14/02/2016
5h – Je suis réveillé par les voisins, des jeunes qui doivent prendre le premier car.
5h30 – Le bus prévient qu’il va partir et fait sonner sa corne de brume.
5h45 – Il se met à pleuvoir : musique sur les tôles du toit. Les milliers de coqs du village font concurrence aux oiseaux moins domestiqués.
6h – Douche (froide)
6h30 – Skype
Il ne pleut plus. Je fais un tour du village dont les maisons sont clairsemées. Au centre médical, il y a de l’agitation. Des mères y apportent leurs enfants.
Je démarre le sentier de l’Alto de San Andres qui est juste derrière l’hôtel La Portada. C’est le premier site de ma liste. Il parait qu’on peut démarrer de n’importe quel site. Il s’agit d’une petite grimpette dans les caféiers et les bananiers au son des criquets qui se réveillent. J’arrive avant l’heure d’ouverture. Des abris protègent le site. J’en profite pour contempler le paysage : des montagnes bien érodées à l’horizon, à leur pied des collines cultivées, une rivière qui ravine ces terrains fragiles, car constitués de déjections pulvérulentes à peine consolidées ayant pour origine le volcan voisin : le Nevado de Huila.
L’endroit fut habité au 7ème siècle avant JC par une civilisation précolombienne dont on ne connait pas grand-chose et appelée « culture des tombeaux ». Des puits profonds de parfois plus de dix mètres permettent d’accéder à des salles, creusées en forme de haricot dans ce terrain friable, aux parois enduites et décorées de peintures à formes géométriques, et de reliefs représentant des visages, géométriques aussi. On a trouvé dans ces tombes des vases contenant des restes de corps humains. Ces sépultures, uniques en Amérique de sud, sont au nombre de la centaine, une vingtaine sont visitables grâce au « passeport ». Ce parc archéologique est à l’écart de toutes les grandes routes, et est peu visité.
À 8h, heure d’ouverture des sites du parc, personne ! Je me dis « c’est dimanche, c’est ma chance : c’est jour de congé ». Heureusement, un quart d’heure plus tard un gardien arrive.
Il me demande mon passeport que je n’ai pas, car je croyais que c’était lui qui, selon le guide LP, allait m’en vendre un. Il me dit que je dois en chercher un au centre administratif à 3km en bas dans la vallée. Je lui explique, que j’irai en chercher un, mais étant là autant que je visite les lieux. Il est bourré de scrupules, mais à force de palabres, il finit par m’ouvrir les trappes d’accès aux tombes.
Les marches d’accès sont étroites et ont plus de 50 cm de hauteur. Les dernières marches sont plus amples et ont des formes de parenthèses. Au fond, il fait noir, mais j’ai ma lampe de poche. La salle funéraire fait trois mètres de haut, et le haricot fait dix mètres sur douze, avec deux piliers. Ici les décors géométriques sont noirs et rouges sur fond blanc. C’est assez étonnant.
Quand je remonte, le gardien m’annonce qu’il a téléphoné au centre administratif et que quelqu’un va venir m’apporter le fameux passeport (20 000 COP). Je visite les autres sépultures, qui sont un peu copié/collé de la première, plus ou moins dégradées par le temps.
En attendant que le porteur de passeport arrive, je bavarde avec le gardien. Je lui montre au loin, une série de baraquements accrochés à flanc de montagne. Ce sont les habitations des Indiens Naza qui ont fui la montagne lors d’un violent tremblement de terre et qu’on a regroupé là. Le passeport arrive, il me le poinçonne avec une magnifique pince.
Par un sentier, je vais de l’autre côté de la vallée pour visiter les statues du site El Tablon. Les statues auraient des points communs avec celles du site de San Agustin que je vais visiter demain. En voyant ces statues, je ne peux pas m’empêcher de penser (bien qu’elles n’aient rien à voir) aux statues-menhirs de ma région. Pourtant il y a des points communs : unité de thèmes, unité de posture, unité d’attributs (colliers, etc). Par contre les stylisations n’ont rien à voir.
Bon, c’est histoire de causer…
Je retourne à l’hôtel, récupère la voiture et descends au centre administratif à deux kilomètres en aval du village. Il y a un petit musée ethnologique assez bien fait qui montre les us et coutumes des Naza. Tout est en espagnol, mais j’en saisis les grands traits. À noter que ces gens ont trouvé une plante dont, en écrasant les baies, on obtient un colorant rouge servant à teindre les tissus. À noter aussi une machine en bois complexe pour moudre des plantes, en recueillir le jus, lequel, une fois fermenté, servait de bière…
De là, un sentier monte (une bavante…) au site de Ségovia. Une vaste colline est recouverte d’abris (plus d’une dizaine). Chacun protège deux ou trois sépultures. On y accède pareillement par un puits escalier, et on peut dire que sur ce site, elles sont belles et émouvantes. Pourquoi ces gens ont-ils voulu donner à leurs morts des sépultures bien plus durables que leurs propres habitations dont on n’a aucune trace ?! Et vu leur nombre, et vu que chacune d’elles contenait des dizaines de vases avec des restes humains, on ne peut pas dire que cette attention était en l’honneur de quelque chaman, notable ou prince…
De retour au parc, je visite le musée archéologique (toujours en espagnol…), qui organise et complète toutes les visites accomplies ce matin.
À midi, départ pour San Agustin. Il faut pour cela pendre les pistes pourries qui descendent à La Plata (où je fais le plein), puis trouver la route goudronnée qui va, sur les conseils de la femme pompiste, à Garzon récupérer la Route nationale 45 qui vient du nord. Sur celle-ci, comme pour hier, il y a des contrôles de police, et de l’armée, avec des militaires habillés et armés comme pour la guerre.
J’arrive à 4h à San Agustin, et finalement assez satisfait de l’état des routes. La région fraîche des hauteurs de la Sierra de Huila est bien loin, on est au creux du fleuve de la Magdalena qui prend sa source dans la région, et qui s’écoule sud nord pour s’évider dans la mer des Caraïbes, à Baranquilla. Dans les collines, on cultive aussi les caféiers, mais ici, ils sont en fleurs.
L’entrée dans San Agustin fait curieuse impression : contrairement à San Andres de Pisimbala qui est un hameau dispersé, dans la verdure et les collines, j’entre ici dans une ville animée, agitée, dont la place de l’église sert de point de rassemblement de tous les jeunes à scooter de la région, sert aussi de lieu de rencontre des nouveaux hippies qui ont trouvé ici un nouveau Katmandou, tapant du tambourin, sifflant du pipeau et grattant la guitare, place de l’église qui à cet instant précis où je tente de trouver un hôtel, est l’endroit de départ d’un enterrement dont la cérémonie religieuse vient de se terminer….
Je trouve à hôtel Raices (Kra 13 # 3-36), une chambre avec SdB très correcte : 30 000 COP avec dezayuno. Pas loin, je peux placer la voiture dans un parking pour la nuit pour 5 000 COP.
Je termine la journée en faisant le tour du patelin, en grignotant des cochonneries achetées dans des roulotes.
La soirée est animée par les hippies qui ne peuvent pas décrocher de la place de l’église….
Pour visualiser les accès aux sites de Tierradentro, cliquer sur les liens :
http://fr.wikiloc.com/wikiloc/view.do?id=12279940
http://fr.wikiloc.com/wikiloc/view.do?id=12279952