "c’est vraiment pas safe comme quartier". En plus de ces commentaires rédhibitoires on n’arrive pas à joindre le propriétaire, David. On se laisse donc rediriger vers un hôtel que nos "anges gardiens" nous conseillent et nous disent pas trop cher. Résultat : un magnifique hôtel de passes dans lequel nous nous endormons, bercés par les jubilations à peine sous entendues de la femme de la chambre d’à côté, qui crie "ô god" cette fois-ci pour une raison différente de celle évoquée dans le bus. Nous prenons la fuite le lendemain et tentons quand même le airbnb, ayant finalement eu David au téléphone. Arrivés dans le quartier, nous redemandons notre chemin et rencontrons de vrais anges gardiens qui nous prennent sous leurs ailes, et nous sympathisons le temps que David vienne nous chercher. Nous traverserons alors notre futur quartier, "Mountain View", assez délabré, complètement ghetto où on a l’impression que David est notre seule carte maîtresse qui empêchera que quiconque vienne nous embêter. Il n'en est rien en réalité, nous ne nous sentirons jamais dans l’insécurité, sortirons de nuit comme de jour. La seule menace qui pèse lourdement ici, plutôt sur notre sommeil d’ailleurs, est l’église juste en face qui organise chaque soir un vrai concert hard rock où le prêtre se lance dans des discours dignes des dictateurs les plus déchaînés mettant en transe ses fidèles.

PROTOJE - Kingston Be Wise 

La journée, nous alternons marche à pied et taxi. Nous mettons un peu de temps à comprendre taxi privé / taxi local. Le premier privatise sa voiture pour nous, comme un vrai taxi, avec des prix raisonnables mais bien plus élevés que ce que nous payons en prenant, comme tout jamaïcain, le taxi collectif ou local. Il faut juste réussir à tomber sur le bon qui va dans le quartier où vous voulez vous rendre. On demande souvent de l’aide mais on finit par s’en sortir.

Kingston a deux facettes, les bas fonds, Downtown, et New Kingston ou Uptown qui regarde son alter ego de haut. Le premier regorge de rues colorées, animées, où les enceintes énormes résonnent à chaque coin de rue. C’est bien plus populaire mais c’est aussi plus vivant ! On s’aventure dans Corronation Market. Ça fourmille littéralement, du monde partout, ça grouille, ça se croise, ça s’interpelle, ça se bouscule. On est pris dans la tourmente. Même les bus de la ville arrivent à se faufiler entre une charrette et un étal. La musique de Bob MARLEY est née dans le quartier de Trench Town (celui-là même qu'il chante dans "No woman no cry"). On guette quelques notes de reggae depuis des jours, on se dit qu'il est évident qu'il puisse y avoir quelques musiciens accrochés à ce secteur. On en sort mitigé, le quartier a beau avoir été le bouillon de culture du reggae avec plusieurs grands noms nés ici, Vincent Tata Ford, les Wailers, ou d'autres, aujourd’hui on te chante la douce mélodie : "don’t worry, everything’s gonna be alright si t’as des dollars US ou jamaïcain, on prend les deux avec plaisir". Alors oui, on s’est assis sur le lit de Bob Marley (on hésite depuis à laver nos shorts portés ce jour-là), on a pu toucher ses partitions, voir sa toute première guitare, on se sent dans le berceau de ses débuts mais ça manque d’authentique, ça manque de vie réelle. On a l'impression que tout est postiche. Elles sont passées où toutes ces âmes d'artistes ? Le guide (parce que oui, tu dois visiter avec un guide - qui, forcément, te demandera un pourboire -) a l’air de réciter sa leçon. Lorsqu'il en a fini il nous laisse, dans un petit studio, entre les mains de musiciens qui nous disent suivre les préceptes de Bob avec leur propre musique. Voilà le deal : si on aime ce qu’ils vont nous chanter, on achète le CD. Et bien, vous vous en doutez, on a aimé, alors on a acheté le CD la main à peine forcée... La visite continue avec un gourou, mi-chaman mi-charlatan, qui a trouvé trois cailloux dans son jardin, lesquels, si tu les regardes avec un certain angle et énormément d'imagination, forment, comme par magie, un B, un O, et un B. Pauvre Bob, tout est bon pour piller les touristes. L’homme nous demande un pourboire mais Arnaud refuse catégoriquement, on prend nos jambes à nos cous.

ALBOROSIE - Kingston Town 

Uptown, d’un autre côté, c’est propre, rangé, carré, noir, blanc et gris. C’est le quartier des affaires, c’est aussi le quartier touristique sans trop se mouiller et se heurter aux quartiers populaires de Jamaïque. Ici on mange des glaces (soit disant une des meilleures du monde) et on déguste un café des Blue Moutain (lui vaut le détour par contre). La Jamaïque nous surprend par ses nombreux visages. On pousse au nord de la ville pour visiter "Hope Garden", le parc botanique où les jardins bien entretenus, les palmiers, les parterres de fleurs rivalisent avec la majesté des montagnes alentours. L’ensemble forme un tout qui se marrie bien malgré tout et on respire un peu, loin de l'agitation de la ville.

8
mai

Port Antonio est notre seconde escale sur l'île. Sa baie est coupée en deux : West port et East port. Le premier est plus proche de la ville, dans un joli cadre près de la petite marina.

Problème n° 1 qui nous est tombé dessus au mouillage précédent : le moteur hors bord de l'annexe ne veut plus rien savoir. Nous mouillons donc en fin d’après midi tout près des pontons car il faut ramer (avec une seul rame qui en plus est cassée...) pour aller à terre. Le lendemain, après un examen approfondi, Arnaud trouve la cause du problème et nous revoilà plus mobiles. On passe à notre problème n°2 : le gaz. Nous allons bientôt être à court et utilisons des bouteilles CampingGaz 3kg que nous ne trouvons pas ici. Il faut donc les remplir d’une façon ou d’une autre ou changer de système pour l’américain qui à partir d'ici sera plus international. Nous demandons conseil à la marina qui nous pose un problème n°3 : nous leur devons la nuit que nous venons de passer au mouillage près d’eux. D’après le gouvernement, la partie Ouest où nous sommes est payante et pas l’Est. Trente dollars US. Arnaud s’insurge, s’énerve, Manon essaie d’être conciliante (stratégie bien connue du méchant flic/bon flic) et la responsable finit par céder et veut bien tout oublier. On ne demande pas notre reste, déguerpissons illico presto et passons de l’autre côté du "mur" pour savourer notre tranquillité gratuite. Ce n’est clairement pas à cette escale que nous résolverons notre problème de gaz.

East harbor 

Nous partons nous enfoncer dans les fameuses Blue Moutain, et prenons un taxi-co. Le conducteur s’arrête soudain et une personne se glisse dans le coffre. On comprend bientôt qu’on essaie de nous refiler un guide entre les pattes. Arnaud s’insurge à nouveau : pas besoin de guide ! On apprend quand même à cette occasion qu’il y a une belle cascade dans le coin. Le taxi nous dépose et nous continuons seuls la seule route possible, droit devant. Nous croisons quelques chèvres (il y en a partout en Jamaïque, au grand bonheur de Manon) et la route devient alors un petit chemin entre les arbres, un peu glissant suite aux récentes pluies. Nous arrivons bientôt dans un cul de sac où le seul échappatoire est de descendre un escalier vertigineux, qui mène justement à la dite cascade. Le lieu est magique, plein de forces. L’eau jetée du haut de la roche, bouillonne, serpente et continue inlassablement sa route plus bas. Et nous en sommes les uniques, chanceux, visiteurs. Nous restons muets devant la puissance des flots qui plongent vers nous. Et quand, enfin, nous sommes rassasiés, nous faisons le chemin inverse.

Nanny town 

Nous redescendons vers Beridale, petit bled au pied du rio grande. Ici on propose aux touristes de descendre le fleuve en rafting, sur une embarcation en bambou. On craque mais on essaie tout de même des moyens détournés. On laisse tomber le bureau officiel qui vend assez cher l’activité et partons avec un gars du coin, Milton, guide aussi sur la rivière mais de manière plus officieuse. Pour ne pas se faire repérer par les "contrôleurs", il nous fait embarquer un peu plus bas et nous déposera un peu plus en amont du point normal d’arrivée. Comme ça on est incognito. On est tout de suite séduits par le moyen de locomotion que Milton dirige avec une grande perche en bambou. Il mobilise force et habilité pour orienter le rafiot dans les rapides, entre les rochers, et dans les passages calmes. Autrefois, ce sont des régimes entiers de bananes qui étaient acheminés ainsi vers la mer des caraïbes. A certains endroits il nous encourage à sauter à l’eau et nager autour des bambous. On en ressort ravis, reposés, dépaysés et convaincus de ce moment original passé en bonne compagnie. On n’a peut-être pas autant négocié qu’on aurait dû mais il faut dire qu’après cette petite ballade en amoureux de 2h30 à l’arrière de son embarcation, Milton doit, lui, refaire toute la route en sens inverse, parfois les pieds dans l’eau quand il doit tirer son radeau pour remonter les rapides.

Descente du Rio grande 
On change de rafiot !
13
mai

Falmouth est une ville sans grand intérêt mais dans laquelle il est agréable de déambuler. La vraie raison de notre arrêt concerne le lagon dans lequel nous avons mouillé. Et ce dernier nous a offert une expérience des plus inédites. Nous avons attendu et à la nuit bien tombée sommes montés dans l’annexe. Entre les eaux et la nuit noire, seules les étoiles et des éclairs non loin de là nous apportaient un peu de lumière. Pourtant une autre source de lumière est bientôt apparue. L’annexe lancée à pleine allure eut soudain une traînée bleutée derrière elle, comme une voie lactée à ses trousses, un jet de lumière tout droit sorti de la guerre des étoiles. L’explication provient de micro algues présentes spécifiquement dans certains endroits du monde comme celui-ci qui réagissent lorsqu’elles sont agitées et donnent cette lumière bleutée, un peu futuriste. Difficile d'avoir un rendu correct en photo, on vous met donc un lien pour mieux comprendre ce dont il s'agit : lien lagon lumineux.

15
mai
15
mai

L'ancre est crochée au pied du yacht club. Grosso modo, on débarque dans les beaux quartiers. Beaux hôtels, spa luxueux, hard rock café en grande pompe, resort tous plus flamboyants les uns que les autres. La Californie en Jamaïque ! À vrai dire, on se laisse séduire par la tranquillité des lieux. Le seul problème lié à cela est le fait que nous sommes catégorisés de la même manière que les gens aux bourses pleines qui viennent une semaine en vacances ici. On nous propose à tous les coins de rue le meilleur deal de notre journée : "Lui, il prend vraiment pas cher !" "Lui on peut lui faire confiance ça fait vingt ans qu’il tourne dans le coin, il n'est pas là pour vous arnaquer !" Ils prendraient quand même vingt dollars US pour nous amener deux trois pâtés de maison plus loin, trajet que l'on fait pour moins d'un seul en faisant appel aux taxis que les jamaïcains empruntent.

Deux destinations que nous n’aurons pas le temps de faire en bateau nous tentent encore. Alors on prend le taxi-co et on fait des kilomètres, quitte à traverser la Jamaïque de part en part. Direction Black River ! Nous croiserons la distillerie Appleton, la plus célèbre du pays, mais n’aurons pas le temps de la visiter alors que nous appréciions déjà leur rhum. Arrivés à notre destination, nous cherchons un moyen de remonter la rivière pour faire connaissance avec quelques crocos ! Comme d’habitude, il y a la manière officielle de faire la ballade sur la rivière qu’on fuit d’urgence. On va de l’autre côté de la rive et un pécheur nous prend dans sa barque, moyennant négociation où on a l’impression de ne pas sortir si perdants. Il nous fait la version un peu accélérée de la ballade, mais sa barque est authentique, ses explications sont exhaustives et on se laisse envoûter par l’atmosphère de la rivière au fond noir et ses allées naturelles de mangrove qui viennent tremper leurs longs bras boisés dans l’eau. Les crocodiles sont au rendez-vous. Timides, ils sortent leurs gros yeux jaunes de l’eau mais il est difficile d’en voir plus. Encore un nouveau visage de la Jamaïque, on est content du détour.

Black river 

Le jour d’après, on part pour Négril. Un beau littoral mais inaccessible ! Un haut lieu du tourisme touristiquement réservé aux touristes. Les hôtels ont tout quadrillé, le Rick’s café, soit disant dans les meilleurs bars du monde, offre une belle vue mais mieux vaut y prendre un diabolo menthe pour deux et ça sera toujours dix dollars US. On tombe alors sur un habitant du quartier. On a l’impression qu’on fait une belle rencontre, il peut sans doute nous emmener en dehors des sentiers battus. Pour commencer il nous propose d’aller voir la plantation de cannabis qu’il gère avec son frère. Allez ! on va quand même pas repartir de Jamaïque sans avoir vu une tige de Marie-Jeanne. Il nous fait un peu le guide, nous explique l'histoire du quartier dans lequel il est né, nous montre le phare où il travaille de temps en temps, nous dit qu’il a un bon plan pour aller se baigner, pour toucher un peu de cet océan qui semble uniquement réservé aux clients des hôtels, et fait le photographe. On arrive chez son frère, qui nous accueille les bras grands ouverts. Les plans gigantesques de cannabis sont bientôt sous nos yeux. Mission accomplie pour lui, il doit partir. À ce moment-là, il réclame son dû sans la moindre gène. On hallucine bien qu'on n’ait pourtant rien fumé. Vingt dollars US pour son petit tour. On négocie sévère, passablement saoulés, il s’irrite et repart vexé. Ce rapport à l’argent nous gène toujours, on a l’impression d’être extorqué et on perd le sens du "tip", du "pourboire", donné de manière volontaire et avec plaisir. Surtout quand ce qui est demandé est exorbitant. Ce genre de rencontres nous laisse méfiants, et nous font redouter les suivantes. Alors quand le pauvre frère prend la relève et veut nous montrer le phare, on y va à reculons, certains qu’on va encore se faire saigner. On écourte la ballade, on parle à peine alors qu'il semble demandeur, très mal-à-l’aise. En se disant au revoir, il nous prend dans ses bras et nous salue de la main, il ne nous a rien demandé…

Negril 
• • •

Après un mois passé sur cette île, on a bien envie de faire un peu le bilan, un peu à chaud, tant pis.

La Jamaïque est un pays qui appelle souvent la contradiction, donc notre récit ne peut être raconté sans ce petit mot "mais" qui malheureusement apparaît trop souvent pour ponctuer les phrases.

La Jamaïque est splendide. La nature, extravagante, jaillit de tout côté, même là où on ne l’attend pas, elle est belle, luxuriante. Elle est reposante, parfois étouffante, vivifiante. Elle est faite de montagnes dont les cimes font pâlir de jalousie leurs îles voisines de toutes les caraïbes, plus petites, de cascades puissantes et rafraîchissantes, d’arbres fruitiers qui croulent sous leurs cargaisons. Mais c’est une nature bien souvent privatisée, monnayée, parquée, où l’on ne peut plus déambuler sans guide. L'oeuvre de dame Nature transformée en gargantuesque parc d’attractions.

La Jamaïque est accueillante, le contact est facile, les gens sont souriants, spontanés, et entament facilement la conversation, provoquent souvent le rire. Ils n’hésitent pas à nous aider, râlent parfois contre leurs frères jamaïcains qui essaient de profiter de notre différence, nous remettent sur le droit chemin, nous montrent les règles. Mais que de rencontres également gâchées au moment où l’argent rentre en compte. Dès lors on rase les murs, on change de trottoirs pour éviter le chauffeur de taxi qui, la veille, nous a tenu la jambe pendant une demi-heure pour nous faire monter dans sa voiture pour un prix exorbitant. On nous remet, parfois de manière assez rude, à notre place de touristes, consommateurs.

"Vous avez de l’argent à dépenser, n'est ce pas ? Bienvenue en Jamaïque !"

1
juin
1
juin

Nous mettons les voiles en même temps que ce cher Alberto. Alberto, c’est le premier cyclone de la saison et il ouvre le bal pour les six mois à venir. Né d’une dépression tropicale près de la péninsule du Yucatán il a pris son envol vers le nord et les Etats-Unis s’affaiblissant heureusement assez rapidement en touchant les côtes. Il a malgré tout causé son lot de dégâts. Notamment, une petite marée noire et des infrastructures routières cassées. Nous ne croiserons donc pas son chemin mais on suppose en avoir eu les "miettes" au vu du vent fort présent les premiers jours de notre navigation. Ça siffle gaiement dans les haubans. Moins en cabine. Le bateau s’en donne à cœur joie et on veille plutôt à ne pas dépasser les 7 nœuds en réduisant pas mal la toile pour ne pas forcer sur le matériel. On alterne entre céréales grappillées à même le paquet et nouilles chinoises (bœuf ? porc ? poulet ?). Manon, surtout, alterne aussi entre la position allongée et assise. Et puis l’orage n’est jamais loin.

Quelques jours plus tard, le vent nous lâche d’un coup. On respire mais on enrage aussitôt. Au moins à la voile on avançait. Là, au moteur, on se traîne. Il n’y a que la gastronomie du bord qui y gagne. Le vent revient alors, de face, et lève un clapot désagréable. On tape à chaque vague tel un cheval à bascule. Notre vitesse est ridicule et nous fait craindre de ne pas avoir assez d’essence pour arriver au bout. Heureusement, une poignée de dauphins surexcités investissent l’avant du bateau et nous redonnent le moral. D’ailleurs, le vent tournera pour le dernier jour. Il est cette fois bien portant, et nous pousse gentiment vers le Guatemala. Nous arrivons à minuit (pour nous c’est devenu une tradition d'arriver de nuit) et mettons le réveil 4h30 plus tard. En effet, nous avons mouillé de l’autre côté de la baie d'Amatique et, sachant qu'il faut passer la "barre" de la rivière à marée haute nous n'avons pas trop le choix. L'entrée du Rio Dulce est connue pour cette barre (haut fond) qui complique fortement le passage de la mer à la rivière. Les plus forts tirants d'eau ne peuvent pas passer par leurs propres moyens, ils doivent forcer le passage. Ils attendent les lanchas (barques à moteurs) qui viennent faire gîter le bateau pour réduire leur tirant d'eau. Deux lanchas pour un voilier. Une drisse est tendue depuis la tête de mat du voilier par une lancha qui tire sur le coté. L'autre est devant et fait avancer le bateau penché à 30 ou 40° de la verticale. Ça frotte mais ça passe.


Arrivés à 8h devant Livingston, ville qui marque l'entrée de la rivière, les formalités sont vite faites bien faites. La remontée du fleuve peut commencer. Nous passons une nuit sur le premier lac, "El Golfete" et repartons le lendemain matin. Au passage, nous apercevons un lamantin qui plonge. Des maisons apparaissent sur les berges, tout type d’embarcation se croise sur l’eau, il faut veiller, les pécheurs sèment leurs casiers. Et puis la ville apparaît à l’horizon, le pont, et enfin la petite marina de Gilbert et Yéyé, la casa GYSA. Nous frappons les amarres et posons nos valises pour les 6 mois à venir.

Au ponton de la Casa GYSA 

C'est ainsi que s'achève le Tome 1 de notre voyage. Il nous reste maintenant à inventer la suite.